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19/06/2014 | FRANCE | N°12PA04845

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3 ème chambre, 19 juin 2014, 12PA04845


Vu la requête, enregistrée le 10 décembre 2012, présentée pour M. A... B..., demeurant..., par Me Bibal ; M. B... demande à la Cour :

1°) d'annuler les jugements n°1017822/6-1 du 28 octobre 2011 et du 12 octobre 2012 par lesquels le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) et, à titre subsidiaire, de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), à lui verser la somme de 2 112 397,90 euros en réparation des p

réjudices résultant de sa prise en charge par les services de l'hôpit...

Vu la requête, enregistrée le 10 décembre 2012, présentée pour M. A... B..., demeurant..., par Me Bibal ; M. B... demande à la Cour :

1°) d'annuler les jugements n°1017822/6-1 du 28 octobre 2011 et du 12 octobre 2012 par lesquels le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) et, à titre subsidiaire, de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), à lui verser la somme de 2 112 397,90 euros en réparation des préjudices résultant de sa prise en charge par les services de l'hôpital Lariboisière les 6 et 7 mars 2002 ;

2°) de condamner l'AP-HP et, à titre subsidiaire, l'ONIAM, à lui verser la somme de 2 112 397,90 euros, avec intérêts capitalisés ;

3°) de mettre à la charge des défendeurs une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les dépens ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 juin 2014 :

- le rapport de M. Roussel, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Macaud, rapporteur public,

- et les observations de Me Bibal, avocat de M. B..., et les observations de Me Tsoudéros, avocat de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris ;

1. Considérant que M. B...a été admis au service des urgences de l'hôpital Lariboisière à Paris, dans la nuit du 6 au 7 mars 2002, en raison de céphalées intenses et de vertiges ; qu'étant rentré à son domicile après un scanner cérébral et un bilan électrolytique, il a été rappelé par l'hôpital quelques heures plus tard, l'interprétation du scanner cérébral faisant craindre un anévrisme cérébral, et est retourné à 5h00 au service des urgences, où une ponction lombaire a été réalisée ; que son état clinique laissant suspecter une dissection de la vertébrale droite, il a été alors hospitalisé ; que le 8 mars, il a été victime d'un accident ischémique cérébral sylvien gauche, provoquant une hémiplégie droite complète avec aphasie brutale ; qu'il est resté hospitalisé jusqu'au 13 septembre 2002 et a ensuite conservé d'importantes séquelles de son accident cérébral ; qu'il a saisi la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux d'Ile-de-France (CRCI), qui a rejeté sa demande, le 6 janvier 2005 ; que M. B... a ensuite saisi le juge des référés du Tribunal administratif de Paris, qui a diligenté une expertise, confiée au docteur Sichez ; que celui-ci a remis son rapport le 23 octobre 2009 ;

2. Considérant que M. B...a adressé le 15 juillet 2010 à l'AP-HP une demande d'indemnisation préalable, qui a été implicitement rejetée ; qu'il a alors introduit, le 8 octobre 2010, une requête devant le Tribunal administratif de Paris tendant à l'indemnisation de son préjudice ; que par jugement avant-dire droit en date du 28 octobre 2011, le tribunal a écarté les moyens tirés des fautes commises par l'AP-HP en raison de l'insuffisance des recherches diagnostiques menées lors de la première admission au service des urgences, de l'absence de nécessité de la ponction lombaire pratiquée et du report de l'IRM initialement prévue le 7 mars et a ordonné un complément d'expertise avant de statuer sur le moyen tiré de la faute résultant de l'absence de mise en place d'un traitement préventif par aspirine ; qu'à la suite du dépôt du nouveau rapport de l'expert le 24 mai 2012, le Tribunal administratif de Paris, par jugement en date du 12 octobre 2012, a rejeté la requête de M. B...ainsi que les conclusions présentées par la CPAM de Paris et la CRAMIF ; que M. B...interjette régulièrement appel des jugements du 28 octobre 2011 et du 12 octobre 2012 ;

Sur la responsabilité :

En ce qui concerne la responsabilité de l'AP-HP :

3. Considérant qu'aux termes du I de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. [...] " ;

4. Considérant que M.B..., en premier lieu, soutient que l'interrogatoire réalisé lors de son admission aux urgences dans la nuit du 6 au 7 mars 2002 a été très imprécis et n'a pas permis d'orienter efficacement le diagnostic ; que toutefois, il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expert, que l'accident vasculaire cérébral dont il a été victime le 8 mars était imprévisible et qu'aucun manquement du médecin lors du déroulement de l'entretien avec le patient ne peut être relevé ; que la circonstance que le patient n'ait pas été interrogé sur ses antécédents familiaux, alors que deux de ses parents avaient été victimes d'infarctus, est ainsi sans incidence, d'autant qu'il ne résulte nullement de l'instruction que cette circonstance aurait constitué, en l'espèce, un facteur de risque important ; que ce moyen ne peut donc qu'être écarté ;

5. Considérant, en deuxième lieu, que M. B...fait également valoir que la ponction lombaire pratiquée le matin du 7 mars 2012, en raison de la suspicion d'une hémorragie méningée, était injustifiée et que la réalisation de cette opération a rendu déconseillée l'utilisation de traitements thrombolytiques, pourtant recommandés pour les occlusions artérielles, et lui a ainsi fait perdre une chance importante de prévenir la survenue de l'accident vasculaire cérébral dont il a été victime ; que toutefois, il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expert judiciaire, ainsi que de l'expertise diligentée par la CRCI, que le résultat du scanner pratiqué aux urgences, qui avait mis en évidence la " présence d'une formation ovalaire discrètement dense au niveau de la carotide supra-clinoïdienne gauche compatible avec un anévrisme " ainsi que les symptômes alors présentés par le patient, et en particulier les céphalées qualifiées de " très intenses ", permettaient alors d'envisager le risque d'une hémorragie méningée ; qu'en l'état des informations dont disposaient alors les médecins sur l'état de santé du patient, et compte tenu de l'urgence de la situation, la réalisation d'une ponction lombaire n'était pas constitutive d'une faute, alors même qu'elle rendait par la suite impossible la réalisation d'une thrombolyse ; que la mise en oeuvre de ce traitement était, au demeurant, rendue hypothétique, compte tenu de l'état neurologique très dégradé du patient, et ses chances de succès étaient, en tout état de cause, aléatoires ; qu'ainsi, en l'absence, au matin du 7 mars, d'indice clair laissant penser que le patient venait d'être victime d'un accident ischémique transitoire et était exposé, de façon imminente, à un risque d'occlusion artérielle, les médecins des services des urgences n'ont pas commis de manquement aux règles de l'art en choisissant de pratiquer une ponction lombaire afin d'identifier une éventuelle hémorragie méningée ;

6. Considérant, en troisième lieu, que M. B...soutient que l'AP-HP a commis une faute en ne lui administrant pas de traitement anticoagulant ; que toutefois, ainsi qu'il a été dit, l'occlusion artérielle dont il a été victime présentait un caractère imprévisible ; qu'en outre, il résulte de l'instruction qu'il a reçu un tel traitement, dont l'efficacité était d'ailleurs en l'espèce, selon l'expert, à relativiser, plus de deux heures avant l'occlusion artérielle dont il a été victime, soit en temps utile ; que ce moyen ne peut donc également qu'être écarté ;

7. Considérant que si M. B...soutient enfin que le report de la seconde IRM prescrite au patient, initialement prévue le 7 mars, était fautif, il résulte de l'instruction que la première IRM pratiquée n'avait révélé aucune anomalie et que l'écho-doppler réalisé ce même jour ne permettait pas d'identifier de risque de dissection carotidienne cervicale ; qu'il n'est ainsi pas établi que des explorations complémentaires auraient été alors nécessaires au vu des résultats normaux de ces examens ;

8. Considérant que M. B...n'est dès lors pas fondé à soutenir que l'AP-HP a commis, lors de sa prise en charge, des fautes de nature à engager sa responsabilité ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les conclusions indemnitaires présentées par la CRAMIF et par la CPAM de Paris ne peuvent qu'être rejetées ;

En ce qui concerne la responsabilité de l'ONIAM :

10. Considérant qu'aux termes du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " Lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d'un producteur de produits n'est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient, et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique, de la durée de l'arrêt temporaire des activités professionnelles ou de celle du déficit fonctionnel temporaire. / Ouvre droit à réparation des préjudices au titre de la solidarité nationale un taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique supérieur à un pourcentage d'un barème spécifique fixé par décret ; ce pourcentage, au plus égal à 25%, est déterminé par ledit décret. " ;

11. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le préjudice subi par M. B...résulte de la survenue même de l'accident vasculaire cérébral dont il a été victime le 8 mars 2002 et n'est donc pas directement imputable à un acte de diagnostic, de prévention ou de soins ; que M. B...n'est donc pas fondé à mettre en cause la responsabilité de l'ONIAM sur le fondement des dispositions précitées ;

12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les frais d'expertise :

13. Considérant qu'il y a lieu de laisser à la charge de M. B...les frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme totale de 4 400 euros par les ordonnances du vice-président du tribunal en date du 26 octobre 2009 et du 10 juillet 2012 ;

Sur l'indemnité forfaitaire de gestion :

14. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les conclusions de la CRAMIF tendant à l'allocation de l'indemnité forfaitaire de gestion doivent également être rejetées ;

Sur les dépens :

15. Considérant que l'ONIAM n'établit pas avoir exposé des dépens dans la présente instance ; que par suite, les conclusions susvisées doivent être rejetées ;

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

16. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'AP-HP et de l'ONIAM, qui ne sont pas dans la présente instance les parties perdantes, une somme au titre des frais exposés par M.B..., la CRAMIF et la CPAM de Paris et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... ainsi que les conclusions présentées par la CRAMIF et la CPAM de Paris sont rejetées.

Article 2 : Les frais de l'expertise, taxés et liquidés à la somme de 4 400 euros, sont laissés à la charge de M.B....

Article 3 : Le surplus des conclusions de l'ONIAM est rejeté.

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N° 12PA04845


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3 ème chambre
Numéro d'arrêt : 12PA04845
Date de la décision : 19/06/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. MOREAU
Rapporteur ?: M. Florian ROUSSEL
Rapporteur public ?: Mme MACAUD
Avocat(s) : BIBAL

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2014-06-19;12pa04845 ?
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