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11/06/2015 | FRANCE | N°14PA00119

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 11 juin 2015, 14PA00119


Vu la requête, enregistrée le 13 janvier 2014, présentée pour Mme F... C..., demeurant..., Mme G... A..., demeurant..., M. H... A..., demeurant..., M. E... A..., demeurant..., par la SCP Moyse et associés ; Mme C... et autres demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1211716/7-2 du 23 décembre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande tendant à l'annulation des décisions identiques des 20 et 28 juin 2012 par lesquelles la ville de Paris a, d'une part, déclaré irrégulière l'utilisation à usage professionnel de l'appartement situé

au 2ème étage face dans l'immeuble du 10 rue de la Neva à Paris 8ème et...

Vu la requête, enregistrée le 13 janvier 2014, présentée pour Mme F... C..., demeurant..., Mme G... A..., demeurant..., M. H... A..., demeurant..., M. E... A..., demeurant..., par la SCP Moyse et associés ; Mme C... et autres demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1211716/7-2 du 23 décembre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande tendant à l'annulation des décisions identiques des 20 et 28 juin 2012 par lesquelles la ville de Paris a, d'une part, déclaré irrégulière l'utilisation à usage professionnel de l'appartement situé au 2ème étage face dans l'immeuble du 10 rue de la Neva à Paris 8ème et, d'autre part, demandé la régularisation de la situation ;

2°) d'annuler ces deux décisions ;

3°) de mettre à la charge de la ville de Paris le versement d'une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice ;

Ils soutiennent que :

- l'article 39 de la loi du 31 décembre 1971 écartant l'application de l'article 340 du code de l'urbanisme visait non des propriétaires ou locataires d'appartement mais les avocats dans leur ensemble et donc ne concerne pas une personne dénommée ce qui ne peut que conférer un caractère réel à l'autorisation de changement de destination de l'appartement ;

- la préfecture de Paris, alors compétente, a confirmé par une décision définitive en date du 2 octobre 1981 le changement d'affectation de l'appartement et le maire de Paris ne peut la remettre en cause ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 20 novembre 2014, présenté pour la ville de Paris par MeB... qui conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge des requérants le versement d'une somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administratif en faisant valoir que :

- les lettres de 20 et 28 juin 2012 ne font pas grief dès lors qu'elles ne modifient pas l'ordonnancement juridique mais se bornent à demander le dépôt d'un dossier aux fins d'engagement d'une procédure de régularisation ;

- le principe est le caractère personnel de l'autorisation, le caractère réel n'étant reconnu qu'à l'égard des autorisations de changement d'affectation subordonnées à une compensation effective et, ce à compter du 1er avril 2009 seulement ;

- l'article 39 de la loi du 31 décembre 1971 a pour objet, pendant un délai de cinq ans, d'exclure les avocats qui se regroupent du champ de l'interdiction de changement d'affectation mais ne modifie en rien la nature de l'autorisation;

- au décès de Me A...l'autorisation est devenue caduque et la poursuite de l'usage professionnel était subordonnée à la délivrance d'une autorisation ;

- la lettre de la préfecture de Paris du 2 octobre 1981 ne constitue pas une décision d'autorisation de changement d'affectation ayant un caractère définitif ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la construction et de l'habitation ;

Vu la loi n° 48-1360 du 1er septembre 1948 modifiée ;

Vu la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques ;

Vu la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 28 mai 2015 :

- le rapport de Mme Terrasse, président assesseur,

- les conclusions de Mme Bonneau-Mathelot, rapporteur public,

- et les observations de MeD..., pour la ville de Paris,

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

1. Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article 340 de l'ancien code de l'urbanisme et de l'habitation, applicable jusqu'à l'entrée en vigueur des dispositions équivalentes du code de la construction et de l'habitation édicté par décret n° 78-621 publié le 8 juin 1978 : " Dans les communes visées à l'article 10-7 de la loi n° 48-1360 du 1er septembre 1948 : 1°) Les locaux à usage d'habitation ne peuvent être, ni affectés à un autre usage, ni transformés en meublés, hôtels, pensions de famille ou autres établissements similaires (...). / 2°) Les locaux à usage professionnel ou administratif ainsi que les meublés, hôtels, pensions de famille ou établissements similaires ne peuvent, s'ils ne conservent pas leur destination primitive, être affectés à un usage autre que l'habitation (...). / Il ne peut être dérogé à ces interdictions que par autorisation préalable et motivée du préfet, après avis du maire et du directeur départemental de la construction. / Le préfet peut autoriser l'exercice, sous certaines conditions, dans une partie d'un local d'habitation, d'une profession qui ne puisse à aucun moment revêtir un caractère commercial si ce local constitue en même temps la résidence du demandeur. / Sont nuls, de plein droit, tous accords ou conventions conclus en violation du présent article. (...) " ; que ces dispositions ont été reprises à l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation ; que la loi du 23 décembre 1986 a complété cet article en y ajoutant les dispositions suivantes : " Ces dérogations et autorisations sont accordées à titre personnel. (...) / La dérogation et l'autorisation cessent de produire effet lorsqu'il est mis fin, à titre définitif, pour quelque raison que ce soit, à l'exercice professionnel du bénéficiaire. " ; que, par ailleurs, l'article 39 de la loi du 31 décembre 1971 susvisée a prévu que : " Pendant un délai de cinq ans, les dispositions de l'article 340 du Code de l'urbanisme ne seront pas applicables aux avocats qui se groupent pour satisfaire aux voeux de la loi. " ; que Me A...a informé la préfecture de Paris, qui en a pris explicitement acte le 13 janvier 1977, de sa décision, en application de ces dernières dispositions, de modifier l'affectation de l'appartement sis au 2ème étage 10 rue de la Néva à paris (8ème) dont il était propriétaire et où il exerçait jusque là individuellement son activité professionnelle dans deux pièces, et de consacrer l'ensemble de la surface de ses sept pièces aux activités d'un cabinet d'avocats groupés ; qu'en 1981 M.A..., en qualité de propriétaire de l'appartement, a demandé aux services de la Préfecture de Paris de lui confirmer que l'appartement en totalité avait " acquis une vocation professionnelle permettant l'exercice de toute activité libérale " ; que par une lettre du 2 octobre 1981 ces services lui ont indiqué que cette utilisation ne soulevait pas d'objection au regard des dispositions de l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation ; qu'après la cessation d'activité puis le décès de

MeA..., ses ayants droit ont donné la totalité de l'appartement à bail à un avocat tiers exerçant individuellement ; qu'à la suite d'un contrôle opéré en 2012 par les services de la ville de Paris, devenue compétente, il leur a été demandé de produire le titre autorisant l'affectation du bien à un usage professionnel ou de déposer un dossier de demande d'autorisation ; que l'administration leur a indiqué, par deux courriers identiques des 20 et 28 juin 2012, que la lettre du 2 octobre 1981 que les ayants droit avaient produit en réponse ne valait pas autorisation, celle-ci ayant un caractère personnel ; que les requérants relèvent appel du jugement du

23 décembre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande tendant à l'annulation des décisions identiques des 20 et 28 juin 2012 ;

2. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte des termes, de l'objet et de l'économie générale des dispositions de la loi du 1er septembre 1948, dont est issu l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation, que les dérogations et autorisations de changement d'affectation étaient attachées à la personne et non au local avant même l'adoption des dispositions de la loi du 23 décembre 1986 citées ci-dessus ; qu'ainsi, et contrairement à ce que soutiennent les requérants, c'est à bon droit que les premiers juges ont regardé l'autorisation de changement d'affectation de la totalité de la surface de l'appartement en cause résultant de l'application des dispositions précitées de l'article 39 de la loi du 31 décembre 1971 comme attachée à la personne de Me A...qui y exerçait dans le cadre d'un cabinet de groupe sa profession d'avocat et non au local ;

3. Considérant, en second lieu, que Mme C...et autres soutiennent que le caractère réel de l'autorisation a été reconnu par le préfet de Paris, alors compétent, par une décision définitive contenue dans sa lettre précitée du 2 octobre 1981, que le maire de Paris ne peut légalement remettre en cause ; que toutefois, d'une part, il ressort des termes mêmes de ce courrier qu'il ne se prononce aucunement sur le caractère réel de l'autorisation mais seulement sur les éléments de fait existant à la date à laquelle il a été émis et que, d'autre part, ce seul courrier ne peut avoir pour effet de conférer à son destinataire des droits contraires à ceux déterminés par la loi applicable ;

4. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non recevoir invoquée par la ville de Paris, que Mme C... et autres ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

5. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la ville de Paris, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que Mme C...et autres demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu en revanche de mettre à leur charge une somme globale de 1 500 euros à verser à la ville de Paris sur le fondement des mêmes dispositions;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme C... et autres est rejetée.

Article 2 : Mme C... et autres, pris ensemble, verseront à la ville de Paris une somme de

1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F... C..., à Mme

G...A..., à M. H... A..., à M. E... A...et à la ville de Paris.

Délibéré après l'audience du 28 mai 2015 à laquelle siégeaient :

Mme Vettraino, président de chambre,

Mme Terrasse, président assesseur,

M. Romnicanu, premier conseiller,

Lu en audience publique le 11 juin 2015.

Le rapporteur,

M. TERRASSELe président,

M. VETTRAINO

Le greffier,

E. CLEMENT

La République mande et ordonne au ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 11PA00434

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N° 14PA00119


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 14PA00119
Date de la décision : 11/06/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme VETTRAINO
Rapporteur ?: Mme Marianne TERRASSE
Rapporteur public ?: Mme BONNEAU-MATHELOT
Avocat(s) : FOUSSARD

Origine de la décision
Date de l'import : 25/06/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2015-06-11;14pa00119 ?
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