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12/02/2015 | FRANCE | N°13PA03697

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 12 février 2015, 13PA03697


Vu I) sous le n° 13PA03697, la requête, enregistrée le 4 octobre 2013, présentée pour le Congrès de la Nouvelle-Calédonie, représenté par son président, dont le siège est 1 boulevard Vauban à Nouméa Cedex (98851), par Mes B...et Descombes ; Le Congrès de la

Nouvelle-Calédonie demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1200335 du 6 juin 2013 en tant que, par ce jugement, le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a annulé, à la demande de l'association

" Ensemble Pour La Planète " (EPLP), les articles 63 et 65 de sa délibération n° 217

du

14 août 2012 relative aux conditions d'autorisation, d'importation, de détention, de ...

Vu I) sous le n° 13PA03697, la requête, enregistrée le 4 octobre 2013, présentée pour le Congrès de la Nouvelle-Calédonie, représenté par son président, dont le siège est 1 boulevard Vauban à Nouméa Cedex (98851), par Mes B...et Descombes ; Le Congrès de la

Nouvelle-Calédonie demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1200335 du 6 juin 2013 en tant que, par ce jugement, le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a annulé, à la demande de l'association

" Ensemble Pour La Planète " (EPLP), les articles 63 et 65 de sa délibération n° 217 du

14 août 2012 relative aux conditions d'autorisation, d'importation, de détention, de mise sur le marché et d'utilisation des substances et produits phytosanitaires à usage agricole ;

2°) de rejeter la demande présentée par l'association " Ensemble Pour La Planète " (EPLP) devant le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie ;

3°) de mettre à la charge de l'association " Ensemble Pour La Planète " (EPLP) le versement d'une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient :

- que l'association demanderesse en première instance n'avait pas intérêt à demander l'annulation des articles 63 et 65 de la délibération litigieuse ; que ces deux articles ne portaient pas une atteinte directe aux intérêts poursuivis par EPLP ; que ces deux articles se présentent sous la forme d'une habilitation confiée par l'assemblée délibérante à l'organe exécutif de la Nouvelle-Calédonie ; qu'une telle habilitation constitue une simple mesure interinstitutionnelle dépourvue d'effet direct sur les sujets de droit ; que ce n'est qu'à l'occasion d'un recours engagé contre un acte pris sur le fondement d'une telle habilitation que les sujets de droit peuvent, à la condition que l'acte d'application leur fasse lui-même grief, exciper de l'illégalité de l'habilitation ; ainsi et par principe l'habilitation confiée au gouvernement ne peut être regardée comme une décision portant, à elle-seule, atteinte à l'environnement ; que les articles 63 et 65 ne confèrent aucun droit direct et nouveau d'importation et/ou d'utilisation de substances ou de produits phytosanitaires ; qu'un effet direct sur l'environnement n'aurait existé que si, et seulement si, le Congrès avait lui-même accordé des agréments, des homologations ou des droits nouveaux au bénéfice des importateurs et utilisateurs de substances et produits phytosanitaires ; que tel n'est pas le cas en l'espèce dans la mesure où le Congrès a prévu qu'un acte réglementaire distinct de la délibération, devant être édicté ultérieurement par une institution distincte, interviendrait pour fixer les deux listes initiales ; que dans les faits le gouvernement a bel et bien édicté un arrêté ayant cet objet, six mois plus tard ; que cet arrêté pouvait être contesté par la voie du recours en excès de pouvoir - voie de droit d'ailleurs utilisée par EPLP ; que les articles 63 et 65 doivent donc être regardés comme de simples actes préparatoires de cet arrêté, ce qui exclut qu'ils puissent être considérés comme faisant par eux-mêmes grief à EPLP ;

- que les articles 63 et 65 de la délibération ne méconnaissent pas la loi organique de 1999 ; l'assemblée délibérante (le Congrès) est investie d'une compétence générale dans le cadre des compétences dévolues à la Nouvelle-Calédonie ; que le gouvernement n'est investi d'aucune compétence propre en matière phytosanitaire ; que les articles 63 et 65 ne peuvent donc être considérés comme empiétant sur une compétence propre du gouvernement ; qu'aucune violation de l'article 127 de la loi organique ne peut être retenue ; qu'il en va de même s'agissant de l'article 126 relatif à l'intervention du gouvernement au titre de l'exécution des délibérations du Congrès ; que, sauf à méconnaître l'étendue de ses compétences, l'organe délibérant qui habilite l'organe exécutif à intervenir en exécution ou application d'une délibération doit faire preuve d'un haut degré de précision quant à l'étendue de l'habilitation ; cela implique que la précision de l'habilitation est l'élément déterminant de la légalité de cette dernière ;

- et que, symétriquement, l'organe exécutif ne peut bénéficier d'une habilitation lui laissant une marge d'appréciation incertaine ; ainsi le motif d'illégalité retenu par le tribunal administratif est infondé : la précision de l'habilitation contenue dans les articles 63 et 65 n'est pas une cause d'illégalité ; en l'espèce, en confiant au gouvernement le soin de procéder à un simple inventaire des homologations en cours, le Congrès n'a pas méconnu la portée de l'article 126 de la loi organique ; le Congrès aurait d'ailleurs pu fixer lui-même les listes initiales en vertu de sa compétence de droit commun ; il a choisi d'habiliter le gouvernement à cette fin, au moyen de dispositions suffisamment précises pour que les listes initiales correspondent strictement aux mesures transitoires nécessaires ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 5 mai 2014, présenté pour l'association

" Ensemble Pour La Planète " (EPLP), représentée par sa présidente, Mme C...E..., domiciliée..., 41 rue du 18 juin, Magenta, 98847 Nouméa, et l'Union fédérale des consommateurs (UFC) Que Choisir ' de Nouvelle-Calédonie, représentée par son président, M. A...D..., domicilié.... 2357 - 98846 Nouméa Cedex, par Me Elmosnino ;

Les associations intimées concluent au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge du Congrès de Nouvelle-Calédonie le versement d'une somme de 250 000 CFP sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elles font valoir :

- que le Congrès doit veiller à ne pas imposer au gouvernement le contenu des mesures d'exécution à prendre dans le cadre règlementaire fixé ; qu'en l'espèce aucune marge de manoeuvre n'est laissée au gouvernement qui se voit par là contraint de prendre par voie d'arrêté les listes initiales prévues par le Congrès, sans aucune possibilité d'appréciation ; évidemment le Congrès peut décider de ne pas user de sa faculté d'habilitation du gouvernement ; dans cette hypothèse, il fixe lui-même les règles et ces dernières ne nécessitent aucune mesure supplémentaire d'exécution ; mais, en aucune manière, il ne peut dans le même temps donner habilitation expresse et spéciale au gouvernement tout en lui enjoignant de prescrire un contenu précis ;

- qu'elles étaient parfaitement recevables à solliciter l'annulation de la délibération querellée ; que, bien loin de se borner à établir un acte préparatoire, les dispositions des articles 63 et 65 de la délibération querellée produisent des effets de nature à porter atteinte aux intérêts défendus par les associations ; que les articles 63 et 65 de la délibération ne se bornent pas à préparer ou habiliter le gouvernement, mais modifient l'ordonnancement juridique ;

Vu II), sous le n° 13PA03698, la requête, enregistrée le 4 octobre 2013, présentée pour le Congrès de la Nouvelle-Calédonie, représenté par son président, dont le siège est 1 boulevard Vauban à Nouméa Cedex (98851), par Mes B...et Descombes ; Le Congrès de

la Nouvelle-Calédonie demande à la Cour :

1°) de prononcer, en application de l'article R. 811-15 du code de justice administrative, le sursis à exécution du jugement n° 1200335 du Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie en date du 6 juin 2013 ;

2°) de mettre à la charge de l'association " Ensemble Pour La Planète " (EPLP) le versement d'une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Le Congrès de la Nouvelle-Calédonie fait valoir que les moyens qu'il invoque en appel doivent être considérés, en l'état de l'instruction, comme sérieux et de nature à justifier, d'une part, l'annulation du jugement attaqué et, d'autre part, le rejet des conclusions à fin d'annulation des article 63 et 65 accueillies par le jugement ; que, par conséquent, les conditions posées par l'article R. 811-15 du code de justice administrative sont remplies ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 20 février 2014, présenté pour l'association

" Ensemble Pour La Planète " (EPLP), représentée par sa présidente, Mme C...E..., domiciliée..., 41 rue du 18 juin, Magenta, 98847 Nouméa, et l'Union fédérale des consommateurs (UFC) Que Choisir ' de Nouvelle-Calédonie, représenté par son président, M. A...D..., domicilié.... 2357 - 98846 Nouméa Cedex, par Me Elmosnino, avocat ;

Les associations intimées concluent au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge du Congrès de Nouvelle-Calédonie le versement d'une somme de 250 000 F CFP sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 2 avril 2014, présenté pour le Congrès de la Nouvelle-Calédonie, par Mes B...et Descombes, qui maintient les conclusions de sa requête, par les mêmes moyens ;

Vu le mémoire, enregistré le 5 mai 2014, présenté pour l'association " Ensemble Pour La Planète " (EPLP) et l'Union fédérale des consommateurs (UFC) Que Choisir ' de

Nouvelle-Calédonie, par Me Elmosnino, lesquelles persistent dans leurs précédentes écritures ;

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 et la loi n° 99-210 du 19 mars 1999 relatives à la Nouvelle-Calédonie ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 29 janvier 2015 :

- le rapport de M. Romnicianu, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Bonneau-Mathelot, rapporteur public,

- et les observations de MeB..., pour le Congrès de la Nouvelle-Calédonie ;

1. Considérant que, le 14 août 2012, le Congrès de la Nouvelle-Calédonie a adopté la délibération n° 217 relative aux conditions d'autorisation, d'importation, de détention, de mise sur le marché et d'utilisation des substances et produits phytosanitaires à usage agricole (PPUA) ; que l'association " Ensemble Pour La Planète " (EPLP), au soutien de laquelle est intervenue l'Union Fédérale des Consommateurs Que choisir ' de Nouvelle-Calédonie, a saisi le juge de l'excès de pouvoir d'une demande tendant à l'annulation de cette délibération ; que, par jugement n° 1200335 du 6 juin 2013, le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie, estimant que l'association demanderesse avait un intérêt lui donnant qualité pour solliciter l'annulation des articles 63 et 65 de la délibération litigieuse relatifs à la liste initiale des substances actives agréées et des produits phytosanitaires à usage agricole (PPUA) homologués, a annulé ces deux articles au motif que, ayant pour objet d'enjoindre au gouvernement de la Nouvelle-Calédonie de dresser la liste initiale des substances actives agréées et des produits phytosanitaires à usage agricole homologués, ils avaient pour effet de priver le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie de toute compétence d'appréciation pour homologuer les listes initiales ;

2. Considérant que, par une première requête enregistrée au greffe de la Cour sous le

n° 13PA03697, le Congrès de la Nouvelle-Calédonie, en sa qualité de partie défenderesse de première instance, relève appel de ce jugement en tant qu'il a annulé les deux articles précités ; que, par une seconde requête enregistrée au greffe sous le n° 13PA03698, le Congrès de la Nouvelle-Calédonie demande à la Cour, sur le fondement de l'article R. 811-15 du code de justice administrative, d'ordonner le sursis à exécution du jugement précité ;

3. Considérant que les deux requêtes visées ci-dessus sont dirigées contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un seul arrêt ;

Sur la requête n° 13PA03697 :

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la demande de première instance ;

En ce qui concerne le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif :

4. Considérant qu'aux termes de l'article 83 de la loi organique susvisée du

19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie : " L'exercice des compétences attribuées à la Nouvelle-Calédonie par le chapitre Ier du titre II relève du congrès, à l'exception de celles qui sont attribuées par la présente loi au gouvernement ou au président du gouvernement. " ; qu'aux termes de l'article 126 de cette même loi : " Le gouvernement prépare et exécute les délibérations du congrès et de sa commission permanente. Il prend, sur habilitation du congrès ou de sa commission permanente, les arrêtés réglementaires ou non réglementaires nécessaires à la mise en oeuvre de leurs actes. " ; qu'enfin aux termes de l'article 127 : " Le gouvernement : 1° Prend les décisions individuelles relatives au travail des étrangers, pour l'application du 3° de l'article 22 ; / 2° Etablit le programme des importations ; / 3° Approuve les tarifs et redevances en matière de postes et de télécommunications ; / 4° Organise les concours d'accès aux emplois publics de la Nouvelle-Calédonie et de ses établissements publics, et en détermine les programmes ; / 5° Détermine les modalités d'application de la rémunération des agents publics de la Nouvelle-Calédonie ainsi que la rémunération des collaborateurs des membres du gouvernement ; / 6° Crée les charges, nomme les officiers publics et ministériels et confère l'honorariat ; / 7° Fixe les prix et les tarifs réglementés ; / 8° Fixe l'organisation des services de la Nouvelle-Calédonie ; / 9° Détermine la nature et les tarifs des prestations des services publics de la Nouvelle-Calédonie ; / 10° Conclut les conventions avec les concessionnaires, délégataires de service public et les fermiers ; / 11° Fixe l'objet et les modalités d'exécution ou d'exploitation des ouvrages publics et des travaux publics de la Nouvelle-Calédonie ; / 12° Gère les biens de la Nouvelle-Calédonie ; / 13° Détermine les servitudes administratives au profit du domaine et des ouvrages publics de la Nouvelle-Calédonie ; / 14° Assure le placement des fonds libres de la Nouvelle-Calédonie en valeurs d'Etat ou en valeurs garanties par l'Etat et autorise l'émission des emprunts de la Nouvelle-Calédonie, et prend les décisions de déroger à l'obligation de dépôt des fonds auprès de l'Etat, dans les conditions prévues au II de l'article 52-1 ; / 15° Accepte ou refuse les dons et legs au profit de la Nouvelle-Calédonie ; / 16° Conclut les conventions de prêts ou d'avals, dans les conditions fixées par le congrès ; / 17° Se prononce sur les projets ou propositions de loi du pays ou les projets de délibération du congrès ou d'une assemblée de province, relatifs aux mines, mentionnés aux III et IV de l'article 42 ; / 18° Prépare la codification des lois du pays et de la réglementation édictée par la Nouvelle-Calédonie. " ;

5. Considérant que les articles litigieux prévoient, à titre de mesure transitoire, que le gouvernement dressera, par voie d'arrêté, les listes initiales des substances actives agréées et des produits phytosanitaires à usage agricole homologués, en y incluant l'ensemble des substances actives et les produits phytosanitaires à usage agricole déjà agréés et homologués depuis le

24 août 2010 ;

6. Considérant qu'il résulte des termes mêmes de l'article 127 précité de la loi organique que le gouvernement ne détient aucune compétence propre en matière d'agrément des substances actives et d'homologation des produits phytosanitaires à usage agricole ; que, dès lors, en application de l'article 83 de cette même loi, il était loisible au Congrès de procéder

lui-même, à titre transitoire, à l'agrément des substances actives et à l'homologation des produits phytosanitaires à usage agricole ; que, par suite, à supposer même que, en l'absence de toute marge d'appréciation laissée au gouvernement, le Congrès doive être regardé comme s'étant substitué à celui-ci dans l'élaboration des listes initiales des substances actives agréées et des produits phytosanitaires à usage agricole homologués, cette circonstance n'est, en tout état de cause, pas de nature à entacher d'illégalité les deux articles litigieux ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que, pour annuler les articles 63 et 65 de la délibération en litige, le tribunal administratif s'est fondé sur le moyen tiré de ce que le Congrès aurait privé le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie de toute compétence d'appréciation pour dresser les listes initiales des substances actives agréées et des produits phytosanitaires à usage agricole homologués ;

8. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par l'association EPLP devant le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie et relatifs à la légalité des articles 63 et 65 de la délibération du 14 août 2012 ;

En ce qui concerne les autres moyens relatifs à la légalité des articles 63 et 65 :

S'agissant de la méconnaissance du droit à l'information des membres du Congrès :

9. Considérant qu'aux termes de l'article 74 de la loi organique susvisée du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie : " Tout membre du congrès a le droit, dans le cadre de sa fonction, d'être informé des affaires qui font l'objet d'un projet ou d'une proposition de loi du pays ou de délibération. " ; qu'aux termes de l'article 76 de cette même loi organique :

" Le président du congrès adresse, le cas échéant par voie électronique, aux membres du congrès, huit jours avant la séance, sauf en cas d'urgence, un rapport sur les affaires qui doivent être soumises au congrès, ainsi que, le cas échéant, les projets de loi du pays ou de délibération correspondants. Ce rapport est accompagné de tous les documents utiles. " ; qu'enfin, aux termes de l'article 40 du règlement intérieur du Congrès de la Nouvelle-Calédonie : " Les projets de loi du pays, de délibération et de résolution dont le congrès est saisi par le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie ainsi que les demandes d'avis formulées par le haut-commissaire de la République, conformément aux dispositions des articles 89 et 90 de la loi organique modifiée n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie, sont déposés sur le bureau du congrès. Le président du congrès en donne récépissé et les transmet, sans délai, aux élus. " ;

10. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le projet de délibération litigieuse, accompagné du rapport de présentation du gouvernement n° 11 du 22 mai 2012, a été déposé sur le bureau du Congrès le 30 mai 2012 ; que, le jour même du dépôt, soit le 30 mai 2012, le projet et le rapport de présentation ont été distribués, par voie manuelle, dans les casiers individuels des conseillers ; que, par ailleurs, l'ensemble des document utiles a été transmis aux conseillers au plus tard le 31 juillet 2012 ; qu'ainsi, à la date de la séance au cours de laquelle a été adoptée la délibération litigieuse, le 14 août 2012, les membres du Congrès disposaient, dans le délai requis, de l'ensemble des documents prévus par les dispositions précitées de la loi organique ; qu'en outre, la circonstance que l'examen du projet en commission se soit achevé avec le dépôt du rapport de la commission de l'agriculture et de la forêt le 8 août 2014, soit moins de huit jours avant son examen en séance plénière, n'est pas de nature à entacher d'illégalité la procédure parlementaire suivie ; que, par suite, le moyen tiré du défaut d'information des membres du Congrès manque en fait et doit être écarté ;

S'agissant de l'absence de consultation du comité consultatif de la protection des végétaux :

11. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la délibération du Congrès de

la Nouvelle-Calédonie du 11 août 1992 susvisée : " Dans le cadre des missions définies à l'article 2 ci-dessus, il est créé un comité consultatif de la protection des végétaux chargé d'émettre un avis sur toute question relative à la protection des végétaux. " ; qu'aux termes de l'article 5 de cette même délibération : " Le comité consultatif de la protection des végétaux émet un avis sur : 1) la liste des organismes nuisibles, des fléaux et des végétaux susceptibles de les abriter ainsi que sur les conditions de lutte qui s'y rapportent. / 2) l'introduction, la multiplication et l'utilisation des agents de lutte biologique. / 3) les interdictions, restrictions et conditions imposées à l'importation des végétaux et produits végétaux. / 4) la liste des organismes nuisibles frappés d'interdiction et de restriction à l'importation. / 5) les demandes d'homologation. / 6) la liste de produits phytosanitaires d'emploi interdit ou restreint. / Le comité peut étudier toute autre question relative à la protection des végétaux pour l'ensemble du Territoire. " ;

12. Considérant que, eu égard à son objet réglementaire, la délibération litigieuse portant réglementation des conditions d'autorisation, d'importation, de détention, de mise sur le marché et d'utilisation des substances et produits phytosanitaires à usage agricole n'est pas au nombre des questions obligatoirement soumises à l'avis du comité consultatif de la protection des végétaux en application de l'article 5 précité de la délibération du 11 août 1992 ; que, par suite, le moyen tiré de l'absence de consultation dudit comité doit être écarté comme inopérant ;

S'agissant de l'absence de participation du public à l'élaboration de la délibération litigieuse :

13. Considérant que l'article 34 de la Constitution prévoit, dans la rédaction que lui a donnée la loi constitutionnelle du 1er mars 2005, que " la loi détermine les principes fondamentaux (...) de la préservation de l'environnement " ; que, selon l'article 7 de la Charte de l'environnement, à laquelle le Préambule de la Constitution fait référence en vertu de la même loi constitutionnelle, " Toute personne a le droit, dans les conditions et les limites définies par la loi, d'accéder aux informations relatives à l'environnement détenues par les autorités publiques et de participer à l'élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur

l'environnement. " ; que ces dernières dispositions, comme l'ensemble des droits et devoirs définis dans la Charte de l'environnement, et à l'instar de toutes celles qui procèdent du Préambule de la Constitution, ont valeur constitutionnelle ; qu'elles s'imposent aux pouvoirs publics et aux autorités administratives dans leurs domaines de compétence respectifs ; qu'il incombe en conséquence au législateur de déterminer, dans le respect des principes énoncés à l'article 7 de la Charte de l'environnement, les modalités de la mise en oeuvre des dispositions de cet article ;

14. Considérant que l'association intimée soutient que la délibération litigieuse a été adoptée sur une procédure irrégulière faute pour le public d'avoir participé à son élaboration ; que le Congrès de la Nouvelle-Calédonie fait valoir, toutefois, que, préalablement à l'adoption de la délibération litigieuse, ont été consultés, d'une part, le comité consultatif de l'environnement, qui réunit les associations de défense de l'environnement et, d'autre part, le conseil économique et social, censé représenter les différentes composantes de la société civile et que cette double consultation tient lieu de " participation du public " au sens de l'article 7 de la charte de l'environnement ;

15. Considérant, en tout état de cause, qu' à l'appui de sa contestation, l'association intimée ne saurait utilement invoquer les dispositions de l'article 7 de la Charte de l'environnement, lesquelles, eu égard, d'une part, à leur portée générale et insuffisamment précise et, d'autre part, au renvoi exprès à la compétence du législateur pour définir les conditions et les limites du droit de participation du public qu'elles consacrent, ne sont pas d'effet direct ; que, par suite, le moyen tiré de leur méconnaissance doit être écarté comme inopérant ;

16. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le Congrès de Nouvelle-Calédonie est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a annulé, à la demande de l'association " Ensemble Pour La Planète " (EPLP), les articles 63 et 65 de sa délibération n° 217 du 14 août 2012 relative aux conditions d'autorisation, d'importation, de détention, de mise sur le marché et d'utilisation des substances et produits phytosanitaires à usage agricole ;

Sur la requête n° 13PA03698 :

17. Considérant que, par le présent arrêt, la Cour statue sur la requête en annulation

n° 13PA03697 dirigée contre le jugement rendu le 6 juin 2013 par le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie ; que, par suite, les conclusions de la requête n° 13PA03698 tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement sont devenues sans objet ; qu'il n'y a donc plus lieu d'y statuer ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

18. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge du Congrès de la Nouvelle-Calédonie, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que l'association " Ensemble Pour La Planète " (EPLP) demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de l'association

" Ensemble Pour La Planète " (EPLP) une somme de 1 500 euros à verser au Congrès de la Nouvelle-Calédonie sur le fondement des mêmes dispositions ;

DÉCIDE :

Article 1er : L'article 2 du jugement n° 1200335 du Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie du 6 juin 2013 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par l'association " Ensemble Pour La Planète " (EPLP) devant le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie est rejetée.

Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur le recours n° 13PA03698 aux fins de sursis à exécution du jugement précité présenté par le Congrès de Nouvelle-Calédonie.

Article 4 : L'association " Ensemble Pour La Planète " (EPLP) versera au Congrès de la

Nouvelle-Calédonie une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à l'Association Ensemble pour la Planète (EPLP), à l'Union Fédérale des Consommateurs Que choisir ' de Nouvelle-Calédonie et au Congrès de la Nouvelle-Calédonie.

Copie en sera adressée au président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie et au

Haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie.

Délibéré après l'audience du 29 janvier 2015 à laquelle siégeaient :

Mme Vettraino, président de chambre,

M. Romnicianu, premier conseiller,

M. Gouès, premier conseiller,

Lu en audience publique le 12 février 2015.

Le rapporteur,

M. ROMNICIANULe président,

M. VETTRAINO

Le greffier,

F. TROUYET

La République mande et ordonne au Haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 11PA00434

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N°S 13PA03697, 13PA03698


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 13PA03697
Date de la décision : 12/02/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme VETTRAINO
Rapporteur ?: M. Michel ROMNICIANU
Rapporteur public ?: Mme BONNEAU-MATHELOT
Avocat(s) : ELMOSNINO

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2015-02-12;13pa03697 ?
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