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22/09/2014 | FRANCE | N°13PA02316

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 6ème chambre, 22 septembre 2014, 13PA02316


Vu la requête, enregistrée le 14 juin 2013 sous forme de télécopie régularisée le

17 juin suivant, présentée pour l'Association française de lutte contre les comportements prédateurs sur le marché de la fourniture de gaz naturel, par la Selarl Hélians auprès de laquelle elle élit domicile ; l'Association française de lutte contre les comportements prédateurs sur le marché de la fourniture de gaz naturel demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°1005684/7-2 en date du 15 avril 2013 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes tend

ant à l'annulation de la décision du 19 janvier 2010 du ministre de l'écologie, ...

Vu la requête, enregistrée le 14 juin 2013 sous forme de télécopie régularisée le

17 juin suivant, présentée pour l'Association française de lutte contre les comportements prédateurs sur le marché de la fourniture de gaz naturel, par la Selarl Hélians auprès de laquelle elle élit domicile ; l'Association française de lutte contre les comportements prédateurs sur le marché de la fourniture de gaz naturel demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°1005684/7-2 en date du 15 avril 2013 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de la décision du 19 janvier 2010 du ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer autorisant la société Goldman Sachs International à exercer l'activité de fournisseur de gaz naturel, à l'annulation de l'ensemble des transactions effectuées par cette société sur le fondement de cette autorisation et à ce qu'il soit enjoint au ministre de saisir le procureur de la République du chef de fourniture de gaz naturel sans autorisation par la société Goldman Sachs International ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cette décision ;

3°) d'enjoindre au ministre chargé de l'écologie de saisir le procureur de la République ;

4°) de condamner la société Goldman Sachs International au paiement de la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

..................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la directive 2006/123/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur ;

Vu la loi n° 2003-8 du 3 janvier 2003 relative aux marchés du gaz et de l'électricité et au service public de l'énergie ;

Vu le décret n°2004-250 du 19 mars 2004 relatif à l'autorisation de fourniture de gaz ;

Vu le décret n°2004-251 du 19 mars 2004 relatif aux obligations de service public dans le secteur du gaz ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 septembre 2014 :

- le rapport de M. Auvray, président-assesseur,

- les conclusions de Mme Vrignon, rapporteur public,

- et les observations de Me Mialot, avocat de l'association française de lutte contre les comportements prédateurs sur le marché de la fourniture de gaz naturel, et de

Me Lazerges, avocat de la société Goldman Sachs International,

1. Considérant que, par l'arrêté contesté du 19 janvier 2010, le ministre de l'énergie a autorisé la société Goldman Sachs à exercer l'activité de fourniture de gaz aux fournisseurs de gaz naturel ; que l'Association française de lutte contre les comportements prédateurs sur le marché de la fourniture de gaz naturel interjette appel du jugement du 15 avril 2013 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté et à l'annulation des transactions effectuées par la société Goldman Sachs en vertu de cette autorisation, ainsi qu'à ce qu'il soit enjoint au ministre de l'énergie de saisir le procureur de la République des transactions effectuées sans autorisation par la société Goldman Sachs sur le marché du gaz ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 711-2 du code de justice administrative : " Toute partie est avertie, par une notification faite par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par la voie administrative mentionnée à l'article R. 611-4, du jour où l'affaire sera appelée à l'audience. " ; qu'aux termes de l'article R. 431-1 du même code : " Lorsqu'une partie est représentée devant le tribunal administratif par un des mandataires mentionnés à l'article R. 431-2, les actes de procédure, à l'exception de la notification de la décision prévue aux articles R. 751-3 et suivants, ne sont accomplis qu'à l'égard de ce mandataire. " ; que, pour l'application de ces dispositions, lorsque l'avis d'audience régulièrement notifié au seul avocat n'a pu lui être remis et a été retourné au greffe de la juridiction, il appartient à celle-ci, en cas d'insuccès des nouvelles tentatives pour joindre l'avocat, d'avertir personnellement le requérant ;

3. Considérant que l'avis daté du 18 février 2013 de l'audience qui s'est tenue le 28 mars 2013 n'a pas pu être remis à l'avocat de la requérante et a été retourné dès le

20 février 2013 au greffe du Tribunal administratif de Paris avec la mention " destinataire non identifiable " ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le greffe du Tribunal ait alors tenté de joindre l'avocat par d'autres moyens pour le prévenir de la date d'audience et ait, à défaut, averti personnellement la requérante ; que ni la requérante, ni son avocat n'étaient présents lors de l'audience du 28 mars 2013 ; que, dès lors, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens dirigés contre la régularité du jugement, l'Association française de lutte contre les comportements prédateurs sur le marché de la fourniture de gaz naturel est fondée à soutenir que le jugement attaqué a été rendu au terme d'une procédure irrégulière ; que, par suite, le jugement attaqué doit être annulé ;

4. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions de la demande présentée par la requérante devant le Tribunal administratif de Paris ;

Sur la légalité de l'arrêté attaqué, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir, opposée en défense, tirée du défaut d'intérêt à agir de l'association requérante :

En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 12 de la directive 2006/123/CE :

5. Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article 12 de la directive du 12 décembre 2006 susvisée : " 1. Lorsque le nombre d'autorisations disponibles pour une activité donnée est limité en raison de la rareté des ressources naturelles ou des capacités techniques utilisables, les États membres appliquent une procédure de sélection entre les candidats potentiels qui prévoit toutes les garanties d'impartialité et de transparence, notamment la publicité adéquate de l'ouverture de la procédure, de son déroulement et de sa clôture " ; qu'aux termes de l'article 5 de la loi du 3 janvier 2003 susvisée : " I- Sont reconnues comme fournisseurs, les personnes installées sur le territoire d'un Etat membre de la Communauté européenne ou, dans le cadre d'accords internationaux, sur le territoire d'un autre Etat, qui sont titulaires d'une autorisation délivrée par le ministre chargé de l'énergie / La fourniture de gaz naturel consiste à alimenter les clients éligibles et non éligibles / L'autorisation de fourniture précise les catégories de clients auxquels peut s'adresser le fournisseur(...) " ; qu'aux termes de l'article 2 de cette même loi : " Les clients éligibles, visés à l'article 3, les fournisseurs, visés à l'article 5, et leurs mandataires, ont un droit d'accès aux ouvrages de transport et de distribution de gaz naturel ainsi qu'aux installations de gaz naturels liquéfiés y compris les installations fournissant des services auxiliaires dans les conditions définies par contrat avec les opérateurs qui les exploitent " ;

6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, par l'arrêté attaqué du

19 janvier 2010, le ministre chargé de l'énergie a autorisé la société Goldman Sachs International à fournir du gaz sur le territoire français pour approvisionner les fournisseurs de gaz naturel ; que l'autorisation litigieuse porte, par suite, non pas sur une activité de fourniture physique de gaz, mais sur une activité de négoce consistant à acheter du gaz pour le revendre à des fournisseurs ayant vocation à alimenter des clients finals ; que, dans ces conditions, et alors même qu'ainsi que le relève l'association requérante, le titulaire de l'autorisation en cause bénéficie, conformément à l'article 2 de la loi du 3 janvier 2003, d'un droit d'accès à des ouvrages de transport et de distribution de gaz naturel, d'ailleurs susceptible d'être remis en cause par les opérateurs dans les conditions prévues à l'article 6 de cette même loi dans sa rédaction alors en vigueur, il ne ressort pas des pièces du dossier que le nombre d'autorisations disponibles pour l'activité en cause de négoce, serait limité en raison soit de la rareté des ressources naturelles, soit des capacités techniques utilisables, alors surtout que la société Goldman Sachs International soutient que le ministre chargé de l'énergie a délivré 78 autorisations pour exercer cette activité et produit, à titre d'exemple, six arrêtés ministériels, édictés entre le 27 avril 2006 et le 19 mars 2010, autorisant différentes sociétés à approvisionner les fournisseurs de gaz naturel ; qu'il suit de là qu'est inopérant le moyen, invoqué par l'association requérante, tiré de ce que l'autorisation contestée serait entachée d'un vice de procédure pour avoir été accordée sans recours à la procédure de sélection entre les candidats potentiels prévue à l'article 12 de la directive du 12 décembre 2006 ; qu'en outre, et sans qu'il soit besoin de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle à cet égard, il ne s'ensuit nullement, contrairement à ce que soutient l'intéressée, que la loi du 3 janvier 2003, sur le fondement de laquelle l'autorisation litigieuse a été délivrée, serait incompatible avec cette directive ;

En ce qui concerne la méconnaissance de l'article 3 du décret n° 2004-250 :

7. Considérant qu'aux termes de l'article 3 du décret n° 2004-250 du 19 mars 2004 susvisé : " (...) l'autorisation de fourniture de gaz (...) mentionne les obligations de service public qui incombent à son détenteur. (...) " ;

8. Considérant que l'article 2 de l'arrêté d'autorisation litigieux prévoit que son bénéficiaire " est soumis aux obligations de service public lui incombant en application de l'article 16 de la loi n° 2003-8 du 3 janvier 2003 et plus particulièrement des dispositions du décret n° 2004-251 du 19 mars 2004 " ; que les dispositions du décret n° 2004-251 du

19 mars 2004 définissent précisément les obligations de service public imposables aux fournisseurs de gaz ; qu'en se référant à ces dispositions, l'arrêté litigieux a soumis la société Goldman Sachs à l'ensemble des obligations de service public qu'elles définissent ; que l'association requérante n'est donc pas fondée à soutenir que l'autorisation litigieuse aurait méconnu les dispositions de l'article 3 du décret n° 2004-250 du 19 mars 2004 au motif que les obligations de service public incombant à son titulaire, la société Goldman Sachs International, sont fixées par référence à celles prévues par le décret n° 2004-251 du

19 mars 2004 et, notamment, son titre Ier, pour les fournisseurs de gaz mentionnés à l'article 5 de la loi du 3 janvier 2003, ni au motif, invoqué dans son mémoire enregistré le 27 août 2014, qu'en renvoyant à ces dispositions législatives et réglementaires, l'autorité ministérielle aurait méconnu l'étendue de sa compétence dès lors que, ce faisant, le ministre intimé a opéré un renvoi à des dispositions déjà en vigueur et précises ;

En ce qui concerne l'erreur manifeste d'appréciation :

9. Considérant qu'aux termes de l'article 5 de la loi du 3 janvier 2003 précitée : " [L'autorisation] est délivrée ou refusée en fonction : / - des capacités techniques, économiques et financières du demandeur ; / - de la compatibilité du projet du demandeur avec les obligations de service public mentionnées à l'article 16 (...) " ;

10. Considérant que l'association requérante soutient que la société Goldman Sachs International ne dispose pas des capacités techniques nécessaires en matière de fourniture de gaz et qu'eu égard à son activité bancaire, elle est susceptible de manipuler le marché, pour en déduire que l'arrêté contesté est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;

11. Considérant que, comme il a été dit au point 6, l'activité de la société Goldman Sachs sur le marché du gaz se limite au négoce, qui consiste principalement à conclure des contrats de fourniture de gaz ; que le ministre fait valoir, sans être contredit, que cette société exerce déjà cette activité au Royaume-Uni et en Belgique depuis 2001, ainsi qu'aux Pays-Bas et en Allemagne, respectivement depuis 2007 et 2009 ; qu'ainsi qu'il a été dit au point 8, son activité sera soumise à l'ensemble des obligations de service public imposables aux fournisseurs de gaz naturel ; que le conflit d'intérêts allégué par l'association requérante n'est nullement établi, et ne saurait résulter de la seule circonstance que la société bénéficiaire de l'autorisation exerce à titre principal des activités financières ; que, d'ailleurs, d'autres établissements bancaires, tels que BNP-Paribas, Deutsche Bank AG ou encore Morgan Stanley and Co, interviennent déjà sur ce marché en vertu d'autorisations accordées par le ministre intimé ; que si l'Association requérante soutient que la société Goldman Sachs International " a agi par fraude sur plusieurs marchés et que cette banque est responsable, par les activités spéculatives effrénées sur les marchés des matières premières, d'une hausse artificielle des prix en vue de s'enrichir aux dépens des consommateurs et des usagers ", cette seule circonstance, à la supposer établie, est sans lien avec l'activité concernée ; que la société Goldman Sachs International dispose des capacités financières suffisantes et que l'autorisation contestée peut être retirée ou suspendue dans les conditions prévues à l'article 6 du décret n° 2004-250 du 19 mars 2004 ; que, dès lors, et sans qu'il soit besoin d'ordonner la production du dossier d'autorisation de la société Goldman Sachs, l'association requérante n'est pas fondée à soutenir que le ministre de l'énergie aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en accordant l'autorisation litigieuse ;

12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les conclusions de l'association requérante tendant à l'annulation de l'arrêté du 19 janvier 2010 par lequel le ministre de l'énergie a autorisé la société Goldman Sachs à exercer l'activité de fournisseur de gaz naturel doivent être rejetées ainsi que, par voie de conséquence, les conclusions tendant à l'annulation de l'ensemble des transactions effectuées par la société sur le fondement de cette autorisation, et les conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au ministre de saisir le procureur de la République des faits de fourniture de gaz naturel sans autorisation par la société Goldman Sachs ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la société Goldman Sachs, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que l'association requérante demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a en revanche lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Association française de lutte contre les comportements prédateurs sur le marché de la fourniture de gaz naturel une somme de 1 000 euros à verser à la société Goldman Sachs sur le fondement des mêmes dispositions ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1005684/7-2 du 15 avril 2013 du Tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : La demande présentée par l'Association française de lutte contre les comportements prédateurs sur le marché de la fourniture de gaz naturel devant le Tribunal administratif de Paris et ses conclusions d'appel tendant au bénéfice de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : L'Association française de lutte contre les comportements prédateurs sur le marché de la fourniture de gaz naturel versera à la société Goldman Sachs une somme de

1 000 (mille) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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N° 13PA02316


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 13PA02316
Date de la décision : 22/09/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

29-06-02-02 Energie. Marché de l'énergie. Tarification. Ga.


Composition du Tribunal
Président : Mme FUCHS TAUGOURDEAU
Rapporteur ?: M. Brice AUVRAY
Rapporteur public ?: Mme VRIGNON-VILLALBA
Avocat(s) : BRANDI PARTNERS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2014-09-22;13pa02316 ?
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