Vu la requête, enregistrée le 27 décembre 2013, présentée par le préfet de police ; le préfet de police demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1303941/6-3 du 16 octobre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Paris a fait droit à la demande de Mme A...B...en annulant l'arrêté du 18 janvier 2013 refusant de lui délivrer un titre de séjour et en lui enjoignant de délivrer à l'intéressée un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme B...devant le Tribunal administratif de Paris ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la loi n° 99-944 du 15 novembre 1999 relative au pacte civil de solidarité ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 octobre 2014, le rapport de M. Polizzi, président assesseur ;
1. Considérant que Mme A...B..., née le 11 mai 1983 et de nationalité iranienne, entrée en France le 14 octobre 2008 sous couvert d'un titre de séjour " étudiant " renouvelé jusqu'au 29 octobre 2012, a sollicité le 3 janvier 2013 un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que par un arrêté du 18 janvier 2013, le préfet de police a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité, aux motifs qu'elle ne justifiait pas d'une ancienneté de vie commune suffisante avec le ressortissant de nationalité française à laquelle elle était liée par un pacte civil de solidarité souscrit le 26 octobre 2012 et qu'elle n'était pas démunie d'attaches familiales dans son pays d'origine où résident ses parents et sa fratrie ; que, par un jugement du 16 octobre 2013 dont le préfet de police demande l'annulation, le Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté comme ayant porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale ; que Mme B...demande le rejet de la requête et notamment la condamnation de l'Etat à lui verser une indemnité ;
Sur les conclusions du préfet de police dirigées contre du jugement du Tribunal administratif de Paris :
2. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; / 2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile susvisé : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. (...) " ; qu'aux termes de l'article 12 de la loi du 15 novembre 1999 : " La conclusion d'un pacte civil de solidarité constitue l'un des éléments d'appréciation des liens personnels en France, au sens du 7° de l'article 12 bis de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France, pour l 'obtention d'un titre de séjour. " ;
3. Considérant qu'il résulte des dispositions précitées de l'article 12 de la loi du 15 novembre 1999, éclairées par les débats parlementaires qui ont précédé l'adoption de la loi, qu'à elle seule la conclusion d'un pacte civil de solidarité par un ressortissant étranger, soit avec un ressortissant français soit avec tout ressortissant étranger en situation régulière, n'emporte pas délivrance de plein droit d'une carte de séjour temporaire ; que la conclusion d'un tel contrat constitue cependant pour l'autorité administrative un élément de la situation personnelle de l'intéressé, dont elle doit tenir compte, pour apprécier si un refus de délivrance de la carte sollicitée par le demandeur, compte tenu de l'ancienneté de la vie commune avec son partenaire, n'entraînerait pas une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée ;
4. Considérant qu'il est constant que, à la date de sa demande, MmeB..., entrée régulièrement en France le 14 octobre 2008, séjournait sur le territoire français de façon habituelle depuis quatre ans ; qu'elle fait valoir qu'elle entretient une relation stable depuis octobre 2009 avec un ressortissant français avec lequel elle a déposé une déclaration de vie commune à la mairie de Paris le 24 janvier 2012 et conclu le 26 octobre 2012 un pacte civil de solidarité ; qu'il ressort des pièces du dossier qu'elle a signé le bail initialement conclu par son concubin pour la location du logement dans lequel ils résident depuis le 3 septembre 2009 ; que la totalité des quittances de loyers afférentes à ce contrat de bail sont délivrées à leurs deux noms depuis le 1er octobre 2009 ainsi que les attestations EDF ; que, contrairement à ce que soutient le préfet de police, l'attestation commune d'assurance responsabilité civile établie le 24 janvier 2013 par le directeur régional de la MACIF Ile-de-France garantit Mme B...depuis le 21 septembre 2009 ; que si le préfet soutient que ces documents démontrent seulement qu'ils résident à la même adresse, le contrat de Promovacances de juillet-août 2011 ainsi que les billets aller-retour pour des voyages réalisés par son partenaire et elle-même, à Madrid et à Oslo en décembre 2009 et octobre 2011, attestent de la réalité de leur communauté de vie depuis l'année 2009 ; que, par ailleurs, la requérante a entrepris des études supérieures à Paris où elle a effectué trois stages rémunérés à temps plein à la Caisse des dépôts et Consignations de novembre 2010 à mai 2011, à la fondation de coopération scientifique PremUp d'août à décembre 2011 et au Crédit agricole de mai à septembre 2012 dans le cadre de sa formation pour l'obtention de son MBA spécialisé en communication et au management d'évènements ; que, dans ces conditions, eu égard à la durée et aux conditions du séjour en France de Mme B..., à l'ancienneté, la réalité et à la stabilité de la communauté de vie avec son compagnon de nationalité française et en outre à ses possibilités d'intégration dans la société française, et alors même qu'elle n'est pas dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine où résident ses parents et sa fratrie et où elle a vécu jusqu'à l'âge de 25 ans, l'arrêté du 18 janvier 2013 a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ;
5. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 18 janvier 2013 au motif que celui-ci a méconnu les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Sur les conclusions incidentes de MmeB..., sans qu'il soit besoin de statuer sur leur recevabilité :
6. Considérant que Mme B...sollicite la condamnation de l'Etat à lui verser une indemnité en réparation du préjudice matériel lié à la perte de chance de pouvoir travailler qu'elle évalue à un montant de 20 000 euros et une indemnité d'un montant de 15 000 euros en réparation des troubles dans les conditions d'existence et du préjudice moral qu'elle estime avoir subis ainsi qu'une somme de 340 euros au titre du timbre fiscal relatif à son visa de régularisation ;
7. Considérant, ainsi qu'il vient d'être dit, que Mme B...est fondée à soutenir que la décision du 18 janvier 2013 refusant de lui délivrer le titre de séjour sollicité l'a privée de la possibilité de mener une vie privée et familiale dans des conditions normales ; que toutefois, si elle produit une pièce datée du 26 mars 2013 à laquelle est joint un contrat, cette pièce n'évoque que le fait que " vous pouvez être une candidate pour une collaboration en freelance avec nous " et se borne à dire qu'elle doit lire et approuver des documents " pour que sa candidature suive son cours " ; qu'en outre, la requérante n'établit ni n'allègue qu'elle aurait été recrutée suite au jugement du tribunal ; que, par suite ce document ne permet pas d'établir qu'elle aurait perdu une chance sérieuse d'occuper un emploi proposé pour le poste de " Speller Web Content Assessor Role " avec la société Lionbridge Techonologies Inc ; que, dans ces conditions, la requérante n'est pas fondée à demander la réparation de son préjudice matériel ; que, par ailleurs, le préjudice moral invoqué n'est pas établi ;
Sur les conclusions de Mme B...tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative :
8. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces dispositions, de mettre à la charge de l'Etat une somme globale de 1 000 euros ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du préfet de police est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera à Mme B...la somme de 1 000 euros au titre des articles
L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Les conclusions incidentes de Mme B...sont rejetées.
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N° 10PA03855
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N° 13PA04748