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12/02/2015 | FRANCE | N°13PA03703

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 12 février 2015, 13PA03703


Vu la requête, enregistrée le 7 octobre 2013, présentée pour l'association " Ensemble Pour La Planète " (EPLP), représentée par sa présidente, Mme B...C..., domiciliée..., 41 rue du 18 juin, Magenta, 98847 Nouméa, par MeD... ;

L'association " Ensemble pour la planète " (EPLP) demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1200335 du Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie du 6 juin 2013 en tant qu'il a rejeté le surplus des conclusions de sa demande tendant à l'annulation totale de la délibération n° 217 du 14 août 2012 relative aux conditions d'autori

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Vu la requête, enregistrée le 7 octobre 2013, présentée pour l'association " Ensemble Pour La Planète " (EPLP), représentée par sa présidente, Mme B...C..., domiciliée..., 41 rue du 18 juin, Magenta, 98847 Nouméa, par MeD... ;

L'association " Ensemble pour la planète " (EPLP) demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1200335 du Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie du 6 juin 2013 en tant qu'il a rejeté le surplus des conclusions de sa demande tendant à l'annulation totale de la délibération n° 217 du 14 août 2012 relative aux conditions d'autorisation, d'importation, de détention, de mise sur le marché et d'utilisation des substances et produits phytosanitaires à usage agricole ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la délibération précitée, dans sa totalité ;

3°) de mettre à la charge de la Nouvelle-Calédonie le versement d'une somme de 250 000 F CFP sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient :

- que son intérêt à agir ne pouvait être dénié ; que l'intérêt pour agir est plus facilement admis lorsque l'acte attaqué possède une portée générale et impersonnelle, puisqu'alors le groupement est réputé poursuivre la sauvegarde d'un intérêt collectif et plus particulièrement dans une matière aussi sensible que le droit de l'environnement ; que de nombreuses affaires dans lesquelles un groupement a été admis à demander l'annulation d'un acte réglementaire qui ne lui est pas directement applicable démontrent qu'il suffit qu'un tel acte exerce une influence sur les conditions dans lesquelles le groupement exerce ses activités ; qu'en l'espèce, la délibération n° 217 du 14 août 2012 a pour objet d'encadrer les différents agréments et autorisations à obtenir préalablement à l'importation, la détention, la mise sur le marché et l'utilisation des PPUA (produits phytosanitaires à usage agricole) ; l'objet même de ladite délibération consiste à introduire un nouveau régime d'agrément et d'homologation des PPUA qui repose sur une appréciation comparative et globale des modalités d'évaluation des substances dangereuses susceptibles d'être utilisées dans l'agriculture en Nouvelle-Calédonie ; que les règles systémiques créées par cette nouvelle réglementation diffèrent fondamentalement de l'ancienne règlementation et son économie générale est bouleversée dans son ensemble ; que l'association " EPLP " a, quant à elle, pour objet principal, " la défense de l'environnement et de la qualité de la vie à long terme " ; qu'il en résulte que la délibération litigieuse, eu égard notamment à l'influence majeure des produits phytosanitaires sur les organismes et l'environnement en Nouvelle-Calédonie et, compte tenu de l'instauration d'un agrément sans condition de durée des substances actives et d'une procédure de réévaluation restrictive et hypothétique, exerce nécessairement une influence sur les conditions dans lesquelles l'association exerce son activité ;

- que la délibération litigieuse a été adoptée sur une procédure irrégulière en méconnaissance du droit à l'information des membres du Congrès ; que le président du Congrès n'a pas adressé huit jours avant la séance un rapport accompagné de toutes les pièces utiles relatif notamment à la question des conditions d'autorisation, d'importation, de détention, de mise sur le marché et d'utilisation des substances et produits phytosanitaires à usage agricole ; que la délibération est dès lors entachée d'un vice substantiel ayant empêché les élus de voter utilement ;

- que la délibération litigieuse a été adoptée sur une procédure irrégulière en l'absence d'avis du comité consultatif de la protection des végétaux (CCPV) ;

- que la délibération litigieuse a été adoptée sur une procédure irrégulière en méconnaissance de l'article 7 de la charte constitutionnelle de l'environnement ; que cette délibération constitue un acte administratif réglementaire ayant nécessairement une incidence sur l'environnement ; or, aucune procédure de participation du public n'a été mise en place lors de l'élaboration de la délibération litigieuse ; en effet, aucune disposition législative ou réglementaire applicable en Nouvelle-Calédonie ne prévoit, pour ce type de décision, la participation du public ; à aucun moment le public calédonien n'a été informé, en amont de la prise de décision, du contenu du projet de délibération, faute de publication, ni invité à formuler la moindre observation, ni destinataire, sous quelque forme que ce soit, du compte-rendu de la consultation ;

- que l'article 5 de la délibération litigieuse fixant la composition du CCSPPUA (comité consultatif sur les substances et produits phytosanitaires à usage agricole) méconnait les exigences de l'article 7 de la Charte de l'environnement, en l'absence d'intervenant institutionnel compétent en matière de prophylaxie et d'impact sur l'environnement ; que la composition du comité n'apparaît pas du tout paritaire puisque les intérêts de la protection de l'environnement ne sont représentés que par deux membres, tandis que les parties intéressées au commerce des produits phytosanitaires sont représentées quant à elles par cinq membres ;

- que l'article 6 § 7 de la délibération litigieuse prévoyant que les séances du CCSPPUA ne sont pas publiques méconnaît l'article 7 de la Charte de l'environnement ; que le droit d'accès aux documents, rapports et avis du comité est restreint ;

- que l'article 5 de la délibération litigieuse fixant la composition du CCSPPUA méconnait les exigences de l'article 5 de la Charte de l'environnement, relatif au principe de précaution, en l'absence d'intervenant institutionnel compétent en matière de prophylaxie et d'impact sur l'environnement ; qu'en effet, l'article 5 de la délibération litigieuse a exclu du comité un certain nombre de représentants institutionnels ainsi que les entomologistes et phytopathologistes de l'ORSTOM (office de la recherche scientifique et technique outre-mer), jouant un rôle essentiel et fondamental en la matière ; que le nouveau comité est désormais composé d'acteurs, par principe favorables à l'usage et à la commercialisation des produits phytosanitaires ;

- que l'article 6 § 4 de la délibération litigieuse fixant les règles concernant le quorum de membres requis pour la validité des avis du CCSPPUA ont été excessivement assouplies au regard des exigences posées par l'article 5 de la Charte de l'environnement ; qu'un avis peut désormais intervenir sans condition de quorum ;

- que, en vertu de l'article 71 de la délibération litigieuse, la restitution des observations du public n'est pas assurée, ce en méconnaissance de l'article 7 de la Charte de l'environnement ;

Vu le jugement et la délibération attaqués ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 11 mars 2014, présenté pour le Congrès de la Nouvelle-Calédonie, représenté par son président, dont le siège est 1 boulevard Vauban à Nouméa Cedex (98851), par Mes A...et Descombes ;

Le Congrès de la Nouvelle-Calédonie conclut au rejet de la requête, ainsi qu'à ce que soit mis à la charge de l'association EPLP le versement d'une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient :

- que la délibération en litige n'a pas, en elle-même, d'incidence directe sur l'environnement ; que c'est même tout le contraire dès lors : qu'elle fixe un cadre général applicable aux obligations administratives préalables à toute activité d'importation, de distribution et d'utilisation de PPUA ; qu'elle rappelle que les agréments et homologations de peuvent être délivrés qu'en cas d'absence d'effets nocifs sur la santé humaine ou animale et inacceptables pour l'environnement ; qu'elle prescrit une procédure de participation du public à l'occasion de l'élaboration de décisions ayant une incidence sur l'environnement ; que, pour être recevable à contester un acte administratif individuel ou règlementaire, une association de protection de l'environnement doit démontrer que ledit acte emporte par lui-même des conséquences directes sur l'environnement et porte ainsi une atteinte suffisante aux intérêts qu'elle a pour objet de défendre ; qu'EPLP n'est pas recevable à contester un acte administratif dépourvu d'effet direct et certain sur l'environnement ; que la délibération n° 217 n'a ni pour objet ni pour effet d'impacter l'environnement, dès lors qu'il ne s'agit pas de conférer aux personnes intéressées un droit nouveau d'utiliser des PPUA ; qu'au contraire, les procédures administratives, comme les contrôles et les sanctions, sont actualisées et renforcées ; et ces procédures administratives sont nécessairement dépourvues de toute atteinte directe sur l'environnement ; que le nouveau régime ne peut donc être regardé comme ayant une incidence directe sur l'environnement, et la délibération en litige comme ayant défavorablement impacté les modalités d'intervention des associations environnementales en matière de PPUA ; en d'autres termes, les différents dispositifs administratifs, qu'ils soient modernisés ou véritablement nouveaux, mis en place par la délibération n'ont pas, en eux-mêmes, d'incidence sur l'environnement et ne préjugent pas de l'application qui en sera faite par le gouvernement lorsque celui-ci édictera des actes d'exécution (agrément, homologation, réévaluation, retrait, sanction...) ;

- qu'il a démontré au cours de la première instance que les conseillers avaient reçu, en temps utile, une information complète sur le projet de délibération ;

- que le CCPV n'avait pas à être consulté ;

- que, s'agissant de la prétendue violation de l'article 7 de la charte de l'environnement, seules entrent dans le champ d'application de l'article 7 les décisions ayant une incidence

" significative " sur l'environnement ; qu'EPLP ne démontre pas que les conditions de mise en oeuvre de l'article 7 seraient réunies au cas d'espèce, c'est-à-dire dans une matière où le Congrès ne peut être regardé comme étant intervenu en qualité de " législateur " ; que, faute de dispositions à caractère législatif relatives à l'information et à la participation du public applicables en l'espèce, le moyen doit être regardé comme inopérant ; qu'en outre et sur le fond, ni la consécration du principe selon lequel les substances actives et PPUA ne peuvent être agréées et homologuées qu'en l'absence d'effets nocifs, ni la mise en place de procédures de réévaluation des agréments ne peuvent être regardées comme étant des décisions ayant une incidence significative sur l'environnement ; de surcroît, à supposer que la charte (article 7) trouve à s'appliquer, le comité consultatif de l'environnement qui réunit les associations de défense de l'environnement a été consulté, tout comme le conseil économique et social représentant la société civile ;

- qu'il est impossible d'établir que la composition d'un organe consultatif puisse, en elle-même, porter atteinte au principe de précaution ou présenter une incidence significative sur l'environnement ; que la composition du CCSPPUA accorde une part prépondérante aux institutions, organismes et groupements ayant pour mission de protéger l'environnement ; qu'il n'y a donc pas de " déséquilibre " manifeste dans la composition du CCSPPUA ;

- que l'article 71 de la délibération fixe un dispositif assurant l'information du public sur les projets de décisions ayant une incidence sur l'environnement ; qu'il institue également un mécanisme participatif permettant au public de présenter des observations ; qu'il prévoit que les décisions concernées ne peuvent être prises avant l'expiration d'un délai suffisant pour permettre au public de prendre connaissance des informations et de présenter des observations ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 5 mai 2014, présenté pour l'association

" Ensemble Pour La Planète " (EPLP), par MeD..., qui maintient les conclusions de sa requête, par les mêmes moyens, faisant valoir, en outre, que " tout le contraire " d'un texte n'ayant pas, en lui-même, d'incidence directe sur l'environnement, signifie qu'il en a ; qu'à supposer que l'administration ait entendu prétendre que la délibération litigieuse avait des effets positifs sur l'environnement, une telle indication implique que les dispositions de ce texte ont une incidence ; que ce ne sont pas seulement les décisions prises en application d'une réglementation qui disposent d'un effet sur l'environnement ; qu'il existe de nombreuses affaires dans lesquelles un groupement a été admis à demander l'annulation d'un acte réglementaire qui ne lui est pas directement applicable dès lors qu'un tel acte exerce une influence sur les conditions dans lesquelles le groupement exerce ses activités ; que la délibération litigieuse, qui a pour objet d'encadrer les différents agréments et autorisations à obtenir préalablement à l'importation, la détention, la mise sur le marché et l'utilisation des substances et PPUA, met en place un nouveau régime juridique ayant une incidence, significative, sur l'environnement en Nouvelle-Calédonie ; que l'objet même de ladite délibération consiste à introduire un nouveau régime d'agrément et d'homologation des PPUA qui repose que une appréciation comparative et globale des modalités d'évaluation et d'autorisation des substances dangereuses susceptibles d'être utilisées dans l'agriculture en Nouvelle-Calédonie ; que les règles systémiques créées par cette nouvelle réglementation diffèrent fondamentalement de l'ancienne réglementation et son économie générale est bouleversée dans son ensemble ; que la délibération querellée produit des effets de nature à porter atteinte aux intérêts défendus par l'association ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution, notamment la Charte de l'environnement à laquelle renvoie son Préambule ;

Vu la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 et la loi n° 99-210 du 19 mars 1999 relatives à la Nouvelle-Calédonie ;

Vu la délibération du Congrès de Nouvelle-Calédonie n° 334 du 11 août 1992 portant protection des végétaux ;

Vu la délibération du Congrès de Nouvelle-Calédonie n° 009 du 13 juillet 1999 portant règlement intérieur du Congrès de la Nouvelle-Calédonie ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 29 janvier 2015 :

- le rapport de M. Romnicianu, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Bonneau-Mathelot, rapporteur public,

- et les observations de MeA..., pour le Congrès de la Nouvelle-Calédonie ;

1. Considérant que, le 14 août 2012, le Congrès de la Nouvelle-Calédonie a adopté la délibération n° 217 relative aux conditions d'autorisation, d'importation, de détention, de mise sur le marché et d'utilisation des substances et produits phytosanitaires à usage agricole (PPUA) ; que l'association " Ensemble Pour La Planète " (EPLP), au soutien de laquelle est intervenue l'Union Fédérale des Consommateurs - Que choisir ' de Nouvelle-Calédonie, a saisi le juge de l'excès de pouvoir d'une demande tendant à l'annulation de cette délibération ; que, par jugement n° 1200335 du 6 juin 2013, le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie, estimant que, sous réserve des articles 63 et 65 de la délibération litigieuse, qu'il a annulés, les associations demanderesses n'avaient pas d'intérêt leur donnant qualité pour demander l'annulation de ladite délibération dans sa totalité, a rejeté le surplus de la demande ; que l'association " Ensemble Pour La Planète " (EPLP) relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande tendant à l'annulation de la délibération n° 217 dans sa totalité ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant que le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté comme partiellement irrecevable la demande présentée par l'association " Ensemble Pour La Planète " (EPLP) au motif que, sous réserve de ses articles 63 et 65, " les dispositions de la délibération du 14 août 2012 qui fixent les règles et procédures applicables à l'utilisation des produits phytosanitaires à usage agricole sans porter d'appréciation d'espèce, ne portent, en elles-mêmes, aucune atteinte à la protection de l'environnement " et que, par suite, l'association

" Ensemble Pour La Planète " (EPLP), dont l'objet statutaire est la protection de l'environnement, ne justifiait pas d'un intérêt lui donnant qualité à agir pour déférer ladite délibération au juge de l'excès de pouvoir ;

3. Considérant, toutefois, qu'aux termes de son article 1er, la délibération litigieuse, qui revêt un caractère règlementaire, a pour objet de garantir, dans la limite des connaissances scientifiques actuellement disponibles, que les produits phytosanitaires à usage agricole (PPUA) sont appropriés à l'usage prévu et, qu'utilisés conformément aux prescriptions réglementaires et d'utilisation, ils n'ont pas d'effets secondaires nocifs sur la santé humaine et animale et inacceptables pour l'environnement ; que cette délibération, qui abroge une précédente délibération en date du 11 août 1992, réforme en profondeur la règlementation applicable aux modalités d'autorisation et d'utilisation des PPUA ; qu'elle fixe un nouveau cadre général applicable aux obligations administratives préalables à toute activité d'importation, de distribution et d'utilisation de PPUA ; qu'elle rappelle que les agréments et homologations ne peuvent être délivrés qu'en cas d'absence d'effets nocifs sur la santé humaine ou animale et inacceptables pour l'environnement ; qu'à cet égard, la délibération instaure un régime d'agrément et d'homologation des PPUA reposant sur une appréciation comparative et globale des modalités d'évaluation et d'autorisation des substances dangereuses susceptibles d'être utilisées dans l'agriculture en Nouvelle-Calédonie ; qu'enfin elle prescrit une procédure de participation du public à l'occasion de l'élaboration de décisions ayant une incidence sur l'environnement ; qu'ainsi, eu égard à la finalité, à l'objet et à la portée de la délibération litigieuse, laquelle instaure un cadre juridique nouveau pour les PPUA qui affecte de manière significative les conditions de la préservation de l'environnement en Nouvelle-Calédonie, l'association EPLP, qui a pour objet statutaire la défense de l'environnement en Nouvelle-Calédonie, justifie d'un intérêt direct lui donnant qualité pour agir contre cette délibération prise dans son ensemble, sans que puisse lui être utilement opposé qu'il ne s'agit que d'un acte à portée réglementaire n'ayant pas pour effet d'autoriser les PPUA eux-mêmes ; que, par suite, l'association requérante est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a rejeté comme irrecevable la demande dont il était saisi en tant qu'elle était dirigée contre l'ensemble des dispositions de la délibération contestée ; que son jugement en date du 6 juin 2013 doit, dès lors, être annulé ;

4. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par l'association " Ensemble Pour La Planète " (EPLP) devant le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie ;

Sur la légalité de la délibération n° 217 du 14 août 2012 relative aux conditions d'autorisation, d'importation, de détention, de mise sur le marché et d'utilisation des substances et produits phytosanitaires à usage agricole :

En ce qui concerne la légalité externe de la délibération attaquée :

S'agissant de la méconnaissance du droit à l'information des membres du Congrès :

5. Considérant qu'aux termes de l'article 74 de la loi organique susvisée du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie : " Tout membre du congrès a le droit, dans le cadre de sa fonction, d'être informé des affaires qui font l'objet d'un projet ou d'une proposition de loi du pays ou de délibération." ; qu'aux termes de l'article 76 de cette même loi organique : " Le président du congrès adresse, le cas échéant par voie électronique, aux membres du congrès, huit jours avant la séance, sauf en cas d'urgence, un rapport sur les affaires qui doivent être soumises au congrès, ainsi que, le cas échéant, les projets de loi du pays ou de délibération correspondants. Ce rapport est accompagné de tous les documents utiles. " ; qu'enfin, aux termes de l'article 40 du règlement intérieur du Congrès de la Nouvelle-Calédonie : " Les projets de loi du pays, de délibération et de résolution dont le congrès est saisi par le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie ainsi que les demandes d'avis formulées par le haut-commissaire de la République, conformément aux dispositions des articles 89 et 90 de la loi organique modifiée n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie, sont déposés sur le bureau du congrès. Le président du congrès en donne récépissé et les transmet, sans délai, aux élus. " ;

6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le projet de délibération attaquée, accompagné du rapport de présentation du gouvernement n° 11 en date du 22 mai 2012, a été déposé sur le bureau du Congrès le 30 mai 2012 ; que, le jour même du dépôt, soit le

30 mai 2012, le projet et le rapport de présentation ont été distribués, par voie manuelle, dans les casiers individuels des conseillers ; que, par ailleurs, l'ensemble des documents utiles a été transmis aux conseillers au plus tard le 31 juillet 2012 ; qu'ainsi, à la date de la séance au cours de laquelle a été adoptée la délibération litigieuse, le 14 août 2012, les membres du Congrès disposaient, dans le délai requis, de l'ensemble des documents prévus par les dispositions précitées de la loi organique ; qu'en outre, la circonstance que l'examen du projet en commission se soit achevé, avec le dépôt du rapport de la commission de l'agriculture et de la forêt le

8 août 2014, soit moins de huit jours avant son examen en séance plénière, n'est pas de nature à entacher d'illégalité la procédure parlementaire suivie ; que, par suite, le moyen tiré du défaut d'information des membres du Congrès manque en fait et doit être écarté ;

S'agissant de l'absence de consultation du comité consultatif de la protection des végétaux :

7. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la délibération du Congrès de

Nouvelle-Calédonie du 11 août 1992 susvisée : " Dans le cadre des missions définies à l'article 2 ci-dessus, il est créé un comité consultatif de la protection des végétaux chargé d'émettre un avis sur toute question relative à la protection des végétaux. " ; qu'aux termes de l'article 5 de cette même délibération : " Le comité consultatif de la protection des végétaux émet un avis sur : 1) la liste des organismes nuisibles, des fléaux et des végétaux susceptibles de les abriter ainsi que sur les conditions de lutte qui s'y rapportent. / 2) l'introduction, la multiplication et l'utilisation des agents de lutte biologique. / 3) les interdictions, restrictions et conditions imposées à l'importation des végétaux et produits végétaux. / 4) la liste des organismes nuisibles frappés d'interdiction et de restriction à l'importation. / 5) les demandes d'homologation. / 6) la liste de produits phytosanitaires d'emploi interdit ou restreint. / Le comité peut étudier toute autre question relative à la protection des végétaux pour l'ensemble du Territoire. " ;

8. Considérant que, eu égard à son objet réglementaire, la délibération attaquée portant réglementation des conditions d'autorisation, d'importation, de détention, de mise sur le marché et d'utilisation des substances et produits phytosanitaires à usage agricole n'est pas au nombre des questions obligatoirement soumises à l'avis du comité consultatif de la protection des végétaux en application de l'article 5 précité de la délibération du 11 août 1992 ; que, par suite, le moyen tiré de l'absence de consultation dudit comité doit être écarté comme inopérant ;

S'agissant de l'absence de participation du public à l'élaboration de la délibération attaquée :

9. Considérant que l'article 34 de la Constitution prévoit, dans la rédaction que lui a donnée la loi constitutionnelle du 1er mars 2005, que " la loi détermine les principes fondamentaux (...) de la préservation de l'environnement " ; que, selon l'article 7 de la Charte de l'environnement, à laquelle le Préambule de la Constitution fait référence en vertu de la même loi constitutionnelle, " Toute personne a le droit, dans les conditions et les limites définies par la loi, d'accéder aux informations relatives à l'environnement détenues par les autorités publiques et de participer à l'élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l'environnement." ; que ces dernières dispositions, comme l'ensemble des droits et devoirs définis dans la Charte de l'environnement, et à l'instar de toutes celles qui procèdent du Préambule de la Constitution, ont valeur constitutionnelle ; qu'elles s'imposent aux pouvoirs publics et aux autorités administratives dans leurs domaines de compétence respectifs ; qu'il incombe en conséquence au législateur de déterminer, dans le respect des principes énoncés à l'article 7 de la Charte de l'environnement, les modalités de la mise en oeuvre des dispositions de cet article ;

10. Considérant que l'association requérante soutient que la délibération attaquée a été adoptée sur une procédure irrégulière faute pour le public d'avoir participé à son élaboration ; qu'en défense, le Congrès de la Nouvelle-Calédonie fait valoir, toutefois, que, préalablement à l'adoption de la délibération litigieuse, ont été consultés, d'une part, le comité consultatif de l'environnement, qui réunit les associations de défense de l'environnement, et, d'autre part, le conseil économique et social, censé représenter les différentes composantes de la société civile ; que cette double consultation tient lieu de " participation du public " au sens de l'article 7 de la charte de l'environnement ;

11. Considérant, en tout état de cause, qu' à l'appui de sa contestation, l'association appelante ne saurait utilement invoquer les dispositions de l'article 7 de la Charte de l'environnement, lesquelles, eu égard, d'une part, à leur portée générale et insuffisamment précise, et, d'autre part, au renvoi exprès à la compétence du législateur pour définir les conditions et les limites du droit de participation du public qu'elles consacrent, ne sont pas d'effet direct ; que, par suite, le moyen tiré de leur méconnaissance doit être écarté comme inopérant ;

En ce qui concerne la légalité interne de la délibération attaquée :

S'agissant de l'article 5 fixant la composition du comité consultatif :

12. Considérant, en premier lieu, que, pour les motifs sus-énoncés, le moyen tiré de ce que la composition du comité consultatif sur les substances et produits phytosanitaires à usage agricole (CCSPPUA), telle que déterminée par l'article 5 de la délibération litigieuse, méconnaîtrait les exigences de " participation du public " découlant de l'article 7 de la charte de l'environnement doit être écarté comme inopérant ;

13. Considérant, en second lieu, qu'il est énoncé à l'article 5 de la Charte de l'environnement, à laquelle le Préambule de la Constitution fait référence en vertu de la loi constitutionnelle du 1er mars 2005 que : " Lorsque la réalisation d'un dommage, bien qu'incertaine en l'état des connaissances scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible l'environnement, les autorités publiques veillent, par application du principe de précaution et dans leurs domaines d'attributions, à la mise en oeuvre de procédures d'évaluation des risques et à l'adoption de mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage " ; que ces dispositions s'imposent aux pouvoirs publics et aux autorités administratives dans leurs domaines de compétence respectifs ; que, dès lors, il appartient à l'autorité administrative compétente de prendre en compte le principe de précaution lorsqu'elle adopte une réglementation susceptible d'avoir une incidence sur l'environnement ;

14. Considérant, toutefois, que la composition d'un organe consultatif, tel que le CCSPPUA, dont au demeurant, en l'espèce, il n'est aucunement établi qu'il serait essentiellement composé, ainsi que le soutient l'association requérante, de personnalités peu soucieuses du respect de l'environnement et par principe favorables à l'utilisation des pesticides en Nouvelle-Calédonie, ne saurait, à elle seule, être regardée comme susceptible de porter atteinte au principe de précaution ; que, dès lors, le moyen tiré de la violation de l'article 5 de la Charte de l'environnement ne peut qu'être écarté ;

S'agissant de l'article 6 § 7 relatif à la publicité des séances du comité consultatif :

15. Considérant que, pour les motifs sus-énoncés, le moyen tiré de ce que le régime de la publicité des séances du comité consultatif, tel que fixé par l'article 6 § 7 de la délibération litigieuse, méconnaîtrait les exigences de " participation du public " découlant de l'article 7 de la charte de l'environnement doit être écarté comme inopérant ;

S'agissant de l'article 6 § 4 relatif aux règles de quorum applicables au comité consultatif :

16. Considérant que les règles relatives au quorum requis pour la validité des avis émis par un organe consultatif tel que le CCSPPUA ne sauraient, à elles seules, être regardées comme susceptibles de porter atteinte au principe de précaution ; que, dès lors, le moyen tiré de la violation de l'article 5 de la Charte de l'environnement ne peut qu'être écarté ;

S'agissant de l'article 71 relatif à la consultation du public :

17. Considérant que, pour les motifs sus-énoncés, le moyen tiré de ce que la procédure de consultation du public instaurée par l'article 71 de la délibération litigieuse méconnaîtrait les exigences de " participation du public " découlant de l'article 7 de la charte de l'environnement doit être écarté comme inopérant ;

18. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'association " Ensemble Pour La Planète " (EPLP) n'est pas fondée à demander l'annulation de la délibération n° 217 du Congrès de la Nouvelle-Calédonie en date du 14 août 2012 relative aux conditions d'autorisation, d'importation, de détention, de mise sur le marché et d'utilisation des substances et produits phytosanitaires à usage agricole ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

19. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge du Congrès de la Nouvelle-Calédonie, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que l'association " Ensemble Pour La Planète " (EPLP) demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de l'association

" Ensemble Pour La Planète " (EPLP) une somme de 1 500 euros à verser au Congrès de la Nouvelle-Calédonie sur le fondement des mêmes dispositions ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1200335 du Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie du

6 juin 2013 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par l'association " Ensemble Pour La Planète " (EPLP) devant le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie, ainsi que ses conclusions d'appel présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetées.

Article 3 : L'association " Ensemble Pour La Planète " (EPLP) versera au Congrès de la

Nouvelle-Calédonie une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'Association " Ensemble Pour La Planète " (EPLP), à l'Union Fédérale des Consommateurs - Que choisir ' - de Nouvelle-Calédonie et au Congrès de la Nouvelle-Calédonie.

Copie en sera adressée, au président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie et au Haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie.

Délibéré après l'audience du 29 janvier 2015 à laquelle siégeaient :

Mme Vettraino, président de chambre,

M. Romnicianu, premier conseiller,

M. Gouès, premier conseiller,

Lu en audience publique le 12 février 2015.

Le rapporteur,

M. ROMNICIANULe président,

M. VETTRAINO

Le greffier,

F. TROUYET

La République mande et ordonne au ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 11PA00434

2

N° 13PA03703


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 13PA03703
Date de la décision : 12/02/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme VETTRAINO
Rapporteur ?: M. Michel ROMNICIANU
Rapporteur public ?: Mme BONNEAU-MATHELOT
Avocat(s) : ELMOSNINO

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2015-02-12;13pa03703 ?
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