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06/06/2014 | FRANCE | N°12PA02428

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 06 juin 2014, 12PA02428


Vu le recours, enregistré le 6 juin 2012, présenté par le ministre de l'économie, des finances et du commerce extérieur, qui demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1006703 du 23 janvier 2012 par lequel le Tribunal administratif de Paris a accordé à la société par actions simplifiée (SAS) Laboratoire la restitution du solde non remboursé du crédit d'impôt recherche dont elle s'estimait créditrice au titre des années 2006, 2007 et 2008 ;

2°) de remettre à la charge de la SAS Laboratoire la somme de 394 157 euros dont le remboursement a été ordonné

à tort par les premiers juges ;

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Vu le recours, enregistré le 6 juin 2012, présenté par le ministre de l'économie, des finances et du commerce extérieur, qui demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1006703 du 23 janvier 2012 par lequel le Tribunal administratif de Paris a accordé à la société par actions simplifiée (SAS) Laboratoire la restitution du solde non remboursé du crédit d'impôt recherche dont elle s'estimait créditrice au titre des années 2006, 2007 et 2008 ;

2°) de remettre à la charge de la SAS Laboratoire la somme de 394 157 euros dont le remboursement a été ordonné à tort par les premiers juges ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 23 mai 2014 :

- le rapport de M. Couvert-Castéra, président assesseur,

- les conclusions de M. Boissy, rapporteur public,

- et les observations de MeA..., substituant Me Vaccaro, avocat de la SAS Laboratoire ;

1. Considérant que la SAS Laboratoire, qui exerce une activité de conseil dans le domaine agricole, fondée sur l'analyse des sols cultivés, a présenté une réclamation tendant à la restitution de crédits d'impôt recherche constatés par elle au titre des années 2006, 2007 et 2008, à hauteur respectivement de 206 665 euros, 179 059 euros et 148 093 euros ; que l'administration, par une décision en date du 2 février 2010, n'a que partiellement fait droit à cette demande, à hauteur respectivement de 41 464 euros, 37 583 euros et 60 613 euros, au motif que certaines dépenses de personnel devaient être exclues de l'assiette du crédit d'impôt recherche en raison du fait qu'elles ne concernaient pas des personnels de recherche ;

2. Considérant que, la SAS Laboratoire ayant saisi le Tribunal administratif de Paris, le 2 avril 2010, d'une demande tendant à la restitution du solde des crédits d'impôt en cause, l'administration fiscale, au vu d'un avis en date du 18 octobre 2010 du délégué régional à la recherche et à la technologie, rendu à sa demande, a, devant le Tribunal administratif, substitué au motif de rejet partiel de la réclamation qu'elle avait retenu initialement, celui tiré de ce que les dépenses en cause n'étaient pas éligibles à ce crédit en raison de l'absence d'éléments suffisants de nature à démontrer que cette société se livrait effectivement à des activités de recherche ;

3. Considérant que le ministre de l'économie, des finances et du commerce extérieur fait appel du jugement du 23 janvier 2012 par lequel le Tribunal administratif de Paris, faisant droit à la demande de la SAS Laboratoire, a accordé à celle-ci le remboursement du solde des crédits d'impôt recherche qu'elle avait constaté au titre des années 2006, 2007 et 2008 ;

4. Considérant que le ministre, se fondant sur un nouvel avis, en date du

29 octobre 2012, rendu par le délégué régional à la recherche et à la technologie au vu d'informations complémentaires sur ses activités présentées par la SAS Laboratoire dans un mémoire enregistré le 24 décembre 2010 au Tribunal administratif de Paris, soutient devant la Cour qu'il résulte de cet avis que la réalisation d'opérations de recherche par cette société n'est pas établie, de sorte qu'aucune des dépenses en litige n'est éligible au crédit d'impôt recherche ;

Sur le bien-fondé des demandes de remboursement du solde des montants de crédit d'impôt recherche :

5. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 244 quater B du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux années d'imposition 2006 et 2007 : " I. - Les entreprises industrielles et commerciales ou agricoles imposées d'après leur bénéfice réel (...) qui exposent des dépenses de recherche peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt égal à la somme : a. D'une part égale à 10 % des dépenses de recherche exposées au cours de l'année, dite part en volume ; b. Et d'une part égale à 40 % de la différence entre les dépenses de recherche exposées au cours de l'année et la moyenne des dépenses de même nature, revalorisées de la hausse des prix à la consommation hors tabac, exposées au cours des deux années précédentes, dite part en accroissement. (...) " et qu'aux termes de ce même article, dans sa rédaction applicable à l'année d'imposition 2008 : " I. Les entreprises industrielles et commerciales ou agricoles imposées d'après leur bénéfice réel (...) peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt au titre des dépenses de recherche qu'elles exposent au cours de l'année. Le taux du crédit d'impôt est de 30 % pour la fraction des dépenses de recherche inférieure ou égale à 100 millions d'euros et de 5 % pour la fraction des dépenses de recherche supérieure à ce montant (...) " ; que, selon l'article 49 septies F de l'annexe III au code général des impôts, sont considérées comme des opérations de recherche scientifique et technique, outre les activités ayant un caractère de recherche fondamentale ou de recherche appliquée, les activités : " ayant le caractère d'opérations de développement expérimental effectuées, au moyen de prototypes ou d'installations pilotes, dans le but de réunir toutes les informations nécessaires pour fournir les éléments techniques des décisions, en vue de la production de nouveaux matériaux, dispositifs, produits, procédés, systèmes, services ou en vue de leur amélioration substantielle. Par amélioration substantielle, on entend les modifications qui ne découlent pas d'une simple utilisation de l'état des techniques existantes et qui présentent un caractère de nouveauté " ;

6. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 45 B du livre des procédures fiscales : " La réalité de l'affectation à la recherche des dépenses prises en compte pour la détermination du crédit d'impôt défini à l'article 244 quater B du code général des impôts peut, sans préjudice des pouvoirs de contrôle de l'administration des impôts qui demeure seule compétente pour l'application des procédures de rectification, être vérifiée par les agents du ministère chargé de la recherche et de la technologie (...) " et qu'aux termes de l'article R. 45 B-1 du même livre : " La réalité de l'affectation à la recherche des dépenses prises en compte pour la détermination du crédit d'impôt mentionné à l'article L. 45 B peut être vérifiée soit par des agents dûment mandatés par le directeur de la technologie, soit par les délégués régionaux à la recherche et à la technologie ou par des agents dûment mandatés par ces derniers (...) " ;

7. Considérant que, sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve au contribuable, il appartient au juge de l'impôt, au vu de l'instruction et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si des dépenses sont éligibles au dispositif du crédit d'impôt prévu par les dispositions précitées du code général des impôts ; qu'ainsi, pour apprécier si les dépenses en litige ouvrent droit au bénéfice du crédit d'impôt recherche, il y a lieu d'examiner en l'espèce, au vu des documents que la SAS Laboratoire a produits, et alors même que ceux-ci n'auraient pas été examinés par les agents du ministère chargé de la recherche et de la technologie, si les opérations réalisées par cette société constituent, ainsi qu'elle le soutient, des opérations de développement expérimental présentant un caractère de nouveauté au sens de l'article 49 septies F de l'annexe III au code général des impôts ;

8. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du " dossier de justification technique des crédits d'impôt recherche 2006-2007-2008 " produit par la SAS Laboratoire en annexe à son second mémoire en défense enregistré le 10 avril 2013 devant la Cour, que ces opérations consistent, d'une part, dans le développement d'une chaîne automatisée d'analyse des terres, et, d'autre part, dans le développement de nouvelles formes de diagnostics de la qualité des terres agricoles, grâce à l'adoption d'une nouvelle méthodologie d'analyse de la granulométrie des sols, à l'étude de nouveaux indicateurs de la qualité des sols (biomasse microbienne) et au développement d'une nouvelle méthode de quantification du carbone et de l'azote du sol par la spectrométrie en approche infrarouge ; que ces opérations, fondées sur l'étude préalable de l'état des techniques existantes et le constat que celles-ci n'apportaient pas de solutions permettant de surmonter les difficultés auxquelles l'entreprise se heurtait pour mener à bien son projet et atteindre ses objectifs, ont permis de dissiper certaines incertitudes techniques et ont donné lieu à la conception de prototypes ainsi qu'à la définition de nouveaux procédés, parfois accompagnées du dépôt de brevets ; que, dans ces conditions, ces opérations, qui ne se sont pas bornées à utiliser où à adapter des techniques existantes mais ont nécessité l'usage de procédés originaux, doivent être regardées comme présentant un caractère de nouveauté au sens de l'article 49 septies F de l'annexe III au code général des impôts ; que, par suite, et alors que le ministre ne conteste plus que les dépenses de personnel que l'administration fiscale a exclues de l'assiette du crédit d'impôt recherche correspondent à la rémunération de chercheurs et de techniciens, les dépenses en litige ouvraient droit au bénéficie d'un crédit d'impôt au titre des dépenses de recherche des années 2006, 2007 et 2008 ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre de l'économie, des finances et du commerce extérieur n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a fait droit à la demande de la SAS Laboratoire ;

Sur les dépens :

10. Considérant qu'aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. / Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties (...) " ;

11. Considérant qu'aucun dépens n'a été exposé au cours de l'instance ; que les conclusions présentées à ce titre par la SAS Laboratoire ne peuvent donc qu'être rejetées ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la SAS Laboratoire et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le recours du ministre de l'économie, des finances et du commerce extérieur est rejeté.

Article 2 : L'Etat versera à la SAS Laboratoire une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la SAS Laboratoire est rejeté.

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N° 12PA02428


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 12PA02428
Date de la décision : 06/06/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-01-08-01-01 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Bénéfices industriels et commerciaux. Calcul de l'impôt.


Composition du Tribunal
Président : Mme DRIENCOURT
Rapporteur ?: M. Olivier COUVERT-CASTERA
Rapporteur public ?: M. BOISSY
Avocat(s) : VACCARO

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2014-06-06;12pa02428 ?
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