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06/05/2015 | FRANCE | N°14PA03858

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3 ème chambre, 06 mai 2015, 14PA03858


Vu la requête, enregistrée le 2 septembre 2014, présentée pour le département de Paris, dont le siège est Hôtel du département, 4 rue Lobau à Paris (75196), par la SCP H. Didier - F. A... ; le département de Paris demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1302678/6-3 du 27 juin 2014 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé la décision du 24 décembre 2012 par laquelle le président du Conseil général de Paris a retiré l'agrément d'assistante maternelle de Mme E...D... ;

2°) de rejeter la demande de Mme D...devant le tribunal ;

3°)

de mettre à la charge de Mme D...une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1...

Vu la requête, enregistrée le 2 septembre 2014, présentée pour le département de Paris, dont le siège est Hôtel du département, 4 rue Lobau à Paris (75196), par la SCP H. Didier - F. A... ; le département de Paris demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1302678/6-3 du 27 juin 2014 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé la décision du 24 décembre 2012 par laquelle le président du Conseil général de Paris a retiré l'agrément d'assistante maternelle de Mme E...D... ;

2°) de rejeter la demande de Mme D...devant le tribunal ;

3°) de mettre à la charge de Mme D...une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- le jugement est insuffisamment motivé faute pour le tribunal de s'être prononcé sur les éléments qu'il avait avancés qui aggravaient encore la faute commise par l'intéressée ;

- que, pour ranger une poussette au rez-de-chaussée de l'immeuble, Mme D...a laissé pendant plus de 5 minutes seuls et sans aucune surveillance dans son appartement trois jeunes enfants âgés de 28 mois, 11 mois et 8 mois ; qu'un tel comportement est d'une particulière gravité et caractérise une absence manifeste de sécurité dans les conditions d'accueil des enfants ; que si elle est revenue sur ses propos par la suite, elle a déclaré, le jour même de la constatation de la situation par la directrice adjointe de la crèche familiale Brunetière, procéder de la sorte quotidiennement ; que toutes les pièces étaient restées portes ouvertes et donc accessibles aux enfants, y compris des pièces dangereuses comme la salle de bain ou la cuisine alors que, même en présence de l'assistant maternel, il est d'usage que celles-ci en bloquent l'accès avec des barrières de sécurité ; que les parents des enfants qui ont témoigné en faveur de la requérante et les voisines n'ont pas été témoins, contrairement à la responsable adjointe de la crèche Brunetière, des faits directement à l'origine de la décision de retrait d'agrément du 24 décembre 2012 ; que l'un des trois enfants accueillis par Mme D...avait un problème d'asthme et que celle-ci n'en avait pas informé la crèche afin de mettre en place un projet d'accueil individualisé ; que par suite c'est à tort que le tribunal a jugé que sa décision était entachée d'erreur d'appréciation ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 18 décembre 2014, présenté pour Mme E... D... ; elle demande le rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge du département de Paris la somme de 2 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

Mme D...soutient qu'elle a toujours donné satisfaction, comme en témoigne le renouvellement de son agrément en 2010 ; que si elle admet avoir commis le 22 octobre 2012 une faute professionnelle en laissant seuls pendant deux minutes les enfants dont elle avait la garde, cette faute qui est exceptionnelle ne justifie pas une décision aussi sévère ; qu'en effet, elle exerce ses fonctions depuis plus de dix ans et s'est toujours bien comportée à l'égard des enfants, en respectant leur sécurité, l'accès aux fenêtres notamment étant impossible, comme en témoignent plusieurs attestations des parents ;

Vu le mémoire, enregistré le 20 février 2015, présenté pour le président du Conseil général de Paris qui conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens ;

Le président du Conseil général soutient en outre que le juge administratif sanctionne régulièrement le défaut de surveillance ; que la brièveté de l'absence de l'intéressée est sans incidence dans un contexte où le bureau de la protection maternelle infantile constate régulièrement que les accidents graves interviennent généralement après quelques minutes seulement d'inattention ; que même s'ils ne sont pas directement à l'origine de la décision, les faits qui se sont déroulés en janvier 2010 et en juin 2012 évoqués dans le courrier du 24 décembre 2012 pouvaient être pris en compte en tant qu'éléments de contexte justifiant le retrait de l'agrément d'assistante maternelle de MmeD... ;

Vu le mémoire, enregistré le 24 mars 2015, présenté pour MmeD... ; elle conclut aux mêmes fins que la requête et en outre à ce qu'il soit enjoint au département de lui octroyer l'agrément, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt, par les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 21 avril 2015, présentée pour MmeD... ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu le code de l'action sociale et des familles ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 avril 2015 :

- le rapport de M. Polizzi, président assesseur,

- les conclusions de M. Roussel, rapporteur public,

- et les observations de Me A... pour le département de Paris et de Me C...pour MmeD... ;

1. Considérant que Mme D...a obtenu un agrément en qualité d'assistante maternelle délivré par le département de Paris le 30 mai 2000, renouvelé en 2010 pour une période de cinq ans ; qu'à la suite du rapport du 22 octobre 2012 établi par la responsable adjointe de la crèche familiale du 16 avenue Brunetière à Paris (75017) signalant que Mme D..., assistante maternelle au sein de cet établissement, a laissé seuls dans l'appartement les trois enfants dont elle avait la charge, elle a fait l'objet d'un blâme le 13 décembre 2012 ; qu'elle a également été informée par lettre du 27 novembre 2012 qu'une proposition de retrait d'agrément d'assistante maternelle serait soumise à la commission consultative paritaire départementale ; que, par une décision du 24 décembre 2012, prise après avis de la commission consultative paritaire départementale prévue à l'article L. 421-6 du code de l'action sociale et des familles, le président du Conseil général a retiré l'agrément de Mme D... ; que le département demande notamment l'annulation du jugement du 27 juin 2014 du Tribunal administratif de Paris qui a annulé cette décision ;

Sur les conclusions principales de la requête :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 421-3 du code de l'action sociale et des familles : " L'agrément nécessaire pour exercer la profession d'assistant maternel ou d'assistant familial est délivré par le président du conseil général du département où le demandeur réside (...) / L'agrément est accordé à ces deux professions si les conditions d'accueil garantissent la sécurité, la santé et l'épanouissement des mineurs et majeurs de moins de vingt et un ans accueillis, en tenant compte des aptitudes éducatives de la personne (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 421-6 du même code : " Si les conditions de l'agrément cessent d'être remplies, le président du conseil général peut, après avis d'une commission consultative paritaire départementale, modifier le contenu de l'agrément ou procéder à son retrait (...). " ; que l'article R. 421-3 du même code dispose que : " Pour obtenir l'agrément d'assistant maternel ou d'assistant familial, le candidat doit : / 1° Présenter les garanties nécessaires pour accueillir des mineurs dans des conditions propres à assurer leur développement physique, intellectuel et affectif ; / 2° Passer un examen médical qui a pour objet de vérifier que son état de santé lui permet d'accueillir habituellement des mineurs et dont le contenu est fixé par arrêté des ministres chargés de la santé et de la famille ; / 3° Disposer d'un logement dont l'état, les dimensions, les conditions d'accès et l'environnement permettent d'assurer le bien-être et la sécurité des mineurs compte tenu du nombre et, s'agissant d'un candidat à l'agrément d'assistant maternel, de l'âge de ceux pour lesquels l'agrément est demandé. " ;

3. Considérant qu'il résulte de ces dispositions qu'il incombe au président du conseil général de s'assurer que les conditions d'accueil garantissent la sécurité, la santé et l'épanouissement des enfants accueillis et de procéder au retrait de l'agrément si ces conditions ne sont plus remplies ; qu'à cette fin, dans l'hypothèse où il est informé de suspicions de comportements susceptibles de compromettre la santé, la sécurité ou l'épanouissement d'un enfant, de la part du bénéficiaire de l'agrément ou de son entourage, il lui appartient de tenir compte de tous les éléments portés à la connaissance des services compétents du département ou recueillis par eux et de déterminer si ces éléments sont suffisamment établis pour lui permettre raisonnablement de penser que l'enfant est victime des comportements en cause ou risque de l'être ;

4. Considérant que, pour procéder au retrait d'agrément le 24 décembre 2012, le président du Conseil général de Paris s'est fondé sur le rapport rédigé le 22 octobre précédent signalant que Mme D...a laissé pendant plusieurs minutes, sans aucune surveillance, les trois jeunes enfants de 28, 11 et 8 mois dont elle avait la garde, pour aller ranger une poussette au rez-de-chaussée de son immeuble ; que les portes et une fenêtre de l'appartement étaient restées ouvertes pendant son absence ; que la requérante ne conteste pas les faits et admet avoir ainsi commis une faute professionnelle, comme l'a relevé le tribunal ; qu'elle avait même déclaré dans un premier temps, avant de se rétracter, qu'elle procédait de la sorte quotidiennement, le gardien de l'immeuble lui ayant reproché de laisser la poussette sur son palier ;

5. Considérant que ce manquement de Mme D...à ses obligations de sécurité et de surveillance des enfants dont elle avait la charge est constitutif d'une faute professionnelle de nature à justifier, à elle seule, compte tenu de sa gravité, la décision de retrait d'agrément, prise par le président du Conseil général sur le fondement des dispositions précitées, au motif que les conditions d'accueil garantissant la sécurité des enfants n'étaient plus assurée ; que la circonstance que Mme D...avait jusque-là donné satisfaction, ainsi qu'en attestent des parents, est sans influence sur ce point ; qu'au demeurant, il ressort de la décision attaquée que la manière de servir de Mme D...n'a pas toujours été irréprochable ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le département de Paris est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé la décision du 24 décembre 2012 par laquelle le président du Conseil général de Paris a retiré l'agrément d'assistante maternelle de MmeD... ; que, par suite et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur le moyen tiré de son irrégularité, ce jugement doit être annulé et la requête de Mme D...devant le tribunal rejetée ; qu'en outre, les conclusions incidentes présentées par Mme D...devant la Cour tendant à ce qu'il soit enjoint du département de lui octroyer l'agrément doivent être rejetées ;

Sur les conclusions des parties tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Considérant que les dispositions de cet article font obstacle à ce que le département de Paris, qui n'est pas partie perdante en l'instance, verse à Mme D...une somme au titre des frais exposés par celle-ci et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de MmeD..., la somme demandée à ce titre par le département de Paris ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Paris du 27 juin 2014 est annulé.

Article 2 : La demande de Mme D...présentée devant le Tribunal administratif de Paris et ses conclusions incidentes présentées devant la Cour sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions du département de Paris et de Mme D...tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au département de Paris et à Mme E... D....

Délibéré après l'audience du 9 avril 2015, à laquelle siégeaient :

M. Bouleau, premier vice-président,

M. Polizzi, président assesseur,

Mme Julliard, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 6 mai 2015.

Le rapporteur,

F. POLIZZILe président,

M. BOULEAU

Le greffier,

M. B...

La République mande et ordonne au ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3 ème chambre
Numéro d'arrêt : 14PA03858
Date de la décision : 06/05/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. BOULEAU
Rapporteur ?: M. Francis POLIZZI
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL
Avocat(s) : SCP H. DIDIER - F. PINET

Origine de la décision
Date de l'import : 23/09/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2015-05-06;14pa03858 ?
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