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30/04/2014 | FRANCE | N°13PA02903

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 30 avril 2014, 13PA02903


Vu la requête, enregistrée le 25 juillet 2013, présentée pour la société Formascene, dont le siège social est sis 17 ZA des Prés Boucher à Dammartin en Goele (77230), par la société d'avocats Fidal ; la société Formascene demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1102638/1 du 28 juin 2013 du Tribunal administratif de Melun en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation des articles 2 et 3 de la décision

n° 34/10 du 18 août 2010 par laquelle le préfet de la région Ile-de-France lui a ordonné de verser au Trésor public la somme de 124 353,

64 euros au titre de dépenses non justifiées en application de l'article L. 6362-5 d...

Vu la requête, enregistrée le 25 juillet 2013, présentée pour la société Formascene, dont le siège social est sis 17 ZA des Prés Boucher à Dammartin en Goele (77230), par la société d'avocats Fidal ; la société Formascene demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1102638/1 du 28 juin 2013 du Tribunal administratif de Melun en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation des articles 2 et 3 de la décision

n° 34/10 du 18 août 2010 par laquelle le préfet de la région Ile-de-France lui a ordonné de verser au Trésor public la somme de 124 353,64 euros au titre de dépenses non justifiées en application de l'article L. 6362-5 du code du travail et a annulé le numéro d'enregistrement de sa déclaration d'activité en application de l'article L. 6351-4 du code du travail ;

2°) d'annuler cette décision ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 avril 2014 :

- le rapport de M. Romnicianu, premier conseiller,

- les conclusions de M. Ladreyt, rapporteur public,

- et les observations de la société Formascene ;

1. Considérant que la société Formascene, qui dispense des formations professionnelles, a fait l'objet d'un contrôle de son activité au titre des exercices 2007 et 2008 ; que, à la suite de ce contrôle, et à l'issue d'une procédure contradictoire, le préfet de la région Ile-de-France a, par une décision du 18 août 2010, notifiée le 9 septembre 2010, ordonné à la société, d'une part, de rembourser à ses cocontractants la somme totale de 109 636 euros en application de l'article

L. 6354-1 du code du travail, d'autre part, de verser au Trésor public la somme de 109 636 euros au titre des manoeuvres frauduleuses et la somme de 124 353,64 euros au titre de dépenses non justifiées en application des articles L. 6354-2 et L. 6362-5 du code du travail et, enfin, a annulé le numéro d'enregistrement de sa déclaration d'activité en application de l'article L. 6351-4 du code du travail ; que, conformément aux dispositions de l'article R. 6362-6 du code du travail, la société Formascene a formé une réclamation préalable à l'encontre de cette décision par courrier réceptionné par l'administration le 8 novembre 2010 ; que l'administration a implicitement rejeté cette réclamation ; que la société requérante a sollicité l'annulation de la décision initiale du préfet de la région Ile-de-France en date du 18 août 2010 ; que, par un jugement en date du

28 juin 2013, le Tribunal administratif de Melun a prononcé l'annulation de cette décision en tant qu'elle ordonne à la société Formascene le remboursement à ses cocontractants de la somme de 109 636 euros et en tant qu'elle lui ordonne de verser au Trésor public la même somme de 109 636 euros ; que la société Formascene en relève appel en tant que le tribunal n'a pas également annulé les articles 2 et 3 de la décision qui lui imposent le versement de la somme de 124 353,64 euros au titre de dépenses non justifiées ; que le préfet de la région Ile de France, à titre incident, en demande l'annulation en tant que le tribunal a estimé recevable la demande de première instance de la société dirigée contre la décision expresse du 18 août 2010 ;

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 6362-4 du code du travail : "La décision du ministre chargé de la formation professionnelle ou du préfet de région ne peut être prise qu'au vu des observations écrites et après audition, le cas échéant, de l'intéressé, à moins qu'aucun document ni aucune demande d'audition n'aient été présentés avant l'expiration du délai prévu à l'article R. 6362-3. La décision est motivée et notifiée à l'intéressé." ; qu'aux termes de l'article R. 6362-6 de ce même code : "L'intéressé qui entend contester la décision administrative qui lui a été notifiée en application de l'article R. 6362-4, saisit d'une réclamation, préalablement à tout recours pour excès de pouvoir, l'autorité qui a pris la décision. Le rejet total ou partiel de la réclamation fait l'objet d'une décision motivée notifiée à l'intéressé." ;

3. Considérant que, s'il est saisi de conclusions tendant à l'annulation d'une décision qui ne peut donner lieu à un recours devant le juge de l'excès de pouvoir qu'après l'exercice d'un recours administratif préalable et si le requérant indique, de sa propre initiative ou le cas échéant à la demande du juge, avoir exercé ce recours et, le cas échéant après que le juge l'y ait invité, produit la preuve de l'exercice de ce recours ainsi que, s'il en a été pris une, la décision à laquelle il a donné lieu, le juge de l'excès de pouvoir doit regarder les conclusions dirigées formellement contre la décision initiale comme tendant à l'annulation de la décision, née de l'exercice du recours, qui s'y est substituée ;

4. Considérant que c'est à tort que le Tribunal administratif de Melun n'a pas regardé les conclusions dirigées formellement contre la décision initiale du 18 août 2010 comme tendant à l'annulation de la décision implicite, née de l'exercice du recours préalable obligatoire institué par l'article R. 6362-6 précité, qui s'y est substituée ; que le jugement attaqué ne peut qu'être annulé ;

5. Considérant qu'il appartient en conséquence à la Cour administrative d'appel, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, de statuer sur la demande présentée par la société Formascene devant le Tribunal administratif de Melun en la regardant comme dirigée contre la décision implicite de rejet de son recours administratif et d'examiner l'ensemble des moyens soulevés en première instance et en appel par la société Formascene ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la demande :

En ce qui concerne le remboursement de la somme de 109 636 euros aux cocontractants de la société requérante au titre des formations non exécutées :

6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 6361-2 du code du travail : " L'Etat exerce un contrôle administratif et financier sur : 1° Les activités en matière de formation professionnelle continue conduites par : (...) ; c) Les organismes de formation et leurs sous-traitants ; (...)" ; qu'aux termes de l'article L. 6361-3 du même code : " Le contrôle administratif et financier des dépenses et activités de formation porte sur l'ensemble des moyens financiers, techniques et pédagogiques, à l'exclusion des qualités pédagogiques, mis en oeuvre pour la formation professionnelle continue. Ce contrôle peut porter sur tout ou partie de l'activité, des actions de formation ou des dépenses de l'organisme. " ; qu'aux termes de l'article L. 6362-5 du même code : " Les organismes mentionnés à l'article L. 6361-2 sont tenus, à l'égard des agents de contrôle mentionnés à l'article L. 6361-5 : 1° De présenter les documents et pièces établissant l'origine des produits et des fonds reçus ainsi que la nature et la réalité des dépenses exposées pour l'exercice des activités conduites en matière de formation professionnelle continue ; 2° De justifier le rattachement et le bien-fondé de ces dépenses à leurs activités ainsi que la conformité de l'utilisation des fonds aux dispositions légales régissant ces activités. A défaut de remplir ces conditions, les organismes font, pour les dépenses considérées, l'objet de la décision de rejet prévue à l'article L. 6362-10. " ; qu'aux termes de l'article

L. 6362-6 du code du travail : " Les organismes prestataires d'actions de formation entrant dans le champ de la formation professionnelle continue au sens de l'article L. 6313-1 présentent tous documents et pièces établissant la réalité de ces actions. A défaut, celles-ci sont réputées ne pas avoir été exécutées et donnent lieu à remboursement au cocontractant des sommes perçues conformément à l'article L. 6354-1. " ; qu'aux termes de l'article L. 6362-7 dudit code : " Les organismes prestataires d'actions de formation entrant dans le champ de la formation professionnelle continue au sens de l'article L. 6313-1 versent au Trésor public, solidairement avec leurs dirigeants de fait ou de droit, une somme égale au montant des dépenses ayant fait l'objet d'une décision de rejet en application de l'article L. 6362-10. " ; qu'aux termes de l'article L. 6362-8 de ce code : " Les contrôles en matière de formation professionnelle continue peuvent être opérés soit sur place, soit sur pièces. " ; et qu'aux termes de l'article R. 6362-3 du même code : " Les résultats des contrôles prévus aux articles L. 6361-1 à L. 6361-3 sont notifiés à l'intéressé avec l'indication du délai dont il dispose pour présenter des observations écrites et demander, le cas échéant, à être entendu. Ce délai ne peut être inférieur à trente jours à compter de la date de la notification. " ;

7. Considérant qu'aux termes de l'article L. 6362-6 du code du travail : " Les organismes prestataires d'actions de formation entrant dans le champ de la formation professionnelle continue au sens de l'article L. 6313-1 présentent tous documents et pièces établissant la réalité de ces actions. A défaut, celles-ci sont réputées ne pas avoir été exécutées et donnent lieu à remboursement au cocontractant des sommes perçues conformément à l'article L. 6354-1. " ; et qu'aux termes de l'article L. 6354-1 de ce code : " En cas d'inexécution totale ou partielle d'une prestation de formation, l'organisme prestataire rembourse au cocontractant les sommes indûment perçues de ce fait. " ; qu'il résulte de ces dispositions qu'il appartient à l'administration d'apprécier, au regard des pièces produites par la société, sur laquelle pèse la charge de la preuve, et sous le contrôle du juge, la réalité des activités conduites en matière de formation professionnelle continue au regard des dispositions combinées des articles L. 6362-5 et L. 6362-6 précités du code du travail ;

8. Considérant que, par la décision contestée, le préfet de la région Ile-de-France a prescrit à la société requérante de reverser à ses cocontractants, la somme globale de

109 636 euros correspondant aux formations considérées comme réputées ne pas avoir été exécutées, d'une part, au motif de l'inadaptation des locaux utilisés par la société et en raison de leur destination à usage exclusif d'habitation et, d'autre part, au motif que la requérante ne justifiait pas de ce que les formateurs seraient intervenus dans des conditions régulières tant au regard de la législation du travail qu'au regard de leurs obligations sociales, fiscales ou comptables ;

9. Considérant que les dispositions précitées du code du travail n'autorisent pas l'administration à porter une appréciation sur les conditions dans lesquelles les formations se sont déroulées sauf à considérer que les irrégularités sont de nature à faire regarder des formations comme n'ayant pas eu lieu ; que les irrégularités relevées lors du contrôle ne sont pas de nature à faire regarder les formations comme n'ayant pas été exécutées ; qu'il ne ressort pas des termes de la décision que le préfet ait entendu se fonder également sur l'absence de justificatifs relatifs à la réalisation des formations en cause ; que la société Formascene soutient, sans être utilement contredite, avoir fourni tous les justificatifs relatifs à leur exécution ; que dans ces conditions, les motifs retenus par l'administration ne pouvaient la conduire à considérer les prestations de formation comme non réellement exécutées et à prescrire leur remboursement aux cocontractants de la société requérante ; que, par suite, la décision ordonnant à la société requérante de reverser à ses cocontractants, la somme globale de 109 636 euros, est entachée d'une erreur de droit ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Formascene est fondée à soutenir que la décision s'étant implicitement substituée à la décision préfectorale du

18 août 2010 est illégale en tant qu'elle ordonne le remboursement à ses cocontractants d'une somme de 109 636 euros ;

En ce qui concerne le versement de la somme de 109 636 euros au Trésor public au titre des manoeuvres frauduleuses :

11. Considérant qu'aux termes de l'article L. 6354-2 du code du travail : " En cas de manoeuvres frauduleuses relatives à l'exécution d'une prestation de formation, le ou les contractants sont assujettis à un versement d'égal montant de cette prestation au profit du Trésor public. " ; qu'aux termes de l'article L. 6363-7-2 du code du travail : " Tout employeur ou prestataire de formation qui établit ou utilise intentionnellement des documents de nature à éluder l'une de ses obligations en matière de formation professionnelle ou à obtenir indûment le versement d'une aide, le paiement ou la prise en charge de tout ou partie du prix des prestations de formation professionnelle est tenu, par décision de l'autorité administrative, solidairement avec ses dirigeants de fait ou de droit, de verser au Trésor public une somme égale aux montants imputés à tort sur l'obligation en matière de formation ou indûment reçus " ;

12. Considérant que le présent arrêt annule la décision du préfet en tant qu'elle ordonne à la société Formascene le remboursement à ses cocontractants d'une somme de 109 636 euros ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que les formations délivrées par la société requérante n'auraient pas eu lieu ; que les manoeuvres frauduleuses ne sont pas établies par le préfet de la région Ile-de-France ; que, par suite, la décision du préfet mettant à la charge de la requérante le versement au Trésor public de la même somme de 109 636 euros sur le fondement des dispositions précitées du code du travail doit être annulée ;

En ce qui concerne le versement au Trésor public de la somme de 124 353,64 euros au titre du rejet des dépenses non rattachables à l'activité de dispensateur de formation :

13. Considérant qu'aux termes de l'article L. 6362-7 du code du travail : " Les organismes prestataires d'actions de formation entrant dans le champ de la formation professionnelle continue au sens de l'article L. 6313-1 versent au Trésor public, solidairement avec leurs dirigeants de fait ou de droit, une somme égale au montant des dépenses ayant fait l'objet d'une décision de rejet en application de l'article L. 6362-10. " ; et qu'aux termes de l'article R. 6353-1 de ce code : " Les conventions, les bons de commande ou factures mentionnés à l'article L. 6353-2 précisent : 1° L'intitulé, la nature, la durée, les effectifs, les modalités du déroulement et de sanction de la formation ; 2° Le prix et les contributions financières éventuelles de personnes publiques. " ;

14. Considérant que, par la décision contestée, le préfet de la région Ile-de-France a rejeté des dépenses qui s'élèvent à un montant global de 124 353,64 euros, à défaut pour la société requérante de justifier de leur rattachement à ses activités de formation, en application des dispositions précitées de l'article L. 6362-5 du code du travail ; qu'en vertu des dispositions de l'article L. 6362-7 du même code, il a prescrit le versement de ce montant au Trésor public ;

15. Considérant, toutefois, que, pour chaque dépense que l'administration et le tribunal administratif ont jugée non rattachable à l'activité de dispensateur de formation, la société requérante a produit devant la Cour les pièces justificatives propres à établir la réalité et le rattachement desdites dépenses à l'activité de formation professionnelle, ainsi que le bien-fondé de ces dépenses ; qu'il s'ensuit que, eu égard à ces éléments, la société Formascene est fondée à soutenir que c'est à tort que le préfet a rejeté ces dépenses comme étant non rattachables à des actions de formation ;

En ce qui concerne l'annulation du numéro d'enregistrement de la déclaration d'activité de la SARL Formascene :

16. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Formascene est fondée à soutenir que c'est à tort que le préfet a annulé le numéro d'enregistrement de sa déclaration d'activité ;

17. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Formascene est fondée à solliciter l'annulation de la décision implicite du préfet de la région Ile-de-France qui s'est substituée à la décision du 18 août 2010 ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1102638/1 du 28 juin 2013 du Tribunal administratif de Melun est annulé.

Article 2 : La décision implicite par laquelle le préfet de la région Ile-de-France a rejeté le recours préalable formé par la société Formascene à l'encontre de la décision n° 34/10 du même préfet, en date du 18 août 2010, ordonnant à la société Formascene de rembourser à ses cocontractants les sommes perçues pour un montant total de 109 636 euros en application de l'article L. 6354-1 du code du travail, de verser au Trésor public la somme de 109 636 euros au titre des manoeuvres frauduleuses en application de l'article L. 6363-5 du code du travail, la somme de 124 353,64 euros au titre des dépenses non justifiées en application de l'article

L. 6354-2 du code du travail et supprimant le numéro d'enregistrement de sa déclaration d'activité est annulée.

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N° 13PA02903


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 13PA02903
Date de la décision : 30/04/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme MILLE
Rapporteur ?: M. Michel ROMNICIANU
Rapporteur public ?: M. LADREYT
Avocat(s) : FIDAL PARIS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2014-04-30;13pa02903 ?
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