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26/05/2015 | FRANCE | N°14PA04679

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 26 mai 2015, 14PA04679


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 20 novembre et 31 décembre 2014, présentés par le préfet de police de Paris qui demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1404487/3 du 18 septembre 2014 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé sa décision implicite de rejet par laquelle il a refusé à M. B...A...la délivrance du document dit " convocation Dublin ", lui a enjoint de délivrer ce document et a mis à la charge de l'État la somme de 1 000 euros ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A...devant le Tribu

nal administratif de Paris ;

Il soutient que la décision litigieuse n'est pas en...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 20 novembre et 31 décembre 2014, présentés par le préfet de police de Paris qui demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1404487/3 du 18 septembre 2014 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé sa décision implicite de rejet par laquelle il a refusé à M. B...A...la délivrance du document dit " convocation Dublin ", lui a enjoint de délivrer ce document et a mis à la charge de l'État la somme de 1 000 euros ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A...devant le Tribunal administratif de Paris ;

Il soutient que la décision litigieuse n'est pas entachée d'une erreur de droit dès lors que l'instruction du 23 avril 2013 du ministre de l'intérieur relative au droit à l'allocation temporaire d'attente (ATA) des demandeurs d'asile faisant l'objet d'une procédure Dublin en application du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 ne peut être invoquée à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 13 février 2015, présenté pour M. A..., domicilié..., par Me Dannaud, qui conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'État la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il fait valoir que la décision litigieuse est entachée d'une erreur de droit en ce qu'elle est contraire à l'arrêt C-179/11 du 27 septembre 2012 de la Cour de justice de l'Union européenne, que l'instruction du 23 avril 2013 du ministre de l'intérieur peut être utilement invoquée à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que le document dit " convocation Dublin " est nécessaire pour permettre aux demandeurs d'asile faisant l'objet d'une procédure Dublin d'avoir accès à l'allocation temporaire d'attente et de demeurer sur le territoire français jusqu'à leur transfert effectif vers l'État membre requis ;

Vu le mémoire, enregistré le 23 avril 2015, présenté pour M. A...par Me Dannaud, qui conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens, et informe la Cour qu'il a été admis au bénéfice de la protection subsidiaire ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la directive 2003/9/CE du Conseil du 27 janvier 2003 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code du travail ;

Vu l'instruction du ministre de l'intérieur du 23 avril 2013 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 mai 2015 :

- le rapport de M. Dellevedove, premier conseiller,

- les conclusions de M. Rousset, rapporteur public ;

- et les observations de Me Dannaud avocat de M. A...;

1. Considérant que M.A..., ressortissant afghan né le 5 janvier 1984, a déclaré être entré en France le 3 mars 2013 ; qu'il a sollicité, le 25 juin 2013, son admission au séjour au titre de l'asile ; que, par un arrêté en date du 28 août 2013, le préfet de police de Paris lui a refusé son admission au titre de l'asile et a décidé de sa remise aux autorités autrichiennes ; qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment de l'attestation en date du 13 décembre 2013 d'une intervenante sociale au sein du kiosque Emmaüs-France terre d'asile, que les services de Pôle emploi ont refusé d'enregistrer la demande de M. A...tendant au bénéfice de l'allocation temporaire d'attente au motif qu'il " ne présentait pas la convocation délivrée dans le cadre de détermination de l'État responsable de l'examen de sa demande d'asile, portant une photo " ; que, par une lettre en date du 18 décembre 2013, notifiée le 19 décembre suivant, M. A...a demandé au préfet de police de lui délivrer le document dit " convocation Dublin ", dont le modèle est annexé à l'instruction du 23 avril 2013 adressée par le ministre de l'intérieur aux préfets et au préfet de police ; que le préfet de police fait appel du jugement du 18 septembre 2014 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé la décision implicite de rejet par laquelle il a refusé de délivrer à M. A...le document susmentionné dit " convocation Dublin " ;

Sur le refus de délivrance du document intitulé " convocation Dublin " :

2. Considérant qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la directive du 27 janvier 2003 relative à des normes minimales pour l'accueil des demandeurs d'asile dans les Etats membres : " La présente directive s'applique à tous les ressortissants de pays tiers et apatrides qui déposent une demande d'asile à la frontière ou sur le territoire d'un Etat membre tant qu'ils sont autorisés à demeurer sur le territoire en qualité de demandeurs d'asile, ainsi qu'aux membres de leur famille, s'ils sont couverts par cette demande d'asile conformément au droit national " ; qu'aux termes des paragraphes 1 et 2 de l'article 13 de cette directive : " les Etats membres font en sorte que les demandeurs d'asile aient accès aux conditions matérielles d'accueil lorsqu'ils introduisent leur demande d'asile " et " les Etats membres prennent des mesures relatives aux conditions matérielles d'accueil qui permettent de garantir un niveau de vie adéquat pour la santé et d'assurer la subsistance des demandeurs " ; que l'article 2 de cette directive définit les conditions matérielles d'accueil comme " comprenant le logement, la nourriture et l'habillement, fournis en nature ou sous forme d'allocation financière ou de bons, ainsi qu'une allocation journalière " ;

3. Considérant que, dans l'arrêt C-179/11 du 27 septembre 2012 par lequel elle s'est prononcée sur les questions dont le Conseil d'État, statuant au contentieux, l'avait saisie à titre préjudiciel, la Cour de Justice de l'Union européenne a dit pour droit que la directive du 27 janvier 2003 devait être interprétée en ce sens qu'un État membre saisi d'une demande d'asile est tenu d'octroyer les conditions minimales d'accueil garanties par cette directive, y compris à un demandeur d'asile pour lequel il décide, en application du règlement du Conseil du 18 février 2003 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des États membres par un ressortissant d'un pays tiers, dit " Dublin II ", de requérir un autre État membre aux fins de prendre en charge ou de reprendre en charge ce demandeur en tant qu'État membre responsable de l'examen de sa demande d'asile, et que cette obligation ne prend fin, le cas échéant, que lors du transfert effectif du demandeur par l'État membre requérant, la charge financière de l'octroi des conditions minimales incombant, jusqu'à cette date, à ce dernier État membre ;

4. Considérant, d'une part, que, si le demandeur d'asile dont la demande relève de la compétence d'un autre État européen que la France décide de requérir en application du règlement du 18 février 2003, peut se voir refuser l'admission au séjour en application du 1° de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il dispose cependant du droit de rester en France en application des dispositions précises et inconditionnelles de l'article 7 de la directive du 1er décembre 2005 relative à des normes minimales concernant la procédure d'octroi et de retrait du statut de réfugié dans les États membres, ainsi que l'a d'ailleurs jugé la Cour de justice dans son arrêt précité du 27 septembre 2012 ; qu'il doit, dès lors, pouvoir accéder aux conditions minimales d'accueil prévues par la directive du 27 janvier 2003 ;

5. Considérant, d'autre part, que, si l'article L. 5423-8 du code du travail prévoit que " Sous réserve des dispositions de l'article L. 5423-9, peuvent bénéficier d'une allocation temporaire d'attente : / 1° Les ressortissants étrangers dont le titre de séjour ou le récépissé de demande de titre de séjour mentionne qu'ils ont sollicité l'asile en France et qui ont présenté une demande tendant à bénéficier du statut de réfugié, s'ils satisfont à des conditions d'âge et de ressources (...) ", il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que ces dispositions, qui doivent être interprétées à la lumière de la directive du 27 janvier 2003, n'ont pas pour objet et ne sauraient avoir pour effet d'exiger la détention d'un titre de séjour ou d'un récépissé pour le demandeur d'asile dont la demande relève de la compétence d'un autre État que la France décide de requérir en application du règlement du 18 février 2003 ; que, par suite, ce demandeur a, sous réserve des dispositions de l'article L. 5423-9 du code du travail, droit à l'allocation temporaire d'attente lorsqu'il remplit les conditions d'âge et de ressources prévues, jusqu'à ce qu'il ait effectivement été transféré dans l'État requis ou, le cas échéant, jusqu'à ce que la France, ayant finalement engagé l'examen de sa demande, se soit prononcée sur celle-ci ; que, dans l'intervalle, et en l'absence de dispositions nationales prises pour la transposition de l'article 16 de la directive du 27 janvier 2003, le bénéfice de l'allocation ne saurait être interrompu ;

6. Considérant que, lorsqu'il est clair, comme en l'espèce, que les dispositions nationales existantes n'assurent pas pleinement la mise en oeuvre des dispositions du droit de l'Union européenne, et dans l'attente de l'édiction des dispositions législatives ou règlementaires qu'appelle, selon les cas, le plein respect des exigences qui en découlent, il appartient aux ministres, d'une part, de prescrire aux services placés sous leur autorité de ne pas appliquer ces dispositions et, d'autre part, le cas échéant, de prendre, sous le contrôle du juge, les mesures qui sont strictement nécessaires au bon fonctionnement de ces services dans des conditions conformes avec les exigences découlant du respect du droit de l'Union européenne et dans le respect des règles de compétence de droit national ;

7. Considérant qu'en l'espèce, en l'état de la législation, il appartenait au ministre de l'intérieur, responsable du bon fonctionnement du service public, de fixer lui-même, comme il l'a fait, sous le contrôle du juge, la nature et l'étendue des mesures nécessaires à l'application effective de la directive précitée ; que le ministre de l'intérieur a adressé aux préfets et au préfet de police, le 23 avril 2013, l'instruction relative au droit à l'allocation temporaire d'attente des demandeurs d'asile faisant l'objet d'une procédure Dublin en application du règlement n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 précité ; que, par cette instruction, le ministre a prescrit les mesures permettant d'assurer, dans l'attente de modifications législatives, l'application effective de la directive 2003/9/CE du 27 janvier 2003 relative à des normes minimales pour l'accueil des demandeurs d'asile dans les États membres, notamment en ce qui concerne l'allocation temporaire d'attente ; qu'après avoir constaté que ces demandeurs avaient besoin d'un document revêtu de leur photographie et comportant des indications complètes sur leur état-civil, leur situation familiale et leur domicile, afin notamment de pouvoir percevoir l'allocation temporaire d'attente auprès d'un établissement de crédit, le ministre à prescrit aux préfets et au préfet de police de " délivrer par vos services ce document, dit " convocation Dublin ", dont vous trouverez en pièce jointe un modèle qu'il convient d'utiliser impérativement " ;

8. Considérant que, si cette instruction ne modifie ni les droits au séjour des demandeurs d'asile concernés ni ceux résultant de la directive 2003/9/CE du 27 janvier 2003, ainsi que le soutient le préfet de police, cette instruction, en tant qu'elle prescrit aux préfets et préfet de police de délivrer aux demandeurs d'asile le document dit " convocation Dublin ", permettant de satisfaire aux exigences de cette directive, présente un caractère réglementaire et peut, contrairement à ce que soutient le préfet de police, être invoquée à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir par les personnes qui se sont vues refuser ce droit ; que, dès lors, d'une part, en l'espèce, en refusant de délivrer ce document à M. A..., le préfet de police a, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, commis une erreur de droit ; que, d'autre part, en tout état de cause, il n'est pas contesté que l'intéressé n'a reçu aucun document lui permettant de faire valoir ses droits tels qu'ils résultent de la directive précitée ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet de police n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé sa décision implicite refusant de délivrer à M. A...le document dit " convocation Dublin " en cause ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par M. A...et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête susmentionnée du préfet de police de Paris est rejetée.

Article 2 : L'État versera à M. A...la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. B... A.... Copie en sera adressée au préfet de police de Paris.

Délibéré après l'audience du 5 mai 2015, à laquelle siégeaient :

- Mme Coënt-Bochard, président de chambre,

- M. Dellevedove, premier conseiller,

- M. Cantié, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 26 mai 2015.

Le rapporteur,

E. DELLEVEDOVELe président,

E. COËNT-BOCHARD Le greffier,

A. LOUNIS

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 14PA04679


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 14PA04679
Date de la décision : 26/05/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Actes législatifs et administratifs - Validité des actes administratifs - Compétence - Répartition des compétences entre autorités disposant du pouvoir réglementaire - Autorités disposant du pouvoir réglementaire - Ministres.

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Communautés européennes et Union européenne - Règles applicables.


Composition du Tribunal
Président : Mme COËNT-BOCHARD
Rapporteur ?: M. Ermès DELLEVEDOVE
Rapporteur public ?: M. ROUSSET
Avocat(s) : DANNAUD

Origine de la décision
Date de l'import : 13/06/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2015-05-26;14pa04679 ?
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