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19/06/2014 | FRANCE | N°13PA04264

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3 ème chambre, 19 juin 2014, 13PA04264


Vu la requête enregistrée le 25 novembre 2013, présentée par le préfet de police ; le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1306459/5-2 du 17 octobre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 9 avril 2013 portant retrait d'un certificat de résidence algérien valable dix ans délivré à M. D...C..., l'obligeant à quitter le territoire français et fixant le pays de destination, lui a enjoint de réexaminer la situation de l'intéressé dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement et a mis

à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros en application des disposition...

Vu la requête enregistrée le 25 novembre 2013, présentée par le préfet de police ; le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1306459/5-2 du 17 octobre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 9 avril 2013 portant retrait d'un certificat de résidence algérien valable dix ans délivré à M. D...C..., l'obligeant à quitter le territoire français et fixant le pays de destination, lui a enjoint de réexaminer la situation de l'intéressé dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de rejeter la demande présentée par M.C... devant le Tribunal administratif de Paris ;

....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 juin 2014 le rapport de M. Roussel, premier conseiller ;

1. Considérant que M. D...C..., de nationalité algérienne, né le 26 décembre 1976, entré en France le 17 septembre 2001 sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa de court séjour, s'est marié le 9 juin 2006 avec une ressortissante française, Mme E... A... ; qu'il a été mis en possession, le 20 septembre 2006, d'un certificat de résidence temporaire d'un an valable jusqu'au 28 août 2007, sur le fondement des stipulations de l'article 6-2 de l'accord franco algérien du 27 décembre 1968 modifié ; qu'il s'est vu délivrer, le 23 octobre 2007, par le préfet de police un certificat de résidence algérien de dix ans valable jusqu'au 28 août 2017 sur le fondement des stipulations du a) de l'article 7 bis de l'accord précité ; que, par un arrêté du 9 avril 2013, le préfet de police a retiré ledit certificat de résidence sans délai au motif qu'il avait obtenu ce titre de séjour frauduleusement, a assorti ce retrait d'une décision portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi ; que, par un jugement du 17 octobre 2013, dont le préfet de police relève régulièrement appel, le Tribunal administratif de Paris, faisant droit à la demande de M.C..., a annulé l'arrêté du 9 avril 2013 ;

Sur les conclusions du préfet de police dirigées contre le jugement du Tribunal administratif de Paris :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 7 bis de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : " (...) le certificat de résidence valable dix ans est délivré de plein droit sous réserve de la régularité du séjour pour ce qui concerne les catégories visées au a), au b), au c) et au g) : a) au ressortissant algérien, marié depuis au moins un an avec un ressortissant de nationalité française, dans les mêmes conditions que celles prévues à l'article 6 nouveau 2), et au dernier alinéa de ce même article (...) " ; qu'aux termes de l'article 6 de cet accord : " Les dispositions du présent article ainsi que celles des deux articles suivants, fixent les conditions de délivrance et de renouvellement du certificat de résidence aux ressortissants algériens établis en France ainsi qu'à ceux qui s'y établissent, sous réserve que leur situation matrimoniale soit conforme à la législation française. / Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 2) au ressortissant algérien, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que son entrée sur le territoire français ait été régulière, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français ; (...) Le premier renouvellement du certificat de résidence délivré au titre du 2) ci-dessus est subordonné à une communauté de vie effective entre les époux " ;

3. Considérant qu'il appartient à l'autorité compétente, s'il est établi que le mariage d'un ressortissant étranger avec un conjoint de nationalité française a été contracté dans le but exclusif d'obtenir un titre de séjour, de faire échec à cette fraude ; qu'un titre de séjour obtenu ainsi frauduleusement ne crée aucun droit au bénéfice de l'intéressé et peut être retiré à tout moment, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir ; que la circonstance que l'intention matrimoniale d'un des deux époux ne soit pas contestée ne fait pas obstacle, à elle seule, à ce qu'une telle fraude soit établie ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que pour retirer le certificat de résidence en cause au motif que M. C...avait obtenu ce titre de séjour de manière frauduleuse, le préfet de police s'est, dans sa décision du 9 avril 2013, fondé sur une enquête diligentée le 22 mars 2013 par les services préfectoraux ; qu'il résulte de cette enquête que l'épouse française de M. C...a déposé, le 30 avril 2008, une déclaration de main courante pour abandon de domicile familial, indiquant que l'intéressé avait commencé à quitter le domicile conjugal depuis novembre 2007, soit quelques jours à peine après la délivrance à l'intéressé, le 23 octobre 2007, d'un certificat de résidence de dix ans ; qu'en outre, le 25 janvier 2008, M. C...a signé un certificat de concubinage avec MmeB..., ressortissante algérienne en situation irrégulière, ce qui corrobore l'intention du requérant de rompre sa vie commune avec Mme A...juste après l'octroi de son certificat de résidence de dix ans ; que M.C..., qui se borne par ailleurs à expliquer, pour justifier son abandon du domicile conjugal, que son épouse était " dispendieuse ", ne peut ainsi sérieusement soutenir qu'il n'aurait commencé à s'absenter du domicile conjugal qu'à compter du mois de février 2008 ; que l'existence, dès la fin de l'année 2007, d'une relation sentimentale entre M. C... et Mme B...met également en doute la sincérité de sa relation avec Mme A... ; que compte tenu de l'ensemble des circonstances entourant la rupture de la vie conjugale entre M. C...et MmeA..., le préfet de police établit, par des présomptions suffisamment graves, précises et concordantes, que le mariage du requérant avec une conjointe de nationalité française a été contracté dans le but exclusif d'obtenir un titre de séjour ;

5. Considérant que, par suite, le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont considéré que son arrêté du 9 avril 2013 était entaché d'illégalité ;

6. Considérant qu'il appartient à la Cour saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel d'examiner les autres moyens soulevés par M. C...devant le tribunal administratif ;

Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision de refus de titre de séjour :

7. Considérant, en premier lieu, que la décision attaquée, qui est fondée sur le a) de l'article 7 bis de l'accord franco-algérien, et qui relève, en se fondant sur les résultats de l'enquête diligentée le 22 mars 2013, que le titre de séjour de l'intéressé a été obtenu frauduleusement, comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement et est donc suffisamment motivée ;

8. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;

9. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'à la date de la décision attaquée, M.C..., qui n'établit pas être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine et dont l'intégration alléguée dans la société française est contredite par les manoeuvres frauduleuses dont il s'est rendu coupable en vue de l'obtention d'un titre de séjour, résidait avec Mme B...ainsi que l'enfant issu de leur relation ; qu'ainsi, nonobstant l'ancienneté du séjour du requérant sur le territoire français, le préfet de police n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et n'a pas davantage entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation sur sa situation personnelle ;

10. Considérant, en troisième lieu, que M. C...ne peut, en tout état de cause, se prévaloir des dispositions de la circulaire ministérielle du 14 juin 2006, qui ne présente pas un caractère réglementaire ;

11. Considérant, en quatrième lieu, que M. C...ne peut utilement faire valoir que la décision de retrait de titre de séjour, qui n'a pas pour objet de le reconduire dans son pays d'origine, l'exposerait à des traitements inhumains ou dégradants au sens de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

12. Considérant en dernier lieu, que la décision attaquée, qui ne fait pas obstacle à ce que M. C...et Mme B...poursuivent leur vie familiale en Algérie ne porte pas atteinte à l'intérêt supérieur de leur enfant, né en 2011 ; que le moyen tiré de la méconnaissance par le préfet de police de l'article 3.1 de la convention de New York sur les droits de l'enfant doit donc également être écartée ;

13. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 9 avril 2013 portant retrait du certificat de résidence algérien valable dix ans délivré au requérant ;

Sur les conclusions de M. C...tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

14. Considérant que les dispositions susvisées font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, une somme au titre des frais exposés par M. C...et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Paris du 17 octobre 2013 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. C...devant le Tribunal administratif de Paris ainsi que ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

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N° 13PA04264


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3 ème chambre
Numéro d'arrêt : 13PA04264
Date de la décision : 19/06/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. MOREAU
Rapporteur ?: M. Florian ROUSSEL
Rapporteur public ?: Mme MACAUD
Avocat(s) : DECROIX-DELONDRE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2014-06-19;13pa04264 ?
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