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21/01/2015 | FRANCE | N°14PA02737

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 21 janvier 2015, 14PA02737


Vu la requête, enregistrée le 20 juin 2014, présentée pour la société par actions simplifiée (SAS) Financière Eurinter, dont le siège est 10-12 place Vendôme à Paris (75001), représentée par son président directeur général en exercice, par la SCP Baker et McKenzie ;

la SAS Financière Eurinter demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1315389/1-3 du 25 avril 2014 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires de taxe sur les salaires auxquelles elle a été assujettie au titre

des années 2008, 2009 et 2010, en droits et majorations ;

2°) de prononcer la déchar...

Vu la requête, enregistrée le 20 juin 2014, présentée pour la société par actions simplifiée (SAS) Financière Eurinter, dont le siège est 10-12 place Vendôme à Paris (75001), représentée par son président directeur général en exercice, par la SCP Baker et McKenzie ;

la SAS Financière Eurinter demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1315389/1-3 du 25 avril 2014 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires de taxe sur les salaires auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2008, 2009 et 2010, en droits et majorations ;

2°) de prononcer la décharge sollicitée ;

3°) de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- le tribunal a fait une erreur de droit en présumant, alors qu'il appartenait à l'administration d'en apporter la preuve, que des personnes, dont les pouvoirs ne sont pas définis par la loi mais par le seul contrat de travail, avaient des attributions en matière financière et en assujettissant par suite leurs rémunérations à la taxe sur les salaires ;

- une telle présomption, si elle peut être retenue pour le directeur général d'une société anonyme ou d'une société pas actions simplifiée, puisque le code du commerce leur reconnaît des fonctions transversales, ne peut, en revanche être appliquée pour le directeur général adjoint, dès lors qu'il ne résulte d'aucun texte que celui-ci disposerait des pouvoirs les plus étendus ;

- elle avait, durant les années en cause, le statut d'une société anonyme et les dispositions de l'article L. 225-56 du code de commerce, si elles confèrent les mêmes pouvoirs que ceux du directeur général, aux directeurs généraux délégués, ne concernent pas les directeurs généraux adjoints, ces deux notions étant juridiquement bien distinctes ;

- en conséquence, son directeur général adjoint, M.A..., et son directeur administratif, M.C..., ne pouvaient, en l'absence de texte, être considérés comme disposant de pouvoirs étendus et transversaux permettant de présumer qu'ils auraient eu des attributions en matière financière ;

- l'activité financière de la société est réduite à sa plus simple expression ;

- les rémunérations des assistantes qui ne disposent d'aucuns pouvoirs transversaux ne sauraient être valablement retenues dans l'assiette de la taxe sur les salaires ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 9 septembre 2014, présenté par le ministre des finances et des comptes, qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que :

- en présence de holding ayant une activité mixte, les pouvoirs des dirigeants de la holding mixte s'étendent en principe au secteur financier, ce qui justifie l'assujettissement à la taxe sur les salaires des rémunérations de ces dirigeants ;

- c'est à bon droit que le tribunal administratif a retenu une présomption d'assujettissement à la taxe des rémunérations du directeur général adjoint et du directeur administratif de la société, ainsi que de celles de leurs assistantes, eu égard au caractère transversal de leurs fonctions ;

- cette présomption demeure, alors même que le suivi des activités financières serait sous-traité à des tiers ;

Vu le nouveau mémoire, enregistré le 9 octobre 2014, présenté pour la SAS Financière Eurinter, qui persiste dans les conclusions de sa requête, par les mêmes moyens, et fait valoir en outre que :

- les fonctions de directeur général adjoint exercées par M. A...ne sont qu'une simple qualification contractuelle et ces fonctions ne sont pas visées, de même que celles de directeur administratif et d'assistant, par le code de commerce, ce qui exclut que ces fonctions puissent être présumées avoir une étendue qui engloberait le secteur financier ;

- l'administration, alors que la preuve lui incombe, ne produit aucun élément démontrant que les intéressés exerçaient des pouvoirs ou avaient des attributions dans le secteur financier de la société et ne peut se borner à se référer à l'intitulé des postes respectifs des personnes en cause, alors qu'elle a pris connaissance durant le contrôle des contrats de travail des personnels en cause ;

- il ne lui appartient pas d'apporter la preuve négative de la non affectation des personnels en cause au secteur financier de la société ;

- deux personnes autres que celles en cause sont déjà affectées au secteur financier, secteur dont l'activité est des plus restreinte, à savoir son président et l'assistante de celui-ci ;

Vu le nouveau mémoire, enregistré le 18 décembre 2014, présenté par le ministre des fiances et des comptes publics, qui persiste dans ses précédents écritures ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 janvier 2015 :

- le rapport de Mme Appèche, président,

- et les conclusions de M. Egloff, rapporteur public ;

1. Considérant que la SAS Financière Eurinter, holding financière issue de la fusion absorption en date du 10 juillet 2012 de la SAS financière Eurinter par la société European Homes, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre des années 2008, 2009 et 2010 ; qu'à l'issue de ce contrôle, le service a mis à sa charge des cotisations supplémentaires de taxe sur les salaires résultant de l'inclusion dans l'assiette de ladite taxe des rémunérations versées par la société à son directeur général adjoint, à son directeur administratif et à leurs assistantes et qu'elle n'y avait pas intégrées ; que la SAS Financière Eurinter, après avoir en vain demandé au Tribunal administratif de Paris la décharge des cotisations supplémentaires de taxe sur les salaires auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2008, 2009 et 2010, en droits et majorations, relève appel du jugement n° 1315389/1-3 du 25 avril 2014 de ce tribunal rejetant sa demande ;

2. Considérant qu'aux termes du 1 de l'article 231 du code général des impôts, les employeurs doivent payer une taxe sur les salaires " lorsqu'ils ne sont pas assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée ou ne l'ont pas été sur 90 % au moins de leur chiffre d'affaires au titre de l'année civile précédant celle du paiement desdites rémunérations. L'assiette de la taxe due par ces personnes ou organismes est constituée par une partie des rémunérations versées, déterminée en appliquant à l'ensemble de ces rémunérations le rapport existant, au titre de cette même année, entre le chiffre d'affaires qui n'a pas été passible de la taxe sur la valeur ajoutée et le chiffre d'affaires total (...) " ;

3. Considérant que, d'une part, lorsque les activités d'une entreprise sont, pour l'exercice de ses droits à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée, réparties en deux ou plusieurs secteurs distincts au sens de l'article 209 de l'annexe II au code général des impôts, la taxe sur les salaires doit être déterminée par secteur, en appliquant aux rémunérations des salariés affectés spécifiquement à l'un des secteurs le rapport d'assujettissement propre à ce secteur ; que, d'autre part, la taxe sur les salaires des personnels concurremment affectés à deux ou plusieurs secteurs doit être établie en appliquant à leurs rémunérations le rapport existant, pour l'entreprise dans son ensemble, entre le chiffre d'affaires qui n'a pas été passible de la taxe sur la valeur ajoutée et le chiffre d'affaires total ; que, s'agissant des dirigeants d'une société anonyme ou d'une société par actions simplifiée auxquels sont juridiquement conférés, en vertu notamment des dispositions du code de commerce, les pouvoirs les plus étendus dans la direction de la société, ces pouvoirs, dans le cas d'une société holding, s'entendent en principe comme s'étendant au secteur financier, sauf si les éléments produits par l'entreprise démontrent que certains de ses dirigeants n'ont pas d'attribution dans ce secteur et justifient par là que la rémunération de ces dirigeants soit regardée comme relevant entièrement des secteurs passibles de la taxe sur la valeur ajoutée et, par suite, comme placée hors du champ de la taxe sur les salaires ;

4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 225-53 du code de commerce concernant les sociétés anonymes et applicables en l'espèce, dès lors qu'il est constant que la société requérante avait, durant les années d'imposition en cause, cette forme juridique : " Sur proposition du directeur général, le conseil d'administration peut nommer une ou plusieurs personnes physiques chargées d'assister le directeur général, avec le titre de directeur général délégué. / Les statuts fixent le nombre maximum des directeurs généraux délégués, qui ne peut dépasser cinq. / Le conseil d'administration détermine la rémunération du directeur général et des directeurs généraux délégués " ; qu'aux termes de l'article L. 225-56 du même code :

" Le directeur général est investi des pouvoirs les plus étendus pour agir en toute circonstance au nom de la société. Il exerce ces pouvoirs dans la limite de l'objet social et sous réserve de ceux que la loi attribue expressément aux assemblées d'actionnaires et au conseil d'administration. Il représente la société dans ses rapports avec les tiers. (...) / Les dispositions des statuts ou les décisions du conseil d'administration limitant les pouvoirs du directeur général sont inopposables aux tiers. / II. - En accord avec le directeur général, le conseil d'administration détermine l'étendue et la durée des pouvoirs conférés aux directeurs généraux délégués. / Les directeurs généraux délégués disposent, à l'égard des tiers, des mêmes pouvoirs que le directeur général. " ;

5. Considérant, en premier lieu, que l'administration a estimé que les fonctions de directeur général adjoint de M. A...conféraient à leur titulaire, en vertu des dispositions de l'article L. 225-56 du code de commerce, les pouvoirs les plus étendus et que, dès lors, s'agissant d'une société holding, ces pouvoirs devaient être présumés s'étendre au secteur financier ; qu'elle a, en conséquence, corrigé la base d'imposition à la taxe sur les salaires dans laquelle la société avait spontanément intégré les rémunérations de son président et de l'assistante de celui-ci, en ajoutant les rémunérations de M. A...et celles de son assistante dans l'assiette de la taxe sur les salaires, calculée à raison du ratio existant, pour l'entreprise dans son ensemble, entre le chiffre d'affaires qui n'a pas été passible de la taxe sur la valeur ajoutée et le chiffre d'affaires total au titre de chacune des années en cause ;

6. Considérant, toutefois, que, si les dispositions susénoncées confèrent des pouvoirs étendus au directeur général et aux directeurs généraux délégués désignés selon les modalités qu'elles définissent, la société requérante soutient, sans être contredite, que M.A..., directeur général adjoint, n'avait pas été nommé directeur général délégué et que l'extrait K bis du registre du commerce et des sociétés la concernant ne comporte aucune mention d'une telle nomination, soumise pourtant aux formalités de publicité prévues aux articles R. 123-53 et R. 123-54 du code de commerce ; que, dès lors, en l'absence de toute autre disposition législative ou règlementaire définissant les pouvoirs d'un directeur général adjoint n'ayant pas la qualité de directeur général délégué, l'administration ne pouvait présumer que M. A...disposait de pouvoirs d'une étendue telle qu'ils englobaient le secteur financier ;

7. Considérant que l'administration n'apporte aucun élément ou justificatif de nature à démontrer que les attributions de M. A...étaient exercées concurremment dans les deux secteurs de la société ; que la société requérante, pour sa part, soutient que M. A...n'exerçait pas de fonctions transversales et produit devant la Cour un contrat de travail en date du 31 août 2005 d'engagement de ce dernier comme directeur général adjoint, stipulant en son

article II que l'intéressé prend en charge les activités opérationnelles décrites audit article et ne mentionnant aucunement quelque fonction de nature financière ; qu'ainsi, et alors qu'il est constant que, pour les années en cause, la société avait estimé qu'eu égard aux pouvoirs étendus de son président, sur l'ensemble de ses secteurs d'activité, la rémunération de celui-ci ainsi que celle de son assistante devaient être intégrées dans la base de la taxe sur les salaires, il ne résulte pas de l'instruction que M.A..., directeur général adjoint, aurait été affecté, fût-ce partiellement, à une activité de nature financière ; qu'il ne résulte pas davantage de l'instruction, et notamment du contrat de travail de son assistante, que l'activité de celle-ci se serait étendue à ce secteur ; que, par suite, la société requérante est fondée à soutenir que c'est à tort que l'administration fiscale a introduit dans la base de calcul de la taxe sur les salaires, pour les années 2008, 2009 et 2010, les rémunérations de ces deux personnes ;

8. Considérant, en second lieu, que l'administration a également intégré dans la base de la taxe sur les salaires la rémunération de M.C..., exerçant au sein de la

SA Financière Eurinter, selon les termes retenus par le vérificateur dans la proposition de rectification et repris dans ses écritures par l'administration, les fonctions de directeur administratif et financier ; que la société requérante, qui n'a jamais contesté, ni durant la procédure d'imposition, ni devant le tribunal administratif et pas davantage devant la Cour le libellé des fonctions de M.C..., ne verse au dossier aucun élément, et notamment pas le contrat de travail de ce dernier, décrivant les fonctions de celui-ci et démontrant qu'en dépit de ce libellé, l'intéressé n'aurait aucunement été affecté au secteur financier dont l'activité, au vu des éléments du dossier, ne peut être tenue pour " manifestement rudimentaire ", comme le prétend la société requérante ; que, dans ces conditions, la SAS Financière Eurinter n'est pas fondée à soutenir que l'administration aurait à tort estimé que ce responsable exerçait concurremment ses responsabilités dans les deux secteurs et pris en compte, dans la base de la taxe sur les salaires, sa rémunération ainsi que celle de son assistante, MmeB..., dès lors que rien dans le contrat de travail de cette dernière n'indique que ses fonctions d'assistante de direction seraient cantonnées au secteur d'activité passible de la taxe sur la valeur ajoutée ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SAS Financière Eurinter est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande en tant qu'elle tendait à la décharge des suppléments de taxe sur les salaires procédant de l'intégration, dans la base de calcul de cette taxe des années 2008, 2009 et 2010, des rémunérations servies à M.A..., directeur général adjoint, et à

MmeD..., assistante de direction ; qu'en conséquence, il y a lieu de mettre à la charge de l'État la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : Les bases d'imposition à la taxe sur les salaires de la SAS Financière Eurinter au titre des années 2008, 2009 et 2010 sont réduites à hauteur respectivement des rémunérations de 219 068 euros, 219 068 euros et 222 044 euros versées à M. A...et de celles de 35 147 euros, 36 147 euros et 36 408 euros versées à MmeD....

Article 2 : La société est déchargée des droits résultant de la diminution des bases d'imposition définie à l'article 1er et calculés après application du prorata d'imposition fixé à 89 %

pour les années 2008 et 2009 et à 91 % pour l'année 2010.

Article 3 : Le surplus de la requête de la SAS Financière Eurinter est rejeté.

Article 4 : L'État versera à la SAS Financière Eurinter une somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Financière Eurinter et au ministre des finances et des comptes publics.

Copie en sera adressée au chef des services fiscaux chargé de la direction de contrôle fiscal d'Ile-de-France Est.

Délibéré après l'audience du 7 janvier 2015 à laquelle siégeaient :

Mme Tandonnet-Turot, président de chambre,

Mme Appèche, président assesseur,

M. Niollet, premier conseiller,

Lu en audience publique le 21 janvier 2015.

Le rapporteur,

S. APPECHELe président,

S. TANDONNET-TUROT

Le greffier,

S. DALL'AVA

La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 11PA00434

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N° 14PA02737


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 14PA02737
Date de la décision : 21/01/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme TANDONNET-TUROT
Rapporteur ?: Mme Sylvie APPECHE
Rapporteur public ?: M. EGLOFF
Avocat(s) : SCP BAKER et MACKENZIE

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2015-01-21;14pa02737 ?
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