La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

16/03/2015 | FRANCE | N°14PA03982

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 16 mars 2015, 14PA03982


Vu la requête, enregistrée le 17 septembre 2014, présentée par le préfet de police qui demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°1405487 du 15 juillet 2014 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté en date du 18 mars 2014 refusant l'admission au séjour de M. B...A...et prononçant sa remise aux autorités espagnoles ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A...devant le Tribunal administratif de Paris ;

Il soutient :

- que c'est à tort que le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté comme ayant été pr

is à la suite d'une procédure irrégulière en méconnaissance de l'article R. 741-2 du code de l...

Vu la requête, enregistrée le 17 septembre 2014, présentée par le préfet de police qui demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°1405487 du 15 juillet 2014 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté en date du 18 mars 2014 refusant l'admission au séjour de M. B...A...et prononçant sa remise aux autorités espagnoles ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A...devant le Tribunal administratif de Paris ;

Il soutient :

- que c'est à tort que le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté comme ayant été pris à la suite d'une procédure irrégulière en méconnaissance de l'article R. 741-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'en effet, M.A..., dont la demande d'asile relevait de la compétence des autorités espagnoles, ne peut utilement se prévaloir de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 741-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que l'obligation d'information prévue à cet article, qui a eu pour objet de transposer l'article 10 la directive 2005/85 du 1er décembre 2005, ne concerne pas l'examen des demandes d'asile relevant de la compétence d'un autre Etat ;

- que s'agissant des autres moyens soulevés en première instance, il s'en rapporte à ses écritures devant le Tribunal administratif de Paris ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 21 octobre 2014, présenté pour M. A... par Me Dannaud ; M. A...conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros ;

M. A...soutient que :

- l'information prévue à l'article R. 741-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui est constitutive d'une garantie, concerne tous les étrangers qui sollicitent l'asile en France et doit être délivrée en tout début de procédure, au moment où le demandeur d'asile sollicite son admission au séjour ;

- l'article 5 de la directive n°2003/09 CE du 27 janvier 2003 dispose que les Etats membres informent, au minimum, les demandeurs d'asile, dans un délai raisonnable n'excédant pas quinze jours après le dépôt de leur demande d'asile auprès de l'autorité compétente, des avantages dont ils peuvent bénéficier et des obligations qu'ils doivent respecter eu égard aux conditions d'accueil ;

- la note d'information qui lui a été remise le 30 octobre 2013 a été prise en violation de l'article 3 paragraphe 4 du règlement n°343/2003 du Conseil du 18 février 2003 dès lors qu'elle ne l'informe que sur le délai de réponse dont dispose l'Etat requis à compter de la réception de la requête présentée par l'Etat requérant ;

- l'information qui lui a été délivrée concernant la prise de ses empreintes digitales ne comporte pas l'ensemble des informations mentionnées à l'article 18 du règlement n°2725/2000 du Conseil du 11 décembre 2000 ;

Vu, enregistré le 20 janvier 2015, le mémoire présenté pour M. A...qui conclut aux mêmes fins que son précédent mémoire et par les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le règlement (CE) nº 2725/2000 du Conseil du 11 décembre 2000 concernant la création du système " Eurodac " pour la comparaison des empreintes digitales aux fins de l'application efficace de la convention de Dublin ;

Vu le règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable d'une demande d'asile présentée dans l'un des Etats membres par un ressortissant d'un pays tiers ;

Vu la directive 2005/85/CE du Conseil du 1er décembre 2005 relative à des normes minimales concernant la procédure d'octroi et de retrait du statut de réfugié dans les États membres ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 février 2015 :

- le rapport de Mme Mosser, président assesseur,

- les conclusions de M. Boissy, rapporteur public,

- et les observations de Me Dannaud, avocat de M.A... ;

1. Considérant que M.A..., ressortissant camerounais né le 3 février 1982, a sollicité son admission au séjour au titre de l'asile ; que, par un arrêté en date du 18 mars 2014, le préfet de police a rejeté sa demande sur le fondement du 1° de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et a décidé qu'il serait remis aux autorités espagnoles par application du règlement n°343/2003 du Conseil du 18 février 2003 ; que le préfet de police relève appel du jugement du 15 juillet 2014 par lequel le Tribunal administratif de Paris a, sur la demande de M.A..., annulé cet arrêté ;

2. Considérant qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la directive du

27 janvier 2003 relative à des normes minimales pour l'accueil des demandeurs d'asile dans les Etats membres susvisée : " La présente directive s'applique à tous les ressortissants de pays tiers et apatrides qui déposent une demande d'asile à la frontière ou sur le territoire d'un Etat membre tant qu'ils sont autorisés à demeurer sur le territoire en qualité de demandeurs d'asile, ainsi qu'aux membres de leur famille, s'ils sont couverts par cette demande d'asile conformément au droit national " ; qu'aux termes de l'article 5 de cette directive : " Information / 1. Les États membres informent, au minimum, les demandeurs d'asile, dans un délai raisonnable n'excédant pas quinze jours après le dépôt de leur demande d'asile auprès de l'autorité compétente, des avantages dont ils peuvent bénéficier et des obligations qu'ils doivent respecter eu égard aux conditions d'accueil. / Les États membres garantissent que des informations sont fournies aux demandeurs sur les organisations ou les groupes de personnes qui assurent une assistance juridique spécifique et sur les organisations susceptibles de les aider ou de les informer en ce qui concerne les conditions d'accueil dont ils peuvent bénéficier, y compris les soins médicaux. / 2. Les États membres font en sorte que les informations prévues au paragraphe 1 soient fournies par écrit et, dans la mesure du possible, dans une langue dont les demandeurs sont censés avoir une connaissance suffisante. Le cas échéant, ces informations peuvent également être fournies oralement. " ; qu'aux termes de l'article R. 741-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui transpose la directive 2003/9/CE ssuvisée : " L'étranger qui, n'étant pas déjà admis à résider en France, sollicite son admission au séjour au titre de l'asile en application de l'article L. 741-1 présente à l'appui de sa demande : (...)L'indication des pièces à fournir par l'étranger qui sollicite son admission au séjour au titre de l'asile en application du présent article est portée à sa connaissance par les services de la préfecture. Ces derniers remettent alors à l'étranger un document d'information sur ses droits et sur les obligations qu'il doit respecter eu égard aux conditions d'accueil des demandeurs d'asile, ainsi que sur les organisations qui assurent une assistance juridique spécifique et celles susceptibles de l'aider ou de l'informer sur les conditions d'accueil dont il peut bénéficier, y compris les soins médicaux. Cette information se fait dans une langue dont il est raisonnable de penser que le demandeur d'asile la comprend. " ;

3. Considérant qu'il résulte des dispositions de la directive du 27 janvier 2003 susvisée, telles qu'interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne dans son arrêt du

27 septembre 2012, qu'un Etat membre saisi d'une demande d'asile est tenu d'octroyer les conditions minimales d'accueil garanties par cette directive, y compris à un demandeur d'asile pour lequel il décide, en application du règlement du Conseil du 18 février 2003 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des Etats membres par un ressortissant d'un pays tiers, dit " Dublin II ", de requérir un autre Etat membre aux fins de prendre en charge ou de reprendre en charge ce demandeur en tant qu'Etat membre responsable de l'examen de sa demande d'asile, et que cette obligation ne prend fin, le cas échéant, que lors du transfert effectif du demandeur par l'Etat membre requérant, la charge financière de l'octroi des conditions minimales incombant, jusqu'à cette date, à ce dernier Etat membre ;

4. Considérant, par suite, que si M.A..., dont la demande relève de la compétence de l'Espagne, peut se voir refuser l'admission au séjour en application du 1° de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il dispose cependant du droit de rester en France jusqu'à son transfert effectif vers l'Etat membre chargé de l'examen de sa demande d'asile en application des dispositions précises et inconditionnelles de l'article 7 de la directive du 1er décembre 2005 relative à des normes minimales concernant la procédure d'octroi et de retrait du statut de réfugié dans les Etats membres, ainsi que l'a également jugé la Cour de justice de l'Union européenne ; qu'il doit, dès lors, pouvoir accéder aux conditions minimales d'accueil prévues par la directive du 27 janvier 2003 et à l'information prévue par le dernier alinéa de l'article R. 741-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en tant qu'elle porte sur ces conditions minimales d'accueil ;

5. Considérant que si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou s'il a privé les intéressés d'une garantie ; que l'obligation de remise à l'intéressé du document d'information prévu au dernier alinéa de l'article R. 741-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est constitutive d'une garantie ;

6. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que M. A...se serait vu remettre le document d'information sur les droits et obligations du demandeur d'asile ainsi que sur les aides dont il peut bénéficier, prévu par les dispositions susmentionnées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que si le préfet de police fait valoir que l'intéressé a été informé, dans une langue qu'il comprend, des conditions d'application du règlement du

18 février 2003 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande d'asile, cette information ne saurait se substituer aux informations prévues par l'article R. 741-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont la nature est différente ; que, dans ces conditions, M. A...ayant été privé d'une garantie, l'arrêté du 18 mars 2014 lui refusant son admission au séjour au titre de l'asile et prononçant sa remise aux autorités espagnoles a été pris à l'issue d'une procédure irrégulière ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet de police n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté en date du 18 mars 2014 rejetant la demande d'admission au séjour de M. A...et décidant de sa remise aux autorités espagnoles ;

8. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme que M. A...réclame au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du préfet de police est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de M. A...sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 20 février 2015, à laquelle siégeaient :

Mme Driencourt, président de chambre,

Mme Mosser, président assesseur,

Mme Stahlberger, président,

Lu en audience publique, le 16 mars 2015.

Le rapporteur,

G. MOSSERLe président,

L. DRIENCOURT Le greffier,

J. BOUCLY La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

''

''

''

''

2

N° 14PA03982


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 14PA03982
Date de la décision : 16/03/2015
Type d'affaire : Administrative

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme DRIENCOURT
Rapporteur ?: Mme Geneviève MOSSER
Rapporteur public ?: M. BOISSY
Avocat(s) : DANNAUD

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2015-03-16;14pa03982 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award