Vu la requête, enregistrée le 8 octobre 2013, présentée pour la Polynésie française, dont le siège est BP 2551 à Papeete (98713), par Me B... ;
La Polynésie française demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n°1300036 du 11 juin 2013 du Tribunal administratif de Polynésie Française en tant qu'il a déchargé la SAS Socoter des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés ainsi que des pénalités pour manoeuvres frauduleuses et intérêts auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2006 sous le n° 4097 des rôles ;
2°) de remettre à la charge de la SAS Socoter les rappels d'impôt sur les sociétés ainsi que les pénalités y afférentes et de condamner en conséquence la SAS Socoter à payer à la Polynésie française une somme globale de 14 326 200 F CFP ;
3°) de mettre à la charge de la SAS Socoter une somme de 220 000 F CFP soit environ
1 844 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- le tribunal a retenu à tort la prescription du droit de reprise pour l'année 2006 ;
- la remise en cause du crédit d'impôt est fondé en l'absence de réel financement ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 27 mars 2014, présenté pour la SAS Socoter qui conclut au rejet de la requête pour irrecevabilité ;
Elle demande en outre l'annulation du jugement attaqué et qu'il lui soit accordé la décharge des droits, impôts supplémentaires, intérêts, pénalités ou/et sanctions qui lui sont réclamés pour une somme totale de 120 727 898 F CFP par des avis à payer résultant des rôles 4097, 4098 et 4101 du
10 octobre 2011 et toutes sommes en découlant telles que majoration, frais ou intérêts de retard et de condamner la Polynésie française à lui verser la somme de 6 000 euros au titre des frais irrépétibles ;
Elle soutient :
- qu'il n'est pas justifié à la date de l'introduction du recours, soit le 15 octobre 2013, que l'action a été intentée dans le cadre d'une décision du conseil des ministres, et ce en méconnaissance de l'article 91 de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française ; que, par suite, la requête était irrecevable ;
- que la procédure de redressement a été irrégulière en ce que l'auteur de la notification de redressement n'avait pas compétence pour effectuer le redressement ;
- que la procédure de vérification ayant abouti à la décision du 4 novembre 2010 de remettre en cause le bénéficie des crédits d'impôts est irrégulière ;
- que la prescription court à compter de l'année au cours de laquelle l'impôt est dû ;
- que la décision n'est pas fondée en droit ;
- qu'elle est entachée d'une inexactitude matérielle ;
- que la procédure de notification est nulle dès lors que ne figure pas la mention de la possibilité d'un recours hiérarchique dans l'avis de vérification de la SARL POEVA III ;
- que l'avis de la commission des impôts n'est pas motivé ;
Vu enregistré le 18 mai 2015, le mémoire en réplique présenté pour la Polynésie française qui conclut aux mêmes fins que sa requête et par les mêmes moyens ; Elle soutient en outre que :
- sa requête n'est pas tardive par application des dispositions combinées des articles R. 811-4 et R. 421-7 du code de justice administrative ;
- le conseil des ministres a régulièrement délégué au Président de la Polynésie française le pouvoir d'intenter toute action au nom de la Polynésie française, le vice-président assurant son intérim en cas d'absence ou d'empêchement et en son absence ou empêchement, les mêmes pouvoirs sont délégués au ministre de l'éduction, de l'enseignement supérieur, de la jeunesse et des sports chargé de la vie associative ;
- en réponse au moyen d'ordre public, la demande de la SAS Socoter devant le Tribunal administratif ainsi que son appel incident sont irrecevables et à titre subsidiaire que les moyens soulevés ne sont pas fondés ;
Vu, enregistré le 2 juin 2015, le mémoire en défense présenté pour la SAS Socoter, qui conclut aux mêmes fins que son précédent mémoire et par les mêmes moyens ; Elle demande en outre que la Polynésie française soit condamnée à lui verser la somme de 30 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; Elle soutient en outre :
- qu'il résulte de l'ordre des nominations figurant à l'arrêté n° 388 PR du 17 mai 2013 qu'il appartenait au ministre du tourisme de l'écologie de la culture de l'aménagement du territoire et des transports aériens d'être délégataire en cas d'absence ou d'empêchement du vice-président pour décider d'engager l'instance et non au ministre de l'éducation de l'enseignement supérieur de la jeunesse et des sports, chargé de la vie associative lequel est nommé dans l'ordre protocolaire numéro 6, que l'arrêté 390 PR du 17 mai 2013 ne donnait ni au vice président, ni au ministre de l'éducation de l'enseignement supérieur de la jeunesse et des sports, chargé de la vie associative d'intenter une action devant les juridictions administrative ; que l'arrêté 7618/VP du
1er octobre 2013 portant décision d'interjeter appel a été prise par une personne incompétente ;
- qu'il appartient à la Polynésie française de démontrer l'absence ou l'empêchement qu'elle invoque du président de la Polynésie française puis de son vice-président, puis de son ministre du logement ;
Vu, enregistré le 20 juin 2015, reçu par fax, puis par mail les 22 et 23 juin 2015 le mémoire présenté pour la SAS Socoter ;
Vu, enregistré le 22 juin 2015, le mémoire présenté pour la Polynésie française qui conclut aux mêmes fins que sa requête et par les mêmes moyens ; Elle soutient en outre que :
- par courrier n° 5756/PR/DS du 26 septembre 2013 le président de la Polynésie française a chargé le vice-président de constituer avocat pour représenter les intérêts de la Polynésie française et que l'arrêté désignant Me B...a été signé par M. C...D...qui disposait d'une délégation de signature par l'article 11 de l'arrêté n° 3956 VP du 21 mai 2013 ;
- il appartient à la SAS Socoter de justifier que le Président de la Polynésie française n'aurait pas été empêché ;
Vu, en application de l'article R 611-7 du code de justice administrative, le moyen d'ordre public communiqué aux parties tiré d'une part de l'irrecevabilité de l'appel incident de la SAS Socoter, d'autre part de l'irrecevabilité de sa requête devant le TA ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 29 juin 2015, présentée pour la SAS Socoter, par Me A... ;
Vu la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française ;
Vu le code des impôts de la Polynésie française ;
Vu l'arrêté n° 750/CM du 23 mai 2013 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 26 juin 2015 :
- le rapport de Mme Mosser, président assesseur,
- les conclusions de M. Boissy, rapporteur public,
- et les observations de MeA..., pour la SAS Socoter ;
Sur la fin de non-recevoir opposée en défense :
1. Considérant qu'aux termes de l'article 72-1 de la loi organique n° 2004-192 du
27 février 2004 : " En cas d'absence ou d'empêchement du président de la Polynésie française, son intérim est assuré par le vice-président nommé dans les conditions prévues à l'article 73 ou, si celui-ci est lui-même absent ou empêché, par un ministre dans l'ordre de nomination des ministres " ; qu'aux termes de l'article 73 de la même loi : " Dans le délai de cinq jours suivant son élection, le président de la Polynésie française notifie au haut-commissaire et au président de l'assemblée de la Polynésie française l'arrêté par lequel il nomme un vice-président, chargé d'assurer son intérim en cas d'absence ou d'empêchement, et les ministres, avec indication pour chacun d'eux des fonctions dont ils sont chargés (...).Les attributions du vice-président et de chacun des ministres sont définies par arrêté du président de la Polynésie française (...) " ; qu'aux termes de l'article 92 de cette même loi : " Le conseil des ministres peut déléguer à son président ou au ministre détenant les attributions correspondantes le pouvoir de prendre des décisions dans les domaines suivants : (...)/3° Actions à intenter ou à soutenir au nom de la Polynésie française et transactions sur les litiges (...) " ; qu'aux termes de l'article 3 de l'arrêté n° 750/CM du 23 mai 2013, sans sa rédaction applicable à la date de l'appel : "En application des dispositions de l'article 92-3° de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française, le conseil des ministres délègue en matière de procédure contentieuse : au Président de la Polynésie française, le pouvoir d'intenter ou de soutenir toute action au nom de la Polynésie française devant les juridictions de l'ordre administratif (...) " ; qu'en application de ces dispositions combinées, il appartient au président de la Polynésie française, ou, en cas d'absence et d'empêchement, à son vice-président, ou, si celui-ci est lui-même absent ou empêché, à un ministre dans l'ordre de nomination des ministres, d'intenter ou de soutenir, en particulier, " toute action au nom de la Polynésie française devant les juridictions de l'ordre administratif " ;
2. Considérant, d'une part, qu'il résulte de ce qui précède, et notamment de l'article 3 de l'arrêté précité du 23 mai 2013 pris en application de l'article 92 de la loi organique portant statut d'autonomie de la Polynésie française, que la société Socoter n'est pas fondée à soutenir que c'est en méconnaissance de l'article 91 de loi organique du 27 février 2004, qu'il n'a pas été justifié que l'action engagée par la Polynésie française devant la Cour ait été intentée dans le cadre d'une décision du conseil des ministres ; que, d'autre part, il résulte de l'instruction que l'arrêté du
1er octobre 2013 désignant Me B...pour interjeter appel du jugement du 11 juin 2013 émane du vice-président de la Polynésie française alors même qu'il a été signé par le ministre de l'enseignement supérieur, de la jeunesse et des sports, chargé de la vie associative ; que la SAS Socoter n'apporte aucun élément de nature à établir, et il ne ressort pas d'avantage de l'instruction, que le président de la Polynésie française n'aurait pas été absent ou empêché ; qu'il résulte ainsi du point 1, que la SAS Socoter n'est pas fondée à soutenir que la décision d'interjeter appel a été prise par une personne incompétente ; qu'au surplus, la requête d'appel a été introduite par la Polynésie française, représentée par son Président ; que la fin de non-recevoir opposée en défense pour défaut de qualité pour introduire l'appel ne peut qu'être écartée ;
Sur l'appel principal :
3. Considérant qu'aux termes de l'article 611-2 du code des impôts : " Le contribuable qui désire contester tout ou partie d'un impôt qui le concerne doit d'abord adresser une réclamation au Président de la Polynésie française. (...) " ;
4. Considérant qu'à la suite de la vérification du dossier fiscal de la SAS Socoter, l'administration a remis en cause le crédit d'impôt accordé à cette société à hauteur de
87 000 000 F CFP, dont 60 342 680 F CFP déjà imputés au titre d'exercices précédents, dans le cadre de l'opération de construction de l'hôtel Sara Nui réalisé par la société Poeva III ; que le tribunal ayant rejeté par jugement du 11 décembre 2012 sa demande en décharge contestant le rejet par l'administration de sa réclamation contentieuse du 25 septembre 2011, la SAS Socoter a présenté le 25 janvier 2013, et non le 24 janvier 2013, ainsi qu'il résulte de la copie produite en première instance, une seconde réclamation contentieuse contestant les impositions supplémentaires à l'impôt sur les sociétés qui lui ont été assignées à raison de la reprise du crédit d'impôt, d'un montant de 120 727 898 F CFP, laquelle a été reçue par l'administration fiscale le 28 janvier 2013 ; que si cette seconde réclamation a bien été introduite dans le délai de deux ans de l'émission des rôles comme l'autorise l'article LP 611-3 du code des impôts, elle n'a toutefois été introduite que postérieurement à l'enregistrement de la demande devant le tribunal administratif, le
24 janvier 2013 ; que, par suite, la demande de la SAS Socoter n'a pas été précédée d'un recours contentieux préalable obligatoire tel que prévu par les dispositions citées au point qui précède ; que, par suite, la demande de la SAS Socoter devant le tribunal administratif de Polynésie française était irrecevable ;
5. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la Polynésie française est fondée à se plaindre que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Polynésie française a accordé à la SAS Socoter la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés ainsi que des pénalités pour manoeuvres frauduleuses et intérêts auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2006 sous le n° 4097 des rôles du 10 octobre 2011 ; qu'il y a lieu par suite de remettre à la charge de la SAS Socoter la somme de 14 326 200 F CFP ;
Sur l'appel incident :
6. Considérant qu'il résulte du point 3 que la demande présentée par la SAS Socoter devant le Tribunal administratif de Polynésie française était irrecevable ; que par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner les moyens soulevés, ses conclusions d'appel incident présentées en appel, au surplus portant sur un litige distinct en ce que les conclusions sont relatives à des impositions établies au titre d'années autres que celles concernées par le recours principal, ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative :
7. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de la SAS Socoter une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par la Polynésie française et non compris dans les dépens ;
8. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la Polynésie française et qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à la SAS Socoter la somme qu'elle réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : L'article 1er du jugement du Tribunal administratif de Polynésie Française en date du
11 juin 2013 est annulé.
Article 2 : Les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés ainsi que les pénalités pour manoeuvres frauduleuses et intérêts auxquelles la SAS Socoter a été assujettie au titre de l'année 2006 sous le n° 4097 des rôles du 10 octobre 2011 sont remises à sa charge.
Article 3 : Les conclusions d'appel incident de la SAS Socoter sont rejetées.
Article 4 : la SAS Socoter versera à la Polynésie française une somme de 1 000 euros au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la Polynésie française et à la SAS Socoter.
Copie en sera adressée au haut-commissaire de la République en Polynésie française
Délibéré après l'audience du 26 juin 2015, où siégeaient :
Mme Driencourt, président de chambre,
Mme Mosser, président assesseur,
M. Cheylan, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 10 juillet 2015.
Le rapporteur,
G. MOSSERLe président,
L. DRIENCOURT
Le greffier,
F. DUBUY
La République mande et ordonne au haut-commissaire de la République en Polynésie française en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 13PA03709