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12/03/2015 | FRANCE | N°13PA02180

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 12 mars 2015, 13PA02180


Vu la requête, enregistrée le 21 mai 2013, présentée pour Mme B...A..., demeurant..., par Me Ohana, avocat ; Mme A...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0907402/3 en date du 22 novembre 2012, par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à la décharge de l'obligation de payer les sommes de 218 820,62 euros, 75 443,36 euros, 18 436,27 euros et 8 090,02 euros, visées par quatre avis à tiers détenteur n° 7000017 à 7000020, émis à son encontre le 3 février 2009 par le trésorier de Nogent-sur-Marne, correspondant aux cotisations et

majorations dues au titre de l'impôt sur le revenu des années 1991 à 199...

Vu la requête, enregistrée le 21 mai 2013, présentée pour Mme B...A..., demeurant..., par Me Ohana, avocat ; Mme A...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0907402/3 en date du 22 novembre 2012, par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à la décharge de l'obligation de payer les sommes de 218 820,62 euros, 75 443,36 euros, 18 436,27 euros et 8 090,02 euros, visées par quatre avis à tiers détenteur n° 7000017 à 7000020, émis à son encontre le 3 février 2009 par le trésorier de Nogent-sur-Marne, correspondant aux cotisations et majorations dues au titre de l'impôt sur le revenu des années 1991 à 1999, de la taxe foncière des années 1995 et 1997 à 2001, de la taxe d'habitation des années 1995 à 2001 et des contributions sociales dues au titre des années 1996 et 1997 ;

2°) de prononcer la décharge de cette obligation de payer ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- les créances pour lesquelles le Trésor public a émis les avis à tiers détenteur litigieux sont prescrites ; la suspension des poursuites prévue par l'article 47 de la loi du 25 janvier 1985 n'est applicable qu'à l'encontre du débiteur concerné et non à l'égard de tiers, même si ceux-ci sont des coobligés, à l'égard desquels le Trésor public dispose d'une action en recouvrement en vertu d'un droit propre ; si le délai de prescription a été suspendu à l'égard de son ancien époux à compter du jugement de liquidation de ces biens, il a continué à courir et n'a pas été suspendu à son égard, alors même qu'elle serait, elle-même, débitrice des dettes fiscales litigieuses ;

- à titre subsidiaire, qu'à supposer que le délai de prescription ait été suspendu et n'ait pas continué à courir à son égard, les poursuites engagées à son encontre sont en tout état de cause irrégulières, dès lors qu'elles ont été effectuées pendant le délai de suspension des poursuites ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 10 octobre 2013, présenté par le ministre de l'économie et des finances, qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que :

- la demande présentée par la requérante devant les premiers juges, qui a été déposée 6 mois après la notification du rejet de sa réclamation par le receveur de Nogent-sur-Marne, a été présentée hors délai ;

- l'action en recouvrement dont dispose le Trésor public à l'égard de la requérante n'était pas prescrite à la date à laquelle les avis à tiers détenteur litigieux ont été émis ; Mme A...est solidairement redevable des impôts établis au nom du foyer fiscal, ce qui n'est pas contesté par la requérante ; le cours de la prescription à l'égard du débiteur et du tiers solidaire, qui a commencé à courir le 30 septembre 1992, date de mise en recouvrement de la première imposition réclamée, a été suspendu par la mise en liquidation judiciaire de l'ancien époux de la requérante par un jugement du Tribunal de grande instance de Paris en date du 11 octobre 2011 ; la déclaration des créances faite entre les mains du mandataire à la liquidation interrompt la prescription de l'action en recouvrement jusqu'au prononcé du jugement de clôture pour insuffisance d'actif, ce qui vaut également à l'encontre des autres débiteurs solidaires ;

- alors même que le droit de poursuite individuel dont disposait le comptable public a été suspendu à l'égard de l'ancien époux de la requérante à compter du 11 octobre 2011, les articles L. 622-21, L. 631-4 et L. 641-4 du code du commerce ne faisaient pas obstacle à ce que le receveur mette en jeu la responsabilité solidaire de la requérante ; en l'absence de réclamation suspensive de paiement dans les conditions prévues par l'article L. 277 du livres de procédures fiscales, le comptable public était fondé à poursuivre le recouvrement par toutes voies de droit, de sorte que les avis à tiers détenteurs émis le 3 février 2009 sont réguliers ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil ;

Vu le code de commerce ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu, au cours de l'audience publique du 2 mars 2015 :

- le rapport de M. Blanc, premier conseiller,

- les conclusions de M. Lemaire, rapporteur public ;

1. Considérant que le trésorier principal de Nogent-sur-Marne a émis, le 3 février 2009, à l'encontre de Mme A..., quatre avis à tiers détenteur pour avoir paiement d'une somme globale de 320 790,27 euros correspondant à des cotisations d'impôt sur le revenu dues au titre des années 1991 à 1999, des rappels de taxe foncière dus au titre des années 1995, 1997, 1998, 1999, 2000 et 2001, des rappels de taxe d'habitation dus au titre des années 1995 à 2001, ainsi que des contributions sociales dues au titre des années 1996 et 1997, qui ont été établies au nom du foyer fiscal qu'elle formait avec M.C..., avant leur divorce prononcé au cours de l'année 2001 ; que Mme A...fait appel du jugement en date du 22 novembre 2012 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à la décharge de l'obligation de payer procédant de ces quatre avis détenteurs ;

2. Considérant que Mme A...conteste être redevable de la créance du Trésor public pour laquelle ont été émis les avis à tiers détenteurs du 3 février 2009, en faisant valoir que l'action en recouvrement dont disposait le comptable public à son égard, sur le fondement de la responsabilité solidaire de chacun des époux, était prescrite à la date de l'émission de ces avis ;

3. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 1685 du code général des impôts : " 1 Chacun des époux, lorsqu'ils vivent sous le même toit, est solidairement responsable des impositions assises au nom de son conjoint, au titre de la taxe d'habitation./

2. Chacun des époux est tenu solidairement au paiement de l'impôt sur le revenu. Il en est de même en ce qui concerne le versement des acomptes prévus par l'article 1664, calculés sur les cotisations correspondantes mises à la charge des époux dans les rôles concernant la dernière année au titre de laquelle ils ont été soumis à une imposition commune. Chacun des époux peut demander à être déchargé de cette obligation. " ;

4. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 274 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au litige : " Les comptables du Trésor qui n'ont fait aucune poursuite contre un contribuable retardataire pendant quatre années consécutives, à partir du jour de la mise en recouvrement du rôle perdent leur recours et sont déchus de tous droits et de toute action contre ce redevable. / Le délai de quatre ans mentionné au premier alinéa, par lequel se prescrit l'action en recouvrement, est interrompu par tous actes comportant reconnaissance de la part du contribuable et par tous actes interruptifs de la prescription. " ; qu'aux termes de l'article L. 621-40 du code de commerce, dans sa version en vigueur à la date du jugement d'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire à l'encontre de M. C...: " I. Le jugement d'ouverture suspend ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance a son origine antérieurement audit jugement et tendant : / 1° à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent (...) / II. Il arrête ou interdit également toute voie d'exécution de la part de ces créanciers tant sur les meubles que sur les immeubles. / III. Les délais impartis à peine de déchéance ou de résolution des droits sont en conséquence suspendus. " ; qu'enfin, aux termes de l'article 2244 du code civil, alors applicable et dont la substance est désormais reprise, en ce qui concerne l'effet d'une citation en justice, à l'article 2241 de ce code : " Une citation en justice (...), un commandement ou une saisie (...) interrompent la prescription (...) " et qu'aux termes de l'article 2249 du même code dans sa rédaction alors applicable : " L'interpellation faite (...) à l'un des débiteurs solidaires (...) interrompt la prescription contre tous les autres. " ;

5. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ces dispositions qu'alors que le jugement d'ouverture de la procédure collective ne suspend la prescription qu'à l'égard de la personne visée par cette procédure, l'effet interruptif de prescription d'une déclaration de créance au passif d'une procédure collective ouverte à l'encontre de l'un des débiteurs solidaires, qui produit ses effets jusqu'à l'extinction de l'instance, s'étend aux autres débiteurs solidaires, pour les impositions au paiement desquelles ils sont solidairement tenus ;

6. Considérant qu'il est constant que le trésorier principal de Nogent-sur-Marne a notifié auprès du mandataire liquidateur, désigné par le Tribunal de grande instance de Paris, pour la durée de la procédure de liquidation judicaire qui a été ouverte à l'encontre de M. C...par jugement du 11 octobre 2001, l'ensemble des créances du Trésor Public restées impayées par celui-ci, qui ont fait l'objet des avis à tiers détenteurs, émis le 3 février 2009 ; que cette déclaration de créance a eu pour effet d'interrompre le délai de prescription, non seulement à l'égard de M. C...lui-même, mais également à l'égard de son épouse, pour les cotisations d'impôt sur le revenu et de taxe d'habitation dont ils sont solidairement redevables en vertu de l'article 1685 du code général des impôts précité ; que la liquidation des biens ouverte à l'encontre de M. C...n'ayant pas fait l'objet d'un jugement de clôture à la date d'émission des avis à tiers détenteur litigieux, Mme A...n'est pas fondée à soutenir que l'action dont disposait le comptable public à son égard, pour procéder au recouvrement des dettes fiscales du foyer fiscal qu'elle formait avec M. C...avant leur divorce, serait prescrite ;

7. Considérant, en second lieu, que Mme A...soutient, à titre subsidiaire, qu'à supposer que le délai de prescription ait été interrompu à son égard, les poursuites engagées à son encontre étaient en tout état de cause irrégulières, dès lors qu'elles ont été effectuées au cours d'une période pendant laquelle elles devaient être suspendues ;

8. Considérant toutefois que, si le droit de poursuite individuel du comptable du Trésor était suspendu à l'égard de M. C... à compter du jugement de liquidation de ses biens, en application des dispositions précitées de l'article L. 621-40 du code de commerce, ces dispositions ne faisaient pas obstacle à ce que le comptable mette en jeu la responsabilité solidaire de la requérante pour le paiement des cotisations d'impôt sur le revenu et les rappels de taxe d'habitation litigieux, conformément aux dispositions du 2 de l'article 1685 du code général des impôts, tant que ces impositions n'étaient pas prescrites ; que Mme A...n'est, par suite, pas fondée à contester la régularité des poursuites engagées en son encontre ;

9. Considérant que si Mme A...demande également en appel la décharge de l'obligation, procédant des mêmes avis à tiers détenteur du 3 févier 2009, de payer les rappels de taxe foncières dus au titre des années 1995, 1997, 1998, 1999, 2000 et 2001 ainsi que les contributions sociales dues au titre des années 1996 et 1997, ces conclusions, qui ne sont assorties d'aucun moyen, ne peuvent qu'être rejetées ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il besoin de statuer sur la fin de non recevoir opposée par l'administration fiscale, que Mme A...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à la décharge de l'obligation de payer procédant des quatre avis à tiers détenteur émis par le trésorier principal de Nogent-sur-Marne, le 3 février 2009 ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que Mme A...demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de Mme A...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...A...et au ministre des finances et des comptes publics.

Copie en sera adressée à la direction départementale des finances publiques du Val-de-Marne.

Délibéré après l'audience du 2 mars 2015, à laquelle siégeaient :

- M. Formery, président,

- Mme Coiffet, président assesseur,

- M. Blanc, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 12 mars 2015.

Le rapporteur,

P. BLANCLe président,

S.-L. FORMERYLe greffier,

S. CHALBOT-SANTT

La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 13PA02180


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 13PA02180
Date de la décision : 12/03/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-01-05-01-005 Contributions et taxes. Généralités. Recouvrement. Action en recouvrement. Prescription.


Composition du Tribunal
Président : M. FORMERY
Rapporteur ?: M. Philippe BLANC
Rapporteur public ?: M. LEMAIRE
Avocat(s) : ACTEMIS AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2015-03-12;13pa02180 ?
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