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02/02/2015 | FRANCE | N°14PA01938

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 02 février 2015, 14PA01938


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...D...a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 12 février 2013 par lequel le préfet de Seine-et-Marne lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n° 1301880 du 14 mars 2014, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée

le 28 avril 2014, M.D..., représenté par Me A...'B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le juge...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...D...a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 12 février 2013 par lequel le préfet de Seine-et-Marne lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n° 1301880 du 14 mars 2014, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 28 avril 2014, M.D..., représenté par Me A...'B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°1301880 du 14 mars 2014 du Tribunal administratif de Melun ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du préfet de Seine-et-Marne du 12 février 2013 ;

3°) d'enjoindre au préfet de Seine-et-Marne de lui délivrer une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou, à défaut, de réexaminer sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la substitution de base légale opérée par les premiers juges est contraire au principe de loyauté du procès protégé par l'article 6§1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'arrêté du préfet, qui est entaché d'une erreur sur son nom patronyme, est insuffisamment motivé ;

- le préfet a également commis une erreur de droit et une erreur de fait dans l'examen de sa situation au regard de l'article R. 313-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il n'a pas procédé à un examen complet de sa situation personnelle ;

- l'arrêté méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que le centre de sa vie privée et familiale est désormais en France, où il séjourne sans discontinuité depuis 2009 ;

- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté méconnaît les articles 7 et 10 du pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, les articles 7 et 15 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ainsi que les stipulations du point 16 de la partie I et de l'article 16 de la partie II de la charte sociale européenne.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 juillet 2014, le préfet de Seine-et-Marne conclut au rejet de la requête.

Le préfet soutient que les moyens soulevés par M. D... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte sociale européenne ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- le code de justice administrative.

Par décision du président de la formation de jugement, le rapporteur public a été dispensé, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Dhiver a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant qu'à la suite d'une interpellation, M. D..., ressortissant béninois, a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français, prononcée par le préfet de Seine-et-Marne par arrêté du 12 février 2013 ; que M. D... relève appel du jugement du 14 mars 2014 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant que lorsqu'il constate que la décision contestée devant lui aurait dû être prise, en vertu du même pouvoir d'appréciation, sur le fondement d'un autre texte que celui sur lequel s'est fondée l'autorité administrative, le juge de l'excès de pouvoir peut substituer ce fondement à celui qui a servi de base légale à la décision attaquée, sous réserve que l'intéressé ait disposé des garanties dont est assortie l'application du texte sur le fondement duquel la décision aurait dû être prononcée ; qu'une telle substitution relevant de l'office du juge, celui-ci peut y procéder soit à la demande des parties, soit de sa propre initiative, au vu des pièces du dossier, mais sous réserve, dans ce dernier cas, d'avoir au préalable mis les parties à même de présenter des observations sur ce point ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; 2° Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée sur le territoire sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré (...)" ;

4. Considérant que le tribunal a procédé, d'office, à une substitution de base légale en estimant que la décision faisant obligation à M. D...de quitter le territoire français trouvait son fondement légal dans les dispositions du 2° du I de l'article L. 511-1 précité, qui pouvait être substituées à celle du 1° qu'avait retenues le préfet ; qu'il a, au préalable, relevé que l'administration dispose du même pouvoir d'appréciation pour appliquer l'une ou l'autre de ces deux dispositions et que la substitution de base légale n'avait eu pour effet de priver l'intéressé d'aucune garantie ; que les premiers juges ont également, au préalable, mis les parties à même de présenter des observations sur la substitution de base légale ; que, par suite, M. D...n'est en tout état de cause pas fondé à soutenir que le tribunal aurait méconnu le droit à un procès équitable garanti par les stipulations de l'article 6 §1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

5. Considérant, en premier lieu, que la circonstance que l'arrêté contesté mentionne, à une reprise, le nom d'une autre personne que M.D..., n'est pas de nature, alors qu'il s'agit d'une erreur matérielle, à faire regarder la décision comme dépourvue de motivation ; que cet arrêté, qui énonce les considérations de droit et de fait sur lesquels il se fonde, est suffisamment motivé au regard des exigences de l'article 3 de la loi susvisée du 11 juillet 1979 ;

6. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article R. 313-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui, n'étant pas déjà admis à résider en France, sollicite la délivrance d'une carte de séjour temporaire présente à l'appui de sa demande : / 2° Les documents, mentionnés à l'article R. 211-1, justifiant qu'il est entré régulièrement en France ; / 3° Sauf stipulation contraire d'une convention internationale applicable en France, un visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois autre que celui mentionné au 3° de l'article R. 311-3 (...) " ;

7. Considérant que le préfet mentionne, dans l'arrêté contesté, que M. D...a déclaré être entré en France sans être en possession des documents exigés à l'article L. 211-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il relève ensuite que, faute de justifier d'une entrée régulière, M. D...ne remplit pas les conditions posées à l'article R. 313-1 du code pour solliciter la délivrance d'une carte de séjour temporaire ; qu'il ressort des pièces du dossier que M. D...est entré sur le territoire muni d'un visa pour un séjour d'une durée inférieure à trois mois ; qu'ainsi, le préfet aurait pris la même décision en se fondant sur le 3° de l'article R. 313-1, et non sur le 2° du même article ; qu'il s'ensuit que les moyens tirés de l'existence d'une erreur de fait et d'une erreur de droit doivent être écartés ;

8. Considérant, en troisième lieu, que, quand bien même l'arrêté contesté comporte une erreur matérielle quant au nom du requérant, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet n'aurait pas procédé à un examen complet de la situation personnelle de M. D...avant de prendre sa décision ;

9. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales: " 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) " ;

10. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. D...est entré en France en 2011 ; qu'il est célibataire et sans charge de famille ; que s'il fait valoir que plusieurs membres de sa famille résident en France et sont titulaires de cartes de résident, il ne produit aucune pièce permettant d'établir le lien de parenté avec les personnes dont il produit les titres de séjour, ni ne justifie de l'intensité de ses liens affectifs avec ces personnes ; que, dans les circonstances de l'espèce, eu égard notamment à la durée et aux conditions de séjour de M. D...sur le territoire français, la décision du préfet portant obligation de quitter le territoire n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ; qu'ainsi, le préfet de Seine-et-Marne n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que M. D...n'est pas davantage fondé à soutenir qu'il pouvait prétendre de plein droit à un titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, faisant obstacle à ce qu'il fasse l'objet d'une obligation de quitter le territoire français ;

11. Considérant, en cinquième lieu, que les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne prévoient pas la délivrance d'un titre de séjour de plein droit ; que M. D...ne saurait utilement se prévaloir de ces dispositions pour contester l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français ;

12. Considérant, en sixième lieu, que, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 10, l'arrêté contesté ne méconnaît pas l'article 7 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, selon lequel " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de ses communications " ; qu'aux termes de l'article 15 de la même charte, " Toute personne a le droit de travailler et d'exercer une profession librement choisie ou acceptée. Tout citoyen ou toute citoyenne de l'Union a la liberté de chercher un emploi, de travailler, de s'établir ou de fournir des services dans tout État membre " ; que ces stipulations ne confèrent en aucun cas un droit au séjour fondé uniquement sur la volonté de rechercher un emploi ; qu'ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations doit également être écarté ;

13. Considérant, en dernier lieu, que les stipulations des articles 7 et 10 du pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, par lesquelles les Etats parties reconnaissent, d'une part, que toute personne a droit de jouir de conditions de travail justes et favorables, d'autre part, qu'une protection et une assistance à la famille aussi large que possible doivent être accordées à la famille et aux enfants, ne produisent pas d'effet direct à l'égard des particuliers ; que ces stipulations ne peuvent par conséquent pas être utilement invoquées à l'appui des conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté contesté ; que M. D... ne peut pas davantage utilement invoquer les stipulations du point 16 de la partie I et celles de l'article 16 de la partie II de la charte sociale européenne, qui sont également sans effet direct à l'égard des particuliers ;

14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande ; que doivent être également rejetées par voie de conséquence ses conclusions à fin d'injonction, ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. D...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...D...et au ministre de l'intérieur

Copie en sera adressée au préfet de Seine-et-Marne.

Délibéré après l'audience du 19 janvier 2015 à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, président de chambre,

- M. Marino, président assesseur,

- Mme Dhiver, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 2 février 2015.

Le rapporteur,

M. DHIVERLe président,

J. LAPOUZADE

Le greffier,

L. BARRIERE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 14PA01938


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 14PA01938
Date de la décision : 02/02/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03-04 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour. Motifs.


Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: Mme Martine DHIVER
Rapporteur public ?: M. SORIN
Avocat(s) : DELL'ASINO

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2015-02-02;14pa01938 ?
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