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19/02/2015 | FRANCE | N°13PA02756

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 19 février 2015, 13PA02756


Vu la requête, enregistrée le 16 juillet 2013, présentée pour Mme B...E..., demeurant..., par Me D... ; Mme E...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1101962/5-2 du 12 juin 2013 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation du courrier du 28 octobre 2010, par lequel La Poste l'a informée de la suppression du poste qu'elle occupait à la bibliothèque du Louvre et de sa mise à la disposition de la direction des ressources humaines à compter du

8 novembre 2010, à ce qu'il soit enjoint à La Poste de la réintégre

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Vu la requête, enregistrée le 16 juillet 2013, présentée pour Mme B...E..., demeurant..., par Me D... ; Mme E...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1101962/5-2 du 12 juin 2013 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation du courrier du 28 octobre 2010, par lequel La Poste l'a informée de la suppression du poste qu'elle occupait à la bibliothèque du Louvre et de sa mise à la disposition de la direction des ressources humaines à compter du

8 novembre 2010, à ce qu'il soit enjoint à La Poste de la réintégrer dans un poste d'encadrement correspondant à son grade et compatible avec son handicap, ou de la détacher, sous astreinte de 250 euros par jour de retard, et à ce que La Poste soit condamnée au versement de la somme de 500 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du 28 octobre 2010 ;

3°) d'enjoindre à La Poste de la réintégrer dans un poste d'encadrement correspondant à son grade et compatible avec son handicap, ou de la détacher, sous astreinte de 250 euros par jour de retard ;

4°) de condamner La Poste à lui verser la somme de 500 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis ;

5°) de mettre à la charge de La Poste le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- compte tenu de son handicap reconnu dès sa titularisation et de sa maladie génétique dite " fièvre méditerranéenne ", diagnostiquée en 2007, ainsi que des trajets entre son domicile et son nouveau lieu de travail, et des déplacements sur son lieu de travail qu'elle implique, la décision du 28 octobre 2010 porte atteinte à son état de santé et ne peut être regardée comme une mesure d'ordre intérieur ;

- étant donné qu'elle ne s'est vu confier qu'une simple mission temporaire purement fictive et qu'elle a été installée dans un bureau de 6 m² sans aucun matériel et sans fonction d'encadrement, la décision du 28 octobre 2010 porte atteinte à son statut et lui fait donc grief ;

- cette décision a été prise par le directeur des ressources humaines, qui n'avait pas reçu de délégation de la part du président du conseil d'administration de La Poste ;

- elle est insuffisamment motivée en ce qu'elle ne fait pas état de son handicap et de l'annulation d'une précédente décision par un jugement du Tribunal administratif de Paris du

9 janvier 2003 ;

- elle a été prise au terme d'une procédure irrégulière, faute d'avoir été précédée de la consultation de la commission administrative paritaire ;

- contrairement à ce qu'énonce cette décision, la bibliothèque du site du Louvre n'a pas été fermée, mais partiellement réorganisée, et se trouve désormais au 2ème étage du même site ;

- cette décision méconnaît les dispositions des articles L. 114-1-1 du code de l'action sociale et des familles et 6 sexies de la loi du 13 juillet 1983, dès lors que sa nouvelle affectation n'est pas compatible avec son handicap ;

- ce faisant, La Poste a méconnu l'autorité de la chose jugée qui s'attache au jugement du Tribunal administratif de Paris du 9 janvier 2003 ;

- elle méconnaît les accords triennaux de La Poste, concernant la compensation du handicap ;

- cette décision et les autres mesures vexatoires dont elle a fait l'objet dans le cadre de son ancien emploi, et qui se sont traduites par une dégradation de ses conditions de travail en 2009, par une atteinte à ses prérogatives de cadre, la gestion du budget lui ayant été retirée, ainsi que par des pressions morales de la part de sa supérieure hiérarchique qui a remis en cause les horaires aménagés dont elle bénéficiait en raison de son handicap, lui ont causé un préjudice moral en aggravant le syndrome anxio-dépressif réactionnel dont elle est atteinte ;

- elles lui ont causé un préjudice physique en aggravant les deux pathologies dont elle est atteinte ;

- elles lui ont causé un préjudice financier en la plaçant dans l'impossibilité de se rendre à son lieu de travail et en la privant de sa rémunération ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 22 mai 2014, présenté pour La Poste, par

MeC... ; la Poste conclut au rejet de la requête et à ce que le versement de la somme de 3 000 euros soit mis à la charge de Mme E...sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- Mme E...n'est pas fondée à soutenir que, compte tenu de son handicap et des trajets entre son domicile et son nouveau lieu de travail, ainsi que des missions confiées dans le cadre de sa nouvelle affectation, la décision du 28 octobre 2010 ne pourrait être regardée comme une mesure d'ordre intérieur ; ses conclusions à fin d'annulation de cette décision sont irrecevables ;

- cette décision a été prise par le directeur des ressources humaines, qui avait reçu délégation de la part du président du conseil d'administration de La Poste le 1er juillet 2010 ;

- cette décision n'entre dans aucune des catégories de décisions qui doivent être motivées en vertu des dispositions de la loi du 11 juillet 1979 ; elle est en tout état de cause suffisamment motivée ;

- elle n'avait pas à être précédée de la consultation de la commission administrative paritaire ;

- elle ne repose pas sur une erreur de fait, la bibliothèque du site du Louvre ayant été fermée en conséquence d'une réorganisation ;

- elle ne méconnaît pas les dispositions des articles L. 114-1-1 du code de l'action sociale et des familles et 6 sexies de la loi du 13 juillet 1983 ;

- elle ne méconnaît pas l'autorité de la chose jugée qui s'attache au jugement du Tribunal administratif de Paris du 9 janvier 2003 ;

- Mme E...ne saurait se prévaloir utilement des accords triennaux de La Poste, concernant la compensation du handicap ;

- les conclusions indemnitaires de Mme E...sont irrecevables, faute d'avoir été précédées d'une demande préalable ;

- elles ne sont pas fondées, la décision du 28 octobre 2010 n'étant entachée d'aucune illégalité fautive ;

- les préjudices dont Mme E...fait état sont sans rapport avec cette décision et ne sont en tout état de cause pas établis ;

Vu les mémoires en réplique, enregistrés les 11 et 19 août 2014, présentés pour

Mme E...; Mme E...conclut aux mêmes fins que la requête, par les mêmes moyens ;

Elle soutient en outre que :

- un procès-verbal de constat d'huissier établi le 26 juin 2014 établit que la durée de la partie parisienne des déplacements qu'implique sa nouvelle affectation, comprise entre la station de métro " Michel Bizot " et le bâtiment situé 27 rue des Renaudes à Paris, atteint 57 minutes ;

- il convient d'y ajouter ses déplacements jusqu'à la station de métro " Michel Bizot " d'une durée de 30 minutes ;

- son taux d'invalidité a été porté à 80 % le 10 juin 2014 ;

- elle invoque les dispositions de la loi du 11 janvier 1984 ;

Vu le nouveau mémoire en défense, enregistré le 29 août 2014, présenté pour La Poste ; La Poste conclut aux mêmes fins que le mémoire en défense, par les mêmes moyens ;

Elle soutient en outre que :

- les nouvelles pièces produites par Mme E...ne sont pas de nature à remettre en cause la compatibilité de son emploi et des déplacements qu'il implique, avec son handicap ;

- la durée de 57 minutes relevée dans le procès-verbal de constat d'huissier établi le 26 juin 2014 est la même que celle relevée par l'huissier mandaté par La Poste le 13 mai 2011 ;

- Mme E...ne saurait faire état de la modification de son taux d'invalidité, postérieurement à la décision attaquée ;

Vu le nouveau mémoire, enregistré le 18 janvier 2015, présenté pour MmeE..., par Me A... ; Mme E...conclut aux mêmes fins que la requête, par les mêmes moyens ;

Elle invoque en outre, à l'encontre de la décision prise par La Poste, les articles 8 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que ses premier et douzième protocoles additionnels, et, à l'encontre du jugement du tribunal administratif, son droit à un recours effectif garanti par l'article 13 de cette convention ;

Vu la décision n° 2014/042820 du 9 octobre 2014 par laquelle le bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris a admis Mme E...au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu l'ordonnance du président de la 2ème chambre de la Cour fixant la clôture de l'instruction au 21 janvier 2015 à 12 heures ;

Vu les autres pièces du dossier, et notamment le courrier du 28 octobre 2010 de La Poste ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu, au cours de l'audience publique du 4 février 2015 :

- le rapport de M. Niollet, premier conseiller,

- les conclusions de M. Egloff, rapporteur public,

- et les observations de MeC..., pour La Poste ;

1. Considérant que, par un courrier du 28 octobre 2010, le directeur des ressources humaines de la direction opérationnelle territoriale courrier de Paris Nord a informé Mme B...E..., inspecteur à La Poste affectée au site Paris Louvre, qui avait bénéficié d'un congé de formation professionnelle du 6 avril 2010 au 5 novembre 2010, de la suppression du poste qu'elle occupait au sein de la bibliothèque du site Paris Louvre en raison de la fermeture définitive de ce site, et lui a indiqué qu'elle serait mise à la disposition de la direction des ressources humaines dans le 17ème arrondissement de Paris à compter du 8 novembre 2010 ; que Mme E...fait appel du jugement du 12 juin 2013 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté les conclusions de sa demande tendant à l'annulation de la décision contenue dans le courrier du 28 octobre 2010 comme irrecevables, et celles tendant à ce que La Poste soit condamnée à l'indemniser des préjudices qu'elle estimait avoir subis du fait, notamment, de cette décision, comme non fondées ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'avant son congé de formation, Mme E...était responsable de la bibliothèque du site Paris Louvre et devait, à ce titre, assurer la gestion des prêts des livres, ainsi que du stock des livres et des périodiques, organiser des expositions temporaires et encadrer une personne ; qu'il ressort également des pièces du dossier que l'emploi sur lequel elle a été affectée par la décision attaquée correspond à un poste de cadre spécialisé dans les ressources humaines avec pour mission l'établissement d'un état des lieux des actions sociales réalisées en 2010 et des souhaits des établissements opérationnels pour l'année 2011, ainsi que la rédaction de fiches techniques sur divers sujets de ressources humaines ; que Mme E...ne conteste pas que cet emploi corresponde à son grade ; qu'alors même que son nouveau poste ne comporte aucune fonction d'encadrement, la décision de l'affecter à cet emploi n'a porté atteinte, ni à ses avantages pécuniaires, ni à son statut, ni à ses prérogatives de carrière ; qu'en se bornant à faire état de la durée totale des trajets entre son domicile et son nouveau lieu de travail, et de ses déplacements sur son lieu de travail, elle n'établit pas que ces trajets seraient incompatibles avec son état de santé, alors qu'il ressort des pièces du dossier que l'allongement de cette durée par rapport à ses transports antérieurs est très limité, et que les médecins spécialistes qui l'ont examinée ont estimé qu'elle était apte à ce poste ; qu'elle ne produit aucune pièce de nature à établir qu'ainsi qu'elle le soutient, elle ne se serait vu confier qu'une simple mission temporaire " purement fictive ", ou que la décision attaquée aurait le caractère d'une sanction disciplinaire déguisée ; que cette décision constitue donc une mesure d'ordre intérieur insusceptible de recours pour excès de pouvoir ;

3. Considérant, en outre, que la décision attaquée ne peut être regardée comme ayant porté une atteinte excessive au droit de Mme E...au respect de sa vie privée et familiale en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni comme à l'origine d'une discrimination à raison de son état de santé contraire aux stipulations de l'article 14 de la cette convention et de son douzième protocole additionnel, ni encore comme ayant porté atteinte à son droit au respect de ses biens en méconnaissance des stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à cette même convention ; que Mme E...n'est donc pas fondée à invoquer son droit à un recours effectif garanti par les stipulations de l'article 13 de cette convention ;

Sur les conclusions indemnitaires :

4. Considérant que Mme E...ne démontre pas qu'en prenant la décision d'affectation mentionnée ci-dessus et diverses autres mesures, dans le cadre de son ancien emploi, qu'elle qualifie de " vexatoires ", mais dont il ne résulte pas de l'instruction qu'elles n'auraient pas été prises dans l'intérêt du service, La Poste aurait commis une faute ; qu'elle n'établit pas davantage avoir, ainsi qu'elle le soutient, subi des " pressions morales " fautives de la part de son ancienne supérieure hiérarchique ; que, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir soulevée par La Poste, ses conclusions indemnitaires doivent donc être rejetées ;

5. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme E...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction, ainsi que celles présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ne peuvent qu'être rejetées ;

6. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de La Poste tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme E...est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de La Poste tendant à l'application des dispositions de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...E..., à la Poste et au ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique.

Délibéré après l'audience du 4 février 2015 à laquelle siégeaient :

Mme Tandonnet-Turot, président de chambre,

Mme Appèche, président assesseur,

M. Niollet, premier conseiller,

Lu en audience publique le 19 février 2015.

Le rapporteur,

J.C. NIOLLETLe président,

S. TANDONNET-TUROT

Le greffier,

S. DALL'AVALa République mande et ordonne au ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 11PA00434

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N° 13PA02756


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 13PA02756
Date de la décision : 19/02/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. FORMERY
Rapporteur ?: M. Jean-Christophe NIOLLET
Rapporteur public ?: M. EGLOFF
Avocat(s) : ASSOCIATION ROUX PIQUOT-JOLY

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2015-02-19;13pa02756 ?
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