Vu la requête, enregistrée le 28 août 2013, présentée pour la société civile immobilière (SCI) Ariitaua, dont le siège social est PK 5,5 BP 4003 à Arue (98700), Tahiti, Polynésie française, représentée par son gérant en exercice, M. B...A..., par Me Vergier, avocat ; la société civile immobilière Ariitaua demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1200638 du 19 mars 2013 par lequel le Tribunal administratif de la Polynésie Française, à la demande de la Polynésie française agissant en qualité d'autorité chargée des poursuites, a condamné la SCI Ariitaua et l'entreprise Teraiharoa à payer à la Polynésie française, d'une part, une amende d'un montant de 175 000 (cent soixante - quinze mille) francs CFP au titre d'une contravention de grande voirie relevée à l'encontre de ces deux sociétés et, d'autre part, une indemnité d'un montant de 8 166 085 F (huit millions cent soixante-six mille quatre - vingt cinq) francs CFP au titre de la remise en état des lieux ;
2°) de condamner la Polynésie française à lui verser une somme de 330 000 F CFP au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
La société civile immobilière Ariitaua soutient :
- que les auteurs du procès-verbal n'ont pas procédé à une enquête contradictoire mais ont limité leurs considérations aux seules affirmations de personnes n'étant même pas riveraines du lieu de la prétendue contravention et n'ont pas entendu les véritables riverains, dont elle, qui, eux, ayant connaissance du changement naturel du lit de la rivière, auraient pu mettre ainsi le tribunal en état d'exercer son contrôle sur la matérialité des faits reprochés, ce qui n'est pas le cas en l'espèce ;
- que l'assermentation des agents n'a pas été établie, la Polynésie française ayant produit uniquement leur arrêté de commissionnement ;
- que la matérialité de l'infraction n'est pas établie, les travaux réalisés par la société civile immobilière Ariitaua n'ayant concerné que l'ancien lit de la rivière qui s'est déplacé de manière naturelle depuis plusieurs années et est donc sorti du domaine public ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 19 mars 2014, présenté par le gouvernement de la Polynésie francaise, qui conclut au rejet de la requête, faisant valoir qu'aucun des moyens invoqués n'est fondé ;
Vu le mémoire de production d'une pièce complémentaire, enregistré le 9 juin 2015, présenté pour la SCI Ariitaua, par Me C...Vergier, avocat ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le procès-verbal de contravention n° 803/GEG/CP du 4 juillet 2012 et sa
notification ;
Vu la délibération n° 2004-34 APF du 12 février 2004 portant composition et administration du domaine public en Polynésie française ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 11 juin 2015 :
- le rapport de M. Romnicianu, premier conseiller,
- et les conclusions de Mme Bonneau-Mathelot, rapporteur public ;
1. Considérant que la société civile immobilière Ariitaua relève appel du jugement du 19 mars 2013 par lequel le Tribunal administratif de la Polynésie Française l'a condamnée, ensemble avec l'entreprise Teraiharoa, à payer à la Polynésie française, d'une part, une amende d'un montant de 175 000 (cent soixante - quinze mille) francs CFP au titre d'une contravention de grande voirie relevée à l'encontre de ces deux sociétés pour atteint au domaine public fluvial et, d'autre part, une indemnité d'un montant de 8 166 085 F (huit millions cent soixante-six mille quatre - vingt cinq) francs CFP au titre de la remise en état des lieux ;
2. Considérant, en premier lieu, qu'aucune disposition n'impose que le procès-verbal constatant une contravention de grande voirie soit établi contradictoirement ; que le
procès-verbal dressé contre la société requérante n'est donc pas entaché d'irrégularité faute d'avoir été établi en sa présence ;
3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 27 de la délibération du
12 février 2004 susvisée : " Les infractions à la réglementation en matière de domaine public sont constatées par les agents assermentés des administrations et établissements en charge de la gestion et de la conservation du domaine public ou par les agents de la force publique. Ces infractions constituent des contraventions de grande voirie et donnent lieu à poursuite devant le tribunal administratif, hormis le cas des infractions à la police de la conservation du domaine public routier qui relèvent des juridictions judiciaires. Les contrevenants pourront être punis des peines d'amende ou des peines privatives ou restrictives de droit, telles que définies dans le code pénal pour les contraventions de la cinquième classe. En cas de récidive, le montant maximum de l'amende pourra être doublé. En outre, l'auteur d'une contravention de grande voirie pourra être tenu de réparer le dommage causé, au besoin sous astreinte. " ;
4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que les deux agents qui ont dressé le procès-verbal susvisé du 4 juillet 2012 ont été " commissionnés " par le président de la Polynésie française " aux fins de constater les infractions à la réglementation sur le domaine public routier, maritime et fluvial et à la règlementation des extractions de matériaux en Polynésie française " ; qu'en outre, contrairement à ce qui est soutenu, ces deux agents ont dûment prêté serment devant le tribunal civil de première instance de Papeete (ile de Tahiti) ;
5. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 2 de la délibération
n° 2004-34 APF du 12 février 2004 de l'assemblée de Polynésie française portant composition et administration du domaine public en Polynésie française : " Le domaine public naturel comprend : (...) le domaine public fluvial qui se compose de l'ensemble des cours d'eau, avec leurs dépendances, des lacs, de toutes les eaux souterraines et sources (...) " ; qu'aux termes de l'article 4 de cette délibération : " La délimitation du domaine public revêt trois formes : [...] - la délimitation du domaine public fluvial est déterminée par le tracé des berges recouvertes par les eaux coulant à pleins bords avant de déborder. Lorsqu'un cours d'eau change de lit, son nouveau lit s'incorpore au domaine public fluvial, le lit abandonné sort du domaine public fluvial et peut être transféré au profit des propriétaires des fonds riverains par décision de l'autorité compétente. " ; qu'aux termes de l'article 6 de la même délibération : " Nul ne peut sans autorisation préalable, délivrée par l'autorité compétente, effectuer aucun remblaiement, travaux, extraction, installation et aménagement quelconque sur le domaine public, occuper une dépendance dudit domaine ou l'utiliser dans les limites excédant le droit d'usage qui appartient à tous ..." ;
6. Considérant que, en application des dispositions précitées de la délibération du
12 février 2004, la Polynésie française a déféré devant le Tribunal administratif de la Polynésie française, comme prévenues d'une contravention de grande voirie, la SCI Ariitaua et l'entreprise Teraiharoa, à qui il est reproché d'avoir effectué, sans autorisation administrative, des travaux de déviation du cours d'eau " Pipine ", sur le territoire de la commune de Arue, vers la rive droite en pied de montagne, sur une longueur de 300 m, des travaux de remblaiement du lit du cours d'eau ainsi deplacé et des travaux d'extraction de cailloux d'un volume de 900 m3, sur le domaine public fluvial, au PK 5.5, côté montagne ;
7. Considérant que les mentions du procès-verbal sont suffisamment précises et résultent des constatations effectuées sur les lieux par les agents qui l'ont dressé ; que ni les allégations de la société requérante, selon lesquelles, antérieurement aux travaux qu'elle a entrepris, la Pipine aurait naturellement modifié son cours et qu'ainsi lesdits travaux ne concerneraient que l'ancien lit de la rivière n'appartenant plus au domaine public fluvial, ni les photographies produites à l'appui de ces allégations, ne sauraient suffire, à elles seules, à remettre en cause les constatations effectuées sur les lieux énoncées par le procès-verbal susvisé ; que, par suite, la matérialité de l'infraction doit être regardée comme établie ;
8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société civile immobilière Ariitaua n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de la Polynésie Française l'a condamnée, ensemble avec l'entreprise Teraiharoa, à payer à la Polynésie française, d'une part, une amende d'un montant de 175 000 (cent soixante - quinze mille) francs CFP au titre d'une contravention de grande voirie relevée à l'encontre de ces deux sociétés et, d'autre part, une indemnité d'un montant de 8 166 085 F (huit millions cent soixante-six mille quatre - vingt cinq) francs CFP au titre de la remise en état des lieux ; que, par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société civile immobilière Ariitaua est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société civile immobilière Ariitaua et au gouvernement de la Polynésie française.
Copie en sera adressée à M. le Haut-Commissaire de la République en Polynésie française.
Délibéré après l'audience du 11 juin 2015 à laquelle siégeaient :
Mme Terrasse, président assesseur,
M. Romnicianu, premier conseiller,
M. Goues, premier conseiller,
Lu en audience publique le 26 juin 2015.
Le rapporteur,
M. ROMNICIANULe président,
M. TERRASSE
Le greffier,
E. CLEMENT
La République mande et ordonne au ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie et Haut-Commissaire de la République en Polynésie française en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 11PA00434
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N° 13PA03417