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09/04/2015 | FRANCE | N°14PA01447

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3 ème chambre, 09 avril 2015, 14PA01447


Vu la requête, enregistrée le 1er avril 2014, présentée pour la société Saint-Pastou, dont le siège est au 1 rue Pierre Lescot à Paris (75001), par la SCP Desfilis et Mc Gowan ; la société Saint-Pastou demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1205715/3-3 du 4 février 2014 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant notamment à l'annulation de la décision du 9 février 2012 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi et de la santé a confirmé la décision de l'inspectrice du travail du 12 août 2011 lui refusant l'autorisation

de licencier Mme B...C..., ainsi que cette décision de l'inspectrice du tr...

Vu la requête, enregistrée le 1er avril 2014, présentée pour la société Saint-Pastou, dont le siège est au 1 rue Pierre Lescot à Paris (75001), par la SCP Desfilis et Mc Gowan ; la société Saint-Pastou demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1205715/3-3 du 4 février 2014 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant notamment à l'annulation de la décision du 9 février 2012 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi et de la santé a confirmé la décision de l'inspectrice du travail du 12 août 2011 lui refusant l'autorisation de licencier Mme B...C..., ainsi que cette décision de l'inspectrice du travail ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, ces décisions ;

3°) d'enjoindre au ministre chargé du travail de statuer à nouveau sur sa demande d'autorisation de licenciement, dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier dès lors que le premier mémoire en défense du ministre devait être communiqué ; que les premiers juges ont tenu compte des éléments tardivement produits en défense et non communiqués, notamment quant à la compétence de l'auteur de l'acte ; que le jugement ne répond pas au moyen tiré de la violation du caractère contradictoire de la procédure ;

- la décision ministérielle attaquée méconnaît l'article R. 2422-1 du code du travail ;

- les relations conflictuelles sont le fait de l'intéressée ; son licenciement en est la conséquence et n'est pas lié à son engagement syndical ;

- les autorités administratives et les premiers juges ont commis deux erreurs d'appréciation ;

Vu le jugement et la décision attaqués ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 3 octobre 2014, présenté pour Mme B...C... ; elle demande le rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la requérante une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; elle fait valoir qu'à le supposer établi, le caractère non-contradictoire de la procédure suivie devant le ministre à son égard ne fait pas grief à la requérante ; que la faute n'est pas suffisamment établie et n'est pas d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement ; qu'en tout état de cause, il existe un lien direct entre la demande d'autorisation de licenciement et son appartenance syndicale ; que les jugements judiciaires invoqués par la requérante sont frappés d'appel ;

Vu le mémoire, enregistré le 26 février 2015, présenté par le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social ; il conclut au rejet de la requête ; il fait valoir que le signataire de la décision du ministre était bien compétent en sa qualité de directeur adjoint du travail ; que le jugement n'est pas irrégulier dès lors qu'il n'est pas établi que le tribunal ait eu besoin de son mémoire pour répondre au moyen ; qu'il n'était pas tenu d'organiser une contre-enquête à l'occasion du recours hiérarchique et que celui-ci a bien été instruit par ses services ; que la requérante a bien été mise à même de produire ses observations sur ce recours qui lui a été communiqué ; qu'elle ne peut se prévaloir utilement de jugements rendus par le juge judiciaire ; qu'elle ne produit pas d'éléments complémentaires de nature à établir que Mme C... aurait fait plus qu'un essai de trois heures dans une pharmacie concurrente ; que le lien avec les mandats que Mme C...exerce est établi ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 26 mars 2015 :

- le rapport de M. Polizzi, président assesseur,

- les conclusions de M. Roussel, rapporteur public,

- et les observations de Me Tuaillon-Hibon, avocat de MmeC... ;

1. Considérant que la société Saint-Pastou, souhaitant licencier pour faute MmeC..., préparatrice en pharmacie, par ailleurs déléguée du personnel et déléguée syndicale, a saisi l'inspectrice du travail d'une demande d'autorisation de la licencier ; que, par une décision du 12 août 2011, l'inspectrice du travail a refusé de lui accorder cette autorisation ; que la société Saint-Pastou a formé un recours hiérarchique contre cette décision auprès du ministre du travail, de l'emploi et de la santé qui, par décision du 9 février 2012, l'a confirmée ; que la société Saint-Pastou demande à la Cour notamment d'annuler le jugement par lequel le tribunal a rejeté sa requête dirigées contre ces deux décisions, d'annuler celles-ci et d'enjoindre sous astreinte au ministre chargé du travail de statuer à nouveau sur sa demande d'autorisation de licenciement ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant que la société Saint-Pastou fait valoir que le tribunal ne lui a pas communiqué le premier mémoire en défense du ministre du travail, en méconnaissance de l'article R. 611-1 du code de justice administrative ; que, toutefois, il est constant que ce mémoire n'a été produit que postérieurement à la clôture d'instruction ; que si la requérante soutient que le tribunal en a nécessairement tenu compte pour répondre au moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte, la décision de nomination de M. A...D..., en qualité de directeur adjoint au directeur général du travail, est intervenue par décret du 6 octobre 2011 publié au journal officiel de la République française du lendemain ; que, par suite, le tribunal a pu trouver cette information dans une base de données juridiques ; qu'en outre, il ne ressort pas du jugement attaqué que le tribunal se soit fondé sur d'autres éléments qu'il n'aurait pu tirer que du mémoire du ministre ; que, par suite, le moyen tiré de l'irrégularité du jugement ne peut qu'être écarté ;

Sur la légalité des décisions attaquées :

Sur la légalité externe :

3. Considérant, en premier lieu, que la décision ministérielle attaquée a été signée, ainsi qu'il a été dit au point précédent, par M. A... D..., nommé directeur adjoint au directeur général du travail par décret du 6 octobre 2011 publié au Journal officiel de la République du 7 octobre 2011 ; que, dès lors, en application de l'article 1er du décret du 27 juillet 2005, il pouvait, de façon permanente, signer au nom du ministre chargé du travail la décision du 9 février 2012 attaquée ; que le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte manque en fait ;

4. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes du second alinéa de l'article 4 de la loi du 12 avril 2000 : " Toute décision prise par l'une des autorités administratives mentionnées à l'article 1er comporte, outre la signature de son auteur, la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci " ; que la décision du ministre contestée comporte, outre la signature de son auteur, le nom de celui-ci et sa qualité de directeur adjoint ; qu'ainsi, même si elle ne précise pas qu'elle a été prise par délégation du ministre, elle satisfait, contrairement à ce que soutient la société Saint-Pastou, aux exigences des dispositions précitées ;

5. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application des articles 1er et 2 de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales (...) " ; qu'il ressort des pièces du dossier que le ministre chargé du travail a fait procéder à une enquête le 4 novembre 2011 au cours de laquelle ont été entendus l'employeur comme la salariée concernée ; que, par suite, le moyen tiré par la société Saint-Pastou de la méconnaissance de la procédure contradictoire instituée par l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 doit être en tout état de cause écarté ;

6. Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article R. 2422-1 du code du travail : " Le ministre chargé du travail peut annuler ou réformer la décision de l'inspecteur du travail sur le recours de l'employeur, du salarié ou du syndicat que ce salarié représente ou auquel il a donné mandat à cet effet (...) " ; que ces dispositions n'imposent aucune formalité au ministre ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la requérante a été entendue par un agent du même service que celui auquel appartient l'inspectrice qui a pris la décision initiale et que, par suite, elle n'a pas pu présenter d'observations devant l'autorité hiérarchique à laquelle elle s'adressait doit être écarté ;

Sur la légalité interne :

7. Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des délégués du personnel, qui bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle, est subordonné à une autorisation de l'inspecteur du travail dont dépend l'établissement ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, il ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées par l'intéressé ou avec son appartenance syndicale ; que, dans le cas où la demande est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'autorité compétente de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte-tenu des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi, ainsi que de l'ensemble des règles applicables à son contrat de travail ;

8. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le seul fait fautif avéré à l'encontre de Mme C...tient à ce que cette salariée a été vue le dimanche 3 juillet 2011 en situation d'activité dans une autre pharmacie, alors qu'elle se trouvait en arrêt de travail pour maladie ; que si la société Saint-Pastou fait valoir que Mme C...a travaillé près d'un mois pour un autre employeur, elle ne le prouve pas par la seule production d'une liste de produits où est mentionné le prénom de l'intéressée, le dirigeant de la pharmacie concernée ayant indiqué que cette mention ne correspondait à aucune tâche accomplie ; que si la société invoque des jugements du Conseil des prud'hommes et du tribunal des affaires sanitaires et sociales, Mme C...fait valoir sans être contredite que ces jugements sont frappés d'appel ; qu'ainsi, comme l'ont retenu, après enquête, les autorités administratives successivement saisies, la société ne fournit aucun élément démentant que la salariée a effectué un simple essai en vue d'une éventuelle embauche dans la perspective de changer d'emploi ; que, dans ces conditions, il n'apparaît pas que l'inspectrice du travail puis le ministre aient commis une erreur de fait ou d'appréciation en estimant que cette circonstance n'était pas d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement de cette salariée protégée ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Saint-Pastou n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions attaquées ; que ses conclusions à fin d'annulation et, par voie de conséquence, celles à fin d'injonction sous astreinte, doivent être rejetées ;

Sur les conclusions des parties tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant que les dispositions de cet article font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante en l'instance, verse une somme à la société Saint-Pastou au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société requérante, partie perdante, la somme que Mme C... demande en application de ces mêmes dispositions ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Saint-Pastou est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de Mme C...tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Saint-Pastou, au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social et à Mme B...C....

Délibéré après l'audience du 26 mars 2015, à laquelle siégeaient :

- M. Bouleau, premier vice-président,

- M. Polizzi, président assesseur,

- Mme Chavrier, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 9 avril 2015.

Le rapporteur,

F. POLIZZILe président,

M. BOULEAU

Le greffier,

M. E...

La République mande et ordonne au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 10PA03855

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N° 14PA01447


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3 ème chambre
Numéro d'arrêt : 14PA01447
Date de la décision : 09/04/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. BOULEAU
Rapporteur ?: M. Francis POLIZZI
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL
Avocat(s) : TUAILLON-HIBON

Origine de la décision
Date de l'import : 22/09/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2015-04-09;14pa01447 ?
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