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06/06/2014 | FRANCE | N°13PA02922

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 06 juin 2014, 13PA02922


Vu la requête, enregistrée le 25 juillet 2013, présentée pour M. B... A..., demeurant

..., par MeC... ; M. A... demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1308913 du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris en date du 27 juin 2013 en tant qu'il a rejeté les conclusions de sa demande tendant à l'annulation des décisions du 24 juin 2013 par lesquelles le préfet de police lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi ;

2°) d'annuler les décisions litigieuses ;

3°) d'enjoindre a

u préfet de police de lui délivrer une carte de résident ou de procéder au réexamen de sa ...

Vu la requête, enregistrée le 25 juillet 2013, présentée pour M. B... A..., demeurant

..., par MeC... ; M. A... demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1308913 du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris en date du 27 juin 2013 en tant qu'il a rejeté les conclusions de sa demande tendant à l'annulation des décisions du 24 juin 2013 par lesquelles le préfet de police lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi ;

2°) d'annuler les décisions litigieuses ;

3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer une carte de résident ou de procéder au réexamen de sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) de condamner l'Etat aux dépens de l'instance ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 196 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;

Vu la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 23 mai 2014 :

- le rapport de M. Lemaire, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Boissy, rapporteur public ;

1. Considérant que M. A..., de nationalité chinoise, relève appel du jugement du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris en date du 27 juin 2013 en tant qu'il a rejeté les conclusions de sa demande tendant à l'annulation des décisions du 24 juin 2013 par lesquelles le préfet de police lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi ;

2. Considérant, en premier lieu, que la décision par laquelle le préfet de police a fait obligation à M. A... de quitter le territoire français a été signée par MmeD... E..., attachée d'administration de l'intérieur et de l'outre-mer, adjointe au chef du 8ème bureau de la sous-direction de l'administration des étrangers de la direction de la police générale de la préfecture de police de Paris, qui avait reçu délégation pour signer un tel acte par arrêté du préfet de police en date du 4 janvier 2013, régulièrement publié au bulletin municipal de la ville de Paris du 11 janvier 2013 ; que, par suite, le moyen tiré de ce que cette décision aurait été signée par un agent n'ayant pas compétence pour ce faire manque en fait ;

3. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de police aurait omis de se livrer à un examen particulier de la situation personnelle de M. A... avant de lui faire obligation de quitter le territoire français ;

4. Considérant, en troisième lieu, qu'il ressort de l'ensemble des dispositions du livre V du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et notamment de son article L. 512-1, que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises l'intervention et l'exécution des décisions par lesquelles l'autorité administrative signifie à l'étranger l'obligation dans laquelle il se trouve de quitter le territoire français et fixe le pays de renvoi ; que l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 susvisée, qui fixe les règles générales de procédure applicables aux décisions devant être motivées en vertu de la loi du 11 juillet 1979 susvisée, en prévoyant que ces décisions " n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales (...) ", ne saurait dès lors être utilement invoqué à l'encontre d'une décision faisant obligation de quitter le territoire français prise sur le fondement du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et d'une décision fixant le pays de renvoi ;

5. Considérant, en quatrième lieu, que lorsqu'il oblige un étranger à quitter le territoire français sur le fondement de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont les dispositions sont issues de la transposition en droit national de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008, relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, le préfet doit être regardé comme mettant en oeuvre le droit de l'Union européenne ; qu'il lui appartient, dès lors, d'en appliquer les principes généraux, dont celui du droit à une bonne administration ; que, parmi les principes que sous-tend ce dernier, figure celui du droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre, tel qu'il est énoncé notamment au 2 de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; que selon la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, ce droit se définit comme le droit de toute personne à faire connaître, de manière utile et effective, ses observations écrites ou orales au cours d'une procédure administrative, avant l'adoption de toute décision susceptible de lui faire grief ; que ce droit n'implique pas systématiquement l'obligation, pour l'administration, d'organiser, de sa propre initiative, un entretien avec l'intéressé, ni même d'inviter ce dernier à produire ses observations, mais suppose seulement que, informé de ce qu'une décision lui faisant grief est susceptible d'être prise à son encontre, il soit en mesure de présenter spontanément des observations écrites ou de solliciter un entretien pour faire valoir ses observations orales ; qu'enfin, une atteinte à ce droit n'est susceptible d'affecter la régularité de la procédure à l'issue de laquelle la décision faisant grief est prise que si la personne concernée a été privée de la possibilité de présenter des éléments pertinents qui auraient pu influer sur le contenu de la décision, ce qu'il lui revient, le cas échéant, d'établir devant la juridiction saisie ;

6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment du procès-verbal d'audition signé par l'intéressé, que M. A... a été entendu par les services de police, en particulier en ce qui concerne son âge, sa nationalité, sa situation de famille, ses attaches dans son pays d'origine, ses conditions d'entrée en France ainsi que ses conditions d'hébergement ; que le requérant a eu ainsi la possibilité, au cours de cet entretien, de faire connaître des observations utiles et pertinentes de nature à influer sur la décision prise à son encontre ; que M. A... n'établit pas qu'il aurait été empêché de porter à la connaissance de l'administration, avant que ne soit prise à son encontre les décisions qu'il conteste, des informations tenant à sa situation personnelle qui, si elles avaient pu être communiquées à temps, auraient été de nature à faire obstacle à leur édiction ; que, dans ces conditions, le moyen tiré de ce que les décisions attaquées méconnaîtraient le principe général du droit de l'Union européenne d'être entendu, tel qu'il est notamment exprimé à l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, ne peut, en tout état de cause, qu'être écarté ;

7. Considérant, en cinquième lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un État membre de l'Union européenne, d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; / (...) / 4° Si l'étranger n'a pas demandé le renouvellement de son titre de séjour temporaire et s'est maintenu sur le territoire français à l'expiration de ce titre ; / (...) " ;

8. Considérant qu'il est constant que M. A... est entré pour la dernière fois en France le 15 décembre 2011, à une date à laquelle il était titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; que, dans ces conditions, le préfet de police ne pouvait pas légalement lui faire obligation de quitter le territoire français sur le fondement des dispositions précitées du 1° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

9. Considérant toutefois que, lorsqu'il constate que la décision contestée devant lui aurait pu être prise, en vertu du même pouvoir d'appréciation, sur le fondement d'un autre texte que celui dont la méconnaissance est invoquée, le juge de l'excès de pouvoir peut substituer ce fondement à celui qui a servi de base légale à la décision attaquée, sous réserve que l'intéressé ait disposé des garanties dont est assortie l'application du texte sur le fondement duquel la décision aurait pu être prononcée ;

10. Considérant qu'en l'espèce, la décision attaquée trouve son fondement légal dans les dispositions précitées du 4° du I du même article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui peuvent être substituées à celles du 1°, dès lors, en premier lieu, que, n'ayant pas sollicité le renouvellement de son titre de séjour et s'étant maintenu sur le territoire français après la date d'expiration de ce titre, le 5 septembre 2012, M. A... se trouvait dans la situation où, en application des dispositions du 4° du I de l'article L. 511-1 du code, le préfet de police pouvait lui faire obligation de quitter le territoire français, en deuxième lieu, que cette substitution de base légale n'a pour effet de priver l'intéressé d'aucune garantie et, en dernier lieu, que l'administration dispose du même pouvoir d'appréciation pour appliquer l'une ou l'autre de ces deux dispositions ;

11. Considérant, en sixième lieu, que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est inopérant, ces dispositions ne prévoyant pas la délivrance d'un titre de séjour de plein droit ;

12. Considérant, en septième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) /

7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) " ;

13. Considérant que M. A... fait valoir qu'il réside habituellement en France depuis 2002, et qu'il y vit avec son épouse et leur fils né en France en avril 2011 ; qu'il ne ressort toutefois pas des pièces que l'épouse de M.A..., qui est de même nationalité, soit en situation régulière sur le territoire français ; que le requérant ne justifie d'aucune circonstance de nature à faire obstacle à la reconstitution de sa cellule familiale en Chine ; qu'il n'établit pas être dépourvu de toute attache dans son pays d'origine ; que, dans ces circonstances, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision par laquelle le préfet de police lui a fait obligation de quitter le territoire français a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et, partant, que cette décision a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, pour les mêmes motifs, M. A...n'est pas davantage fondé à soutenir que cette décision est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

14. Considérant, en huitième lieu, qu'aux termes de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant susvisée : " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. (...) " ; qu'il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ;

15. Considérant que si M. A... se prévaut de l'état de santé de son fils, le certificat médical établi le 3 juillet 2013, soit postérieurement à la décision attaquée par laquelle le préfet de police lui a fait obligation de quitter le territoire français, est rédigé en des termes peu circonstanciés et n'est pas de nature à établir que son fils ne pourrait pas bénéficier en Chine d'un traitement médical approprié à son état de santé ; que M. A... ne justifie d'aucune circonstance de nature à faire obstacle à la reconstitution de sa cellule familiale en Chine ; que, dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ne peut qu'être écarté ;

16. Considérant, en dernier lieu, que le moyen tiré de ce que la décision par laquelle le préfet de police a fixé le pays de renvoi est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M. A... n'est pas assorti de précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé ;

17. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a rejeté les conclusions de sa demande tendant à l'annulation des décisions du 24 juin 2013 par lesquelles le préfet de police lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi ; que les conclusions de M. A... à fin d'injonction, celles tendant à la condamnation de l'Etat aux dépens de l'instance, en tout état de cause, et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.

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N° 13PA02922


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 13PA02922
Date de la décision : 06/06/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme DRIENCOURT
Rapporteur ?: M. Olivier LEMAIRE
Rapporteur public ?: M. BOISSY
Avocat(s) : SELARL GARCIA et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2014-06-06;13pa02922 ?
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