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27/06/2014 | FRANCE | N°14PA00369

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 27 juin 2014, 14PA00369


Vu la requête, enregistrée le 27 janvier 2014, présentée pour M. B...A..., demeurant..., par MeC... ; M. A...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1205685/5 du 28 novembre 2013 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet de sa demande d'indemnisation et à la condamnation de l'État à lui payer la somme de 85 000 euros au titre de la dégradation de ses conditions de travail, avec intérêts de droit à compter de la réclamation préalable et ca

pitalisation, ainsi que la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761...

Vu la requête, enregistrée le 27 janvier 2014, présentée pour M. B...A..., demeurant..., par MeC... ; M. A...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1205685/5 du 28 novembre 2013 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet de sa demande d'indemnisation et à la condamnation de l'État à lui payer la somme de 85 000 euros au titre de la dégradation de ses conditions de travail, avec intérêts de droit à compter de la réclamation préalable et capitalisation, ainsi que la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de condamner le rectorat de l'académie de Paris à lui payer la somme de 85 000 euros au titre des dommages et intérêts en réparation de l'ensemble des préjudices subis ;

3°) de condamner le rectorat de l'académie de Paris au versement des intérêts de droit à compter de sa réclamation préalable et à leur capitalisation ;

4°) de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

..................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 juin 2014 :

- le rapport de Mme Mielnik-Meddah, premier conseiller,

- les conclusions de M. Egloff, rapporteur public,

- et les observations de MeD..., substituant MeC..., pour

M.A... ;

1. Considérant que M.A..., professeur agrégé d'allemand dans des classes préparatoires aux grandes écoles au lycée Jules Ferry à Paris depuis 2001 et placé le 1er septembre 2011 en arrêt de maladie, attribue la dégradation de ses conditions de travail aux agissements d'une de ses collègue germaniste et ce depuis son affectation dans ce lycée ; qu'ayant demandé en vain au Tribunal administratif de Paris l'annulation de la décision implicite de rejet de sa demande préalable d'indemnisation ainsi que la condamnation de l'État à lui payer la somme de 85 000 euros au titre du préjudice qu'il estime avoir subi du fait de la dégradation de ses conditions de travail, avec intérêts de droit à compter de la réclamation préalable et capitalisation, il relève appel du jugement n° 1205685/5 du 28 novembre 2013 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Paris a rejeté cette demande ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant, en premier lieu, que, si M. A...soutient que le jugement du

28 novembre 2013 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande est entaché d'irrégularité, faute de mentionner le recteur de l'Académie de Paris, il ressort des termes mêmes de ce jugement que les mémoires en défense ont été présentés au nom de l'État par le recteur de l'académie de Paris et que cette autorité a été régulièrement destinataire en copie dudit jugement ;

3. Considérant, en second lieu, qu'il ressort des termes mêmes du jugement attaqué que le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Paris a rejeté les conclusions de M. A...tendant à l'indemnisation du préjudice qu'il estime avoir subi du fait de la dégradation de ses conditions de travail en écartant, de manière explicite et argumentée, les moyens qui avaient été développés par le requérant, notamment ceux tirés de ce que la responsabilité de l'administration est engagée sur le fondement de l'article 6 quinquies de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983, que cette situation a altéré sa santé physique et mentale et a porté atteinte à son évolution professionnelle et que le rectorat a fait preuve d'inertie ; qu'en tout état de cause, le juge de première instance n'était pas tenu de reprendre tous les arguments développés par le requérant à l'appui de ses moyens, ni de mentionner toutes les pièces sur lesquelles il a fondé son jugement ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le jugement attaqué n'est pas entaché d'irrégularité ;

Sur le bien-fondé du jugement :

5. Considérant qu'aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, issu de la loi du 17 janvier 2002 de modernisation sociale : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la formation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : / 1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ; / 2° Le fait qu'il ait exercé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements ; / 3° Ou bien le fait qu'il ait témoigné de tels agissements ou qu'il les ait relatés. / Est passible d'une sanction disciplinaire tout agent ayant procédé ou ayant enjoint de procéder aux agissements définis ci-dessus (...) " ; qu'aux termes de l'article 11 de cette loi : " Les fonctionnaires bénéficient, à l'occasion de leurs fonctions, d'une protection organisée par la collectivité publique dont ils dépendent, conformément aux règles fixées par le code pénal et les lois spéciales. / (...) La collectivité publique est tenue de protéger les fonctionnaires contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont ils pourraient être victimes à l'occasion de leurs fonctions, et de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté. / (...) La collectivité publique est subrogée aux droits de la victime pour obtenir des auteurs des menaces ou attaques la restitution des sommes versées au fonctionnaire intéressé. Elle dispose, en outre, aux mêmes fins, d'une action directe qu'elle peut exercer au besoin par voie de constitution de partie civile devant la juridiction pénale. Les dispositions du présent article sont applicables aux agents publics non titulaires " ;

6. Considérant, d'une part, qu'il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement ; qu'il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile ;

7. Considérant, d'autre part, que, pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral ; qu'en revanche, la nature même des agissements en cause exclut, lorsque l'existence d'un harcèlement moral est établie, qu'il puisse être tenu compte du comportement de l'agent qui en a été victime pour atténuer les conséquences dommageables qui en ont résulté pour lui ; que le préjudice résultant de ces agissements pour l'agent victime doit alors être intégralement réparé ;

8. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, dans l'exercice de ses fonctions au sein du lycée Jules Ferry, M. A...a été confronté, dès son affectation dans ce lycée, à un dénigrement de ses compétences professionnelles de la part d'une de ses collègues, également professeur d'allemand, tant auprès de ses élèves qu'à l'extérieur de l'établissement auprès d'autres enseignants ; que l'intéressé, après avoir connu des problèmes de santé en 2008 et alors qu'il a demandé la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé pour des troubles auditifs qui auraient été occasionnés par la violence du bruit des travaux réalisés au lycée Louis le Grand lorsqu'il y était en fonctions, a été placé en congé de longue maladie du

1er septembre 2011 au 31 août 2012, puis en congé de longue durée non imputable au service du 1er septembre 2012 au 28 février 2013 en raison d'un état dépressif nécessitant un traitement médicamenteux depuis juin 2011 ; que M. A... impute la responsabilité de son état dépressif à l'inertie de l'administration en faisant valoir qu'elle s'est s'abstenue de prendre les mesures adéquates pour mettre fin à la situation de harcèlement dont il faisait l'objet ; qu'il résulte toutefois de l'instruction que M. A...a toujours bénéficié de la part de sa hiérarchie d'une appréciation élogieuse de ses compétences et qualités professionnelles ; que l'intéressé n'établit pas, ni même d'ailleurs n'allègue que les propos malveillants que sa collègue a pu tenir à son endroit auraient emporté des conséquences sur son enseignement ou sa carrière professionnelle ; que l'animosité de cette collègue, telle que révélée essentiellement par les témoignages des élèves de M.A..., ne saurait établir un comportement habituel pouvant s'apparenter à un harcèlement de sa part ; que, comme le démontre l'administration, contrairement à ce que soutient M.A..., cette situation, si elle traduit une mésentente entre les deux enseignants, n'a ni dégradé les conditions de travail de l'intéressé, ni porté atteinte à ses droits et à sa dignité, ni compromis son avenir professionnel ; que, dès lors, cette situation de mésentente ne saurait être regardée comme constitutive d'un comportement vexatoire ou discriminatoire au sens de l'article 178 de la loi du 17 janvier 2002 de modernisation sociale s'agissant des actes allégués antérieurs à la publication de cette loi, ni de harcèlement moral s'agissant des actes allégués postérieurs à cette publication ;

9. Considérant que M. A...a produit devant la Cour une lettre du recteur de l'Académie de Paris du 29 janvier 2014 l'informant, d'une part, que, sur avis de la commission de réforme réunie le 27 janvier 2014, sa pathologie était reconnue d'origine professionnelle dès lors, qu'en l'absence d'état antérieur, il existe un lien direct et certain entre les troubles médicaux qu'il présente et le ressenti de ses conditions d'exercice de sa profession d'enseignant, d'autre part, que la période d'arrêt du 2 septembre 2011 au 31 mai 2014 ainsi que les soins sont à prendre en charge au titre de la réglementation sur les maladies d'origine professionnelle ; que, toutefois, en dépit des conclusions du médecin agréé selon lesquelles les troubles présentés par M. A...sont imputables au service, cette reconnaissance de l'origine professionnelle de la pathologie de l'intéressé ne saurait établir à elle seule que celui-ci aurait effectivement subi un comportement vexatoire ou un harcèlement au sens des dispositions précitées ;

10. Considérant que, par ailleurs, il ne résulte pas de l'instruction que M. A...se serait vu refuser la protection prévue à l'article 11 de la loi précitée du 13 juillet 1983 ; qu'au contraire, une inspection a été diligentée en 2005 à l'issue de laquelle les deux enseignants ont été invités " à faire leur travail sans se mêler de ce que faisait l'autre et à ne pas impliquer les élèves dans leur affaire " ; qu'il n'est fait mention d'aucune alerte que M. A...aurait pu donner au rectorat entre cette inspection et la réclamation indemnitaire préalable de l'intéressé du 27 octobre 2011, reçue par le rectorat le 31 octobre suivant, alors que M. A...était à cette date, selon ses propres écritures, en arrêt de maladie depuis le 1er septembre 2011 ; que, si le requérant produit la copie d'un courrier qu'il aurait adressé le 25 janvier précédent à la proviseure, il n'établit pas sa réception par sa destinataire ; que, dans ces conditions, les faits tels qu'allégués par M. A...ne permettent pas de présumer qu'il aurait été victime d'un harcèlement moral, ni, à supposer ce harcèlement moral établi, que l'administration aurait fait preuve d'une inertie fautive pour ne pas avoir cherché à y mettre fin ; que, dès lors, les conclusions du requérant à fin de condamnation du rectorat de l'Académie de Paris ne peuvent qu'être rejetées ;

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; que les conclusions de sa requête tendant à l'annulation dudit jugement ainsi qu'à la condamnation du rectorat de l'académie de Paris à lui payer la somme de 85 000 euros, à parfaire, avec les intérêts de droit et la capitalisation de ces intérêts ne peuvent, par suite, qu'être rejetées ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que le requérant demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.

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N° 08PA04258

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N° 14PA00369


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 14PA00369
Date de la décision : 27/06/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme TANDONNET-TUROT
Rapporteur ?: Mme Anne MIELNIK-MEDDAH
Rapporteur public ?: M. EGLOFF
Avocat(s) : ATHON-PEREZ

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2014-06-27;14pa00369 ?
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