Vu la requête, enregistrée le 26 juin 2014, présentée par le préfet de police qui demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1401889/6-2 du 20 mai 2014 par lequel le Tribunal administratif de Paris, d'une part, a annulé son arrêté du 13 novembre 2013 refusant à M. D... la délivrance d'un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays de destination, d'autre part, lui a enjoint de délivrer à l'intéressé un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter la notification du jugement et, enfin, a mis à la charge de l'Etat le versement à Me Boukari Saou, avocat de M. D..., de la somme de 1 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. D...devant le Tribunal administratif de Paris ;
Il soutient que :
- c'est à tort que les premiers juges ont estimé qu'il avait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de M. D...dès lors que la durée de son séjour en France ne revêt pas une ancienneté significative, qu'il ne dépend plus de l'aide sociale à l'enfance, que son contrat jeune majeur n'a pas été renouvelé, qu'il ne justifie pas d'une insertion significative, qu'il n'établit pas que le contrat de formation professionnelle ait été en cours d'exécution à la date de son arrêté et qu'il ne démontre pas être dans l'impossibilité de se réinsérer dans son pays d'origine où réside sa famille et où il pourra faire valoir son diplôme ;
- il entend conserver l'entier bénéfice de ses écritures de première instance concernant les autres moyens soulevés par M. D...devant le Tribunal administratif de Paris ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 26 novembre 2014, présenté pour M. A... D...résidant chez M. B...C..., 2 square du Massif Central à Paris (75012), par Me E..., qui conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à MeE..., sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
Il soutient que :
- l'arrêté en litige est insuffisamment motivé ;
- le préfet de police a commis une erreur de fait en analysant sa demande de titre de séjour comme une nouvelle demande et non comme une demande de renouvellement ;
- l'arrêté contesté a méconnu les dispositions de l'article L. 313-11 2 bis du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il est arrivé en France à l'âge de seize ans et a été placé sous la protection des services sociaux, qu'il est titulaire d'un baccalauréat professionnel, qu'il a suivi plusieurs formations, qu'il a signé un contrat de formation professionnelle le 21 mai 2013 et qu'il n'a plus de relations avec ses parents restés en Mauritanie ;
- il a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales eu égard à la durée de sa présence en France et de son insertion dans la société française ;
- il a également méconnu l'article 12 de la déclaration universelle des droits de l'homme ;
- le préfet de police a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation dès lors qu'il justifie de nombreux efforts d'intégration en France et qu'il n'a plus aucun lien avec sa famille vivant en Mauritanie ;
Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris du 30 octobre 2014 maintenant M. D...au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Constitution, en son article 55 ;
Vu la Déclaration universelle des droits de l'homme du 10 décembre 1948 ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 mars 2015, le rapport de Mme Larsonnier, premier conseiller ;
1. Considérant que le préfet de police relève appel du jugement du 20 mai 2014 par lequel le Tribunal administratif de Paris, d'une part, a annulé son arrêté du 13 novembre 2013 refusant à M. D... la délivrance d'un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays de destination, d'autre part, lui a enjoint de délivrer à l'intéressé un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter la notification du jugement, enfin, a mis à la charge de l'Etat le versement à Me Boukari Saou, avocat de M. D... de la somme de 1 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que celui-ci renonce à percevoir la part contributive de l'Etat à sa mission d'aide juridictionnelle ;
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Considérant que pour annuler l'arrêté du 13 novembre 2013 rejetant la demande de titre de séjour de M.D..., le Tribunal administratif de Paris, après avoir souligné que l'intéressé, entré en France le 28 octobre 2008 à l'âge de quinze ans, a été confié à l'aide sociale à l'enfance le 25 novembre 2008 comme mineur isolé étranger, qu'il a obtenu un certificat d'aptitude professionnelle mention " charpentier bois " le 5 juillet 2012 avant de signer le
21 mai 2013 un contrat de formation professionnelle, a estimé, eu égard à la volonté d'intégration de M. D..., à ses résultats scolaires, à sa progression dans ses études et aux perspectives d'insertion professionnelle dont il dispose, que le préfet de police avait entaché son arrêté d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de celui-ci sur sa situation personnelle ; que, toutefois, le contrat de formation professionnelle de M. D...était achevé à la date de l'arrêté litigieux et l'intéressé ne justifiait pas suivre une autre formation professionnelle ou exercer une activité professionnelle ; qu'il ressort des pièces du dossier que l'intéressé est célibataire et dépourvu de toute attache familiale en France ; qu'il n'établit pas ne plus avoir de lien avec ses parents et sa fratrie vivant dans son pays d'origine ; que, dans ces conditions, le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé pour ce motif son arrêté du 13 novembre 2013 ;
3. Considérant qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. D... tant devant le Tribunal administratif de Paris que devant elle ;
Sur la légalité de l'arrêté du 13 novembre 2013 :
4. Considérant, en premier lieu, que le préfet de police a indiqué les motifs de fait et de droit sur lesquels sa décision est fondée ; que, par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'arrêté contesté doit être écarté ;
5. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort de la fiche de salle remplie par l'intéressé qu'il a présenté, le 7 avril 2013, une demande de titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-11 2° bis du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il s'agit d'une première demande sur ce fondement ; qu'en tout état de cause, M. D...ne démontre pas en quoi le fait d'analyser sa demande comme une première demande de titre de séjour et non en tant qu'une demande de renouvellement de son titre de séjour portant la mention " étudiant " aurait influé sur la légalité de la décision du préfet de police ; que le moyen tiré de ce que le préfet de police aurait commis une erreur de fait ne peut qu'être écarté ;
6. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 2º bis A l'étranger dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire ou entrant dans les prévisions de l'article L. 311-3, qui a été confié, depuis qu'il a atteint au plus l'âge de seize ans, au service de l'aide sociale à l'enfance et sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de la formation, de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d' accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. La condition prévue à l'article L. 311-7 n'est pas exigée (...) " ; qu'il ressort des pièces du dossier, comme il a déjà été dit que M.D..., né en 1993, est entré en 2008 en France où il a été confié aux services de l'aide sociale à l'enfance avant l'âge de seize ans ; qu'il a obtenu un certificat d'aptitude professionnelle en juillet 2012, puis signé un contrat de formation professionnelle du 21 mai 2013 au 7 novembre 2013, lequel était donc achevé à la date de l'arrêté en litige ; que M.D..., qui ne suivait pas de formation à la date de l'arrêté du préfet de police, ne justifiait pas d'une réelle insertion professionnelle en France ; que, par ailleurs, il n'établit pas de ne plus avoir de relations avec sa famille restée en Mauritanie ; qu'au demeurant il a présenté sa demande sur le fondement de ces dispositions en 2013 alors qu'il était âgé de 20 ans ; que, dans ces circonstances, le préfet n'a pas méconnu les dispositions précitées ;
7. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :
" 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;
8. Considérant que s'il ressort des pièces du dossier que M. D... établit résider habituellement en France depuis 2008 il est constant qu'il est célibataire, sans charge de famille en France ; qu'il n'établit pas être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où résident ses parents et sa fratrie ; que, par suite, dans les circonstances de l'espèce, l'arrêté contesté n'a pas porté au droit de M. D... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; qu'ainsi, cet arrêté n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
9. Considérant, enfin, que M. D... ne saurait invoquer utilement les stipulations de l'article 12 de la déclaration universelle des droits de l'homme, qui ne figure pas au nombre des textes diplomatiques ayant été ratifiés ou approuvés dans les conditions fixées par l'article 55 de la Constitution ;
10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 13 novembre 2013 et à demander l'annulation de ce jugement ; que la demande de M. D... présentée devant le Tribunal administratif de Paris doit être rejetée ;
Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
11. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. D...demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1401889/6-2 du 20 mai 2014 du Tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. D... devant le Tribunal administratif de Paris ainsi que ses conclusions présentées en appel sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. A... D....
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 9 mars 2015, à laquelle siégeaient :
- Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,
- M. Auvray, président-assesseur,
- Mme Larsonnier, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 23 mars 2015.
Le rapporteur,
V. LARSONNIERLe président,
O. FUCHS TAUGOURDEAULe greffier,
P. TISSERAND
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 14PA02809