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22/05/2014 | FRANCE | N°13PA00426

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3 ème chambre, 22 mai 2014, 13PA00426


Vu la requête, enregistrée le 1er février 2013, présentée pour M. F... H...D..., Mme A... G...épouse D...et Melle KristinaD..., demeurant..., par la SCP Akpr ; M. H...D...et autres demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1000314/1 du 28 décembre 2012 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté leur demande tendant à la condamnation de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris à leur verser une somme de 120 000 euros en réparation des préjudices que leur a causé le décès de Mme C...D... épouseB... ;

2°) de condamner l'Assistance publique-H

pitaux de Paris à leur verser une somme de 40 000 euros chacun, soit une somme d...

Vu la requête, enregistrée le 1er février 2013, présentée pour M. F... H...D..., Mme A... G...épouse D...et Melle KristinaD..., demeurant..., par la SCP Akpr ; M. H...D...et autres demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1000314/1 du 28 décembre 2012 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté leur demande tendant à la condamnation de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris à leur verser une somme de 120 000 euros en réparation des préjudices que leur a causé le décès de Mme C...D... épouseB... ;

2°) de condamner l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris à leur verser une somme de 40 000 euros chacun, soit une somme de 120 000 euros en réparation des préjudices que leur a causé le décès de Mme C...D... épouseB... ;

3°) de mettre à la charge de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 29 avril 2014 :

- le rapport de Mme Chavrier, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Macaud, rapporteur public,

- et les observations de Me Goineau, avocat de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris ;

1. Considérant que Mme C...D...épouse B...a été conduite une première fois au service des urgences de l'Hôpital Henri Mondor à Créteil le 19 août 2005 au matin, en raison de son état psychologique et au motif qu'elle avait absorbé des barbituriques le 18 août 2005 ; qu'après examen, elle a été autorisée à sortir immédiatement ; que le même jour, de retour à son domicile, elle a, de nouveau, absorbé une dose importante de médicaments et de l'alcool ; que, sur avis de son médecin traitant, demandant son hospitalisation en urgence, elle a été conduite, le 19 août dans l'après-midi, au service des urgences de l'Hôpital Henri Mondor, où elle a été hospitalisée pour la nuit ; qu'à la suite d'un examen médical le 20 août, le psychiatre des urgences a estimé que son état ne nécessitait pas d'hospitalisation et l'a autorisée à rentrer à son domicile sous la surveillance de sa soeur ; que Mme D...épouse B...est décédée, le 20 août 2005 après-midi, des suites de sa défénestration à son domicile ; que M. et Mme H... -D... en leur qualité de parents, et Mlle E...D..., en sa qualité de soeur, ont saisi le Tribunal administratif de Melun pour obtenir la condamnation de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris dont dépend l'Hôpital Henri Mondor à leur verser une somme de 40 000 euros chacun, au titre du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence qu'ils ont subis en raison du décès de Mme D...épouseB... ; que, par un jugement en date du 28 décembre 2012, le Tribunal administratif de Melun a rejeté leur demande ; que les consorts H...-D... relèvent régulièrement appel de ce jugement ;

Sur la responsabilité de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique, dans sa rédaction issue de la loi du 9 août 2004 : " I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute (...) " ;

3. Considérant que, si l'expert désigné dans le cadre de la procédure pénale, le Docteur Lopez, a indiqué, dans les conclusions de son rapport en date du 24 avril 2009, que le médecin psychiatre des urgences avait pris une décision conforme aux normes et règles de l'art, il a assorti son analyse d'une réserve importante en relevant que ledit médecin n'avait pas " suffisamment pris en compte le diagnostic de risque suicidaire du Dr SINILIE " ; qu'en effet, le Docteur Sinilie, médecin traitant de Natacha D...épouse B...a rédigé, le 19 août 2005, une lettre dans laquelle elle revenait sur les antécédents suicidaires et les grandes difficultés personnelles de sa patiente pour en conclure qu'il était impératif de l'hospitaliser pour prévenir tout autre passage à l'acte ; que, le compte rendu d'hospitalisation rédigé par le Docteur Renaud fait état d'une " intoxication médicamenteuse volontaire à répétition dans un contexte de dépression sévère avec idées suicidaires " pour décrire le contexte dans lequel Natacha D...épouse B...a été admise à l'hôpital le 19 août 2005 dans l'après-midi ; que, dans ces circonstances, en décidant de la laisser sortir de l'hôpital dès le lendemain et en estimant qu'elle pouvait être confiée à la seule surveillance de sa jeune soeur qui ne disposait d'aucune formation particulière pour gérer ce type de crise, le centre hospitalier Henri-Mondor a commis une faute de nature à engager sa responsabilité ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les requérants sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté leurs conclusions tendant à la condamnation de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris à les indemniser ;

5. Considérant qu'il appartient à la cour administrative d'appel, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, de statuer sur les conclusions indemnitaires présentées par les consorts H...-D... ;

Sur le préjudice :

6. Considérant que, dans le cas où la faute commise lors de la prise en charge ou du traitement d'un patient dans un établissement public hospitalier a compromis ses chances d'obtenir une amélioration de son état de santé ou d'échapper à son aggravation, le préjudice résultant directement de la faute commise par l'établissement et qui doit être intégralement réparé n'est pas le dommage corporel constaté, mais la perte de chance d'éviter que ce dommage soit advenu ; que, la réparation qui incombe à l'hôpital doit alors être évaluée à une fraction du dommage corporel déterminée en fonction de l'ampleur de la chance perdue ;

7. Considérant qu'en laissant sortir Mme D...épouse B...sous la responsabilité de sa jeune soeur dès le 20 août 2005 alors même qu'elle avait effectué deux tentatives de suicide les 18 et 19 août 2005 et que la gravité de son état avait été décrit par son médecin traitant ainsi que par le médecin ayant procédé à son hospitalisation pour la nuit du 19 août 2005, le centre hospitalier Henri-Mondor a commis une faute à l'origine d'une perte de chance pour Mme D... épouse B...de se soustraire au risque qui s'est réalisé de mettre fin à ses jours ; que, la réparation du dommage résultant de cette perte de chance doit être fixée à une fraction des différents chefs de préjudices subis ; que, compte tenu des circonstances particulières de l'espèce, et notamment du fait qu'il ne peut être tenu pour certain que, même en présence d'une prise en charge exempte de faute, Mme D...épouse B...aurait échappé au risque de suicide inhérent à son état, cette fraction doit être fixée à 90% ;

8. Considérant que dans les circonstances de l'espèce, le préjudice moral subi par les parents de Mme D...épouse B...doit être évalué à la somme de 20 000 euros pour chacun ; que le préjudice moral subi par Mlle E...D...doit être évalué à la somme de 20 000 euros compte tenu de ce que Mme D...épouse B...s'est défénestrée lorsqu'elle a été placée, à tort, sous la surveillance de sa jeune soeur qui doit, par conséquent, faire face à un sentiment très profond de culpabilité alors même qu'elle ne peut être, en aucune manière, tenue responsable de cette tragique perte ; que, compte tenu du pourcentage de perte de chance retenu au ...euros ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant qu'il y a lieu, à ce titre, de mettre à la charge de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris une somme de 2 000 euros à verser aux consorts H...-D... ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Melun en date du 28 décembre 2012 est annulé.

Article 2 : L'Assistance publique-Hôpitaux de Paris est condamnée à verser la somme de 18 000 euros à M. H...D..., la somme de 18 000 euros à Mme G...épouse D...et la somme de 18 000 euros à MlleD....

Article 3 : L'Assistance publique-Hôpitaux de Paris versera la somme globale de 2 000 euros aux consorts H...-D... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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N° 10PA03855

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N° 13PA00426


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3 ème chambre
Numéro d'arrêt : 13PA00426
Date de la décision : 22/05/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. MOREAU
Rapporteur ?: Mme Anne Laure CHAVRIER
Rapporteur public ?: Mme MACAUD
Avocat(s) : SCP AKPR

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2014-05-22;13pa00426 ?
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