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12/05/2014 | FRANCE | N°12PA02470

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 6ème chambre, 12 mai 2014, 12PA02470


Vu la requête, enregistrée le 8 juin 2012 sous forme de télécopie régularisée le 13 juin suivant, et le mémoire complémentaire, enregistré le 23 juillet 2012, présentés pour la région Lorraine, représentée par le président du conseil régional, par MeA... ; la région Lorraine demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°1014431/7-1 du 3 avril 2012 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision du

16 novembre 2009 par laquelle le ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement

durable et de la mer a rejeté sa demande de révision de la compensation financière a...

Vu la requête, enregistrée le 8 juin 2012 sous forme de télécopie régularisée le 13 juin suivant, et le mémoire complémentaire, enregistré le 23 juillet 2012, présentés pour la région Lorraine, représentée par le président du conseil régional, par MeA... ; la région Lorraine demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°1014431/7-1 du 3 avril 2012 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision du

16 novembre 2009 par laquelle le ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer a rejeté sa demande de révision de la compensation financière au titre des services régionaux de voyageurs, à la suite de la réforme du régime spécial de retraite des agents de la Société nationale des chemins de fer français (SNCF), à l'annulation de la décision implicite de rejet née le 19 mai 2010 du silence gardé par le ministre sur sa nouvelle demande du

19 mars 2010, ainsi que de celle du 1er juin 2010 ayant le même objet, d'autre part, à ce qu'il soit enjoint à l'Etat de prendre une nouvelle décision, conforme aux dispositions législatives et réglementaires en vigueur, dans un délai d'un mois, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

2°) d'annuler ces décisions ;

3°) d'enjoindre à l'Etat de prendre une nouvelle décision conforme aux dispositions législatives et réglementaires en vigueur dans un délai d'un mois, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code des transports ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 28 avril 2014 :

- le rapport de M. Auvray, président-assesseur ;

- les conclusions de M. Dewailly, rapporteur public ;

- et les observations de Me B...de la SELARL Parme avocats, pour la région Lorraine ;

1. Considérant que l'article 124 de la loi du 13 décembre 2000, désormais codifié à l'article L. 2121-3 du code des transports, a transféré aux régions l'organisation et le financement des services ferroviaires de voyageurs et des services routiers de substitution ; que, conformément au décret du 27 novembre 2001, qui prévoyait que les rapports entre les régions et la Société nationale des chemins de fer français (SNCF) seraient organisés par des conventions relatives à l'exploitation du service public ferroviaire de transport régional de voyageurs, la région Lorraine et la SNCF ont conclu une telle convention, dite " TER ", au mois de juillet 2007, valable jusqu'en 2016 ; que, postérieurement à la signature de cette convention, l'Etat a engagé une réforme du régime spécial de retraite des agents de la SNCF consistant, notamment, à porter de 150 à 160 trimestres la durée de cotisation pour bénéficier du taux plein ; que, dans les décomptes définitifs relatifs aux exercices 2008 à 2010 qu'elle a adressés à la région Lorraine, la SNCF a intégré l'intégralité des coûts résultant de la réforme du régime de retraite de ses agents ; que la région appelante, qui a constaté que ces coûts n'étaient pas pris en compte par les dotations que lui avait allouées l'Etat, a alors vainement demandé au ministre compétent de compenser ces charges nouvelles ; que la région Lorraine relève appel du jugement du

3 avril 2012 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation des décisions par lesquelles l'autorité ministérielle a refusé de faire droit à ses demandes ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant que la région Lorraine soutient que le jugement attaqué est insuffisamment motivé pour ne pas exposer les raisons pour lesquelles il a estimé que " la réforme du régime spécial de retraite des agents de la SNCF ne modifie pas le régime du transport ferroviaire régional et ne modifie aucune norme s'imposant à la région par la référence qu'y feraient des dispositions propres au transfert de la compétence transport " ; que, dans la mesure où ce considérant intervient après celui aux termes duquel les premiers juges ont relevé que " les travaux parlementaires reflètent la volonté du législateur de compenser intégralement l'incidence financière sur les charges transférées de toute disposition législative ou réglementaire, et non des seules dispositions spécifiques aux transports ", la région Lorraine est fondée à soutenir que le jugement attaqué est entaché d'irrégularité pour insuffisance de motivation ; que, par suite, le jugement attaqué doit, de ce seul chef, être annulé ;

3. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les demandes présentées par la région Lorraine devant le tribunal administratif ;

Sur la légalité des décisions ministérielles :

4. Considérant, d'une part, qu'ainsi qu'en dispose le 1er alinéa de l'article L. 1614-8-1 du code général des collectivités territoriales, les charges transférées aux régions du fait du transfert de compétences, prévu à par l'article 21-1 de la loi du 30 décembre 1982 d'orientation des transports intérieurs, sont compensées dans les conditions fixées par les articles L. 1614-4 à

L. 1614-3, sous réserve des dispositions spéciales introduites par l'article L. 1614-8-1 lui-même ; que le neuvième alinéa de cet article L. 1614-8-1 dispose que : " Toute disposition législative ou réglementaire ayant une incidence financière sur les charges transférées en application de l'article 21-1 de la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 donne lieu à révision dans les conditions prévues aux articles L. 1614-1 à L. 1614-3. Cette révision a pour objet de compenser intégralement la charge supplémentaire pour la région résultant de ces dispositions " ; que l'article L. 1614-1 de ce code dispose : " Tout accroissement net de charges résultant des transferts de compétences effectués entre l'Etat et les collectivités territoriales est accompagné du transfert concomitant par l'Etat aux collectivités territoriales (...) des ressources nécessaires à l'exercice normal de ces compétences. Ces ressources sont équivalentes aux dépenses effectuées, à la date du transfert, par l'Etat au titre des compétences transférées et évoluent chaque année, dès la première année, comme la dotation globale de fonctionnement. Elles assurent la compensation intégrale des charges transférées (...) " ; qu'aux termes de l'article

L. 1614-2 du même code : " Les charges correspondant à l'exercice des compétences transférées font l'objet d'une évaluation préalable au transfert desdites compétences. Toute charge nouvelle incombant aux collectivités territoriales du fait de la modification par l'Etat, par voie réglementaire, des règles relatives à l'exercice des compétences transférées est compensée dans les conditions prévues à l'article L. 1614-1. Toutefois, cette compensation n'intervient que pour la partie de la charge qui n'est pas déjà compensée par l'accroissement de la dotation globale de décentralisation mentionnée à l'article L. 1614-1 " ;

5. Considérant qu'il résulte des termes mêmes de l'article L. 1614-8-1 que le droit à compensation intégrale de la charge supplémentaire, pour la région, résultant de toute disposition législative ou réglementaire ayant une incidence financière sur les charges qui lui ont été transférées, à compter du 1er janvier 2002, du fait du transfert des compétences en matière de services ferroviaires régionaux de voyageurs et de services routiers effectués en substitution des services ferroviaires, s'exerce conformément aux conditions de mise en oeuvre fixées par les articles L. 1614-1 à L. 1614-3 du code général des collectivités territoriales, auxquels elles renvoient expressément ; que, par suite, ce droit ne trouve à s'appliquer que si la disposition législative ou réglementaire a pour objet, en droit ou en fait, de modifier le régime du service transféré ou modifie des normes qui ne s'imposent à la collectivité territoriale compétente que par la référence qu'y font des dispositions propres à ce service ou à cette prestation, et que ce droit à compensation ne trouve pas, en revanche, à s'appliquer si les charges résultant de dispositions ont un objet autre que celui qui a été défini ci-avant, alors même que l'application de ces dispositions ne seraient pas sans incidence sur le coût du service public transféré ;

6. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 21-4 de la loi d'orientation des transports intérieurs du 30 décembre 1982, désormais codifié à l'article L. 2121-4 du code des transports : " Une convention passée entre chaque région et la Société nationale des chemins de fer français fixe les conditions d'exploitation et de financement des services ferroviaires relevant de la compétence régionale. Le contenu de la convention et les modalités de règlement des litiges entre les régions et la Société nationale des chemins de fer français sont précisés par décret en Conseil d'Etat " ;

7. Considérant, en premier lieu, que, si la région Lorraine relève que le surcoût litigieux, induit par la réforme du régime spécial de retraite des agents de la SNCF, constitue une mesure de portée générale qui s'impose de plein droit à la SNCF et pèse ainsi sur l'exploitant du service public de transport ferroviaire régional de voyageurs, non seulement une telle réforme ne peut être regardée comme ayant pour objet, en droit ou en fait, soit de modifier par elle-même le régime du service ferroviaire en cause, soit de modifier des normes qui ne s'imposent à la collectivité compétente que par la référence qu'y font des dispositions propres à ce service, mais encore il ressort des pièces du dossier que la charge nouvelle, dont la région Lorraine demande la compensation à l'Etat, procède, en réalité, des mesures salariales adoptées par la SNCF à la suite des accords collectifs conclus les 16 mai et 6 juin 2008, pour accompagner la réforme du régime spécial de retraite, et que l'Etat n'a fait qu'homologuer ces mesures salariales ; que, dès lors, en application du principe dégagé au point n° 2 dont, contrairement à ce que soutient la région Lorraine, la portée n'est pas remise en cause par l'interprétation donnée de l'article 72-2 de la Constitution par le Conseil constitutionnel qui, dans sa décision 2004-509 du 13 janvier 2005, subordonne le droit à compensation à la condition que la compétence transférée soit étendue, le surcoût en cause n'entre pas dans les prévisions de l'article L. 1614-8-1 du code général des collectivités territoriales et ne peut, par suite, ouvrir droit à compensation par l'Etat au profit de la région Lorraine ;

8. Considérant, en deuxième lieu, que la circonstance que l'Etat ne garantirait plus l'équilibre du régime spécial de retraite de la SNCF est sans incidence sur la légalité des décisions ministérielles contestées ; qu'au surplus, ce régime est, depuis le 30 juin 2007, géré par une caisse de sécurité sociale autonome qui bénéficie d'une subvention du budget de l'Etat ;

9. Considérant, en dernier lieu, que, si la région Lorraine invoque un moyen tiré de ce que les décisions ministérielles contestées seraient entachées d'une erreur de calcul, l'intéressée n'assortit pas ce moyen des précisions permettant à la Cour d'en apprécier le bien-fondé, en se bornant à faire état d'une sous-évaluation manifeste du montant de la compensation ;

10. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation, n'implique aucune mesure d'exécution ; qu'il suit de là que ne peuvent qu'être rejetées les conclusions à fin d'injonction formulées par la région Lorraine ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, en la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la région Lorraine demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1014431/7-1 du 3 avril 2012 est annulé.

Article 2 : Les demandes présentées par la région Lorraine devant le Tribunal administratif de Paris et ses conclusions d'appel tendant au bénéfice de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

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N° 12PA02470


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 12PA02470
Date de la décision : 12/05/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

135-01-07-03 Collectivités territoriales. Dispositions générales. Dispositions financières. Compensation des transferts de compétences.


Composition du Tribunal
Président : Mme HERBELIN
Rapporteur ?: M. Brice AUVRAY
Rapporteur public ?: M. DEWAILLY
Avocat(s) : SELARL PARME AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2014-05-12;12pa02470 ?
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