La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

22/01/2015 | FRANCE | N°12PA03315-12PA03888

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3 ème chambre, 22 janvier 2015, 12PA03315-12PA03888


Vu la décision de la Cour de céans du 4 avril 2014 ayant annulé le jugement du 12 juillet 2012 en ce qu'il avait retenu la responsabilité de l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) et ayant ordonné, avant de statuer sur la responsabilité de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris, une expertise en vue de déterminer, au vu du dossier médical de M. H..., d'une part, si l'intervention sur l'anévrisme de l'aorte descendante était justifiée et, d'autre part, si le choix thérapeutique était approprié

à l'état du patient ;

Vu le rapport d'expertise déposé le 3 ju...

Vu la décision de la Cour de céans du 4 avril 2014 ayant annulé le jugement du 12 juillet 2012 en ce qu'il avait retenu la responsabilité de l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) et ayant ordonné, avant de statuer sur la responsabilité de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris, une expertise en vue de déterminer, au vu du dossier médical de M. H..., d'une part, si l'intervention sur l'anévrisme de l'aorte descendante était justifiée et, d'autre part, si le choix thérapeutique était approprié à l'état du patient ;

Vu le rapport d'expertise déposé le 3 juin 2014 ;

Vu l'ordonnance du président de la Cour en date du 18 août 2014 taxant et liquidant les frais de l'expertise à la somme de 1 560 euros ;

Vu le mémoire, enregistré le 4 août 2014, présenté pour l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris dans le cadre des deux instances 12PA03315 et 12PA03888 ; l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris maintient ses conclusions ;

Vu le mémoire, enregistré le 9 septembre 2014, présenté par les époux H...dans le cadre des deux instances 12PA03315 et 12PA03888 ; les époux H...maintiennent leurs conclusions ;

Vu le moyen d'ordre public communiqué aux parties le 22 décembre 2014 dans le cadre de l'instance 12PA03888 tiré de l'absence d'intérêt à agir de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris ;

Vu le mémoire, enregistré le 2 janvier 2015, présenté pour l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris dans le cadre de l'instance 12PA03888 ; l'AP-HP fait valoir que la motivation retenue dans le jugement du 12 juillet 2012 lui est défavorable de sorte qu'elle a intérêt à agir ; qu'au surplus, la Cour dans son arrêt avant dire droit n'a pas retenu un défaut d'intérêt à agir ;

Vu l'arrêt en date du 4 avril 2013 par lequel la Cour a annulé le jugement du 12 juillet 2012 et a ordonné un complément d'expertise ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 janvier 2015 :

- le rapport de Mme Chavrier, rapporteur,

- les conclusions de M. Roussel, rapporteur public,

- et les observations de MeD..., représentant l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris ;

1. Considérant que M. F...H..., qui présentait une aorte anévrismale, a été opéré, le 19 juillet 2005 à l'hôpital de la Pitié Salpêtrière en un seul temps opératoire, d'un anévrisme de l'aorte ascendante et de l'arche aortique et d'un anévrisme de l'aorte thoraco-abdominale ; qu'à la suite d'un accident vasculaire cérébral survenu au décours de l'intervention, M. H... qui était âgé de 52 ans, présente des lésions cérébrales majeures et des troubles moteurs ; que M. et Mme H...ont saisi le 20 mars 2006 la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux (CRCI) d'Ile-de-France d'une demande amiable d'indemnisation de leurs préjudices ; qu'à la suite d'une expertise qu'elle a diligentée, la CRCI, dans un avis du 19 mars 2008, a retenu que l'indication opératoire d'un anévrisme de l'aorte thoracique ascendante n'était pas justifiée au vu des mesures pré-opératoires de cet anévrisme établies par scanner et que l'accident vasculaire cérébral était directement imputable à ce geste opératoire non indiqué, dont il constitue un risque connu ; qu'elle a considéré, au surplus, qu'une imprudence avait été commise tenant à une protection cérébrale insuffisante pendant l'intervention ; qu'elle a considéré, en raison de l'absence fautive d'indication opératoire, que la responsabilité de l'AP-HP était engagée et qu'il incombait à l'assureur de cette dernière d'adresser une offre d'indemnisation aux époux H...en réparation de leurs préjudices ; qu'à la suite de cet avis, par un courrier du 1er août 2008 adressé à MmeH..., l'AP-HP a décliné sa responsabilité estimant que l'indication opératoire était formelle compte tenu de l'importance de l'anévrisme ; que l'ONIAM, invité par les époux H...à se substituer à l'AP-HP a, par courrier du 18 novembre 2008, refusé de leur faire une offre d'indemnisation au motif, déjà retenu par l'AP-HP, de la justification de l'opération par le diamètre de l'anévrisme ; que les époux H...ont saisi le Tribunal administratif de Paris d'une demande tendant à la condamnation de l'ONIAM à les indemniser de leurs préjudices ; que par jugement du 12 juillet 2012, dont l'ONIAM a relevé régulièrement appel, ce tribunal a fait droit à leur demande en condamnant cet office à leur verser la somme de 429 114 euros ; que par une requête distincte, l'AP-HP a également interjeté appel de ce jugement en ce qu'il a retenu que sa responsabilité était engagée sur le fondement d'un geste opératoire fautif ; que par un arrêt en date du 4 avril 2014, la cour de céans a annulé le jugement aux motifs que le tribunal avait à tort condamné l'ONIAM à indemniser M. et Mme H...du préjudice consécutif à l'opération chirurgicale subie par M. H... à l'hôpital de la Pitié Salpêtrière le 19 juillet 2005, alors que les juges avaient retenu une faute de l'AP-HP engageant la responsabilité de celle-ci ; que par ce même arrêt, la Cour a ordonné un complément d'expertise ;

Sur l'instance n° 12PA03888 :

2. Considérant que l'intérêt à agir s'apprécie en fonction du dispositif et non des motifs de la décision attaquée ; que le jugement du 12 juillet 2012 ne prononçant aucune condamnation à l'encontre de l'AP-HP, les conclusions de cette dernière sont irrecevables ;

Sur l'instance n° 12PA03315 :

Sur la responsabilité :

3. Considérant qu'il est constant, ainsi qu'il ressort notamment du rapport d'expertise du 2 janvier 2008 remis à la CRCI d'Ile-de-France et du complément d'expertise ordonné par la Cour, que M. H... présentait un anévrisme de l'aorte thoraco-abdominale qui nécessitait une opération d'urgence en raison d'une dilatation de l'aorte descendante mesurée à 96 mm par le scanner pré-opératoire ; que les experts précisent que cette lésion " imposait un traitement chirurgical rapide sous peine de mort par rupture et hémorragie interne intra-thoracique " ; que dans ces conditions une intervention chirurgicale était justifiée dans son principe ;

4. Considérant toutefois que les experts ont estimé que l'indication opératoire n'était pas justifiée pour ce qui concerne l'aorte ascendante, compte tenu des diamètres apparaissant sur le scanner panaortique réalisé le 7 juillet 2005, de 45 mm pour la portion ascendante de l'aorte et de 49 mm pour la crosse aortique, dès lors qu'une telle opération ne s'envisage qu'à partir de 55 mm de diamètre ; que l'expert désigné par la Cour a précisé que les mesures contradictoires révélées par le compte rendu opératoire ne pouvaient pas être prises en compte ; qu'il a estimé à l'instar des premiers experts que l'intervention sur l'aorte ascendante n'était pas nécessaire à court terme ni à moyen terme ; qu'il résulte également de l'instruction que le choix d'une opération en un seul temps était particulièrement risqué et non justifié ; que dans ces conditions, de telles fautes sont de nature à engager la responsabilité de l'AP-HP, l'accident vasculaire cérébral dont M. H... a été victime, qui est un risque spécifique du remplacement de l'arche aortique, et le dommage qui en résulte, étant totalement imputables à ce geste opératoire fautif ;

Sur les préjudices :

Sur les préjudices de M.H... :

En ce qui concerne les préjudices à caractère patrimonial :

S'agissant des pertes de revenus :

5. Considérant qu'il résulte de l'instruction que M.H..., qui exerçait la profession de gardien à Oran (Algérie), a connu une incapacité temporaire totale du 1er janvier 2006 au jour de la consolidation du dommage, le 12 décembre 2007 ; qu'au regard des éléments versés au dossier, en particulier de ces deux derniers contrats de travail qui permettent de retenir un salaire annuel de 222 000 dinars, et compte tenu du taux de change du dinar algérien, le préjudice tenant aux pertes de gains professionnels doit être fixé à la somme de 5 186 euros pour la période d'incapacité temporaire totale de vingt-quatre mois demandée ;

S'agissant de l'incidence professionnelle :

6. Considérant que M. H...soutient qu'il aurait pu travailler jusqu'à l'âge de 70 ans et demande, en conséquence, le versement d'une somme de 93 644 euros au titre de la perte de salaires sur seize années ; que, si la réalité de ce préjudice doit dans son principe être tenue pour certaine, la Cour ne dispose pas, en l'état, des éléments justificatifs permettant de déterminer à quelle date M. H...aurait été admis à la retraite et s'il bénéficie ou non de revenus de remplacement, éléments indispensables pour évaluer le préjudice en cause ; qu'il y a donc lieu de surseoir à statuer sur ce chef de préjudice et de demander aux requérants de produire, dans le délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt, les justificatifs nécessaires ;

S'agissant des frais liés au handicap :

7. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que M. H... a dû exposer la somme non contestée de 5 597,79 euros au titre du matériel médical lié à son handicap ; que l'assistance publique-Hôpitaux de Paris doit donc lui verser cette somme ; qu'en revanche, la somme sollicitée au titre des travaux d'aménagement de son habitation n'est pas justifiée ; qu'en effet, les factures produites ne permettent pas de déterminer si les travaux visés dans les devis sont nécessaires au regard de son handicap ; qu'il y a donc lieu sur ce point d'ordonner une mesure d'instruction complémentaire et de surseoir à statuer sur ce chef de préjudice ;

8. Considérant, en second lieu, qu'il résulte de l'instruction que l'état de santé de M. H... nécessite l'aide médicalisée d'une tierce personne à hauteur d'une fois par semaine, la présence d'une aide-soignante deux fois par jour et d'une aide ménagère trois fois par jour ; qu'il y a lieu d'évaluer le capital représentatif des frais viagers liés à la nécessité d'une assistance par une tierce personne, compte tenu du fait que le salaire minimum mensuel algérien est équivalent à 175 euros à la somme de 200 000 euros, somme non contestée par les parties ;

En ce qui concerne les préjudices à caractère personnel :

9. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le taux d'incapacité permanente partielle de M. H... a été évalué à 94% ; que l'expert a évalué les souffrances endurées à 6 sur une échelle de 1 à 7 et le préjudice esthétique à 6 sur la même échelle ; que M. H... subit un préjudice d'agrément qualifié de majeur par l'expert ainsi qu'un préjudice sexuel ; qu'il sera fait une juste appréciation de ces préjudices en les fixant à la somme globale de 250 000 euros ;

Sur le préjudice de l'épouse et des enfants de M.H... :

10. Considérant en premier lieu, qu'il sera fait une juste appréciation du préjudice moral de Mlle C...H..., Mlle B...H...et M. A...H..., du fait de l'état de santé de leur père, en le fixant à 10 000 euros chacun ;

11. Considérant, en second lieu, qu'il sera fait une juste appréciation du préjudice moral et sexuel de MmeH..., du fait de l'état de santé de son époux, en le fixant à 40 000 euros ;

12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris doit être condamnée à verser à M. et Mme H...la somme totale de 530 784 euros ;

Sur les intérêts :

13. Considérant que lorsqu'ils ont été demandés, et quelle que soit la date de cette demande, les intérêts moratoires dus en application de l'article 1153 du code civil courent à compter du jour où la demande de paiement du principal est parvenue au débiteur ou, en l'absence d'une telle demande préalablement à la saisine du juge, à compter du jour de cette saisine ;

14. Considérant que M. et Mme H...ont droit aux intérêts au taux légal sur la somme de 530 784 euros à compter du 24 juillet 2010, date d'introduction de leur requête ;

Sur les frais d'expertise :

15. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris les frais d'expertise ainsi que la contribution pour l'aide juridictionnelle versée par l'ONIAM ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

16. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de condamner l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris à verser à M. et Mme H...la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu en revanche de mettre à la charge de l'ONIAM la somme sollicitée par les époux H...à ce titre, l'ONIAM n'étant pas la partie perdante ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris est rejetée.

Article 2 : L'AP-HP versera la somme de 530 784 euros aux épouxH..., somme assortie des intérêts à compter du 24 juillet 2010.

Article 3 : Il est sursis à statuer sur les chefs de préjudices relatifs aux travaux d'aménagement dans l'appartement et la perte de revenus futurs de M. H...dans l'attente de justificatifs supplémentaires permettant d'évaluer lesdits préjudices ; les requérants devront produire lesdits justificatifs dans le délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : Les frais d'expertise et la contribution pour l'aide juridictionnelle sont à la charge de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris.

Article 5 : L'AP-HP versera la somme de 2 000 euros aux époux H...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à M. F...H..., à Mme E...H..., à l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris et à l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM). Copie en sera adressée à la caisse nationale d'assurances sociales des travailleurs salariés et à M. le professeur Jean-François Obadia, expert.

Délibéré après l'audience du 8 janvier 2015, à laquelle siégeaient :

- M. Bouleau, premier vice-président,

- MmeI..., première conseiller,

- Mme Chavrier, première conseiller.

Lu en audience publique, le 22 janvier 2015.

Le rapporteur,

A-L. CHAVRIERLe président,

M. BOULEAU

Le greffier,

M. G...

La République mande et ordonne au ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

''

''

''

''

5

N° 10PA03855

2

Nos 12PA03315, 12PA03888


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3 ème chambre
Numéro d'arrêt : 12PA03315-12PA03888
Date de la décision : 22/01/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme FOLSCHEID
Rapporteur ?: Mme Mathilde RENAUDIN
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL
Avocat(s) : SCP NORMAND et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 23/09/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2015-01-22;12pa03315.12pa03888 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award