Vu la requête, enregistrée le 17 juillet 2012, présentée pour la société anonyme Pierre Grise Production, dont le siège est situé 52, rue Charlot à Paris (75003), par Me Belouis, avocat ; la société Pierre Grise Production demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1021695 du 26 juin 2012 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la restitution de la somme de 402 468 euros correspondant à une créance de crédit d'impôt en faveur du cinéma au titre de l'année 2009 ;
2°) d'ordonner la restitution de la somme de 74 860 euros, assortie des intérêts moratoires ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code du travail ;
Vu le décret n° 2006-325 du 20 mars 2006 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 mai 2014 :
- le rapport de M. Vincelet, premier conseiller,
- et les conclusions de Mme Dhiver, rapporteur public ;
1. Considérant que la société anonyme Pierre grise Production, qui exerce l'activité de production d'oeuvres cinématographiques, a demandé le remboursement d'une créance de 402 468 euros correspondant à un crédit d'impôt en faveur du cinéma dont elle s'estimait titulaire au titre de l'année 2009 à raison de la production de trois films intitulés " Chantrapas ", " Un chat, un chat " et " 36 vues du Pic-Saint-Loup " ; que, par une décision en date du 18 octobre 2010, l'administration a partiellement fait droit à sa demande en lui remboursant la somme de 327 608 euros correspondant au crédit attaché au film " Chantrapas ", et a rejeté le surplus de sa demande au motif qu'elle n'avait pas obtenu l'agrément définitif du centre national du cinéma et de l'image animée ; que la société Pierre Grise Production fait appel du jugement du 26 juin 2012 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant au remboursement du crédit d'impôt ;
2. Considérant, en premier lieu, d'une part, qu'aux termes de l'article 9 du décret susvisé du 20 mars 2006 : " I. - La demande d'agrément à titre définitif doit être présentée, après l'achèvement de l'oeuvre cinématographique ou audiovisuelle, par l'entreprise de production déléguée telle que définie au 5° de l'article 6 du décret du 24 février 1999 susvisé pour ce qui concerne la production des oeuvres cinématographiques et au II de l'article 3 du décret du 2 février 1995 susvisé pour ce qui concerne la production des oeuvres audiovisuelles. (...) ; II. - La demande d'agrément à titre définitif est accompagnée des pièces justificatives suivantes :1° Un document comptable certifié par un commissaire aux comptes indiquant le coût définitif de l'oeuvre cinématographique ou audiovisuelle, les moyens de son financement et faisant apparaître précisément les dépenses éligibles qui ont été engagées en France ; 2° La liste nominative des personnels de la création et de la production qui ont été effectivement employés ; 3° La copie de la déclaration prévue à l'article L. 320 du code du travail et la copie du document en accusant réception par l'organisme destinataire, concernant chacun des personnels visés au 2° ;4° La copie des bordereaux de déclaration des cotisations établis conformément à l'article R. 243-13 du code de la sécurité sociale ;5° La copie de la déclaration annuelle des données sociales établie conformément à l'article R. 243-14 du code de la sécurité sociale ; (...) " ; III. - La décision d'agrément à titre définitif est notifiée à l'entreprise de production déléguée ou, en cas de coproduction déléguée, à chacune des deux entreprises de production. (...) ; Cette décision indique qu'au vu des renseignements et documents justificatifs mentionnés au II l'oeuvre cinématographique ou audiovisuelle considérée a rempli les conditions prévues aux I et II de l'article 220 sexies du code général des impôts et ouvre droit au bénéfice du crédit d'impôt pour les dépenses mentionnées au III du même article. (...) " ;
3. Considérant, d'autre part, qu'aux termes du I de l'article 220 sexies du code général des impôts : " Les entreprises de production cinématographique et les entreprises de production audiovisuelle soumises à l'impôt sur les sociétés qui assument les fonctions d'entreprises de production déléguées peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt au titre des dépenses de production mentionnées au III correspondant à des opérations effectuées en vue de la réalisation d'oeuvres cinématographiques de longue durée ou d'oeuvres audiovisuelles agréées. / Le bénéfice du crédit d'impôt est subordonné au respect, par les entreprises de production déléguées, de la législation sociale. Il ne peut notamment être accordé aux entreprises de production déléguées qui ont recours à des contrats de travail mentionnés au 3° de l'article L. 1242-2 du code du travail afin de pourvoir à des emplois qui ne sont pas directement liés à la production d'une oeuvre déterminée " ; qu'aux termes de l'article 220 F du même code : " Le crédit d'impôt défini à l'article 220 sexies est imputé sur l'impôt sur les sociétés dû par l'entreprise au titre de l'exercice au cours duquel les dépenses définies au III de cet article ont été exposées. (...) La part du crédit d'impôt obtenu au titre des dépenses mentionnées au 1 du III de l'article 220 sexies fait l'objet d'un reversement en cas de non-délivrance de l'agrément à titre provisoire dans les six mois qui suivent la réception de la demande par le président du Centre national du cinéma et de l'image animée. / La part du crédit d'impôt obtenu au titre des dépenses précitées n'ayant pas reçu, dans un délai maximum de huit mois à compter de la délivrance du visa d'exploitation cinématographique pour les oeuvres cinématographiques ou de la date de leur achèvement définie par décret pour les oeuvres audiovisuelles, l'agrément à titre définitif du président du Centre national du cinéma et de l'image animée attestant que l'oeuvre cinématographique ou audiovisuelle a rempli les conditions visées au II de l'article 220 sexies fait l'objet également d'un reversement. Cet agrément est délivré dans des conditions fixées par décret " ;
4. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que la délivrance de l'agrément définitif qui ouvre droit au crédit d'impôt en faveur du cinéma est subordonnée au respect par l'entreprise de production des conditions mentionnées à l'article 220 sexies du code général des impôts, au nombre desquelles figure la conformité à la législation sociale des opérations concourant à la production de l'oeuvre ; qu'il appartient, en application de l'article 9 précité du décret du 20 mars 2006, au président du centre national du cinéma et de l'image animée de vérifier que, durant la période de réalisation du tournage précédant la délivrance de l'agrément définitif, l'entreprise concernée a effectivement respecté la législation sociale et n'a pas eu recours à des contrats à durée déterminée afin de pourvoir des emplois permanents ;
5. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société Pierre Grise Production n'a pas obtenu l'agrément définitif du centre national du cinéma et de l'image animée pour les films " Un chat, un chat " et " 36 vues du Pic-Saint-Loup ", au motif qu'elle avait recouru, en violation du code du travail, aux services d'un salarié engagé sous contrats à durée déterminée pour pourvoir un emploi permanent, et qu'elle n'avait ainsi pas respecté les dispositions précitées du I de l'article 220 sexies du code général des impôts ; que, si la société allègue que le recours à de tels contrats a fait l'objet d'un simple procès-verbal de l'inspection du travail, elle ne produit aucune pièce susceptible de remettre en cause les énonciations de ce procès-verbal, lesquelles font foi jusqu'à preuve du contraire en ce qui concerne la constatation des faits constitutifs de l'infraction ; que sont sans incidence sur le droit de la société à obtenir le crédit d'impôt, les circonstances selon lesquelles, d'une part, le procès-verbal de l'inspection du travail a été classé sans suite, et, d'autre part, que l'URSSAF aurait abandonné les redressements initialement envisagés à son encontre ; qu'enfin, si elle soutient que la situation du salarié concerné a été ultérieurement régularisée par la signature d'un contrat de travail à durée indéterminée, cette régularisation pour l'avenir demeure sans incidence sur le fait que durant la période concernée de réalisation du tournage, la société Pierre Grise Production n'avait pas respecté la législation sociale ; que, dans ces conditions, la requérante ne peut obtenir aucune restitution complémentaire sur le fondement de la loi fiscale ;
6. Considérant, en deuxième lieu, que l'instruction de la direction générale des impôts référencée 4 A 7-04, du 24 septembre 2004, dont le contenu a été repris par l'instruction
4-A-1-06 du 27 janvier 2006 énonce que " l'oeuvre peut se voir refuser l'agrément, si, notamment ses conditions de réalisation et de production ont évolué depuis la délivrance de l'agrément provisoire d'une manière telle qu'elle ne remplit plus les conditions ouvrant droit au crédit d'impôt ; qu'au nombre de ces conditions de réalisation et de production figurent le respect de la législation du travail " ; qu'ainsi la doctrine invoquée ne contient pas d'interprétation du texte fiscal susceptible de bénéficier à la contribuable ;
7. Considérant, enfin, que la société requérante ne peut utilement faire valoir que les décisions de refus d'agrément définitif qui ont servi de fondement au rejet de sa demande de crédit d'impôt méconnaîtraient le principe de la présomption d'innocence énoncé au paragraphe 2 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors que ces décisions ne constituent pas des sanctions revêtant le caractère d'accusations en matière pénale au sens de cet article ;
8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Pierre Grise Production n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'allocation d'intérêts moratoires et à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la société Pierre Grise Production est rejetée.
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N° 12PA03105
Classement CNIJ :
C