La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

31/07/2014 | FRANCE | N°12PA04475

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 31 juillet 2014, 12PA04475


Vu la requête, enregistrée le 16 novembre 2012, présentée pour Mme B... A..., demeurant, ..., par Me Mayet ; Mme A... demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1120668/3-2 du 10 octobre 2012 en tant que, par l'article 3 de ce jugement, le Tribunal administratif de Paris a rejeté les conclusions de sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 12 février 2011 par lequel le préfet de police de Paris a ordonné son hospitalisation d'office ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de

2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ...

Vu la requête, enregistrée le 16 novembre 2012, présentée pour Mme B... A..., demeurant, ..., par Me Mayet ; Mme A... demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1120668/3-2 du 10 octobre 2012 en tant que, par l'article 3 de ce jugement, le Tribunal administratif de Paris a rejeté les conclusions de sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 12 février 2011 par lequel le préfet de police de Paris a ordonné son hospitalisation d'office ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

..................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de santé publique ;

Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 1er juillet 2014 ;

- le rapport de M. Dellevedove, premier conseiller,

- les conclusions de M. Rousset, rapporteur public,

- et les observations de Me Mayet, avocat de Mme A... ;

1. Considérant que, à la suite de sa présentation au commissariat de police du 3ème arrondissement de Paris, Mme A...a fait l'objet, par décision du 11 février 2011 du commissaire de police, d'un placement provisoire à l'infirmerie psychiatrique de la préfecture de police ; que, par un arrêté en date du 12 février 2011, le préfet de police de Paris a décidé son hospitalisation d'office à l'établissement public de santé Esquirol à Saint-Maurice (Val-de-Marne) ; que, par un jugement en date du 10 octobre 2012, le Tribunal administratif de Paris a annulé la décision susmentionnée du commissaire de police et a rejeté comme irrecevables les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté susmentionné du préfet de police ; que Mme A... fait appel de ce jugement en tant que les premiers juges ont rejeté ces dernières conclusions :

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée (...) " ; qu'il incombe à l'administration, lorsqu'elle oppose une fin de non-recevoir tirée de la tardiveté de l'action introduite devant une juridiction administrative, d'établir que l'intéressé a reçu notification régulière de la décision le concernant ;

3. Considérant qu'en l'espèce, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'arrêté contesté du 12 février 2011, bien que comportant la mention des voies et délais de recours, aurait fait l'objet d'une notification régulière à MmeA..., le 16 février 2011, par la voie de la remise en mains propres ainsi que le soutient le préfet de police ; qu'en effet, la seule production par celui-ci d'un imprimé, daté du 16 février 2011, signé selon ses écritures par un médecin et une infirmière ayant coché la case " en cas de refus ou d'impossibilité de signer la notification ", qui était supposé accompagner l'arrêté contesté, ne peut valoir notification régulière de celui-ci ; que, par suite, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté de la demande de MmeA..., enregistrée au greffe du tribunal le 18 novembre 2011, doit être écartée ; qu'il y a lieu de tenir sa demande pour recevable ; que, dès lors, Mme A...est fondée à demander, pour ce motif, l'annulation du jugement attaqué ; qu'il y a lieu pour la Cour d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions de la demande présentée par Mme A...devant le Tribunal administratif de Paris, dirigées contre l'arrêté du 12 février 2011 ;

Sur la légalité de l'arrêté du 12 février 2011 :

Sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de la requête ;

4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 3213-1 du code de la santé publique, dans sa rédaction alors en vigueur : " A Paris, le préfet de police et, dans les départements, les représentants de l'Etat prononcent par arrêté, au vu d'un certificat médical circonstancié, l'hospitalisation d'office dans un établissement mentionné à l'article L. 3222-1 des personnes dont les troubles mentaux nécessitent des soins et compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte, de façon grave, à l'ordre public. Le certificat médical circonstancié ne peut émaner d'un psychiatre exerçant dans l'établissement accueillant le malade. Les arrêtés préfectoraux sont motivés et énoncent avec précision les circonstances qui ont rendu l'hospitalisation nécessaire (...) " ; qu'aux termes de l'article 1er de la loi nº 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui (...) restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police " ; qu'enfin, aux termes de l'article 24 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application des articles 1er et 2 de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 (...) n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter ses observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, ses observations orales. Cette personne peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix (...). / Les dispositions de l'alinéa précédent ne sont pas applicables : / 1° En cas d'urgence ou de circonstances exceptionnelles ; / 2° Lorsque leur mise en oeuvre serait de nature à compromettre l'ordre public ou la conduite des relations internationales ; / 3° Aux décisions pour lesquelles des dispositions législatives ont instauré une procédure contradictoire particulière " ;

5. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ces dispositions que la décision par laquelle l'autorité administrative décide, sur le fondement de l'article L. 3213-1 du code de la santé publique, d'ordonner l'hospitalisation d'office d'une personne, qui est au nombre des décisions qui doivent être motivées en application de la loi du 11 juillet 1979 et qui n'est précédée d'aucune procédure contradictoire spécialement aménagée à cet effet, ne peut légalement intervenir, conformément aux dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 susvisée, qu'après que son destinataire a été mis à même de présenter des observations écrites ou orales, sauf en cas d'urgence, de circonstances exceptionnelles, ou lorsque la mise en oeuvre de cette procédure contradictoire serait de nature à compromettre l'ordre public, à moins qu'ait été constatée l'impossibilité de les recueillir ;

6. Considérant que Mme A...soutient qu'elle n'a pas été mise à même de présenter ses observations écrites ou orales préalablement à l'édiction de l'arrêté contesté ; que, en tout état de cause, d'une part, si le préfet de police fait valoir que le médecin de l'infirmerie psychiatrique de la préfecture de police a informé l'intéressée de la possibilité d'une telle mesure, il ne l'établit pas ; que, d'autre part, contrairement à ce que soutient le préfet de police, la simple communication à l'intéressée de la charte d'accueil et de prise en charge des personnes conduites à l'infirmerie psychiatrique de la préfecture qui mentionnerait ses droits de contacter un conseil et de consigner ses observations et la circonstance qu'elle a pu appeler plusieurs fois son avocat ne suffisent pas à établir que l'intéressée a été effectivement mise en mesure de présenter ses observations alors que le préfet ne fait état d'aucune situation d'urgence ou de circonstances exceptionnelles qui auraient été de nature à exonérer l'administration de l'application de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000, ni qu'il aurait constaté l'impossibilité de recueillir les observations de MmeA... ; que, dès lors, l'arrêté contesté, pris en méconnaissance des dispositions précitées, est entaché d'illégalité ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A...est fondée à demander l'annulation de l'arrêté susmentionné du préfet de police prononçant son hospitalisation d'office ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État, sur le fondement de ces dispositions, le versement de la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme A...et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : L'article 3 du jugement susvisé du Tribunal administratif de Paris du 10 octobre 2012 et l'arrêté du préfet de police en date du 12 février 2011 sont annulés.

Article 2 : L'Etat versera à Mme A...une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

''

''

''

''

2

N° 12PA04475


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 12PA04475
Date de la décision : 31/07/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

49-05-01 Police. Polices spéciales. Police des aliénés (voir aussi : Santé publique).


Composition du Tribunal
Président : Mme COËNT-BOCHARD
Rapporteur ?: M. Ermès DELLEVEDOVE
Rapporteur public ?: M. ROUSSET
Avocat(s) : CABINET MAYET PERRAULT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2014-07-31;12pa04475 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award