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07/05/2015 | FRANCE | N°14PA00118

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 07 mai 2015, 14PA00118


Vu la requête, enregistrée le 13 janvier 2014, présentée pour la Société par Actions Simplifiée Med'Alliance Europe, dont le siège est 12 rue du Séminaire, à Rungis (94516), par Me A... ; la société Med'Alliance Europe demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1103073/7 du 14 novembre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de ses exercices clos les 30 juin 2007, 2008 et 2009 et des pénalités correspondan

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2°) de prononcer la décharge des impositions contestées ;

3°) de mett...

Vu la requête, enregistrée le 13 janvier 2014, présentée pour la Société par Actions Simplifiée Med'Alliance Europe, dont le siège est 12 rue du Séminaire, à Rungis (94516), par Me A... ; la société Med'Alliance Europe demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1103073/7 du 14 novembre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de ses exercices clos les 30 juin 2007, 2008 et 2009 et des pénalités correspondantes ;

2°) de prononcer la décharge des impositions contestées ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- le service a à tort remis en cause la déduction de frais de déplacement, de représentation et de cadeaux aux clients au motif que ces frais n'avaient pas été engagés dans l'intérêt de son exploitation ;

- en raison des problèmes occasionnés par le déménagement de ses services, elle a omis de contester dans le délai imparti les redressements notifiés le 8 juillet 2010 et n'a pas eu connaissance de la lettre du 6 septembre 2010, par laquelle l'administration lui a demandé de désigner les bénéficiaires des revenus distribués correspondant aux charges non admis en déduction ;

- elle a suffisamment établi, par la production de tableaux explicatifs très précis et appuyés de justificatifs, le caractère professionnel des frais en cause ;

- l'ensemble des factures correspondantes a été communiqué au vérificateur, contrairement à ce qu'a estimé le tribunal, lequel n'explique par ailleurs pas en quoi les documents produits seraient insuffisants ; l'analyse des premiers juges n'est pas conforme à la jurisprudence ;

- l'amende mise à sa charge sur le fondement de l'article 1759 A du code général des impôts n'est pas fondée ;

- l'administration a expédié les courriers destinés à la société à son ancienne adresse et les difficultés engendrées par son déménagement n'ont été prises en compte, ni par l'administration, ni par le tribunal ;

- en cours de vérification, la société avait remis au vérificateur les factures correspondantes et un fichier Excel sur lequel figurait le nom de chaque bénéficiaire, en sorte que l'administration était informée ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 10 avril 2014, présenté par le ministre de l'économie et des finances, qui tend au rejet de la requête, par les motifs que :

- la charge de la preuve incombe à la société qui a tacitement accepté les redressements ;

- au cours de la vérification, la requérante n'a apporté aucun élément probant de nature à justifier son intérêt à prendre en charge les dépenses en litige ;

- toutes les dépenses de voyages (Vienne, New-York) ont été engagées durant les fêtes de fin d'année, ou au cours de week-ends prolongés ou encore durant la période estivale à Cannes, Monte-Carlo, Saint Tropez et Venise ; en outre, les dates alléguées des rencontres avec les fournisseurs sont incohérentes et les pièces justificatives, en particulier les factures d'hôtel, n'ont pas été produites ;

- la simple production de tableaux récapitulatifs est insusceptible d'établir la déductibilité des frais ;

- la requérante ne peut utilement se référer à son changement d'adresse dès lors qu'il lui appartenait de faire les diligences utiles pour recevoir son courrier ; au demeurant la demande du 6 septembre 2010, de désignation des bénéficiaires des revenus a été retournée au service revêtue de la mention " non réclamé ", circonstance qui atteste qu'elle a été envoyée à la nouvelle adresse de la société ;

- un simple tableau récapitulatif n'établissait pas l'identité des bénéficiaires, en sorte que l'administration, qui n'en avait pas connaissance, était fondée à mettre à sa charge la pénalité de distribution ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 2 mai 2014, présenté pour la société requérante et tendant aux mêmes fins que la requête, par les mêmes moyens ;

Vu le second mémoire en défense, enregistré le 3 avril 2015, présenté par le ministre des finances et des comptes publics, qui tend au rejet de la requête, par les mêmes moyens que ceux précédemment invoqués ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu, au cours de l'audience publique du 9 avril 2015 :

- le rapport de M. Vincelet, rapporteur,

- et les conclusions de M. Lemaire, rapporteur public ;

1. Considérant qu'à l'issue d'une vérification de sa comptabilité, la Société par Actions Simplifiée Med'Alliance Europe, qui exerce une activité de grossiste en fruits et légumes, a été assujettie, au titre de ses exercices clos les 30 juin 2007, 2008 et 2009, à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés en conséquence de la réintégration, dans ses bases imposables desdits exercices, de charges injustifiées ; que l'administration a également mis à sa charge, au titre des mêmes exercices, la pénalité de distribution prévue à l'article 1759 du code général des impôts, au motif que la société n'avait pas répondu à sa demande tendant à la désignation des bénéficiaires des revenus distribués correspondant aux charges réintégrées ; que la société Med'Alliance Europe fait appel du jugement du 14 novembre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande en décharge des impositions supplémentaires mises à sa charge et des pénalités correspondantes ;

Sur le principal des droits :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 39 du code général des impôts, applicable à l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : 1° Les frais généraux de toute nature (...) / 5. Sont également déductibles les dépenses suivantes : (...) / b. Les frais de voyage et de déplacements (...) / e. Les cadeaux de toute nature, à l'exception des objets de faible valeur conçus spécialement pour la publicité ; / f. Les frais de réception, y compris les frais de restaurant et de spectacles (...) / Les dépenses ci-dessus énumérées peuvent également être réintégrées dans les bénéfices imposables dans la mesure où elles sont excessives et où la preuve n'a pas été apportée qu'elles ont été engagées dans l'intérêt direct de l'entreprise. " ; que, pour l'application de ces dispositions, il incombe toujours au contribuable d'établir la déductibilité des charges dont il fait état ;

3. Considérant que les charges réintégrées dans les bases d'imposition de la société sont constituées de frais de déplacement en France et à l'étranger, de frais de représentation, ainsi que de cadeaux à la clientèle ;

4. Considérant, en premier lieu, que pour justifier de la déductibilité des frais de déplacement, la société a produit à l'administration quelques factures et échanges de courrier avec ses fournisseurs ; que, devant la Cour, elle ne produit pas ces documents, mais seulement des tableaux récapitulatifs manuscrits et reconstitués de ses dépenses ; que ces seuls tableaux ne sont pas susceptibles d'établir le lien entre l'activité de la société et les déplacements concernés, alors que l'administration fait de plus valoir que toutes ces dépenses correspondent à des voyages effectués durant les fêtes de fin d'année (à Vienne et New-York), ainsi qu'au cours de week-ends prolongés et durant les périodes estivales, dans des localités touristiques telles que Venise, Monte-Carlo, Cannes et Saint-Tropez ; qu'elle ajoute qu'aucune facture d'hôtel n'a été produite et au surplus que certains de ces séjours ont eu une durée anormalement longue pour une rencontre alléguée avec un seul fournisseur ; que, dans ces conditions, la société n'établit pas la déductibilité des frais en cause ;

5. Considérant, en deuxième lieu, que les tableaux récapitulatifs mentionnés au point précédent sont à eux seuls insusceptibles de justifier le caractère professionnel des frais de représentation constitués de notes de restaurant ;

6. Considérant, en troisième lieu, s'agissant des cadeaux offerts à la clientèle, la société ne produit aucune pièce justificative du coût qu'elle a supporté et de ce qu'ils auraient été faits dans son intérêt ; que, dans ces conditions, elle n'établit pas davantage le caractère déductible de ces frais ;

Sur les pénalités :

7. Considérant qu'aux termes du 1 de l'article 109 du code général des impôts : " Sont considérés comme revenus distribués : 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital (...) " ; qu'aux termes de l'article 117 du même code : " Au cas où la masse des revenus distribués excède le montant total des distributions tel qu'il résulte des déclarations de la personne morale visées à l'article 116, celle-ci est invitée à fournir à l'administration, dans un délai de trente jours, toutes indications complémentaires sur les bénéficiaires de l'excédent de distribution. / En cas de refus ou à défaut de réponse dans ce délai, les sommes correspondantes donnent lieu à l'application de la pénalité prévue à l'article 1759. " ; qu'aux termes enfin de l'article 1759 de ce code : " Les sociétés et les autres personnes morales passibles de l'impôt sur les sociétés qui versent ou distribuent, directement ou par l'intermédiaire de tiers, des revenus à des personnes dont, contrairement aux dispositions des articles 117 et 240, elles ne révèlent pas l'identité, sont soumises à une amende égale à 100 % des sommes versées ou distribuées. " ;

8. Considérant que l'administration a, par lettre du 6 septembre 2010, demandé à la société de lui désigner dans le délai de trente jours, en application de l'article 117 du code général des impôts, les bénéficiaires des revenus distribués correspondant aux charges injustifiées ; qu'en l'absence de réponse de la société, elle a mis à sa charge l'amende prévue à l'article 1759 précité du code général des impôts ;

9. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la lettre du 6 septembre 2010 a été expédiée à l'adresse du siège social de la société, seule connue de l'administration, où elle a été vainement présentée le 9 septembre suivant, avant d'être retournée à l'expéditeur revêtue de la mention " absent avisé le 9/9 - mis en instance au bureau de Rungis Carré Pro - non réclamé " ; qu'ainsi l'administration établit lui avoir régulièrement notifié cette demande ; que la société ne peut en conséquence invoquer le changement d'adresse de son siège social pour justifier son absence de réponse à cette demande ; que, n'ayant pas répondu à la demande de l'administration, elle ne peut utilement faire valoir que celle-ci aurait nécessairement eu connaissance de l'identité des bénéficiaires ;

10. Considérant, enfin, que la société, qui, ainsi qu'il a été dit au point précédent, n'a pas fait connaître au service " avec précisions à l'appui, le nom des bénéficiaires des revenus ", n'est pas fondée à invoquer, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, le bénéfice du paragraphe 71 de l'instruction 4 J 1212 du 1er novembre 1995 qui prévoit que, dans cette hypothèse, le service doit s'abstenir de recourir à la procédure de l'article 117 ;

11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Med'Alliance Europe n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande en décharge des impositions contestées ; que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être également rejetées ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la société Med'Alliance Europe est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée Med'Alliance Europe et au ministre des finances et des comptes publics.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Ile-de-France Est.

Délibéré après l'audience du 9 avril 2015, à laquelle siégeaient :

- M. Formery, président de chambre,

- Mme Coiffet, président assesseur,

- M. Vincelet, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 7 mai 2015.

Le rapporteur,

A. VINCELETLe président,

S.-L. FORMERY

Le greffier,

S. CHALBOT-SANTT

La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 14PA00118


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 14PA00118
Date de la décision : 07/05/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. FORMERY
Rapporteur ?: M. Alain VINCELET
Rapporteur public ?: M. LEMAIRE
Avocat(s) : CMS BUREAU FRANCIS LEFEBVRE

Origine de la décision
Date de l'import : 11/06/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2015-05-07;14pa00118 ?
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