Vu la requête, enregistrée le 17 décembre 2013 par télécopie et régularisée le
18 décembre 2013, présentée pour M. et Mme B...A..., demeurant au... ; M. et Mme A...demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n°s 1108701, 1108787 et 1201841 du 17 octobre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2006, 2007 et 2008, ainsi que des pénalités correspondantes ;
2°) de prononcer la décharge partielle de ces impositions supplémentaires et pénalités correspondantes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
M. et Mme A...soutiennent que :
- l'exploitant dispose d'une liberté de choix pour répartir ses biens entre son actif commercial et son patrimoine privé ; en tant qu'exploitant individuel exerçant une activité de loueur en meublé, Mme A...a choisi d'inscrire à l'actif de son bilan tous les biens ayant fait l'objet d'une location, y compris la maison de Porto-Vecchio louée aux épouxA... ; dès lors, l'administration ne pouvait pas remettre en cause la comptabilisation des produits et charges afférents à la maison de Porto-Vecchio ;
- la maison de Porto-Vecchio a fait l'objet d'un contrat de location en meublé pour une durée de trois ans à compter du 1er janvier 2006 pour un loyer mensuel charges comprises de 600 euros ; les loyers ont été comptabilisés en produits et payés par le débit du compte de l'exploitant ; les loyers perçus pour les biens loués meublés étant supérieurs au seuil requis, Mme A...relevait du régime des loueurs en meublé professionnels dont les déficits étaient imputables sur le revenu global des épouxA... ;
- l'application de la loi fiscale n'est pas subordonnée à la définition juridique du contrat ; l'administration rappelle dans sa documentation de base 4F-1113 n° 8 à jour au 7 juillet 1998 qu'étant donné l'autonomie du droit fiscal, le régime d'imposition des loueurs en meublé est déterminé indépendamment de la situation de ces derniers ; la circonstance que M. et Mme A...aient été assujettis à la taxe d'habitation est sans influence sur l'application du régime d'imposition des loueurs en meublé ;
- n'a pas davantage d'incidence le fait que les contractants soient la même personne ; lorsque l'exploitant habite un immeuble conservé par le contribuable dans son patrimoine privé mais utilisé pour les besoins de son exploitation commerciale, une somme correspondant au loyer normal de l'immeuble peut être déduite même en l'absence de versement effectif de loyer ; l'administration a admis dans son instruction du 23 mars 2007 BOI-BIC-CHG-40-20-10 n° 180 la déduction d'un loyer fictif ; la réponse Delfosse du 23 février 1981 ne se limite pas aux cas d'utilisation uniquement partielle d'un immeuble inscrit à l'actif, conformément aux commentaires de la documentation de base 4A-223 n° 23 ;
- la déduction des charges se rapportant à la maison de Porto-Vecchio louée aux époux A...doit être accordée ;
- le contrat de location de la maison de Porto-Vecchio correspond à une situation réelle et donne lieu à une rémunération effective ; aucune minoration de loyer n'a été constatée ; la seule présentation d'un contrat de bail à soi-même ne saurait être considérée comme un manquement délibéré ;
- que la majoration de 40 % a été appliquée à tort ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 7 mai 2014, présenté par le ministre de l'économie et des finances, qui conclut au rejet de la requête ;
Il fait valoir que :
- pour constituer une location meublée, une location doit conférer à un tiers moyennant rémunération la jouissance des locaux meublés ; tel n'est pas le cas en l'espèce, Mme A...louant à elle-même et son époux la maison de Porto-Vecchio ; les requérants reconnaissent eux-mêmes l'absence de flux financier matérialisant cette location ; le contrat revêt un caractère fictif dès lors que le bien est la propriété du bailleur qui dispose de la jouissance du bien dans sa totalité ;
- après remise en cause de la prise en compte du montant des loyers concernant la maison de Porto-Vecchio, le montant des recettes annuelles de l'activité de loueur en meublé est inférieur au seuil de 23 000 euros pour 2006 et 2008 et ne représente pas 50 % du revenu global ;
- la maison de Porto-Vecchio, inscrite à l'actif de l'exploitation individuelle de Mme A...mais dont les requérants ont la jouissance, n'est pas utilisée pour les besoins de son activité ; en l'absence de location meublée, les loyers n'ont pas été pris en compte dans les produits ; de même, les frais et charges se rapportant à ce bien ne peuvent pas être considérés comme étant engagés dans l'intérêt de l'entreprise ; l'inscription à l'actif immobilisé de l'entreprise ne saurait être utilisée comme un critère de définition de la location meublée ;
- le service n'a pas fait de confusion entre les droits locatifs et de propriété de
M. et Mme A...mais a simplement considéré qu'ils étaient les propriétaires occupants de leur bien en Corse ; Mme A...utilise totalement ce bien inscrit à l'actif de son entreprise commerciale et ce, à des fins privées ;
- la majoration de 40 %, appliquée uniquement au titre de 2007 et 2008, sanctionne le fait d'avoir volontairement majoré le montant des produits de l'activité de loueur en meublé afin de bénéficier du régime des loueurs en meublé professionnels ;
Vu le mémoire en réplique, enregistré le 2 juillet 2014, présenté pour M. et MmeA... ; ils concluent aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens ; ils soutiennent en outre que :
- l'administration ne peut invoquer sa propre doctrine pour justifier les rectifications ;
- à aucun moment, l'activité de loueur en meublé de Mme A...n'a été remise en cause pour les autres biens loués ; elle pouvait dès lors, en tant qu'exploitant individuel exerçant une activité commerciale, inscrire librement un bien à l'actif du bilan ;
Vu le mémoire, enregistré le 16 septembre 2014, présenté par le ministre de l'économie et des finances, qui conclut aux mêmes fins que son précédent mémoire par les mêmes moyens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 mars 2015 :
- le rapport de M. Cheylan, premier conseiller,
- les conclusions de M. Boissy, rapporteur public ;
1. Considérant que Mme A...a déclaré, en tant que loueur en meublé professionnel, un déficit de 38 278 euros au titre de l'année 2006 qu'elle a imputé sur le revenu global de
M. et MmeA... ; que l'administration, à la suite d'un contrôle sur pièces, a refusé cette imputation au motif que le montant des recettes annuelles de cette activité était inférieur au seuil de
23 000 euros et ne représentait pas 50 % du revenu global ; que, dans sa réponse aux observations du contribuable du 17 mai 2010, l'administration a en outre indiqué que les recettes provenant de la location à M. et Mme A...d'une maison d'habitation meublée située à Porto-Vecchio ne pouvaient pas être prises en compte pour la détermination du montant des recettes annuelles ; qu'à l'occasion d'une vérification de comptabilité de l'activité de location meublée de MmeA..., le service vérificateur a procédé à diverses réintégrations, en particulier des charges afférentes aux biens situés à Porto-Vecchio, et a ramené le déficit à 35 048 euros pour l'exercice clos en 2007 et à 40 441 euros pour l'exercice clos en 2008 ; que le service a également remis en cause l'application du régime fiscal de loueur en meublé au motif que le montant des recettes annuelles, déduction faite des loyers de la maison de Porto-Vecchio, était inférieur aux seuils requis pour l'application de ce régime en 2007 et en 2008 ; que, par deux propositions de rectification du 10 décembre 2009 et du
17 mai 2010, l'administration a notifié à M. et MmeA..., suivant une procédure de rectification contradictoire, des rehaussements en matière d'impôt sur le revenu au titre des années 2006, 2007 et 2008 ; que M. et Mme A...relèvent appel du jugement du 17 octobre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté leur demande tendant à la décharge partielle des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu qui leur ont été assignées au titre des années 2006, 2007 et 2008 à raison du rejet de l'imputation sur le revenu global des déficits provenant de l'activité de location meublée et de la réintégration des charges afférentes à la maison de Porto-Vecchio, ainsi que des pénalités correspondantes ;
Sur les conclusions en décharge :
2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 156 du code général des impôts dans sa rédaction applicable aux années d'imposition en litige : " L'impôt sur le revenu est établi d'après le montant total du revenu net annuel dont dispose chaque foyer fiscal. Ce revenu net est déterminé eu égard aux propriétés et aux capitaux que possèdent les membres du foyer fiscal désignés aux 1 et 3 de l'article 6, aux professions qu'ils exercent, aux traitements, salaires, pensions et rentes viagères dont ils jouissent ainsi qu'aux bénéfices de toutes opérations lucratives auxquelles ils se livrent, sous déduction : / I. du déficit constaté pour une année dans une catégorie de revenus (...) / Toutefois, n'est pas autorisée l'imputation : / (...)1° bis des déficits provenant, directement ou indirectement, des activités relevant des bénéfices industriels ou commerciaux lorsque ces activités ne comportent pas la participation personnelle, continue et directe de l'un des membres du foyer fiscal à l'accomplissement des actes nécessaires à l'activité (...) Ces modalités d'imputation sont applicables aux déficits réalisés par des personnes autres que les loueurs professionnels au sens du VII de l'article 151 septies, louant directement ou indirectement des locaux d'habitation meublés ou destinés à être meublés. (...) " ; qu'aux termes du VII de l'article 151 septies du même code dans sa rédaction applicable aux années d'imposition en litige : " (...) Les loueurs professionnels s'entendent des personnes inscrites en cette qualité au registre du commerce et des sociétés qui réalisent plus de 23 000 euros de recettes annuelles ou retirent de cette activité au moins 50 % de leur revenu. " ;
3. Considérant qu'il est constant que Mme A...était inscrite au registre du commerce et des sociétés en qualité de loueur en meublé professionnel ; qu'elle a indiqué, dans ses observations en réponse à la proposition de rectification du 10 décembre 2009, qu'elle avait réalisé au titre de son activité de location meublée un montant de recettes de 23 285 euros en 2006 correspondant à la location de plusieurs studios à Rouen, d'un studio à Tarascon et de deux maisons d'habitation à Porto-Vecchio ; que l'administration n'a pas contesté ce montant dans ses écrits ultérieurs ; que, lors des opérations de vérification, le service a constaté qu'une maison de 70 m2 à Porto-Vecchio, louée à un membre de la famille de MmeA..., n'avait donné lieu à aucun encaissement de loyer ou constatation de créance et a en conséquence limité le montant des recettes annuelles provenant de la location meublée à 25 327 euros pour 2007 et 23 158 euros pour 2008 ; que l'administration, pour refuser à M. et Mme A...le bénéfice du régime fiscal des loueurs en meublé professionnels, a estimé qu'il convenait d'exclure, pour l'application du seuil de 23 000 euros, la location d'une maison de 35 m2 à Porto-Vecchio consentie à M. et Mme A...pendant les trois années en litige aux motifs que le contrat avait un caractère fictif et que la jouissance de la maison n'était pas attribuée à un tiers mais aux contribuables eux-mêmes ; qu'il résulte toutefois de l'instruction que M. et Mme A...ont signé le 28 décembre 2005 un contrat de location en meublé d'une maison d'habitation à Porto-Vecchio pour une durée de trois ans et moyennant un loyer mensuel de 600 euros ; que l'administration, qui n'a pas engagé de procédure de répression des abus de droit, ne peut toutefois se borner à faire valoir que le contrat de location revêt un caractère fictif alors même que le bailleur dispose de la jouissance du bien ;que si l'administration relève l'absence de flux financier, elle ne conteste pas que les recettes provenant de cette location ont été mentionnées en compte de produits et que la créance correspondante a été portée au débit du compte de l'exploitant ; que, contrairement à ce que soutient l'administration, qui ne saurait opposer sa propre doctrine, les dispositions précitées des articles 156 et 151 septies du code général des impôts ne réservent pas le bénéfice du régime fiscal des loueurs en meublé professionnels aux seules locations consenties à des tiers ; que ces dispositions n'excluent pas davantage, pour l'appréciation du seuil de 23 000 euros, les recettes provenant de la location meublée d'un bien, que Mme A...a choisi d'inscrire à l'actif du bilan de son entreprise individuelle, au profit de l'exploitante elle-même et de son époux ; qu'ainsi qu'il a été dit précédemment, le montant des recettes annuelles comprenant le loyer de ladite maison excède, pour les trois années en litige, le seuil de 23 000 euros ; que, dès lors, Mme A...pouvait être regardée comme ayant la qualité de loueur en meublé professionnel au sens de l'article 151 septies ; que, par suite et même si l'avis de taxe d'habitation désigne M. et Mme A...comme les propriétaires occupants de la maison de Porto-Vecchio, les requérants sont fondés à soutenir qu'ils pouvaient imputer sur leur revenu global des années 2006, 2007 et 2008 les déficits provenant de l'activité de location meublée de MmeA... ;
4. Considérant, en second lieu, qu'un bien ayant fait l'objet, de la part de l'exploitant individuel, d'une inscription à l'actif du bilan, laquelle constitue un acte de gestion opposable à l'administration, doit être regardé, au titre des années d'imposition en litige, comme affecté à l'exercice d'une activité professionnelle ;
5. Considérant que l'administration, pour refuser la déduction des charges relatives à la maison de Porto-Vecchio louée aux épouxA..., a considéré que la mise à disposition de la maison ne constituant pas une location, les frais et charges s'y rapportant n'avaient pas été engagés dans l'intérêt de l'entreprise ; qu'ainsi qu'il a été dit au point 3, cette maison a fait l'objet d'une location meublée moyennant un loyer mensuel de 600 euros ; qu'il est constant que Mme A...a choisi d'inscrire ladite maison à l'actif du bilan de son entreprise individuelle au titre des exercices en litige ; qu'ainsi, Mme A...pouvait inclure dans les dépenses d'exploitation l'ensemble des charges afférentes à cet immeuble ; que, par suite, c'est à tort que l'administration a réintégré les charges en litige au motif qu'elles concernaient un bien qui n'était pas exploité dans l'intérêt de l'entreprise ;
6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A...sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté leur demande ;
Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
7. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par M. et Mme A...et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n°s 1108701, 1108787 et 1201841 du 17 octobre 2013 du Tribunal administratif de Melun est annulé.
Article 2 : M. et Mme A...sont déchargés des cotisations d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2006, 2007 et 2008, liées à la remise en cause de l'imputation sur leur revenu global des déficits de l'activité de location meublée et à la réintégration des charges relatives à la maison de Porto-Vecchio louée aux épouxA..., ainsi que des pénalités correspondantes.
Article 3 : L'Etat versera à M. et Mme A...une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B...A...et au ministre des finances et des comptes publics.
Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris.
Délibéré après l'audience du 27 mars 2015, à laquelle siégeaient :
Mme Mosser, président de la formation de jugement,
Mme Stahlberger, président,
M. Cheylan, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 10 avril 2015.
Le rapporteur,
F. CHEYLANLe président,
G. MOSSERLe greffier,
J. BOUCLY
La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°13PA04603