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12/03/2015 | FRANCE | N°13PA00642

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 12 mars 2015, 13PA00642


Vu la requête, enregistrée le 15 février 2013, présentée pour M. et Mme A...C..., demeurant..., par Me E...et MeD..., avocats à la Cour ; M. et Mme C...demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0905397/7 et 1003850/7 du 13 décembre 2012 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des pénalités correspondantes auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2001 à 2005 ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions et pénalités ;
>3°) de leur accorder le bénéfice du sursis de paiement ;

4°) de mettre à la charge de l'...

Vu la requête, enregistrée le 15 février 2013, présentée pour M. et Mme A...C..., demeurant..., par Me E...et MeD..., avocats à la Cour ; M. et Mme C...demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0905397/7 et 1003850/7 du 13 décembre 2012 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des pénalités correspondantes auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2001 à 2005 ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions et pénalités ;

3°) de leur accorder le bénéfice du sursis de paiement ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le montant des frais de procédure supportés tant en première instance qu'en appel en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Ils soutiennent que :

- le jugement attaqué est irrégulier, dès lors qu'il ne comporte que la signature du greffier ;

- l'administration fiscale a remis en cause, à tort, la déduction en charges de commissions supportées par la Sarl Régie 93, lesquelles correspondent à des opérations réelles ; les éléments dont se prévaut l'administration ne permettent pas d'établir que les prestations en cause seraient fictives ;

- les conditions auxquelles est subordonnée l'application d'une majoration de 80 % pour manoeuvres frauduleuses en vertu de l'article 1729 du code général des impôts ne sont pas satisfaites, dès lors qu'il ne peut leur être reproché un acte ou un artifice de nature à égarer ou restreindre le pouvoir de contrôle de l'administration ; le Sarl Régie 93 a été victime d'un vol, ce qui ne lui a pas permis de produire certaines pièces justificatives telles que les bons d'insertion ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 17 juin 2013, présenté par le ministre de l'économie et des finances, qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que :

- le jugement attaqué n'est pas entaché d'irrégularité ; les copies du jugement notifiées aux parties, à la différence de la minute, n'ont pas à être signées par le président de la formation de jugement ;

- le service a pu à bon droit refuser en application du 1 de l'article 39 du code général des impôts la déduction du résultat de le Sarl Régie 93 le montant des commissions inscrites en charges au titre des exercices 2003 et 2004 ; les anomalies et éléments relevés lors des opérations de contrôle ont permis de remettre en cause le fait que les factures présentées par le Sarl Régie 93 se rapportant à ces commissions puissent correspondre à des opérations réelles ;

- le Sarl Régie 93 n'a pas été en mesure de fournir des documents probants, tels que des factures détaillées, des bons d'insertion signés des prestataires, un état des clients apportés par chaque agent, un détail chiffré de facturation, ou des courriers échangés avec les agents commerciaux, pour justifier de la réalité des prestations effectuées par ceux-ci ou l'intérêt des dépenses engagées pour l'exploitation de son activité ; le statut juridique incertain et l'absence d'activité professionnelle déclarée auprès des administrations compétentes par la plupart de ces différents prestataires ne permet pas de conclure que les commissions versées soient en rapport direct avec la nature des prestations facturées ; plusieurs agents commerciaux ayant facturé des commissions à la Sarl Régie 93 n'ont pas déposé de déclaration fiscale ou déclaré des revenus très inférieurs au montant des commissions comptabilisées en charge par la Sarl Régie 93 ;

- les rappels de taxe sur la valeur ajoutée notifiés à la Sarl Régie 93 mentionnés dans la requête ne font pas partie du litige ; les requérants ne font valoir aucun moyen à l'encontre de ces rappels, qui n'ont pas fait l'objet d'une réclamation, ni n'ont jamais été mis en recouvrement ;

- l'application d'une majoration de 80 % pour manoeuvres frauduleuses aux suppléments d'impôt sur le revenu auxquels les requérants ont été assujettis dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux au titre des années 2003 et 2004 est justifiée, dès lors que les éléments qui ont conduit le vérificateur à remettre en cause la déduction des charges litigieuses révèlent l'existence de manoeuvres de la part des contribuables d'égarer l'administration dans ses opérations de contrôle ;

- les conclusions à fin de sursis de paiement présentées par les requérants sont irrecevables ;

- la demande des requérants tendant au remboursement de frais irrépétibles doit également être rejetée, dès lors qu'elle est infondée et qu'en tout état de cause, elle n'a pas été chiffrée ;

Vu le mémoire, enregistré le 27 juin 2013, présenté par le ministre de l'économie et des finances, qui conclut aux mêmes fins que son précédent mémoire ;

Il soutient en outre que les requérants ne sont pas fondés à demander la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2005, faute pour ceux-ci de faire valoir aucun moyen à l'encontre de l'imposition établie au titre de cette année ;

Vu les pièces dont il résulte qu'en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, les parties ont été informées que l'arrêt de la Cour était susceptible de substituer d'office à la majoration de 80 % pour manoeuvres frauduleuses, appliquée par l'administration aux suppléments d'impôts sur le revenu auxquels ont été assujettis les épouxC... dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux au titre des années 2003 et 2004, la majoration de 40% pour mauvaise foi prévue par l'article 1729 du code général des impôts ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu l'arrêt de la Cour n° 13PA00633 du 12 mars 2015 ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu, au cours de l'audience publique du 2 mars 2015 :

- le rapport de M. Blanc, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Lemaire, rapporteur public ;

1. Considérant que M.C..., qui exerce la profession d'agent commercial dans le domaine de la régie publicitaire, est par ailleurs le gérant et l'associé unique de la Sarl Régie 93 ; que M. C...a fait l'objet, pour l'exercice de son activité d'agent commercial exercée à titre indépendant, d'un contrôle sur pièces au titre de l'exercice clos en 2001 et d'une vérification de comptabilité au titre des exercices clos en 2002 et 2003 ; qu'au cours de ces contrôles, l'administration fiscale a procédé au rehaussement des bénéfices non commerciaux réalisés par l'intéressé, en considérant que des crédits figurant sur son compte professionnel, qui n'avaient pas été déclarés, constituaient des recettes professionnelles ; que, la Sarl Régie 93 a fait elle-même l'objet d'une vérification de comptabilité, à la suite de laquelle le service a notamment remis en cause, au titre des exercices clos en 2003 et 2004, la déduction de charges de son résultat, correspondant à des commissions versées par cette société à des agents commerciaux ou d'autres régies publicitaires, au motif que les factures présentées lors des opérations de contrôle étaient fictives ; que le rehaussement du bénéfice net de la société Régie 93, qui est soumise au régime des sociétés de personnes prévu par l'article 8 du code général des impôts, a été imposé à l'impôt sur le revenu entre les mains de son associé dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux ; que ces suppléments ont été assortis de majorations de 80 % en application de l'article 1729 du code général des impôts pour manoeuvres frauduleuses ; M. et Mme C...font appel du jugement du 13 décembre 2012 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des pénalités correspondantes auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2001 à 2005 ;

2. Considérant que, par arrêt en date du 12 mars 2015, la Cour, statuant sur la requête n° 13PA00633 de M. et MmeC..., a annulé pour irrégularité le jugement n° 0902627 du 13 décembre 2012 en tant que le Tribunal administratif de Melun a rejeté pour irrecevabilité la demande des intéressés tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des pénalités correspondantes auxquelles ils ont été assujettis au titre des mêmes années ; que par cet arrêt, la Cour a évoqué, dans cette mesure, la demande de M. et MmeC..., et décidé d'y statuer sous le n° 13PA00642 ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. Considérant qu'aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience " ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le jugement attaqué a été signé par le président de la formation de jugement, le rapporteur ainsi que par le greffier d'audience conformément aux prescriptions de l'article R. 741-7 précité ; que la circonstance que l'ampliation du jugement qui a été notifiée à M. et Mme C...ne comporte pas l'ensemble de ces signatures est sans incidence sur la régularité de ce jugement ;

Sur le bien-fondé des impositions litigieuses :

En ce qui concerne les bénéfices non commerciaux :

S'agissant de l'exercice clos en 2001 :

5. Considérant, en premier lieu, que les requérants contestent le rehaussement des bénéfices non commerciaux réalisés par M. C...au cours de l'année 2001 pour un montant de 78 409 euros, en faisant valoir que la somme facturée par celui-ci par la société Edition Média Presse, à titre de commission d'agent commercial, était libellée en francs et s'élevait en réalité à un montant de 11 953 euros seulement ; qu'il ressort toutefois de la déclaration souscrite par la société Edition Média Presse en application de l'article 240 du code général des impôts que la somme versée à M. C...au titre des commissions qui lui étaient dues au titre de l'année 2001 s'élevait à un montant de 78 409 euros ; que l'attestation dont se prévalent les requérants, établie le 22 janvier 2002, par le service " comptabilité " de la société Edition Média Presse, qui n'est au demeurant étayée par aucune pièce justificative, dès lors qu'elle est contraire à la déclaration souscrite par cette société, n'est pas de nature à prouver que la facture émise par M. C...aurait été en réalité établie en francs et non en euros ;

6. Considérant, en deuxième lieu, qu'il n'est pas établi que les rappels de taxe sur la valeur ajoutée réclamés à M. C...au titre de l'année 2001 pour son activité d'agent commercial exercée à titre indépendant seraient infondés ; qu'ainsi, la réduction du profit sur le Trésor dont les requérants se prévalent ne peut être accueillie ;

7. Considérant, en troisième et dernier lieu, que si M. et Mme C...contestent le bien fondé des intérêts de retard et des pénalités exclusives de bonne foi correspondant aux suppléments d'impôt sur le revenu auxquels ils ont été assujettis au titre de l'année 2001, la contestation des requérants sur ces points n'est assortie d'aucune précision permettant d'en apprécier le bien fondé et ne peut, dès lors, qu'être écartée ;

S'agissant de l'exercice clos en 2002 :

8. Considérant que les requérants font valoir que la somme d'un montant de 9 306,61 euros créditée sur le compte bancaire de M. C...aurait été doublement imposée, dès lors qu'elle a déjà été prise en compte par le service au titre d'un autre redressement, que la somme d'un montant de 2 397,93 euros, prise en compte par le service en tant que crédit, correspond en réalité à des dépenses payées par l'intéressé au cours du mois de mars 2002, et que les sommes de 1 000 euros, créditées le 13 septembre 2002 et le 22 août 2002, ainsi que celles de 1 200 euros, créditées le 28 octobre 2002 et le 5 septembre 2002, correspondent à des mouvements de compte à compte ; qu'il résulte toutefois de l'instruction que les erreurs initialement commises sur ces différents points dans la proposition de rectification du 13 septembre 2005 ont été admises par l'administration fiscale dans sa réponse aux observations des contribuables en date du 23 janvier 2006, dans laquelle elle a décidé, compte tenu des observations présentées par M.C..., de réduire le montant du rehaussement des bénéfices non commerciaux réalisés par celui-ci au titre de l'exercice clos en 2002 à hauteur d'une somme de 13 466 euros hors taxe ; qu'il n'est, par ailleurs, pas établi que les impositions mises en recouvrement au titre de cet exercice n'aient pas été conformes aux nouvelles conséquences financières notifiées aux requérants pour tenir compte de la réduction du rehaussement litigieux ; que, par suite, M. et MmeC..., qui ont déjà obtenu gain de cause au cours de procédure d'imposition, ne sont pas fondés à demander à nouveau devant le juge la décharge des impositions correspondantes ;

S'agissant de l'exercice clos en 2003 :

9. Considérant qu'aux termes de l'article 93 du code général des impôts : " 1. Le bénéfice à retenir dans les bases de l'impôt sur le revenu est constitué par l'excédent des recettes totales sur les dépenses nécessitées par l'exercice de la profession (...) " ;

10. Considérant, en premier lieu, que si les requérants soutiennent que les sommes versées par M. B...au cours de l'année 2003, d'un montant de 2 395 euros et 1 806 euros, sont d'origine privée et ne constituent pas des recettes professionnelles, ils n'apportent aucun élément permettant d'établir la nature des sommes en cause ; que, les sommes en litige ayant été encaissées sur le compte bancaire professionnel de M.C..., l'administration fiscale était fondée à les regarder comme des recettes professionnelles devant, en application des dispositions précitées du 1 de l'article 93 du code général des impôts, concourir à la détermination du bénéfice non commercial imposable de l'intéressé, faute pour celui-ci de justifier que ces sommes avaient une autre nature ;

11. Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de l'instruction que l'administration fiscale a déjà procédé dans la réponse aux observations des contribuables en date du 23 janvier 2006 à une réduction du rehaussement des bénéfices non commerciaux réalisés par M. C...au titre de l'année 2003, tels qu'initialement déterminés dans la proposition de rectification, en prenant en compte les observations des contribuables, qui faisaient valoir qu'une partie des crédits figurant sur le compte bancaire professionnel de M. C...correspondait en réalité à des mouvements de compte à compte ; que, les requérants, qui ont déjà obtenu gain de cause sur ce point au cours de la procédure d'imposition, ne sont pas fondés à demander à nouveau devant le juge la décharge des impositions correspondantes ;

12. Considérant, en troisième lieu, que, quelle qu'ait été la procédure d'imposition suivie par l'administration, il appartient dans tous les cas au contribuable, en application des dispositions du 1 de l'article 93 précité, de fournir des éléments propres à justifier que les dépenses qu'il a portées dans les charges déductibles étaient nécessitées par l'exercice de la profession ; que les requérants reprochent à l'administration d'avoir refusé la déduction d'une partie des charges sociales et fiscales supportées par M.C..., à hauteur d'un montant total de 5 969 euros ; qu'il ressort toutefois de la réponse aux observations des contribuables en date du 23 janvier 2006 que l'administration fiscale a déjà pris en compte les charges sociales et fiscales supportées par M. C... au titre des années 2002 et 2003, dans le cadre de son activité d'agent commercial, pour lesquelles il avait présenté des pièces justificatives, en déduisant leur montant des bénéfices non commerciaux réalisés par l'intéressé ; que si les requérants contestent le montant retenu par l'administration fiscale, il est constant qu'ils n'ont produit devant le juge aucune pièce justificative pour établir la réalité des charges supplémentaires dont ils demandent la déduction ;

13. Considérant, en quatrième et dernier lieu, qu'il n'est pas établi que les rappels de taxe sur la valeur ajoutée réclamés à M. C...au titre de l'année 2003 pour son activité d'agent commercial exercée à titre indépendant seraient infondés ; qu'ainsi, la réduction du profit sur le Trésor dont les requérants se prévalent ne peut être accueillie ;

14. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme C...ne sont pas fondés à demander la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquels ils ont été assujettis au titre des années 2001 à 2003 dans la catégorie des bénéfices non commerciaux ;

En ce qui concerne les bénéfices industriels et commerciaux :

15. Considérant qu'aux termes du 1 de l'article 39 du code général des impôts : " Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : 1° Les frais généraux de toute nature (...) " ; que si, en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits qu'elle invoque au soutien de ses prétentions, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci ; qu'il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts, de justifier tant du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité ; que le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée ; que dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive ;

16. Considérant qu'en vertu de ces principes, lorsqu'une entreprise a déduit en charges une dépense réellement supportée, conformément à une facture régulière relative à un achat de prestations ou de biens dont la déductibilité par nature n'est pas contestée par l'administration,

celle-ci peut demander à l'entreprise qu'elle lui fournisse tous éléments d'information en sa possession susceptibles de justifier la réalité et la valeur des prestations ou biens ainsi acquis ; que la seule circonstance que l'entreprise n'aurait pas suffisamment répondu à ces demandes d'explication ne saurait suffire à fonder en droit la réintégration de la dépense litigieuse, l'administration devant alors fournir devant le juge tous éléments de nature à étayer sa contestation du caractère déductible de la dépense ; que le juge de l'impôt doit apprécier la valeur des explications qui lui sont respectivement fournies par le contribuable et par l'administration ;

17. Considérant que les époux C...contestent les rehaussements des bénéfices nets de la Sarl Régie 93 au titre des exercices clos en 2003 et 2004, résultant de la réintégration, à hauteur respectivement de 174 451 euros et 1 617 110,14 euros, de charges correspondant à des honoraires versés à des agents commerciaux et des régies publicitaires, chargés de démarcher des clients pour le compte de cette société, au motif que ces commissions étaient dépourvues de contrepartie ;

18. Considérant, s'agissant des charges de l'exercice clos en 2003, que si la société Régie 93 s'est prévalue de factures établies par les agents commerciaux et les régies auxquels elle s'est adressée pour justifier la déduction des charges litigieuses, l'administration fiscale fait valoir que cette société n'a toutefois pas été en mesure de produire, au cours des opérations de contrôle, les bons d'insertion correspondants aux prestations réalisées par ces intermédiaires, ni d'établir la liste des clients démarchés par chaque agent commercial, alors que la société Régie 93 avait déclaré que, conformément aux contrats conclus avec ces agents, le montant des commissions était déterminé à partir des bons d'insertion ; qu'il est, par ailleurs, constant que la société Régie 93 n'a pas déclaré, au titre du même exercice, les commissions qu'elle a versées dans les conditions prévues par dispositions de l'article 240 du code général des impôts ; qu'il n'est pas non plus contesté par les requérants que les factures établies par les agents commerciaux, qui ne comportent l'indication ni du détail des prestations réalisées, ni de la base de calcul de la commission, laquelle est chiffrée globalement sans mention du ou des clients démarchés, ne permettent aucun rapprochement avec les factures que la Sarl Régie 93 a elle-même établies et adressées à ses clients ; que l'administration fait par ailleurs valoir que sept des agents commerciaux auxquels la société Régie 93 a fait appel, n'ont pas déclaré, ou ont minoré de manière importante dans leur déclaration de revenu, le montant des sommes versées par cette société, et que certaines des factures des agents commerciaux ont été établies à une date à laquelle ceux-ci n'étaient plus inscrits au registre du commerce et des sociétés ou avaient été radiés de ce registre ;

19. Considérant que, s'agissant des charges de l'exercice clos en 2004, si la société Régie 93 a souscrit en application de l'article 240 du code général des impôts une déclaration pour les commissions qu'elle a versées à des agents commerciaux et des régies publicitaires, il n'est pas contesté, ainsi que le fait valoir l'administration, que cette déclaration ne faisait pas mention de l'ensemble des agents commerciaux auxquels la Sarl s'est adressée ; que l'administration fiscale a, en outre, relevé de nombreuses anomalies s'agissant de la présentation formelle des factures établies par les agents commerciaux ou par les régies, en mettant en évidence que ces factures, soit étaient incomplètes, en l'absence de n° Siret ou de l'adresse de leur auteur, soit, ne comportaient pas, pour beaucoup d'entre elles, la signature ni le cachet de l'agent ou de la régie qui les ont établies, soit encore, ne faisaient pas référence aux supports publicitaires concernés ou aux annonceurs démarchés par les agents commerciaux ; que le service a également relevé que certaines factures avaient été établies par des agents commerciaux alors qu'ils avaient déjà été radiés du registre du commerce et des sociétés ou comportaient des incohérences, compte tenu de leur date d'établissement, entre le titulaire du contrat d'agent commercial conclu avec la Sarl et l'auteur de la facture ;

20. Considérant qu'à supposer même que les autres éléments dont s'est par ailleurs prévalue l'administration fiscale seraient erronés, ainsi que le soutiennent les requérants, ceux précédemment rappelés aux points 18 et 19 suffisent à eux seuls à mettre en doute la réalité des prestations facturées à la Sarl Régie 93 ;

21. Considérant que, pour leur part, M. et Mme C...ne se prévalent d'aucun élément de nature à établir la réalité des prestations réalisées en contrepartie des commissions facturées ; que si les requérants font valoir que la Sarl Régie 93 a été victime d'un vol dans ses locaux au cours du mois de juin 2005 pour expliquer qu'ils n'auraient pas été en mesure de produire l'ensemble des bons d'insertions correspondant aux commissions versées par la société, cette circonstance, qui est intervenue postérieurement aux opérations de vérification, n'est pas de nature à remettre en cause le bien-fondé des redressement litigieux ; qu'ainsi, à défaut pour les requérants d'être en mesure de justifier de la réalité des prestations facturées par les agents et régies publicitaires auxquelles la Sarl Régie 93 a fait appel, ils ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que l'administration fiscale a remis en cause, en application des dispositions susvisées, le caractère déductible des charges correspondantes ;

Sur les pénalités :

22. Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts dans sa rédaction applicable : " 1. Lorsque la déclaration ou l'acte mentionnés à l'article 1728 font apparaître une base d'imposition ou des éléments servant à la liquidation de l'impôt insuffisants, inexacts ou incomplets, le montant des droits mis à la charge du contribuable est assorti de l'intérêt de retard visé à l'article 1727 et d'une majoration de 40 p. 100 si la mauvaise foi de l'intéressé est établie ou de 80 p. 100 s'il s'est rendu coupable de manoeuvres frauduleuses ou d'abus de droits au sens de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales.(...) " ;

23. Considérant que l'administration fiscale, pour justifier les majorations appliquées aux suppléments d'impôt sur le revenu auxquels les requérants ont été assujettis au titre des années 2003 et 2004 dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux, s'est fondée sur les circonstances que la société Régie 93 avait, d'une part, minoré son résultat fiscal en comptabilisant des factures de commissions fictives et, d'autre part, avait cherché à dissimuler la réalité des prestations réalisées par les agents commerciaux, en raison de l'imprécision des factures établies par ceux-ci et en l'absence de présentation des documents annexes à ses factures faisant état des clients démarchés ;

24. Considérant que la minoration reprochée à la Sarl Régie 93 de son chiffre d'affaires ne suffit pas à caractériser des manoeuvres frauduleuses dont l'entreprise se serait rendue coupable ; que, par ailleurs, les irrégularités des factures dont le Sarl Régie 93 s'est prévalue pour justifier de ses charges ne peuvent être regardées comme lui étant imputables, dès lors que ces factures ont été établies par les agents commerciaux et les régies auxquels elle s'est adressée ; qu'enfin, le défaut de collaboration d'un contribuable lors du contrôle dont il a fait l'objet, qui est postérieur aux déclarations souscrites par celui-ci, ne peut être utilement invoqué pour établir le caractère intentionnel des manquements qui lui sont reprochés à ses obligations fiscales ; qu'ainsi, les circonstances dont se prévaut l'administration ne permettent pas d'établir que la Sarl aurait été coupable, lors de la souscription de ses déclarations de résultats, d'une opération, artifice ou manoeuvre destinée à égarer ou restreindre le pouvoir de vérification de l'administration ;

25. Considérant que si, ainsi qu'il a été dit précédemment, le manquement reproché à la Sarl Régie 93 d'avoir procédé à une minoration de son chiffre d'affaires ne suffit pas à caractériser des manoeuvres frauduleuses de sa part, la répétition au cours de deux exercices consécutifs de cette minoration, qui provient en outre de la comptabilisation de charges correspondant à des factures fictives, est néanmoins de nature à établir une intention de la part de celle-ci d'échapper à l'impôt ; qu'il y a lieu, par suite, de substituer d'office à la majoration de 80%, la majoration de 40% prévue, en cas de manquement délibéré, par l'article 1729 du code général des impôts ;

26. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme C...sont seulement fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté la totalité de leur demande tendant à la décharge de la majoration de 80 % pour manoeuvres frauduleuses appliquée aux suppléments d'impôt sur le revenu auxquels ils ont été assujettis au titre des années 2003 et 2004, dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux ;

Sur les conclusions à fin de sursis de paiement :

27. Considérant que, dès lors que, par le présent arrêt, il est statué sur le bien-fondé des suppléments d'impôt sur le revenu litigieux, les conclusions tendant au sursis de paiement de ces impositions se trouvent privées d'objet ;

Sur les conclusions présentées en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

28. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font, en tout état de cause, obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance, la partie perdante pour l'essentiel, la somme que M. et Mme C...demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : La majoration de 40%, pour manquement délibéré, prévue par l'article 1729 du code général des impôts est substituée à la majoration de 80 %, pour manoeuvres frauduleuses, dont ont été assortis les suppléments d'impôt sur le revenu auxquels M. et Mme C...ont été assujettis au titre des années 2003 et 2004 dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux.

Article 2 : Le jugement n° 0905397/7 et 1003850/7 du 13 décembre 2012 du Tribunal administratif de Melun est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus de la demande présentée devant le Tribunal administratif de Paris et des conclusions de la requête d'appel de M. et Mme C...est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A...C...et au ministre des finances et des comptes publics.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Ile-de-France Est.

Délibéré après l'audience du 2 mars 2015, à laquelle siégeaient :

- M. Formery, président de chambre,

- Mme Coiffet, président assesseur,

- M. Blanc, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 12 mars 2015.

Le rapporteur,

P. BLANCLe président,

S.-L. FORMERYLe greffier,

S. CHALBOT-SANTT

La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 13PA00642


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 13PA00642
Date de la décision : 12/03/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Amendes - pénalités - majorations.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières - Bénéfices industriels et commerciaux - Détermination du bénéfice net.


Composition du Tribunal
Président : M. FORMERY
Rapporteur ?: M. Philippe BLANC
Rapporteur public ?: M. LEMAIRE
Avocat(s) : MAISSE-BOULANGER

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2015-03-12;13pa00642 ?
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