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12/05/2015 | FRANCE | N°13PA03103,13PA04848

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 12 mai 2015, 13PA03103,13PA04848


Vu I) sous le n° 13PA03103, la requête, enregistrée le 2 août 2013, présentée pour la SARL Le Cap France, dont le siège social est 6 quai Jean Compagnon à Ivry-sur-Seine (94200), représentée par son gérant en exercice, M. G...C..., par Me B... ; la société Le Cap France demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1100272/2, 1106396/2, 1108366/2, 1201325/2, 1203948/2, 1208116/2 du 27 juin 2013 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation, d'une part, de la décision du 29 décembre 2010 par laquelle le Port autonome de Pa

ris a résilié la convention d'occupation du domaine public conclue le

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Vu I) sous le n° 13PA03103, la requête, enregistrée le 2 août 2013, présentée pour la SARL Le Cap France, dont le siège social est 6 quai Jean Compagnon à Ivry-sur-Seine (94200), représentée par son gérant en exercice, M. G...C..., par Me B... ; la société Le Cap France demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1100272/2, 1106396/2, 1108366/2, 1201325/2, 1203948/2, 1208116/2 du 27 juin 2013 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation, d'une part, de la décision du 29 décembre 2010 par laquelle le Port autonome de Paris a résilié la convention d'occupation du domaine public conclue le

10 mars 2008 et, d'autre part, des titres de recettes n° 123287 du 24 juin 2011, n° 123428 du

6 octobre 2011, n° 123691 du 7 décembre 2011, n° 123908 du 9 mars 2012 et n° 124168 du

19 juillet 2012, par lesquels le Port autonome de Paris a mis à sa charge les montants respectifs de 5089,84 euros, 22 693,38 euros, 10 179,68 euros, 15 269,52 euros et 25 805,34 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 2125-8 du code général de la propriété des personnes publiques ;

2°) d'annuler la décision de résiliation susvisée ;

3°) d'annuler les titres de recettes susvisés ;

4°) de " condamner l'État à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative " ;

Elle soutient :

S'agissant de la légalité de la décision de résiliation du 29 décembre 2010 :

- que la lettre du 9 décembre 2010, portant transmission de la mise en demeure de Port autonome de Paris en date du 25 novembre 2010, ne mentionne pas le nom de son signataire ;

- qu'elle n'a pas été mise en mesure de présenter ses observations préalablement à la décision litigieuse ; que le Port autonome de Paris n'a pas répondu à sa demande de prolongation pour maintenir ses installations ;

- que la décision litigieuse est insuffisamment motivée ;

- que la décision litigieuse est entachée d'erreur de fait : que les stipulations contractuelles de la convention du 10 mars 2008 l'autorisaient à installer des structures démontables, soit pendant la période fixe contractuelle, soit de manière ponctuelle ; que les sonorisations du restaurant n'ont pu importuner le voisinage, l'origine des plaintes étant plus probablement à rechercher au niveau des terrasses centrales du quai qui ont diffusé de la musique, et à des niveaux sonores supérieurs, en particulier l'été ; que le quai comporte en effet de nombreuses installations autorisées dont trois comprennent des " chichas " ; que les manquements contractuels qui lui sont reprochés sont de simples négligences auxquelles elle a immédiatement remédié ;

- que la décision litigieuse est disproportionnée : que les nuisances sonores n'étant pas de son fait, elles ne pouvaient constituer un manquement justifiant la décision de résiliation ;

S'agissant du bien-fondé des titres exécutoires émis à son encontre par le Port autonome de Paris :

- qu'ils sont dépourvus de fondement dès lors que la décision de résiliation était irrégulière et infondée et qu'elle n'était, par suite, pas un occupant irrégulier du domaine public au vu de l'article L. 2125-8 du code général de la propriété des personnes publiques ;

Vu les jugements et la décision attaqués ;

Vu le premier mémoire ampliatif, enregistré le 16 décembre 2013, présenté pour la société Le Cap France, par Me E..., qui maintient les conclusions de sa requête, par les mêmes moyens, demandant en outre à la Cour d'ordonner la reprise des relations contractuelles et de mettre à la charge du port autonome de Paris le versement d'une somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et faisant valoir, s'agissant du bien-fondé des titres exécutoires contestés :

- que les premiers juges ont commis une erreur de droit en relevant qu'il n'était pas établi qu'elle avait payé les redevances d'occupation du domaine public à Port autonome de Paris, prévue par la convention résiliée, et entaché leur jugement d'inexactitude matérielle ;

- que les titres de recettes émis à son encontre, à la suite de la décision de résiliation du 29 décembre 2010, pour occupation irrégulière du domaine public fluvial, sur le fondement de l'article L. 2125-8 du code général de la propriété des personnes publiques, sont illégaux dès lors qu'ils réparent un préjudice fictif et constituent un enrichissement sans cause de Port autonome de Paris ;

- qu'ils sont dépourvus de base légale en l'absence de publication régulière des délibérations du conseil d'administration de Port autonome de Paris fixant les tarifs applicables à l'utilisation du domaine public fluvial ainsi qu'en l'absence de publication régulière du cahier des charges fixant les conditions administratives, financières et techniques applicables aux occupations privatives du domaine public géré par le Port autonome de Paris, ledit cahier des charges étant dès lors inopposable puisque dépourvu de caractère réglementaire ;

- qu'ils sont insuffisamment motivés ;

- qu'ils ont été édictés en violation du principe des droits de la défense : que les états exécutoires entrepris ont été notifiés alors qu'aucune décision motivée précisément en droit et en fait et l'informant qu'elle allait être sanctionnée par le paiement d'une indemnité majorée n'a été émise préalablement par l'établissement public ; qu'elle n'a pas été mise à même de produire ses observations écrites en défense ; que tant le principe du contradictoire que les droits de la défense ont été totalement méconnus ;

- qu'ils ont été édictés en violation du principe d'individualisation des peines : que les titres litigieux ne tiennent pas compte de sa situation personnelle ; que la sanction aurait dû être modulée ;

- qu'ayant été sanctionnée une première fois par la résiliation de sa convention d'occupation temporaire, la facturation d'indemnités majorées constitue obligatoirement une double sanction à raison des mêmes faits et donc une violation du principe de légalité des délits et des peines ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 12 septembre 2014, présenté pour le Port autonome de Paris, par Me A..., qui conclut au rejet de la requête et à ce que la société le Cap France soit condamnée à lui verser une somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative ;

Concernant la décision de résiliation du 29 décembre 2010, il fait valoir que :

- elle n'est pas intervenue aux termes d'une procédure irrégulière dans la mesure où les mentions prescrites par l'article 4 de la loi du 12 avril 2000 ne s'appliquent qu'aux décisions elles-mêmes et non aux courriers de transmission ;

- elle n'a pas été prise aux termes d'une procédure irrégulière au regard de l'article

24 de la loi du 12 avril 2000 dans la mesure où la société requérante a été mise à même de présenter ses observations préalablement à son édiction ;

- elle est suffisamment motivée en droit et en fait dès lors qu'elle vise les textes applicables et les manquements contractuels retenus comme motifs de résiliation ;

- elle est justifiée au regard des manquements contractuels de la société requérante, établis par plusieurs constats d'huissier, ces manquements étant suffisamment nombreux, graves et persistants ;

- préalablement à son édiction, le Port autonome de Paris n'avait pas à répondre à la demande de prolongation par la société requérante le 2 novembre 2010 quant au maintien de ses installations sur la surface B telle que visée par la convention ;

- elle n'est pas n'est pas disproportionnée et ne présente pas de caractère abusif eu égard à la gravité des violations contractuelles commises par la société requérante et aux nécessités de protection du domaine public fluvial ;

Concernant les titres de recettes émis à l'encontre de la société requérante, il fait valoir que :

- les premiers juges n'ont pas entaché leur arrêt d'erreur de droit ni méconnu l'autorité de la chose jugée attachée à la décision du Conseil d'État du 5 avril 2012 dans la mesure où la constatation par le Conseil d'État du paiement de la redevance domaniale par la société requérante n'était pas un motif constituant le support nécessaire du dispositif de sa décision ; qu'au surplus, les premiers juges se sont bornés à constater le caractère inopérant, au regard des dispositions de l'article L. 2125-8 du code général de la propriété des personnes publiques, du moyen tiré de ce que la société requérante réglait ses redevances d'occupation prévues par la convention résiliée ;

- la société requérante n'est pas fondée à soutenir que le Port autonome de Paris ne pouvait mettre à sa charge les indemnités décidées en application de l'article L. 2125-8 du code général de la propriété des personnes publiques en l'absence de publication de la délibération fixant les tarifs des redevances et des indemnités en cause ;

- le moyen tiré de la violation des droits de la défense par le Port autonome de Paris est inopérant dès lors qu'il est dirigé contre les dispositions de l'article L. 2125-8 du code général de la propriété des personnes publiques ;

- la société requérante n'est pas fondée à soutenir que l'émission desdits titres a été prise en violation des droits de la défense dès lors que ce grief a été écarté par la décision du

27 septembre 2013 du Conseil constitutionnel confirmant la constitutionnalité l'article L. 2125-8 du code général de la propriété des personnes publiques et que les dispositions dudit article ne prévoient aucune procédure contradictoire préalable ; qu'au surplus, la société requérante a bien été à mise à même de présenter ses observations préalablement à l'édiction des titres litigieux ;

- le moyen tiré de la violation du principe d'individualisation des peines par le Port autonome de Paris est inopérant dès lors qu'il est dirigé contre les dispositions de l'article

L. 2125-8 du code général de la propriété des personnes publiques ;

- la société requérante n'est pas fondée à soutenir que l'émission desdits titres a été prise en violation du principe d'individualisation des peines dès lors que les dispositions de l'article

L. 2125-8 code général de la propriété des personnes publiques ne prévoient nullement une modulation du montant de l'indemnité en raison de la situation personnelle de l'occupant irrégulier ;

- la société requérante n'est pas fondée à soutenir que l'indemnité prévue par l'article

L. 2125-8 du code général de la propriété des personnes publiques est limitée aux seuls cas où le gestionnaire du domaine public serait fondé à obtenir le paiement d'une redevance en cas d'occupation régulière et où l'occupation aurait irrégulièrement eu lieu sur un emplacement ayant fait l'objet d'une convention d'occupation du domaine public ;

Vu le second mémoire ampliatif, enregistré le 16 septembre 2014, présenté pour la société Le Cap France, par Me E..., qui persiste dans ses précédentes écritures, faisant valoir, en outre,

S'agissant de la légalité de la décision de résiliation du 29 décembre 2010 :

- qu'elle est entachée d'un vice d'incompétence au vu de l'article 17 du décret

n° 69-535 du 21 mai 1969 portant application de la loi n° 68-917 du 24 octobre 1968 ;

- qu'elle méconnait les droits de la défense dès lors qu'elle a été prise en méconnaissance de l'article 1.1.8 du cahier des charges fixant les conditions administratives, financières et techniques applicables aux occupations privatives du domaine public géré par le Port autonome de Paris annexé à la convention d'occupation du domaine public ;

- qu'elle est entachée d'un détournement de pouvoir dès lors qu'elle a été prise par le gestionnaire du domaine public dans le seul but d'infliger à la société requérante la majoration prévue par l'article L. 2125-8 du code général de la propriété des personnes publiques ;

Vu le mémoire, enregistré le 12 avril 2015, présenté pour la société Le Cap France, par Me E..., qui persiste dans ses précédentes écritures ;

Vu II) sous le n° 13PA04848, la requête sommaire, enregistrée le 24 décembre 2013, présentée pour la société le Cap France, dont le siège social est sis 6 quai Jean Compagnon à Ivry-sur-Seine (94200), représentée par son gérant en exercice, M. G...C..., par Me E... ; la société le Cap France demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1206172/2 et n° 1300574/2 du 19 septembre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Melun :

- d'une part, à la demande du Port autonome de Paris, l'a condamnée à payer une amende d'un montant de 1 525 euros en application de l'article L. 2132-9 du code général de la propriété des personnes publiques et lui a enjoint de procéder à l'enlèvement de ses bateaux du domaine public fluvial, ainsi qu'à l'évacuation complète de ses installations extérieures implantées sur le quai Jean Compagnon du port d'Ivry-sur-Seine ;

- d'autre part, a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'état exécutoire n° 124384 du 20 novembre 2012 émis à son encontre par le directeur général du Port autonome de Paris pour un montant de 20 715,48 euros au titre d'une occupation sans titre du domaine public fluvial pour la période comprise entre le 1er mai 2012 et le 31 août 2012 ;

2°) d'annuler l'état exécutoire susvisé ;

3°) de mettre à la charge de Port autonome de Paris une somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que les premiers juges ont commis une erreur de droit, méconnaissant l'autorité de la chose jugée attachée à la décision du Conseil d'État en date du 5 avril 2012 en relevant qu'il n'était pas établi qu'elle avait payé les redevances d'occupation du domaine public à Port autonome de Paris, prévue par la convention résiliée et entaché leur jugement d'inexactitude matérielle ;

Vu les jugements et la décision attaqués ;

Vu le mémoire ampliatif, enregistrée le 27 février 2014, présenté pour la société le Cap France, par Me E..., qui maintient les conclusions de sa requête, par les mêmes moyens ;

La société Le Cap France excipe, en outre, de l'illégalité de la décision du

29 décembre 2010 résiliant la convention du 10 mars 2008 passée avec le Port autonome de Paris ; elle fait valoir que cette décision de résiliation :

- est illégale et que, dès lors, elle était bien titulaire d'un titre d'occupation du domaine public à la date où les procès-verbaux du 8 août 2011 et du 11 avril 2012 ont été établis ;

- est entachée d'un vice d'incompétence au vu de l'article 17 du décret n° 69-535 du

21 mai 1969 portant application de la loi n° 68-917 du 24 octobre 1968 ;

- est entachée d'un vice de procédure dès lors qu'elle a été prise en méconnaissance de l'article 1.1.8 du cahier des charges fixant les conditions administratives, financières et techniques applicables aux occupations privatives du domaine public géré par le Port autonome de Paris annexé à la convention d'occupation du domaine public ;

- est entachée d'un détournement de pouvoir dès lors qu'elle a été prise par le gestionnaire du domaine public dans le seul but de lui infliger la majoration prévue par l'article L. 2125-8 du code général de la propriété des personnes publiques ;

- est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'elle a aggravé sa situation financière ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 3 décembre 2014, présenté pour le Port autonome de Paris, par Me A..., qui conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de la société le Cap France le versement d'une somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que la décision de résiliation du 29 mars 2010 de la convention du

10 mars 2008 :

- a été signée par une autorité compétente en la personne de Mme F...D...qui bénéficiait d'une délégation de signature en date du 12 avril 2010 du directeur général du Port autonome de Paris ;

- a été prise aux termes d'une procédure régulière au regard du cahier des charges fixant les conditions administratives, financières et techniques applicables aux occupations privatives du domaine public géré par le Port autonome de Paris, approuvé par délibération de son conseil d'administration en date des 4 avril et 5 décembre 1997 et 29 mars 2007 ;

- n'est entachée d'aucune erreur manifeste d'appréciation ;

- n'est entachée d'aucun détournement de pouvoir ;

- a pu légalement fonder le titre exécutoire du 20 novembre 2012 s'agissant de la période d'occupation sans titre de la société le Cap France entre le 1er mai 2012 et le

31 août 2012 ;

Vu le mémoire, enregistré le 12 avril 2015, présenté pour la société Le Cap France, par Me E..., qui persiste dans ses précédentes écritures ;

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;

Vu la décision n° 2013-341 QPC du Conseil constitutionnel du 27 septembre 2013 ;

Vu le code général de la propriété des personnes publiques ;

Vu la loi n° 68-917 du 24 octobre 1968 relative au Port autonome de Paris ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratif et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ;

Vu le décret n° 69-535 du 21 mai 1969 portant application de la loi n° 68-917 du

24 octobre 1968 ;

Vu le cahier des charges fixant les conditions administratives, financières et techniques applicables aux occupations privatives du domaines public géré par le Port autonome de Paris, approuvé par délibération de son conseil d'administration en date des 4 avril, 5 décembre 1997 et 29 mars 2007 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 avril 2015 ;

- le rapport de M. Romnicianu, premier conseiller,

- et les conclusions de Mme Bonneau-Mathelot, rapporteur public ;

1. Considérant que, par une convention conclue le 10 mars 2008, le Port autonome de Paris (PAP), établissement public de l'État, a accordé à la société Le Cap France une autorisation d'occupation du domaine public fluvial pour exploiter une installation d'animation et de loisirs sur le quai Jean Compagnon du port d'Ivry-sur-Seine, sur les bateaux " Ter d'accueil " et

" Spirit of Nantucket " ; que, dans ce cadre, la société Le Cap France était autorisée à occuper le plan d'eau et une partie du quai et du terre-plein de manière temporaire, pour ses activités estivales (terrasses extérieures), entre le 15 avril et le 15 octobre ; que, toutefois, par une décision du 29 décembre 2010, prise en application de l'article 1.1.8 des conditions générales du livre I du cahier des charges annexé à ladite convention, le Port autonome de Paris a résilié cette convention à compter du 31 décembre 2010 à titre de sanction des manquements à ses obligations contractuelles relevés à l'encontre de l'occupant du domaine public fluvial ;

2. Considérant que, à la suite de cette décision de résiliation et du maintien sans titre de la société Le Cap France sur l'emplacement visé par la convention du 10 mars 2008, le Port autonome de Paris a émis à l'encontre de cette société plusieurs états exécutoires portant recouvrement de l'indemnité pour occupation sans titre du domaine public fluvial prévue par les dispositions de l'article L. 2125-8 du code général de la propriété des personnes publiques, soit les titres n° 123287 du 24 juin 2011, n° 1234285 du 6 septembre 2011, n° 123691 du

7 décembre 2011, n° 123908 du 9 mars 2012, n° 124168 du 19 juillet 2012 et n° 124384 du

20 novembre 2012, mettant à la charge de la société un montant total de 99 753,24 euros au titre de la période du 1er janvier 2011 au 31 août 2012 ;

3. Considérant, par ailleurs, que la société le Cap France ayant maintenu ses installations sur le domaine public fluvial, deux procès-verbaux de contravention de grande voirie ont été dressés à son encontre le 8 août 2011 et le 11 avril 2012 ; que le directeur général du Port autonome de Paris, en sa qualité d'autorité chargée des poursuites, a alors saisi le Tribunal administratif de Melun, en application de l'article L. 2132-9 du code général de la propriété des personnes publiques, de conclusions tendant à ce que la société le Cap France soit condamnée à payer une amende d'un montant de 1 525 euros et également à ce qu'il soit enjoint à ladite société de procéder à l'évacuation du domaine public fluvial ;

4. Considérant que la société le Cap France relève appel des jugements du 27 juin 2013 et du 19 septembre 2013 par lesquels le Tribunal administratif de Melun, d'une part, a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de la décision de résiliation du 29 décembre 2010 et des états exécutoires susmentionnés et, d'autre part, l'a condamnée à payer une amende d'un montant de 1 525 euros et lui a enjoint de procéder à l'enlèvement de ses bateaux du domaine public fluvial, ainsi qu'à l'évacuation complète de ses installations extérieures implantées sur le quai Jean Compagnon du port d'Ivry-sur-Seine ;

5. Considérant que les requêtes susvisées n° 13PA03103 et n° 13PA04848 présentées pour la société Le Cap France sont relatives à la situation d'une même société et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;

Sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision de résiliation de la convention d'occupation du domaine public :

6. Considérant que le juge du contrat, saisi par une partie d'un litige relatif à une mesure d'exécution d'un contrat, peut seulement, en principe, rechercher si cette mesure est intervenue dans des conditions de nature à ouvrir droit à indemnité ; que, toutefois, une partie à un contrat administratif peut, eu égard à la portée d'une telle mesure d'exécution, former devant le juge du contrat un recours de plein contentieux contestant la validité de la résiliation de ce contrat et tendant à la reprise des relations contractuelles ; que, dans ces conditions, les conclusions de la requête dirigées contre la décision du Port autonome de Paris en date du 29 décembre 2010 portant résiliation de la convention d'occupation du domaine public du 10 mars 2008 doivent être analysées non comme un recours pour excès de pouvoir ayant pour objet l'annulation de cette décision mais comme un recours de plein contentieux contestant la validité de cette mesure de résiliation et tendant à la reprise des relations contractuelles entre la SARL Le Cap France et le Port autonome de Paris ;

Sur les conclusions tendant à la reprise des relations contractuelles :

7. Considérant qu'il incombe au juge du contrat, saisi par une partie d'un recours de plein contentieux contestant la validité d'une mesure de résiliation et tendant à la reprise des relations contractuelles, lorsqu'il constate que cette mesure est entachée de vices relatifs à sa régularité ou à son bien-fondé, de déterminer s'il y a lieu de faire droit, dans la mesure où elle n'est pas sans objet, à la demande de reprise des relations contractuelles, à compter d'une date qu'il fixe, ou de rejeter le recours, en jugeant que les vices constatés sont seulement susceptibles d'ouvrir, au profit du requérant, un droit à indemnité ; que, dans l'hypothèse où il fait droit à la demande de reprise des relations contractuelles, il peut décider, si des conclusions sont formulées en ce sens, que le requérant a droit à l'indemnisation du préjudice que lui a, le cas échéant, causé la résiliation, notamment du fait de la non-exécution du contrat entre la date de sa résiliation et la date fixée pour la reprise des relations contractuelles ;

8. Considérant que, pour déterminer s'il y a lieu de faire droit à la demande de reprise des relations contractuelles, il incombe au juge du contrat d'apprécier, eu égard à la gravité des vices constatés et, le cas échéant, à celle des manquements du requérant à ses obligations contractuelles, ainsi qu'aux motifs de la résiliation, si une telle reprise n'est pas de nature à porter une atteinte excessive à l'intérêt général et, eu égard à la nature du contrat en cause, aux droits du titulaire d'un nouveau contrat dont la conclusion aurait été rendue nécessaire par la résiliation litigieuse ;

9. Considérant qu'il résulte de l'article 3 de la convention d'occupation du domaine public (port d'Ivry-sur-Seine) conclue le 10 mars 2008 entre le Port autonome de Paris et la société Le Cap France que l'autorisation d'occupation était donnée pour une durée de cinq ans à compter du 1er février 2008 ; qu'elle se renouvelait ensuite par tacite reconduction dans la limite d'un seul renouvellement de deux ans sauf préavis contraire de l'une ou l'autre des parties ; qu'il suit de là que, lors même que la mesure de résiliation litigieuse ne serait pas intervenue le

31 décembre 2010, ladite convention serait en tout état de cause expirée à la date du présent

arrêt ; que, par suite, les conclusions de la société Le Cap France tendant à ce que le juge du contrat ordonne la reprise des relations contractuelles sont privées d'objet ; qu'il n'y a donc plus lieu d'y statuer ;

Sur les conclusions dirigées contre les états exécutoires :

10. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2122-1 du code général de la propriété des personnes publiques : " Nul ne peut, sans disposer d'un titre l'y habilitant, occuper une dépendance du domaine public d'une personne publique mentionnée à l'article L. 1 ou l'utiliser dans des limites dépassant le droit d'usage qui appartient à tous " ; qu'aux termes de l'article

L. 2125-8 du code général de la propriété des personnes publiques : " Sans préjudice de la répression au titre des contraventions de grande voirie, le stationnement sans autorisation d'un bateau, navire, engin flottant ou établissement flottant sur le domaine public fluvial donne lieu au paiement d'une indemnité d'occupation égale à la redevance, majorée de 100 %, qui aurait été due pour un stationnement régulier à l'emplacement considéré ou à un emplacement similaire, sans application d'éventuels abattements " ;

11. Considérant qu'il est constant, d'une part, que, eu égard à la résiliation de la convention d'occupation du domaine public en date du 10 mars 2008, décidée par le Port autonome de Paris le 29 décembre 2010 avec effet au 31 décembre 2010, la société Le Cap France devait être regardée, à compter de cette date, comme occupante sans droit ni titre du domaine public fluvial ; que, d'autre part, il n'est pas davantage contesté que, postérieurement au 1er janvier 2011, la société Le Cap France a maintenu ses installations sur l'emplacement qui lui avait été concédé, nonobstant la résiliation de la convention d'occupation du domaine public ; que, dans ces conditions, le Port autonome de Paris pouvait légalement, pour la période en litige comprise entre le 1er janvier 2011 et le 31 août 2012, mettre à la charge de ladite société le paiement d'une indemnité d'occupation égale à la redevance, majorée de 100 %, qui aurait été due pour un stationnement régulier à l'emplacement considéré, sur le fondement de l'article

L. 2125-8 du code général de la propriété des personnes publiques précité ;

En ce qui concerne les moyens relatifs à la validité de la décision de résiliation :

12. Considérant que, à l'appui de ses conclusions dirigées contre les états exécutoires contestés, la société Le Cap France conteste tant la régularité que le bien-fondé de la décision de résiliation de la convention d'occupation du domaine public dont elle était titulaire ;

S'agissant de la régularité de la mesure de résiliation :

13. Considérant, en premier lieu, que la société requérante soutient que cette décision a été signée par une autorité incompétente en la personne de Mme F...D...dans la mesure où il appartenait au directeur général du Port autonome de Paris de signer une telle décision en vertu de l'article 17 du décret n° 69-535 du 21 mai 1969 portant application de la loi n° 68-917 du 24 octobre 1968 relative au Port autonome de Paris ; que, toutefois, le recueil des actes administratifs n° 08 du 21 au 30 avril 2010 de la préfecture du Val-de-Marne indique qu'une délégation de signature, en date du 12 avril 2010, a été donnée à Mme F...D..., assurant l'intérim du Directeur de l'agence portuaire de Seine-Amont, pour signer les conventions domaniales, d'une durée inférieure ou égale à cinq ans, concernant tout port relevant du secteur géré par l'agence portuaire de Seine-Amont, ainsi que tous les actes de passation et d'exécution de ces conventions ; qu'il ressort des pièces du dossier que la convention d'occupation du domaine public du 10 mars 2008 stipule une durée de cinq ans et que la parcelle concernée par la convention se situe sur un port, celui d'Ivry-sur-Seine, relevant de l'agence portuaire de

Seine-Amont ; que, par suite, Mme F...D...avait compétence pour signer la décision de résiliation de la convention du 10 mars 2008 ;

14. Considérant, en deuxième lieu, que la société le Cap France fait valoir que la décision de résiliation est entachée d'un vice de forme dès lors qu'elle était insuffisamment motivée et d'un vice de procédure dès lors que le courrier de la transmission de la mise en demeure du 25 novembre 2010 ne comportait pas les mentions prescrites par l'article 4 de la loi du 12 avril 2000 ; que, toutefois, la société requérante n'apporte aucun élément de fait ou de droit de nature à remettre en cause l'appréciation portée par le Tribunal administratif de Melun sur son argumentation de première instance, reprise en appel sans élément nouveau ; qu'il y a lieu, dès lors, d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus par les premiers juges ;

15. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 24 de la loi du

12 avril 2000 susvisée : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application des articles 1er et 2 de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. Cette personne peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix. L'autorité administrative n'est pas tenue de satisfaire les demandes d'audition abusives, notamment par leur nombre, leur caractère répétitif ou systématique " ; qu'il ressort des pièces du dossier que, dans sa lettre de mise en demeure du 25 novembre 2010, le Port autonome de Paris a précisé les manquements contractuels reprochés à la société requérante, qu'il a indiqué qu'une sanction de résiliation serait prise en cas d'absence, sous un délai de huit jours, de démontage des installations implantées hors des périodes contractuellement admises et qu'il a invité la société à " faire parvenir ses observations écrites en application de l'article 24 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 " ; que la société requérante ne peut, en tout état de cause, soutenir n'avoir été informée du contenu de la lettre de mise en demeure du 25 novembre 2010 que le 4 janvier 2011 alors que le conseil de la société a adressé le 9 décembre 2010 au Port autonome de Paris une lettre où il indique " la société Le Cap France, dont je suis le Conseil, m'a adressé copie de la mise en demeure notifiée le

30 novembre 2010 par Huissier de justice " ; que ce courrier du 9 décembre 2010 doit être considéré comme contenant les observations écrites de la société requérante en réponse à la lettre de mise en demeure du 25 novembre 2010 ; qu'au surplus, une lettre du 17 décembre 2010 de la société requérante à Port autonome de Paris établit que le conseil de la société s'est entretenu avec Mme F...D..., directrice de l'Agence Portuaire de la Seine-Amont du Port autonome de Paris, démontrant dès lors que la société requérante a pu présenter ses observations orales au gestionnaire du domaine public ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que la société requérante n'aurait pas été mise à même de présenter ses observations préalablement à la décision de résiliation du 29 décembre 2010 et de ce que cette décision serait intervenue aux termes d'une procédure irrégulière au regard de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 manque en fait et doit, par suite, être écarté ;

16. Considérant, en quatrième lieu, que la société requérante soutient que la procédure de résiliation était irrégulière dans la mesure où le Port autonome de Paris n'a pas respecté l'article 1.1.8 du livre I du cahier des charges fixant les conditions administratives, financières et techniques des occupations privatives du Port autonome de Paris imposant à ce dernier d'informer le titulaire de la convention, dans un délai de trois mois précédent la décision de résiliation, qu'il envisage de recourir à une telle sanction ; qu'aux termes de l'article 2 de la convention du 10 mars 2008 : " La présente autorisation d'occupation est soumise aux dispositions du livre I et III du cahier des charges fixant les conditions administratives, financières et techniques applicables aux occupations privatives du domaines public géré par le Port autonome de Paris, approuvé par délibération de son Conseil d'Administration en date des 4 avril et 5 décembre 1997 et 29 mars 2007, ci-annexé et désigné ci-après " le cahier des charges ", en ce que ces conditions ne sont pas contraires à celles de la présente convention. La convention n'est pas constitutive de droits réels immobiliers " ; qu'aux termes de l'article 1.1.8 du livre I du cahier des charges fixant les conditions administratives, financières et techniques des occupations privatives du Port autonome de Paris, tel qu'il ressort de sa version approuvée par délibérations des 4 avril et 5 décembre 1997 et 29 mars 2007 par le conseil d'administration de l'établissement public : " dans le cas où le Port autonome de Paris envisage, pour quelque motif que ce soit, la résiliation d'un titre constitutif de droits réels, le Titulaire doit en être informé au moins deux mois avant par lettre recommandée avec avis de réception postal " ; que ce délai de deux mois ne trouve à s'appliquer que si la résiliation prononcée concerne une convention d'occupation du domaine public constitutive de droits réels ; qu'il ressort de

l'article 2 de la convention du 10 mars 2008 que cette dernière n'est pas constitutive de droits réels immobiliers ; que, dès lors, le délai de deux mois visé par l'article 1.1.8 ne trouvait pas à s'appliquer à la décision de résiliation du 29 décembre 2010 ; que, par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que la décision de résiliation serait intervenue au terme d'une procédure irrégulière au regard de l'article 1.1.8 du livre I du cahier des charges fixant les conditions administratives, financières et techniques des occupations privatives du Port autonome de Paris dans sa version alors applicable ;

S'agissant du bien-fondé de la mesure de résiliation :

17. Considérant que l'article 1er de la convention du 10 mars 2008 stipule que : " Le Port autonome de Paris autorise le Titulaire qui accepte, à occuper aux conditions ci après, un terre plein de 745 m², un plan d'eau sur 222 m² et le quai attenant sur 40 ml sis sur le port d'Ivry sur Seine (zone ICAL) sur la commune d'Ivry sur Seine (...) " ; que l'article 4.4 de la même convention stipule que : " la destination du terre-plein est la suivante : - Sur la surface A (145 m²) : bande de 3 m de large environ, telle que figurée sur le plan annexé, située bord à quai et destinée aux dispositifs d'amarrage, au positionnement des passerelles, à l'accès aux piétons à l'établissement flottant, et à la circulation générale de ceux-ci, le Titulaire s'interdit toute installation fixe et tout stationnement de véhicules. - Sur la surface B (506 m²) : le Titulaire a la possibilité pour la période du 15 avril au 15 octobre d'installer des structures liées aux activités autorisées par la présente convention. Ces structures devront être démontables afin d'être conformes au plan prévisionnel des risques d'inondation en vigueur. Il pourra disposer de 15 jours supplémentaires pour le montage ainsi que pour le démontage. En dehors de ces périodes et de manière ponctuelle, il pourra également pour des évènements spécifiques de courte durée, implanter des structures mobiles. Celles-ci devront impérativement être démontables sous 24 heures pour tenir compte des éventuelles crues. Dans tous les cas, à chaque montage, les aménagements seront soumis pour accord au Port autonome de Paris. Le stationnement des véhicules n'est pas autorisé sur la surface B, sauf de manière très occasionnelle et notamment pour les approvisionnements. - Sur la surface C (94 m²) : cette surface, en platelage bois, est destinée au cheminement des piétons. Le Titulaire s'interdit toute installation fixe et tout stationnement de véhicule. Aucun stockage n'est autorisé sur les surfaces A, B et C. " ;

18. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la décision de résiliation litigieuse se fonde sur le motif que la société le Cap France n'a pas respecté les stipulations de l'article 4.4 de la convention du 10 mars 2008 dans la mesure où ses installations et structures extérieures se sont maintenues au-delà des périodes contractuelles admises, soit entre le

15 avril et le 15 octobre, sous réserve d'une éventuelle prolongation de quinze jours ou d'un accord ponctuel du Port autonome de Paris ; qu'un premier constat d'huissier établit qu'une grande terrasse extérieure et diverses structures n'étaient pas démontées au 25 novembre 2010 et que des éléments de toiture et autres structures bois étaient stockés sur le terre-plein ; que de nouveaux constats d'huissier en date des 3, 7 et 10 décembre 2010 constatent le défaut de démontage des installations à ces dates ; qu'ainsi la société requérante a gravement manqué à ses obligations contractuelles telles que stipulées à l'article 4.4 de la convention du 10 mars 2008 et qui visent à garantir la sécurité publique sur les quais conformément au plan de prévention des risques d'inondation applicable au secteur ; que si la société requérante fait valoir que cette décision a eu pour conséquence d'aggraver sa situation financière, argument au soutien duquel elle n'apporte, au demeurant, aucun élément probant, il est constant que les impératifs liés à la protection du domaine public justifiaient que le Port autonome de Paris, gestionnaire du domaine public fluvial, mît fin aux violations des stipulations de la convention qui visaient à assurer cette même protection ; que, par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que la décision litigieuse de résiliation, légitimement prononcée à ses torts par le Port autonome de Paris, reposait sur des faits matériellement inexacts ou était entachée d'erreur manifeste d'appréciation du gestionnaire du domaine public ;

19. Considérant que, pour les mêmes motifs que ceux énoncés précédemment, il convient d'écarter le moyen tiré de ce que la décision litigieuse de résiliation procèderait d'un détournement de pouvoir de la part de Port autonome de Paris ;

20. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société requérante n'est pas fondée à contester la validité de la décision en date du 29 décembre 2010 de Port autonome de Paris de résilier la convention d'occupation du domaine public du 10 mars 2008 ;

En ce qui concerne les autres moyens :

21. Considérant, en premier lieu, que la circonstance que les premiers juges auraient à tort estimé que la société Le Cap France n'avait pas acquitté la redevance d'occupation du domaine public prévue par la convention résiliée postérieurement au 1er janvier 2011 est, à la supposer établie, sans incidence sur l'application de la majoration de 100 % instituée par les dispositions précitées de l'article L. 2125-8 du code général de la propriété des personnes publiques, dès lors, ainsi qu'il a été dit au point 11 du présent arrêt, que la société Le Cap France était occupante sans droit ni titre du domaine public fluvial à compter de cette date ;

22. Considérant, en deuxième lieu, que l'occupation sans droit ni titre d'une dépendance du domaine public constitue une faute commise par l'occupant irrégulier et que celui-ci doit réparer le dommage ainsi causé au gestionnaire du domaine par le versement d'une indemnité, calculée par référence au revenu, tenant compte des avantages de toute nature, qu'aurait pu produire l'occupation régulière de la dépendance en cause ; qu'il en résulte que le versement d'une indemnité par l'occupant irrégulier du domaine public fluvial au Port autonome de Paris n'est pas subordonné à l'existence de tarifs régulièrement fixés et rendus opposables aux bénéficiaires d'autorisations d'occupation du domaine ; que, par suite, la circonstance que les tarifs sur lesquels Port autonome de Paris s'est fondé pour fixer le montant des indemnités dues par la société le Cap France n'auraient pas été publiés, n'est pas de nature à faire obstacle au droit du gestionnaire du domaine public fluvial de réclamer le versement desdites indemnités ;

23. Considérant, en troisième lieu, que la circonstance, à la supposer établie, que le Port autonome de Paris n'aurait subi aucun préjudice du fait de l'occupation irrégulière du domaine public par la société Le Cap France à compter du 1er janvier 2011 est, en tout état de cause, sans incidence sur l'application de la majoration de 100 % prévue à l'article L. 2125-8 du code général de la propriété des personnes publiques, laquelle poursuit une finalité répressive et non restitutive ;

24. Considérant, en quatrième lieu, que les dispositions susmentionnées de l'article L. 2125-8 du code général de la propriété des personnes publiques ont été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel, en réponse à une question prioritaire de constitutionnalité, dans sa décision n° 2013-341 QPC du 27 septembre 2013 susvisée ; que le Conseil constitutionnel a, d'abord, considéré qu'en instituant cette majoration, le législateur avait entendu dissuader toute personne d'occuper sans autorisation le domaine public fluvial et réprimer les éventuels manquements à cette interdiction, et qu'une telle majoration constituait une sanction administrative ; qu'il a, par ailleurs, considéré que cette majoration ne méconnaissait pas le principe de nécessité des peines garanti par l'article 8 de la Déclaration de 1789, dès lors, notamment, qu'elle était " proportionnelle, égale au montant de la redevance due " et ne revêtait pas, en elle-même, un caractère manifestement disproportionné ; qu'enfin, il a considéré que les dispositions précitées ne violaient pas le principe des droits de la défense, tel qu'il est garanti par l'article 16 de la Déclaration de 1789, dès lors que la décision prononçant la majoration peut être contestée devant la juridiction administrative, cette dernière pouvant, saisie d'une demande à cette fin, suspendre l'exécution du titre exécutoire ou en prononcer l'annulation ;

25. Considérant, d'une part, que tout état exécutoire doit indiquer les bases de liquidation de la créance pour le recouvrement de laquelle il est émis, à moins que ces bases n'aient été préalablement portées à la connaissance du débiteur ; qu'en l'espèce, les états exécutoires contestés renvoient à des factures mensuelles préalablement communiquées à la société Le Cap France et comportant mention de la nature de la créance consistant en une indemnité d'occupation irrégulière du domaine public fluvial, la référence à la résiliation de la convention d'occupation du domaine public, mention de l'identité du bateau, de son lieu de stationnement, de la période facturée et du mode de calcul de l'indemnité (taux et montant dû) et, enfin, le visa de la loi n° 2006-1772 du 30 décembre 2006 sur l'eau et les milieux aquatiques dont est issu l'article L. 2125-8 du code général de la propriété des personnes publiques ; que, dès lors, ces états exécutoires comportant l'indication des bases de liquidation, le moyen tiré de leur insuffisante motivation doit être écarté ;

26. Considérant, d'autre part, que la société le Cap France soutient que les titres de recettes émis à son encontre sur le fondement des dispositions de l'article L. 2125-8 du code général de la propriété des personnes publiques violent le principe d'individualisation des peines tel qu'il est garanti par l'article 8 de la Déclaration de 1789 ; que, toutefois, les dispositions de l'article L. 2125-8 du code général de la propriété des personnes publiques n'ont pas prévu de modulation de la majoration mais, compte tenu de son caractère dissuasif et de ce que son application ne dépend pas de la bonne foi de celui qui la supporte, l'application d'un taux unique de 100 % ; que, par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que la majoration devait être modulée selon la gravité de la sanction en fonction des circonstances de l'espèce et que par conséquent elle devait faire l'objet d'une motivation spécifique au regard de sa situation personnelle ;

27. Considérant, enfin, que, eu égard au caractère de sanction administrative que revêt la majoration litigieuse et à la gravité de cette sanction, une telle mesure ne pouvait légalement intervenir sans que la société ait été mise à même de discuter les griefs formulés contre elle préalablement à l'émission des titres exécutoires contestés ; qu'en l'espèce, il ressort des pièces du dossier que la décision de résiliation du 29 décembre 2010 indique " qu'en application des dispositions de l'article L. 2125-8 du Code des Propriétés des Personnes publiques, (...) la redevance d'occupation du Domaine Public sera majorée de 100% à compter du 1er janvier 2011 et sera due jusqu'à la date de remise en état complète des lieux (y compris évacuation du bateau Ter d'Accueil), constatée par un procès-verbal établi au contradictoire de la société Le CAP France " ; que, dès lors, la société requérante doit être réputée avoir eu connaissance, antérieurement à l'émission des états exécutoires litigieux, qu'elle était passible d'une telle sanction en cas de maintien de ses bateaux et installations sur le domaine public ; qu'au surplus, lesdits états exécutoires ont tous été précédés des factures mensuelles susévoquées de nature à permettre à la société Le Cap France de discuter utilement les motifs de la sanction avant que celle-ci ne soit prise ; qu'au demeurant, le gérant de la société le Cap France a effectivement présenté des observations sommaires par courriels sur plusieurs constats établis par le Port autonome de Paris relatifs à l'occupation irrégulière du domaine public par la société requérante postérieurement à la décision de résiliation de la convention d'occupation ; que, dès lors, le moyen tiré de l'absence de mise en oeuvre des droits de la défense préalablement à l'infliction de la sanction litigieuse ne peut qu'être écarté ;

28. Considérant, en cinquième lieu, que, contrairement à ce que soutient la société requérante, la mesure de résiliation du 29 décembre 2010 sanctionne des manquements à ses obligations contractuelles pour la période antérieure au 31 décembre 2010, alors que les états exécutoires contestés sanctionnent le maintien irrégulier dans les lieux de la société Le Cap France postérieurement au 1er janvier 2011 ; que ces deux sanctions n'ont donc pas le même objet ; que, par suite, le moyen tiré de la violation du principe " non bis in idem " doit être écarté ;

29. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société le Cap France n'est pas fondée à demander l'annulation des états exécutoires émis à son encontre par le directeur général du port autonome de Paris au titre d'une occupation sans titre du domaine public pour la période comprise entre le 1er janvier 2011 et le 31 août 2012 ;

Sur l'amende pour contravention de grande voirie :

30. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2132-9 du code général de la propriété des personnes publiques : " Les riverains, les mariniers et autres personnes sont tenus de faire enlever les pierres, terres, bois, pieux, débris de bateaux et autres empêchements qui, de leur fait ou du fait de personnes ou de choses à leur charge, se trouveraient sur le domaine public fluvial. Le contrevenant est passible d'une amende de 150 à 12 000 euros, de la confiscation de l'objet constituant l'obstacle et du remboursement des frais d'enlèvement d'office par l'autorité administrative compétente " ;

31. Considérant que les procès-verbaux, établis le 8 août 2011 et le 11 avril 2012 sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 2132-9 du code général de la propriété des personnes publiques, mentionnent que les bateaux dénommés " Ter d'accueil " et " Spirit of Nantucket " dont la société le Cap France est propriétaire, stationnent, sans autorisation,

6 quai Jean Compagnon à Ivry-sur-Seine ; que ces procès-verbaux mentionnent que le terre-plein du quai est également occupé par des installations appartenant à la société le Cap France ; que la convention d'occupation du domaine public conclue par cette dernière avec le port autonome de Paris a été résiliée le 29 décembre 2010 à compter du 1er janvier 2011 ; qu'ainsi, il est constant que la société requérante ne disposait, à compter de cette date, d'aucun titre lui permettant d'occuper le domaine public fluvial ; que, par suite, les faits constatés par lesdits procès-verbaux sont bien constitutifs d'une contravention de grande voirie ;

32. Considérant, d'une part, que la circonstance, à la supposer établie, que, postérieurement au 1er janvier 2011, la société Le Cap France ait continué d'acquitter la redevance d'occupation du domaine public prévue par la convention résiliée ne faisait nullement obstacle à la mise en oeuvre des dispositions précitées de l'article L. 2132-9 du code général de la propriété des personnes publiques, dès lors, ainsi qu'il vient d'être dit, que la société Le Cap France était occupante sans droit ni titre du domaine public fluvial à compter de cette date ;

33. Considérant, d'autre part, que, à l'appui de sa demande d'annulation du jugement attaqué la condamnant au versement d'une amende au titre de la contravention de grande voirie litigieuse, la société requérante excipe de l'illégalité de la décision de résiliation de la convention d'occupation du domaine public dont elle était titulaire ; que, toutefois, pour les mêmes motifs que ceux énoncés précédemment, cette exception ne peut qu'être rejetée ; qu'il suit de là que la société le Cap France n'est pas fondée à demander l'annulation de la condamnation dont elle a fait l'objet au titre de la contravention de grande voirie relevée à son encontre ;

34. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société le Cap France n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le Tribunal administratif de Melun, d'une part, a rejeté ses demandes et, d'autre part, lui a infligé une amende d'un montant de 1 525 euros au titre d'une contravention de grande voirie et lui a enjoint d'enlever ses bateaux du domaine public fluvial et de procéder à l'évacuation complète des installations implantées sur le quai Jean Compagnon du port d'Ivry-sur-Seine ; que, par voie de conséquence, ses conclusions sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ; qu'en revanche, il y a lieu, sur le même fondement, de mettre à sa charge le versement au Port autonome de Paris d'une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par ce dernier et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de la société Le Cap France tendant à ce que soit ordonnée la reprise des relations contractuelles avec le Port autonome de Paris.

Article 2 : Le surplus des conclusions des requêtes de la société Le Cap France est rejeté.

Article 3 : La société Le Cap France versera au Port autonome de Paris une somme de

1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Le Cap France et au Port autonome de Paris.

Délibéré après l'audience du 16 avril 2015 à laquelle siégeaient :

Mme Vettraino, président de chambre,

Mme Terrasse, président assesseur,

M. Romnicianu, premier conseiller,

Lu en audience publique le 12 mai 2015.

Le rapporteur,

M. ROMNICIANULe président,

M. VETTRAINO

Le greffier,

E. CLEMENT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 11PA00434

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N° s 13PA03103, 13PA04848


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 13PA03103,13PA04848
Date de la décision : 12/05/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme VETTRAINO
Rapporteur ?: M. Michel ROMNICIANU
Rapporteur public ?: Mme BONNEAU-MATHELOT
Avocat(s) : CJ BOT NORMAND CREN ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 29/05/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2015-05-12;13pa03103.13pa04848 ?
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