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19/02/2015 | FRANCE | N°13PA03617

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 19 février 2015, 13PA03617


Vu la requête, enregistrée le 20 septembre 2013, présentée par le préfet de la Seine-Saint-Denis ; le préfet de la Seine-Saint-Denis demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1306687/12 du 13 août 2013 en tant que le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Melun a annulé l'arrêté en date du

9 août 2013 par lequel il a placé M. D...C...en rétention administrative et a mis à la charge de l'Etat le versement à M. C...d'une somme de 800 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

;

2°) de rejeter la demande présentée à cet égard par M. C...devant ledit tri...

Vu la requête, enregistrée le 20 septembre 2013, présentée par le préfet de la Seine-Saint-Denis ; le préfet de la Seine-Saint-Denis demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1306687/12 du 13 août 2013 en tant que le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Melun a annulé l'arrêté en date du

9 août 2013 par lequel il a placé M. D...C...en rétention administrative et a mis à la charge de l'Etat le versement à M. C...d'une somme de 800 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. ;

2°) de rejeter la demande présentée à cet égard par M. C...devant ledit tribunal ;

Le préfet de la Seine-Saint-Denis soutient que :

- M. C...était dépourvu de tout document d'identité et transfrontière en cours de validité et s'était soustrait à une précédente mesure d'éloignement ;

- la décision a été signée par une autorité compétente ;

- elle est suffisamment motivée ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu la décision n° 2014/033112 du 13 novembre 2014 par laquelle le bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris a constaté la caducité de la demande d'aide juridictionnelle formée par M.C... ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la directive européenne n° 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 février 2015 le rapport de

M. Magnard, premier conseiller ;

1. Considérant que le préfet de la Seine-Saint-Denis fait appel du jugement

n° 1306687/12 du 13 août 2013 en tant que le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Melun a annulé l'arrêté en date du 9 août 2013 par lequel il a placé M. C... en rétention administrative et a mis à la charge de l'Etat le versement à M. C...d'une somme de 800 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A moins qu'il ne soit assigné à résidence en application de l'article L. 561-2, l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français peut être placé en rétention par l'autorité administrative dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de cinq jours, lorsque cet étranger : (...) 6° Fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise moins d'un an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire est expiré ou n'a pas été accordé ( ...) " ; qu'aux termes de l'article L. 561-2 du même code : " Dans les cas prévus à l'article L. 551-1, l'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger pour lequel l'exécution de l'obligation de quitter le territoire demeure une perspective raisonnable et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque, mentionné au II de l'article L. 511-1, qu'il se soustraie à cette obligation " ; qu'aux termes du II de l'article L. 511-1 du même code : " (...) Ce risque est regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : /.../ f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, ou qu'il a dissimulé des éléments de son identité, ou qu'il n'a pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente, ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues par les articles L. 513-4, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2 [...] " ;

3. Considérant qu'il est constant que M. C...ne pouvait justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité et s'était précédemment soustrait à une précédente mesure d'éloignement ; qu'ainsi, et alors même que l'intéressé établirait disposer d'une adresse stable chez sa concubine, le préfet de la Seine-Saint-Denis pouvait, sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation, placer M. C... en rétention administrative en application des dispositions précitées ; qu'ainsi, c'est à tort que le premier juge a annulé la décision en cause au motif qu'elle était entachée d'une telle erreur ;

4. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. C...devant le Tribunal administratif de Melun ;

5. Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que Mme B...A..., directrice de l'immigration et de l'intégration à la préfecture de la Seine-Saint-Denis, signataire de la décision contestée, bénéficiait d'une délégation de signature à cet effet en vertu de l'arrêté préfectoral n° 13-1626 du 11 juin 2013, régulièrement publié au bulletin des informations administratives du même jour ;

6. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 551-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La décision de placement (...) est (...) motivée (...) " ; que l'arrêté litigieux du 9 août 2013 comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement ; que, par suite, le moyen tiré de ce que cette décision n'est pas suffisamment motivée manque en fait et doit, dès lors, être écarté ; que, par ailleurs, contrairement aux dires de M.C..., il ressort des termes mêmes de cette décision que le préfet de la Seine-Saint-Denis a examiné la possibilité de prononcer une mesure moins coercitive d'assignation à résidence ;

7. Considérant, en troisième lieu, que M. C... ne peut utilement se prévaloir des dispositions des articles 3, 12 et 15 de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 à l'encontre la décision individuelle le plaçant en rétention administrative, dès lors que ces dispositions ont été transposées en droit interne par la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011, entrée en vigueur à la date de la décision en cause ;

8. Considérant, en quatrième lieu, que la circonstance que la seconde phrase du deuxième alinéa de l'article R. 553-14-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, disposition qui détermine les associations susceptibles d'exercer une mission d'observation sur les conditions de vie des étrangers placés en rétention, ait été annulée par le Conseil d'Etat, par une décision n° 352534 en date du 23 mai 2012, est sans incidence sur la légalité du placement de M. C... en rétention administrative ;

9. Considérant, en cinquième lieu, qu'aux termes de l'article 16 de la directive 2008/115/CE : " (...) / 4. Les organisations et instances nationales, internationales et non gouvernementales compétentes ont la possibilité de visiter les centres de rétention visés au paragraphe 1, dans la mesure où ils sont utilisés pour la rétention de ressortissants de pays tiers conformément au présent chapitre. Ces visites peuvent être soumises à une autorisation / 5. Les ressortissants de pays tiers placés en rétention se voient communiquer systématiquement des informations expliquant le règlement des lieux et énonçant leurs droits et leurs devoirs. Ces informations portent notamment sur leur droit, conformément au droit national, de contacter les organisations et instances visées au paragraphe 4 " ; que ces règles, qui présentent un caractère précis et inconditionnel, n'ayant pas été transposées en droit interne alors que le délai imparti aux Etats membres de l'Union européenne pour assurer la transposition de cette directive expirait, en vertu du paragraphe 1 de son article 20, le 24 décembre 2010, tout justiciable peut s'en prévaloir à l'appui d'un recours dirigé contre un acte administratif non réglementaire ;

10. Considérant qu'en soutenant que la législation nationale méconnaît

l'article 16 précité de la directive 2008/115/CE, M. C... doit être regardé comme soutenant qu'il n'a reçu aucune information quant à la possibilité de contacter des organisations et instances internationales et non gouvernementales compétentes visées par les dispositions précitées du paragraphe 4 de cet article ; que, toutefois, aucune disposition de cette directive n'impose que cette information soit dispensée aux étrangers préalablement ou concomitamment à la décision de les placer en rétention ; qu'ainsi, la circonstance qu'il ait été satisfait ou non à cette obligation d'information est sans incidence sur la légalité de la décision de placement en rétention litigieuse, qui s'apprécie à la date à laquelle elle a été prise ; qu'en tout état de cause, il ressort des mentions du procès-verbal de notification des droits en rétention versé au dossier par le préfet de la Seine Saint-Denis, signé par M. C... le 9 septembre 2013, que l'intéressé s'est vu notifier des informations portant sur la possibilité de contacter toutes organisations et instances nationales, internationales et non gouvernementales compétentes de son choix ; que, par suite, le moyen doit être écarté ;

11. Considérant, enfin, que M. C...n'a pas fait appel du jugement attaqué en tant qu'il a rejeté ses conclusions dirigées contre la décision contenue dans l'arrêté en date

du 28 mai 2013 et par laquelle le préfet de la Seine-Saint-Denis l'a obligé à quitter le territoire français sans délai ; que cette décision est ainsi devenue définitive ; qu'elle ne forme pas avec l'éventuel placement en rétention ultérieur une opération complexe ; que, par suite, M. C...ne saurait invoquer au soutien de ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 9 août 2013 le plaçant en rétention, l'exception d'illégalité de la mesure d'éloignement du 28 mai 2013 ;

12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Seine-Saint-Denis est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Melun a annulé son arrêté en date du 9 août 2013 plaçant M. C... en rétention administrative et a mis à la charge de l'Etat le versement à M. C... d'une somme de 800 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'il y a lieu, par voie de conséquence, d'annuler dans cette mesure ledit jugement ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1306687/12 du 13 août 2013 du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Melun est annulé en tant qu'il a annulé l'arrêté en date du 9 août 2013 du préfet de la Seine-Saint-Denis plaçant M. C...en rétention administrative et a mis à la charge de l'Etat le versement à M. C...d'une somme de 800 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 2 : La demande présentée par M. C...devant le Tribunal administratif de Melun et relative aux conclusions évoquées à l'article précédent est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. D...C....

Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.

Délibéré après l'audience du 4 février 2015 à laquelle siégeaient :

Mme Tandonnet-Turot, président de chambre,

Mme Appèche, président assesseur,

M. Magnard, premier conseiller,

Lu en audience publique le 19 février 2015.

Le rapporteur,

F. MAGNARDLe président,

S. TANDONNET-TUROT

Le greffier,

S. DALL'AVA

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 11PA00434

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N° 13PA03617


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 13PA03617
Date de la décision : 19/02/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme TANDONNET-TUROT
Rapporteur ?: M. Franck MAGNARD
Rapporteur public ?: M. EGLOFF

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2015-02-19;13pa03617 ?
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