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01/07/2014 | FRANCE | N°13PA03886

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 01 juillet 2014, 13PA03886


Vu la requête, enregistrée le 24 octobre 2013, présentée pour le syndicat des médecins d'Aix et région, dont le siège est au 5 boulevard du Roy René à Aix-en-Provence (13100), et pour M. B... A..., demeurant..., par la Selarl A...avocats ; le syndicat des médecins d'Aix et région et M. A... demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1309935/3-1 du 24 septembre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'élection des membres du Conseil national de l'ordre des médecins qui s'est déroulée le 13 juin 2013 ;



2°) d'annuler l'élection des membres du Conseil national de l'ordre de...

Vu la requête, enregistrée le 24 octobre 2013, présentée pour le syndicat des médecins d'Aix et région, dont le siège est au 5 boulevard du Roy René à Aix-en-Provence (13100), et pour M. B... A..., demeurant..., par la Selarl A...avocats ; le syndicat des médecins d'Aix et région et M. A... demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1309935/3-1 du 24 septembre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'élection des membres du Conseil national de l'ordre des médecins qui s'est déroulée le 13 juin 2013 ;

2°) d'annuler l'élection des membres du Conseil national de l'ordre des médecins qui s'est déroulée le 13 juin 2013 ;

3°) d'enjoindre au Conseil national de l'ordre des médecins de procéder à une nouvelle élection en autorisant les médecins inscrits au tableau d'un conseil départemental de l'ordre ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire et d'une peine d'inéligibilité automatique par application des articles L. 4124-6 du code de la santé publique et L. 145-2-1 du code de la sécurité sociale à présenter leur candidature ;

4°) de mettre à la charge du Conseil national de l'ordre des médecins le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

...................................................................................................................

Vu la Constitution ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 26 mai 2014 :

- le rapport de M. Marino, président asseseur,

- les conclusions de M. Ladreyt, rapporteur public,

- les observations de Me Choley, avocat du syndicat des médecins d'Aix et région et de M. A... ;

- et les observations de Me Cayol, avocat du Conseil national de l'ordre des médecins ;

1. Considérant que par décision du 20 août 2012, la chambre disciplinaire de première instance de l'ordre des médecins des régions Provence-Alpes-Côte d'Azur et Corse a infligé à M. A..., médecin généraliste exerçant à Aix-en-Provence, un avertissement sur le fondement de l'article L. 4124-6 du code de la santé publique, pour avoir manqué à ses obligations déontologiques ; qu'en application du 7ème alinéa du même article, cette sanction a eu pour effet de le rendre inéligible aux élections qui se sont déroulées le 13 juin 2013 en vue du renouvellement partiel des membres du Conseil national de l'ordre des médecins ; que M. A...et le syndicat des médecins d'Aix et région font régulièrement appel du jugement du

24 septembre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande tendant à l'annulation de ces élections ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le Conseil national de l'ordre des médecins ;

Sur la demande de transmission de trois questions prioritaires de constitutionnalité :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 61-1 de la Constitution : " Lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'Etat ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé. Une loi organique détermine les conditions d'application du présent article " ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article 23-2 de l'ordonnance n° 58-1067 du

7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, modifiée par la loi organique du 10 décembre 2009 relative à l'application de l'article 61-1 précité de la Constitution : " La juridiction statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'Etat ou à la Cour de cassation. Il est procédé à cette transmission si les conditions suivantes sont remplies : 1° La disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure, ou constitue le fondement des poursuites ; 2° Elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances ; 3° La question n'est pas dépourvue de caractère sérieux. En tout état de cause, la juridiction doit, lorsqu'elle est saisie de moyens contestant la conformité d'une disposition législative, d'une part, aux droits et libertés garantis par la Constitution et, d'autre part, aux engagements internationaux de la France, se prononcer par priorité sur la transmission de la question de constitutionnalité au Conseil d'Etat (...) " ;

En ce qui concerne la première question prioritaire de constitutionnalité :

4. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 4124-6 du code de la santé publique, qui est relatif aux peines prononcées en cas de manquements aux devoirs généraux propres à chacune des professions de médecin, chirurgien-dentiste et sage-femme résultant de leur code de déontologie respectif : " Les peines disciplinaires que la chambre disciplinaire de première instance peut appliquer sont les suivantes : / 1° L'avertissement ; / 2° Le blâme ; / 3° L'interdiction temporaire avec ou sans sursis ou l'interdiction permanente d'exercer une, plusieurs ou la totalité des fonctions de médecin, de chirurgien-dentiste ou de sage-femme, conférées ou rétribuées par l'Etat, les départements, les communes, les établissements publics, les établissements reconnus d'utilité publique ou des mêmes fonctions accomplies en application des lois sociales ; / 4° L'interdiction temporaire d'exercer avec ou sans sursis ; cette interdiction ne pouvant excéder trois années ; / 5° La radiation du tableau de l'ordre. / Les deux premières de ces peines comportent, en outre, la privation du droit de faire partie du conseil départemental, du conseil régional ou du conseil interrégional et du conseil national, de la chambre disciplinaire de première instance ou de la chambre disciplinaire nationale de l'ordre pendant une durée de trois ans ; les suivantes, la privation de ce droit à titre définitif. " ; que les auteurs de la requête soutiennent que les dispositions du 7ème alinéa de cet article sont contraires à la Constitution dans la mesure où elles rendent inéligible aux institutions ordinales le praticien sanctionné ;

5. Considérant que les dispositions précitées du 7ème alinéa de l'article L. 4124-6 du code de la santé publique sont applicables au présent litige au sens et pour l'application de l'article 23-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 ; qu'elles n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel ; que, toutefois, ainsi qu'il a été jugé par le Conseil constitutionnel, les incapacités édictées dans un but déontologique, qui ont pour objet de garantir la moralité des membres qui composent les organes d'un ordre professionnel, dont la mission est notamment de veiller au maintien des principes de moralité dans tous les actes de la profession, ne constituent pas une " sanction ayant le caractère d'une punition " ; que tel est le cas de l'incapacité prévue par les dispositions du 7ème alinéa de l'article L. 4124-6 du code de la santé publique ; que le moyen tiré de ce que ces dispositions porteraient atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, notamment au principe d'individualisation des peines qui découle de l'article 8 de la Déclaration de 1789, ne soulève donc pas une question présentant un caractère sérieux ;

6. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 145-2 du code de la sécurité sociale : " Les sanctions susceptibles d'être prononcées par la section des assurances sociales de la chambre disciplinaire de première instance ou par la section spéciale des assurances sociales du conseil national de l'ordre des médecins ou des chirurgiens-dentistes ou des sages-femmes sont : 1°) l'avertissement ; 2°) le blâme, avec ou sans publication (...) " qu'aux termes de l'article L. 145-2-1 du même code " Les sanctions prévues au 1° et au 2° de l'article L. 145-2 entraînent la privation du droit de faire partie du conseil départemental, du conseil régional ou interrégional ou du Conseil national de l'ordre pendant une durée de trois ans (...) " ; qu'ainsi qu'il a été dit au point 1, la sanction dont M. A... a fait l'objet, a été prononcée par la chambre disciplinaire de première instance de l'ordre des médecins pour manquement à ses obligations déontologiques ; que, par suite, les dispositions de l'article

L. 145-2-1 précitées ne sont pas applicables au présent litige ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la demande de transmission au Conseil d'Etat, à fin de saisine du Conseil constitutionnel, de la question prioritaire de constitutionnalité ainsi soulevée doit être rejetée ;

En ce qui concerne la deuxième question prioritaire de constitutionnalité :

8. Considérant qu'aux termes de l'article L. 4124-8 du code de la santé publique : " Après qu'un intervalle de trois ans au moins s'est écoulé depuis une décision définitive de radiation du tableau, le médecin, le chirurgien-dentiste ou la sage-femme frappé de cette peine peut être relevé de l'incapacité en résultant par une décision de la chambre disciplinaire qui a statué sur l'affaire en première instance (...) " ;

9. Considérant que les requérants soutiennent que la possibilité de relèvement de l'incapacité d'exercer prévue par ces dispositions a pour effet de faire disparaitre la sanction et, par voie de conséquence la privation du droit de faire partie d'une instance ordinale ou d'une chambre disciplinaire en application du 7ème alinéa de l'article L. 4124-6 précité, créant ainsi une discrimination entre les praticiens ayant fait l'objet d'une mesure de radiation et ceux à l'encontre desquels une sanction de moindre gravité a été prononcée et qui n'entrent ainsi pas dans le champ de l'article L. 4124-8, en méconnaissance du principe d'égalité devant la loi consacré par l'article 6 de la Déclaration de 1789 ;

10. Considérant, toutefois, que le relèvement de l'interdiction d'exercer ne peut être demandé au plus tôt qu'au terme d'un délai de trois ans suivant la sanction définitive de radiation ; que M. A...ayant fait l'objet d'un avertissement correspondant à la première des cinq peines mentionnées à l'article L. 4124-6 du code de la santé publique, il n'a été privé de la possibilité de faire partie d'une instance ordinale que pour une durée de trois ans ; que, dès lors, les dispositions de l'article L. 4124-8 du code précité ne sont pas applicables au présent litige ;

11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la demande de transmission au Conseil d'Etat, à fin de saisine du Conseil constitutionnel, de cette deuxième question prioritaire de constitutionnalité doit être rejetée ;

En ce qui concerne la troisième question prioritaire de constitutionnalité :

12. Considérant que M. A...et le syndicat des médecins d'Aix et région soutiennent que les dispositions de l'article L. 4124-6 du code de la santé publique et des articles 18 et 42 de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 ne précisent pas la compétence d'attribution des chambres disciplinaires de première instance ; qu'elles porteraient ainsi atteinte au principe de légalité des délits et des peines, au principe non bis in idem, au principe de la proportionnalité des peines et au droit à un recours effectif garantis par les articles 8 et 16 de la Déclaration de 1789 et seraient entachées d'incompétence négative au regard de la combinaison de ces articles avec l'article 34 de la Constitution ;

13. Considérant, d'une part, que les dispositions des articles 18 et 42 de la loi du

4 mars 2002 susvisée ont notamment modifié les articles L. 4122-3 et suivants du code de la santé publique ; qu'en vertu de l'article L. 4122-3 dudit code, la chambre de discipline nationale connaît en appel des décisions rendues par les chambres de première instance et siège auprès du Conseil national de l'ordre ; que l'article L. 4122-1 du même code dispose que : " Le conseil national de l'ordre remplit sur le plan national la mission définie à l'article L. 4121-2. Il veille notamment à l'observation, par tous les membres de l'ordre, des devoirs professionnels et des règles édictées par le code de déontologie prévu à l'article L. 4127-1 (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 4121-2 : " L'ordre des médecins, celui des chirurgiens-dentistes et celui des sages-femmes veillent au maintien des principes de moralité, de probité, de compétence et de dévouement indispensables à l'exercice de la médecine, de l'art dentaire, ou de la profession de sage-femme et à l'observation, par tous leurs membres, des devoirs professionnels, ainsi que des règles édictées par le code de déontologie prévu à l'article L. 4127-1. / Ils assurent la défense de l'honneur et de l'indépendance de la profession médicale, de la profession de chirurgien-dentiste ou de celle de sage-femme ./ Ils peuvent organiser toutes oeuvres d'entraide et de retraite au bénéfice de leurs membres et de leurs ayants droit. / Ils accomplissent leur mission par l'intermédiaire des conseils départementaux, des conseils régionaux ou interrégionaux et du conseil national de l'ordre " ; qu'enfin, l'article L. 4127-1 dispose que : " Un code de déontologie, propre à chacune des professions de médecin, chirurgien-dentiste et sage-femme, préparé par le conseil national de l'ordre intéressé, est édicté sous la forme d'un décret en Conseil d'Etat " ; que, d'autre part, les dispositions de l'article L. 4124-6 du code de la santé publique donnent compétence aux chambres de discipline de première instance pour infliger des peines disciplinaires ;

14. Considérant qu'il ressort de la combinaison des dispositions de ces différents articles que les chambres disciplinaires de première instance peuvent prononcer des sanctions à raison des infractions disciplinaires et notamment des manquements au code de déontologie propre à chacune des professions médicales visées par les articles L. 4121-2 et L. 4127-1 du code de la santé publique ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que les dispositions de l'article L. 4124-6 du code de la santé publique et des articles 18 et 42 de la loi du 4 mars 2002 seraient entachées d'une incompétence négative ne soulève pas une question présentant un caractère sérieux ; que, par suite, en vertu des dispositions précitées du 3° de l'article 23-2 de l'ordonnance du

7 novembre 1958, la demande de transmission au Conseil d'Etat, à fin de saisine du Conseil constitutionnel, de cette troisième question prioritaire de constitutionnalité doit également être rejetée ;

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

15. Considérant que le syndicat des médecins d'Aix et région et M. A...n'invoquent aucun autre moyen que ceux exposés à l'appui de leurs questions prioritaires de constitutionnalité pour contester le jugement attaqué ;

16. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le syndicat des médecins d'Aix et région et M. A...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

17. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge du Conseil national de l'ordre des médecins, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que le syndicat des médecins d'Aix et région et M. A...demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge conjointe du syndicat des médecins d'Aix et région et de M. A...une somme de 2 000 euros à verser au Conseil national de l'ordre des médecins sur le fondement des mêmes dispositions ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du syndicat des médecins d'Aix et région et de M. A...est rejetée.

Article 2 : Le syndicat des médecins d'Aix et région et M. A...verseront conjointement au Conseil national de l'ordre des médecins une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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N° 13PA03886


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 13PA03886
Date de la décision : 01/07/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Élections et référendum - Élections professionnelles - Élections aux organes et aux ordres professionnels.

Procédure.


Composition du Tribunal
Président : Mme MILLE
Rapporteur ?: M. Yves MARINO
Rapporteur public ?: M. LADREYT
Avocat(s) : CAYOL-CAHEN et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2014-07-01;13pa03886 ?
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