Vu la requête, enregistrée le 11 juillet 2014, présentée par le préfet de police de Paris, qui demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1316775 du 13 mai 2014 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé sa décision en date du 25 septembre 2013 opposant un refus à la demande de regroupement familial présentée par M. E...B...au bénéfice de son épouse ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. B...devant le Tribunal administratif de Paris ;
Il soutient que :
- sa décision n'a pas été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; en effet, d'une part, une durée de mariage de quatre ans n'est pas significative ; d'autre part, il n'est pas justifié que l'état de santé de M. B...implique la présence d'une tierce personne à ses côtés et, à supposer que ce soit le cas, sa fille ainsi que plusieurs de ses petits-enfants et deux de ses soeurs résident sur le territoire ; enfin, il n'est pas établi que le fils de l'intéressé, issu de son mariage, soit en France ; en tout état de cause, rien ne s'oppose à ce qu'il réitère sa demande de regroupement familial une fois qu'il aura satisfait aux conditions de ressources ou à ce qu'il retourne au Maroc auprès de son épouse, afin de poursuivre sa vie privée et familiale avec leur enfant ;
- par renvoi à ses écritures de première instance, les autres moyens invoqués par l'intéressé devant le Tribunal administratif de Paris ne sont pas fondés ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 13 novembre 2014, présenté pour M. B..., par MeD..., qui conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
Il soutient que c'est à bon droit que les premiers juges ont retenu le bien-fondé du moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; en effet, les dispositions de l'article L. 411-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne fixent pas de durée minimale de mariage, en-deçà de laquelle le regroupement familial au profit du conjoint ne pourrait être accordé ; au demeurant, quatre années de mariage suffisent à attester de la stabilité de son mariage, dont est issu un fils le 21 novembre 2011, lequel réside au Maroc auprès de sa mère ; de plus, son état de santé implique la présence de son épouse à ses côtés ; enfin, titulaire d'une carte de résident, il justifie résider en France depuis plus de trente ans et sa fille aînée ainsi que ses trois petits-enfants sont de nationalité française ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la décision en date du 18 décembre 2014 par laquelle le bureau d'aide juridictionnel près le tribunal de grande instance de Paris a maintenu la décision du 2 avril 2014 lui accordant le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 mars 2015 :
- le rapport de Mme Mosser, président assesseur,
- et les observations de Me Botella, avocat de M.B... ;
1. Considérant que M. E...B..., ressortissant marocain né en 1957 à Casablanca, et titulaire d'une carte de résident valable jusqu'au 22 juin 2016, a sollicité le 18 octobre 2010 l'introduction en France, au titre du regroupement familial, de Mme C...F..., son épouse ; que par une décision du 3 août suivant, confirmée, sur recours gracieux, le 27 octobre de la même année, le préfet de police de Paris a opposé un refus à sa demande ; que par un jugement du
12 décembre 2012, le Tribunal administratif de Paris a annulé ces décisions et enjoint au préfet de police de réexaminer la demande de l'intéressé ; que dans le cadre de ce réexamen, le préfet de police a de nouveau refusé, par une décision du 25 septembre 2013, d'accorder la bénéfice du regroupement familial à l'épouse de M.B... ; que le préfet de police relève appel du jugement du 13 mai 2014 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé cette décision ;
Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal :
2. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;
3. Considérant que la demande de M. B...a été rejetée au motif de ressources insuffisantes ; que si M.B..., titulaire d'une carte de résident valable jusqu'au 22 juin 2016, et qui réside habituellement en France depuis son arrivée sur le territoire en 1980, se prévaut des difficultés liées à son handicap, dont le taux est situé entre 50 % et 79 %, l'unique certificat médical qu'il présente, au demeurant établi le 7 février 2014, ne permet pas d'établir qu'il aurait besoin, au quotidien, de l'assistance d'une tierce personne ; que, par ailleurs, il dispose sur le territoire français de la présence d'une fille et de trois petits-enfants de nationalité française ; qu'ainsi, il ne justifie pas que la présence de son épouse auprès de lui serait indispensable, ni qu'il serait isolé sur le territoire français ; que, par ailleurs, il n'apporte aucun élément sur les relations qu'il entretient avec son épouse, de même nationalité, ni avec son fils, prénommé Anis, né le 21 novembre 2011 de son mariage, le 6 août 2010, lequel réside au Maroc auprès de sa mère ; que dans ces conditions, la décision attaquée n'a pas porté au droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ; que c'est donc à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a retenu, pour annuler la décision du 25 septembre 2013 par laquelle le préfet de police a refusé d'accorder le bénéfice du regroupement familial au profit de l'épouse de M.B..., que celle-ci avait été prise en méconnaissance des stipulations précitées ;
4. Considérant, toutefois, qu'il y a lieu pour la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par M.B..., tant en première instance qu'en appel ;
Sur les autres moyens invoqués par M.B... :
5. Considérant, en premier lieu, que par un arrêté n° 2012-00493 du 8 juin 2012, régulièrement publié le 12 juin suivant au bulletin municipal officiel de la ville de Paris, le préfet de police a donné délégation à M. G...A..., attaché d'administration de l'intérieur et de l'outre-mer, adjoint au chef du 6ème bureau, à l'effet de signer toutes décisions dans la limite de ses attributions, au titre desquelles figurent les demandes présentées au titre du regroupement familial ; que par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision litigieuse doit être écarté comme manquant en fait ;
6. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 411-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le ressortissant étranger qui séjourne régulièrement en France depuis au moins dix-huit mois, sous couvert d'un des titres d'une durée de validité d'au moins un an prévus par le présent code ou par des conventions internationales, peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre du regroupement familial, par son conjoint, si ce dernier est âgé d'au moins dix-huit ans, et les enfants du couple mineurs de dix-huit ans. " ; qu'aux termes de l'article L. 411-5 du même code : " Le regroupement familial ne peut être refusé que pour l'un des motifs suivants : /1° Le demandeur ne justifie pas de ressources stables et suffisantes pour subvenir aux besoins de sa famille. Sont prises en compte toutes les ressources du demandeur et de son conjoint indépendamment des prestations familiales et des allocations prévues à l'article L. 262-1 du code de l'action sociale et des familles, à l'article L. 815-1 du code de la sécurité sociale et aux articles L. 351-9, L. 351-10 et L. 351-10-1 du code du travail. Les ressources doivent atteindre un montant qui tient compte de la taille de la famille du demandeur. Le décret en Conseil d'Etat prévu à l'article L. 441-1 fixe ce montant qui doit être au moins égal au salaire minimum de croissance mensuel et au plus égal à ce salaire majoré d'un cinquième. Ces dispositions ne sont pas applicables lorsque la personne qui demande le regroupement familial est titulaire de l'allocation aux adultes handicapés mentionnée à l'article L. 821-1 du code de la sécurité sociale ou de l'allocation supplémentaire mentionnée à l'article L. 815-24 du même code. /2° Le demandeur ne dispose pas ou ne disposera pas à la date d'arrivée de sa famille en France d'un logement considéré comme normal pour une famille comparable vivant dans la même région géographique. /3° Le demandeur ne se conforme pas aux principes essentiels qui, conformément aux lois de la République, régissent la vie familiale en France, pays d'accueil. " ; que l'article L. 821-1 du code de la sécurité sociale prévoit : " Toute personne résidant sur le territoire métropolitain ou dans les départements mentionnés à l'article L. 751-1 ou à Saint-Pierre-et-Miquelon ayant dépassé l'âge d'ouverture du droit à l'allocation prévue à l'article L. 541-1 et dont l'incapacité permanente est au moins égale à un pourcentage fixé par décret perçoit, dans les conditions prévues au présent titre, une allocation aux adultes handicapés (...) " ; que selon l'article D. 821-1 du même code : " Pour l'application de l'article L. 821-1, le taux d'incapacité permanente exigé pour l'attribution de l'allocation aux adultes handicapés est d'au moins 80 %. / Pour l'application de l'article L. 821-2 ce taux est de
50 % (...) " ;
7. Considérant que M. B...fait valoir, pour soutenir que l'arrêté attaqué est entaché d'erreur de droit, que le préfet de police ne pouvait légalement lui opposer le caractère insuffisant de ses ressources dès lors qu'il justifie de l'attribution de l'allocation aux adultes handicapés et qu'il se trouve ainsi dispensé, en vertu des dispositions précitées de l'article L. 411-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de la condition de ressources à laquelle est soumise le bénéfice du regroupement familial ; que toutefois, il résulte des dispositions invoquées par l'intéressé que cette dispense, de droit, ne concerne que les personnes justifiant de l'attribution de l'allocation aux adultes handicapés au titre des dispositions de l'article L. 821-1 du code de la sécurité sociale, laquelle attribution, en application des dispositions précitées de l'article D. 821-1 du même code, est conditionnée à la justification d'un taux d'incapacité permanente d'au moins 80 % ; qu'en l'espèce, il ressort des pièces du dossier que le taux de handicap qui a été reconnu à
M. B...par la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées se situe entre 50 % et 79 %, soit en-deçà du taux précité de 80 % ; qu'il ne bénéficie donc pas de l'allocation prévue par les dispositions de l'article L 821-1 précité ; que l'intéressé ne peut utilement, et en tout état de cause, se prévaloir des travaux parlementaires de la loi n° 2007-1631 du 20 novembre 2007, dès lors que les dispositions applicables du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et du code de la sécurité sociale ne présentent pas d'ambigüité ; qu'ainsi, en opposant à
M. B...le critère de l'insuffisance de ses ressources, le préfet de police n'a pas commis d'erreur de droit dans l'application des dispositions de l'article L. 411-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
8. Considérant, en troisième et dernier lieu, que M. B...soutient que le préfet de police, en lui opposant à nouveau, par la décision attaquée, le critère de l'insuffisance de ses ressources, a méconnu l'autorité de chose jugée attachée au jugement du 12 décembre 2012, par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé sa précédente décision de refus, au motif que ce critère ne pouvait lui être opposé ; que, toutefois, le jugement du 12 décembre 2012, avait uniquement enjoint au préfet de police de réexaminer la situation de l'intéressé ; qu'ainsi, en procédant au réexamen de la demande de M.B..., et en appréciant de nouveau la situation personnelle et familiale de
M.B..., qui avait évoluée depuis la précédente décision, la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées ayant considéré en janvier 2013 qu'il rencontrait une restriction substantielle d'accès à l'emploi et que l'allocation adultes handicapés lui était accordée en soutien à un processus d'accès à l'insertion professionnelle, alors que l'intéressé avait été préalablement reconnu être dans l'impossibilité de se procurer un emploi, le préfet de police n'a pas méconnu l'autorité de chose jugée ; que le moyen doit donc être écarté ;
9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé sa décision du 25 septembre 2013 par laquelle il a refusé d'accorder le bénéfice du regroupement familial au profit de l'épouse de M.B... ; que par voie de conséquence, les conclusions aux fins d'injonction de M.B..., de même que celles qu'il a présentées sur le fondement des articles
L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, ne peuvent qu'être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : Les articles 1er à 3 du jugement n° 1316775 du 13 mai 2014 du Tribunal administratif de Paris sont annulés.
Article 2 : La demande présentée par M. B...devant le Tribunal administratif de Paris et ses conclusions d'appel sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. E... B....
Copie en sera adressée au préfet de police de Paris.
Délibéré après l'audience du 16 mars 2015, à laquelle siégeaient :
Mme Driencourt, président de chambre,
Mme Mosser, président assesseur,
M Frédéric Cheylan, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 27 mars 2015.
Le rapporteur,
G. MOSSERLe président,
L. DRIENCOURTLe greffier,
F. DUBUYLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 14PA03024