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22/09/2014 | FRANCE | N°13PA01258

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 22 septembre 2014, 13PA01258


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...A...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision en date du 12 janvier 2012 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi et de la santé a annulé la décision de l'inspecteur du travail du 12 juillet 2011 et a autorisé son licenciement pour faute. Par un jugement du 30 janvier 2013, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 2 avril 2013, le 21 juin 2013, le

12 ju

illet 2013 et le 6 septembre 2013, MmeA..., représentée par la SCP Masse-Dessen, Thouvenin,...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...A...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision en date du 12 janvier 2012 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi et de la santé a annulé la décision de l'inspecteur du travail du 12 juillet 2011 et a autorisé son licenciement pour faute. Par un jugement du 30 janvier 2013, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 2 avril 2013, le 21 juin 2013, le

12 juillet 2013 et le 6 septembre 2013, MmeA..., représentée par la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, Coudray, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°1211426/3-2 du 30 janvier 2013 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision précitée du ministre du travail, de l'emploi et de la santé en date du 12 janvier 2012 ;

3°) de mettre à la charge solidaire de l'Etat et de l'association " Œuvres des jeunes filles aveugles " le versement de la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

...............................................................................................................

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Marino, président assesseur,

- les conclusions de M. Sorin, rapporteur public,

- et les observations de Me Coudray, avocat de Mme A..., et celles de Me Freih, avocat de l'association " Œuvre d'avenir " ;

1. Considérant que Mme A...a été recrutée en 1989 par l'association " Œuvre des jeunes filles aveugles " (OJFA) devenue " Œuvre d'avenir " en qualité de professeure d'enseignement spécialisé ; qu'elle a été affectée à l'Institut d'éducation sensorielle (IDES) relevant de l'OFJA ; que le 17 juin 2011, le directeur de l'IDES a sollicité de l'inspecteur du travail, au nom de l'association, l'autorisation de la licencier pour faute ; que par décision du

12 juillet 2011, l'inspecteur du travail a refusé d'accorder cette autorisation ; que saisi d'un recours hiérarchique formé par l'OFJA, le ministre du travail, par une décision en date du

12 janvier 2012, a annulé la décision de l'inspecteur du travail et autorisé le licenciement de l'intéressée ; que Mme A...fait régulièrement appel du jugement du 30 janvier 2013 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision ministérielle ;

Sur le bien fondé du jugement :

2. Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des salariés qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par l'insuffisance professionnelle, il appartient à l'inspecteur du travail et le cas échéant au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si cette insuffisance est telle qu'elle justifie le licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé, des caractéristiques de l'emploi exercé à la date à laquelle elle est constatée, des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi, et de la possibilité d'assurer son reclassement dans l'entreprise ; qu'en outre, pour refuser l'autorisation sollicitée, l'autorité administrative a la faculté de retenir des motifs d'intérêt général relevant de son pouvoir d'appréciation de l'opportunité, sous réserve qu'une atteinte excessive ne soit pas portée à l'un ou l'autre des intérêts en présence ;

3. Considérant, en premier lieu, que pour opérer les contrôles auxquels elle est tenue de procéder lorsqu'elle statue sur une demande d'autorisation de licenciement, l'autorité administrative doit prendre en compte chacune des fonctions représentatives du salarié et que, par suite, il appartient à l'employeur de porter à sa connaissance l'ensemble des mandats détenus par l'intéressé ; qu'il ressort des pièces du dossier que la demande d'autorisation de licenciement de Mme A...adressée à l'inspecteur du travail par l'association OFJA le 17 juin 2011, si elle mentionnait sa qualité de déléguée syndicale et de membre du comité d'entreprise et du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, ne faisait pas état de ce qu'elle avait été élue en qualité de déléguée du personnel titulaire lors des élections qui s'étaient déroulées le 3 mai 2011 ; qu'il n'a pas davantage été fait référence à ce mandat dans la décision de l'inspecteur du travail, dans le recours hiérarchique adressé au ministre par courrier du 12 septembre 2011 et dans la décision ministérielle litigieuse ; que la circonstance invoquée par l'OFJA que le procès-verbal de la réunion extraordinaire du 14 juin 2011 du comité d'entreprise mentionnait que

Mme A...était " élue DS, DP, CE, secrétaire CHSCT " ne permet pas de regarder l'administration comme ayant été suffisamment informée de l'ensemble des mandats détenus par Mme A...dès lors que l'indication contenue dans ce procès-verbal ne précisait pas si la requérante avait la qualité de déléguée du personnel titulaire ou suppléante ; que, dans ces conditions, le ministre du travail n'a pas été mis à même d'apprécier si le licenciement était en rapport avec les fonctions de déléguée du personnel titulaire dont Mme A...était investie ou si des motifs d'intérêt général rendaient inopportun ce licenciement compte tenu des dites fonctions ;

4. Considérant, en second lieu, que pour autoriser le licenciement de MmeA..., le ministre a retenu qu'elle avait fait preuve à l'égard des sept élèves atteints de déficience visuelle dont elle avait la charge, d'une extrême sévérité, constitutive d'une pression trop forte sur des enfants d'une grande vulnérabilité en raison de leur handicap et que le comportement de l'intéressée était d'autant moins justifiable eu égard à son expérience professionnelle ;

5. Considérant que les faits de sévérité reprochés ressortent des pièces du dossier et notamment des témoignages concordants de six enfants lors de leur audition le 13 mai 2011 par le directeur de l'IDES, qui ont fait état de ce que leur professeure les " humiliaient " lorsqu'ils ne comprenaient pas la leçon, leur appuyait sur les doigts ou leur " serrait la main très fort " lorsqu'ils peinaient à lire en braille ; que les parents de trois de ces enfants se sont également plaints à la direction des craintes suscitées auprès de leurs enfants par l'attitude de Mme A...et de ce qu'elle ne prenait pas suffisamment en compte leurs difficultés et leur lenteur d'apprentissage ; que ces faits, dont la matérialité est établie, sont constitutifs de fautes ;

6. Considérant que les faits dont s'agit ont été portés à la connaissance de la direction de l'institut à la suite d'une violente altercation qui a opposé, le 12 mai 2011, la requérante à la monitrice éducatrice avec laquelle elle avait la responsabilité des sept enfants, devant ces derniers ; qu'il ne ressort toutefois pas des pièces du dossier que la collègue de Mme A...avec laquelle elle travaillait quotidiennement, aurait alerté la direction de l'institut sur d'éventuelles maltraitances ; qu'il en est de même de la psychologue de l'établissement alors même qu'elle a indiqué avoir entendu régulièrement des enfants se plaindre de la sévérité de MmeA... ; que si la directrice adjointe de l'institut a déclaré, dans les attestations établies les 16 et 19 mai 2011, avoir invité à plusieurs reprises MmeA..., de manière informelle, à adopter une attitude moins rigoureuse envers les enfants, elle n'a pas davantage fait état de maltraitance ; que Mme A...qui était employée au sein de l'IDES depuis vingt-deux ans à la date de son licenciement n'a jamais fait l'objet d'un rappel à l'ordre au cours de sa carrière ; qu'au contraire, il ressort des deux rapports d'inspections réalisés les 13 mars 2000 et 19 janvier 2011, que si Mme A...est une enseignante exigeante, elle fait preuve de grandes qualités pédagogiques, particulièrement adaptées au handicap visuel des élèves accueillis dans l'établissement ; que, dans ces conditions, si le comportement inadapté de MmeA... pouvait justifier une sanction, la requérante est fondée à soutenir qu'en autorisant son licenciement au regard des faits reprochés, le ministre a commis une erreur d'appréciation ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de MmeA..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que l'association " Œuvre d'avenir " demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à MmeA... sur le fondement des mêmes dispositions ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n°1211426/3-2 du Tribunal administratif de Paris du 30 janvier 2013 et la décision du ministre du travail, de l'emploi et de la santé du 12 janvier 2012 sont annulés.

Article 2 : L'Etat versera à Mme A...une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions de l'association " Œuvre d'avenir " présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

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N° 13PA01258


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 13PA01258
Date de la décision : 22/09/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01-01-02 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés. Bénéfice de la protection. Délégués du personnel.


Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: M. Yves MARINO
Rapporteur public ?: M. SORIN
Avocat(s) : SCP HÉLÈNE MASSE-DESSEN - GILLES THOUVENIN - OLIVIER COUDRAY

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2014-09-22;13pa01258 ?
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