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02/07/2015 | FRANCE | N°14PA04601

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3 ème chambre, 02 juillet 2015, 14PA04601


Vu la requête, enregistrée le 14 novembre 2014, présentée pour M. C... B..., demeurant..., par Me de Gerando ; M. B... demande à la Cour :

1°) avant-dire droit, de saisir la Cour de justice de l'Union européenne à l'effet qu'elle statue, à titre de question préjudicielle sur l'interprétation de la jurisprudence communautaire relative à l'application du principe de confiance légitime à tout opérateur économique et notamment à un profane en la matière ;

2°) d'annuler le jugement n° 1314874/2-1 du 16 septembre 2014 par lequel le Tribunal administratif de Paris a

rejeté sa demande tendant notamment à l'annulation de la décision en date du 2 ...

Vu la requête, enregistrée le 14 novembre 2014, présentée pour M. C... B..., demeurant..., par Me de Gerando ; M. B... demande à la Cour :

1°) avant-dire droit, de saisir la Cour de justice de l'Union européenne à l'effet qu'elle statue, à titre de question préjudicielle sur l'interprétation de la jurisprudence communautaire relative à l'application du principe de confiance légitime à tout opérateur économique et notamment à un profane en la matière ;

2°) d'annuler le jugement n° 1314874/2-1 du 16 septembre 2014 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant notamment à l'annulation de la décision en date du 2 octobre 2013 par laquelle la société Electricité de France (EDF) l'a informé que l'installation de production photovoltaïque située sur le territoire de la commune de Labets-Biscay ne pouvait plus bénéficier d'une obligation d'achat d'électricité, en application du décret n° 2010-510 du 9 décembre 2010, et a refusé de conclure un contrat d'obligation d'achat selon les conditions tarifaires fixées par l'arrêté du 10 juillet 2006 ;

3°) d'annuler, pour excès de pouvoir, ladite décision ;

4°) d'enjoindre à la société EDF de conclure un contrat d'obligation d'achat selon les conditions tarifaires de l'arrêté du 10 juillet 2006, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

5°) d'enjoindre à la société EDF de procéder à la régularisation de sa situation au titre du paiement de la production injectée sur le réseau public de distribution d'électricité depuis la mise en service de son installation sur la base du tarif précité ;

6°) de mettre à la charge d'EDF une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens ;

Il soutient que :

- la Cour devra demander à la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) si sa jurisprudence qui écarte du droit de se prévaloir du principe de confiance légitime un opérateur économique prudent et avisé doit s'interpréter en ce sens que tout opérateur, fût-il profane en la matière, est en mesure de prévoir l'adoption de la mesure affectant ses intérêts ;

- le tribunal a omis de statuer sur le moyen tiré de l'attitude déloyale d'EDF ; EDF a de façon générale une attitude recouvrant des pratiques déloyales, notamment vis-à-vis des petits producteurs ; qu'il n'a pas été en mesure de mettre en service son installation dès lors que les travaux de raccordement d'ERDF n'avaient pas commencé ; que d'ailleurs, l'arrêté du 4 mars 2011 ne sanctionne désormais plus le dépassement des délais de mise en service de l'installation par la perte du bénéfice de l'obligation d'achat, mais seulement par l'imputation de la période de dépassement sur la durée du contrat d'obligation d'achat ;

- l'article 4 du décret du 9 décembre 2010, inapplicable aux opérateurs économiques profanes, est entaché d'illégalité dès lors qu'il méconnait les principes de non rétroactivité des actes réglementaires, de sécurité juridique et de confiance légitime ;

- les dispositions de cet article doivent être interprétées de telle façon qu'il doit être admis que le retard dans les travaux de raccordement a eu un impact non seulement sur la mise en service de l'installation mais également sur son achèvement, sauf à méconnaître le principe d'égalité ;

- le délai de mise en service de son installation a été interrompu du fait d'une irrégularité commise par la société ERDF dans la procédure de raccordement qui constitue un fait de l'administration assimilable à un cas de force majeure ;

Vu le jugement et la décision attaqués ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 25 février 2015, présenté pour la société Electricité de France, par Mes Guillaume et Coudray, qui conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de M. B...la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- la demande de question préjudicielle n'est ni pertinente ni utile ;

- l'omission à statuer sur un moyen est sans influence sur la régularité du jugement lorsque ce moyen est lui-même inopérant, comme en l'espèce ;

- le Conseil d'Etat a déjà écarté les critiques formulées à l'encontre du décret du 9 décembre 2010 ;

- le requérant n'a pas mis son installation en service avant l'expiration du délai imposé soit, compte tenu de la date d'acceptation du raccordement, au plus tard le 14 janvier 2012 ; il ne pouvait donc bénéficier du régime dérogatoire de prolongation prévu par le 2ème alinéa de l'article 4 du décret du 9 décembre 2010 qui doit être d'interprétation stricte ;

- le requérant n'est pas fondé à se prévaloir d'une interruption de ce délai ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'énergie ;

Vu la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité ;

Vu le décret n° 2000-1196 du 6 décembre 2000 fixant par catégorie d'installations les limites de puissance des installations pouvant bénéficier de l'obligation d'achat d'électricité ;

Vu le décret n° 2010-1510 du 9 décembre 2010 suspendant l'obligation d'achat de l'électricité produite par certaines installations utilisant l'énergie radiative du soleil ;

Vu l'arrêté du 10 juillet 2006 fixant les conditions de rachat de l'électricité produite par les installations utilisant l'énergie radiative du soleil telles que visées au 3° de l'article 2 du décret n° 2000-1196 du 6 décembre 2000 ;

Vu l'arrêté du 4 mars 2011 portant abrogation de l'arrêté du 31 août 2010 fixant les conditions d'achat de l'électricité produite par les installations utilisant l'énergie radiative du soleil telles que visées au 3° de l'article 2 du décret n° 2000-1196 du 6 décembre 2000 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 juin 2015 :

- le rapport de M. Polizzi, président assesseur,

- les conclusions de M. Roussel, rapporteur public,

- et les observations de Me de Gerando, avocat de M. B...et de Me Coudray, avocat de la société EDF ;

1. Considérant que M. B... demande à la Cour d'annuler le jugement du 16 septembre 2014 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant notamment à l'annulation de la décision en date du 2 octobre 2013 par laquelle la société Electricité de France (EDF) l'a informé que l'installation de production photovoltaïque située sur le territoire de la commune de Labets-Biscay ne pouvait plus bénéficier d'une obligation d'achat d'électricité, en application du décret du 9 décembre 2010, et a refusé de conclure un contrat d'obligation d'achat selon les conditions tarifaires fixées par l'arrêté du 10 juillet 2006 et d'annuler la décision du 2 octobre 2013 ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant que M. B...soutient que le tribunal a omis de statuer sur le moyen tiré de la mauvaise foi ou de l'attitude déloyale d'EDF ; que, toutefois, le comportement général d'EDF est sans influence sur la légalité de la décision litigieuse ; que, par suite, la circonstance que le tribunal n'ait pas répondu à ce moyen inopérant, d'ailleurs présenté " à titre liminaire " comme élément de " contexte ", est sans influence sur la régularité du jugement ;

Sur le fond :

3. Considérant qu'aux termes de l'article 10 de la loi du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité, aujourd'hui repris à l'article L. 314-1 du code de l'énergie : " Sous réserve de la nécessité de préserver le bon fonctionnement des réseaux, Electricité de France et, dans le cadre de leur objet légal et dès lors que les installations de production sont raccordées aux réseaux publics de distribution qu'ils exploitent, les distributeurs non nationalisés mentionnés à l'article 23 de la loi n° 46-628 du 8 avril 1946 précitée sont tenus de conclure, si les producteurs intéressés en font la demande, un contrat pour l'achat de l'électricité produite sur le territoire national par : / (...) / 2° Les installations de production d'électricité qui utilisent des énergies renouvelables (...). Un décret en Conseil d'Etat fixe les limites de puissance installée des installations de production qui peuvent bénéficier de l'obligation d'achat " ; qu'aux termes du quatorzième alinéa du même article, aujourd'hui repris à l'article L. 314-6 du code de l'énergie : " Sous réserve du maintien des contrats en cours (...), l'obligation de conclure un contrat d'achat prévu au présent article peut être partiellement ou totalement suspendue par décret, pour une durée qui ne peut excéder dix ans, si cette obligation ne répond plus aux objectifs de la programmation pluriannuelle des investissements " ; qu'aux termes de l'article 1er du décret du 9 décembre 2010 : " L'obligation de conclure un contrat d'achat de l'électricité produite par les installations mentionnées au 3° de l'article 2 du décret du 6 décembre 2000 susvisé est suspendue pour une durée de trois mois courant à compter de l'entrée en vigueur du présent décret. Aucune nouvelle demande ne peut être déposée durant la période de suspension. " ; qu'aux termes de l'article 3 du même décret : " Les dispositions de l'article 1er ne s'appliquent pas aux installations de production d'électricité issue de l'énergie radiative du soleil dont le producteur a notifié au gestionnaire de réseau, avant le 2 décembre 2010, son acceptation de la proposition technique et financière de raccordement au réseau " ; que l'article 4 du même décret précise, toutefois, que " le bénéfice de l'obligation d'achat au titre de l'article 3 est subordonné à la mise en service de l'installation dans un délai de dix-huit mois à compter de la notification de l'acceptation de la proposition technique et financière de raccordement au réseau ou, lorsque cette notification est antérieure de plus de neuf mois à la date d'entrée en vigueur du présent décret, à la mise en service de l'installation dans les neuf mois suivant cette date. / Les délais mentionnés au premier alinéa sont prolongés lorsque la mise en service de l'installation est retardée du fait des délais nécessaires à la réalisation des travaux de raccordement et à condition que l'installation ait été achevée dans les délais prévus au premier alinéa. La mise en service de l'installation doit, dans tous les cas, intervenir au plus tard deux mois après la fin des travaux de raccordement. / La date de mise en service de l'installation correspond à la date de mise en service de son raccordement au réseau " ; que l'article 5 du même décret ajoute que : " A l'issue de la période de suspension mentionnée à l'article 1er, les demandes suspendues devront faire l'objet d'une nouvelle demande complète de raccordement au réseau pour bénéficier d'un contrat d'obligation d'achat " ; qu'enfin, aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 4 mars 2011 : " L'arrêté du 31 août 2010 fixant les conditions d'achat de l'électricité produite par les installations utilisant l'énergie radiative du soleil telles que visées au 3 de l'article 2 du décret n° 2000-1196 du 6 décembre 2000 est abrogé. Toutefois (...) peuvent bénéficier des conditions d'achat telles qu'elles résultaient des dispositions de l'arrêté du 31 août 2010 précité les installations de production d'électricité issue de l'énergie radiative du soleil entrant dans le champ d'application des articles 3 et 4 du décret du 9 décembre 2010 susvisé " ;

4. Considérant qu'il est constant que M. B...a notifié à la société Electricité Réseau Distribution France (ERDF), son acceptation de la proposition technique et financière, le 15 juillet 2010, soit antérieurement à la date fixée par l'article 3 du décret du 9 décembre 2010 ; que, toutefois, il est également constant que son installation n'a été achevée que le 30 mai 2013 et mise en service le 20 juin 2013, soit postérieurement au délai de dix-huit mois à compter de cette acceptation, fixé par l'article 4 du même décret ;

5. Considérant, en premier lieu, que M. B... se prévaut, par voie d'exception, de l'illégalité du décret du 9 décembre 2010 ; que, toutefois, ainsi que l'a jugé le tribunal, d'une part, ce décret n'a pas méconnu le principe de non-rétroactivité des actes administratifs dès lors que les producteurs à l'égard desquels l'obligation de conclure un contrat d'achat d'électricité a été suspendue ne peuvent être regardés comme étant déjà liés à la société EDF par un contrat ou placés dans une situation juridiquement constituée avant la signature d'un tel contrat ; que, d'autre part, il ne méconnaît davantage ni le principe de sécurité juridique au regard de l'intérêt général qui s'attachait à redéfinir les conditions d'achat de l'électricité issue de l'énergie radiative du soleil et des effets limités dans le temps de la mesure de suspension prononcée, ni le principe de confiance légitime dès lors que les délais auxquels le bénéfice des dispositions transitoires a été subordonné peuvent être regardés comme raisonnables pour permettre aux producteurs concernés qui n'avaient pas encore conclu de contrat avec EDF de mettre en service ou au moins d'achever leur installation et qu'un opérateur normalement prudent et avisé était en mesure de prévoir la suspension provisoire de l'obligation d'achat et la remise en cause des tarifs ; que M. B... ne peut utilement faire valoir que ce décret ne saurait s'appliquer pas à un opérateur économique qui, tel que lui, était profane en la matière ; qu'en tout état de cause, il ressort des pièces du dossier qu'il bénéficiait de l'assistance d'un professionnel du secteur de la production d'électricité ; que, par suite, sans qu'il soit besoin de poser une question préjudicielle à la Cour de justice de l'Union européenne, dont les lignes générales de la jurisprudence en matière de principe de confiance légitime sont établies, le moyen doit être écarté ;

6. Considérant, en deuxième lieu, que, dans l'hypothèse où le gestionnaire de réseau a, en méconnaissance des dispositions de l'article 3 du décret du 9 décembre 2010, décidé de sortir un projet de la file d'attente de raccordement alors qu'il entrait dans le champ d'application des dispositions de cet article, cette circonstance ne saurait ouvrir droit au bénéfice de l'obligation d'achat lorsque la condition d'achèvement de l'installation dans le délai de dix-huit mois n'a pas été satisfaite ; que, par suite, le moyen doit être écarté ;

7. Considérant, enfin, que M. B... n'est pas fondé à soutenir que les principes de sécurité juridique et de confiance légitime impliquaient que le décret définisse plus précisément les causes de prorogation du délai d'achèvement de l'installation ; qu'en effet, comme l'a jugé le tribunal, le décret a pris le soin de prévoir que le délai de mise en service de l'installation pouvait être prorogé en raison d'aléas tenant à la réalisation des travaux de raccordement et qu'en conséquence il a pu ne pas prévoir une prorogation du délai d'achèvement de l'installation dont les aléas n'étaient pas supposés dépendre de contraintes liées à la gestion du réseau public de distribution d'électricité ; que la circonstance que le tribunal ait fait référence à l'absence de suspension du délai d'achèvement alors que M. B... évoquait son interruption est sans influence ; que les principes d'égalité de traitement et de " droit à l'effectivité de la décision du CoRDIS " n'étaient évoqués par le requérant qu'à l'appui de son argumentaire sur l'interprétation du décret ;

8. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision du 7 octobre 2013 ; que, par suite, ses conclusions à fins d'injonction doivent aussi être rejetées ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et sur les dépens :

9. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge d'EDF, qui n'est pas la partie perdante, une somme au titre de ces dispositions ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions d'EDF présentées sur leur fondement ; que les conclusions tendant à la condamnation d'EDF aux entiers dépens ne peuvent qu'être rejetées, aucun frais n'ayant été exposé à ce titre ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la société EDF sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B...et à la société Electricité de France.

Délibéré après l'audience du 18 juin 2015, à laquelle siégeaient :

- M. Bouleau, premier vice-président,

- M. Polizzi, président assesseur,

- Mme Chavrier, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 2 juillet 2015.

Le rapporteur,

F. POLIZZILe président,

M. BOULEAU

Le greffier,

M. A...

La République mande et ordonne au ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 10PA03855

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N° 14PA04601


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3 ème chambre
Numéro d'arrêt : 14PA04601
Date de la décision : 02/07/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. BOULEAU
Rapporteur ?: M. Francis POLIZZI
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL
Avocat(s) : SCP BAKER et MACKENZIE

Origine de la décision
Date de l'import : 23/09/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2015-07-02;14pa04601 ?
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