La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

22/04/2014 | FRANCE | N°13PA03384

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 22 avril 2014, 13PA03384


Vu la requête, enregistrée le 26 août 2013, présentée pour Mme A...B...demeurant..., par MeC... ; Mme B... demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1215673/5-4 du 25 juin 2013 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser les sommes de 77 563,82 euros et 30 000 euros en réparation respectivement du préjudice financier et du préjudice moral résultant de sa " contractualisation " tardive, et à ce qu'il soit enjoint aux ministres chargés de l'économie, des finances, du commerce extérieur et du r

edressement productif de lui verser l'indemnité de résidence qu'elle aur...

Vu la requête, enregistrée le 26 août 2013, présentée pour Mme A...B...demeurant..., par MeC... ; Mme B... demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1215673/5-4 du 25 juin 2013 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser les sommes de 77 563,82 euros et 30 000 euros en réparation respectivement du préjudice financier et du préjudice moral résultant de sa " contractualisation " tardive, et à ce qu'il soit enjoint aux ministres chargés de l'économie, des finances, du commerce extérieur et du redressement productif de lui verser l'indemnité de résidence qu'elle aurait du percevoir depuis son engagement soit le 10 avril 1980 ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser ces sommes ;

3°) de désigner un expert aux fins d'évaluer le montant des préjudices qu'elle n'est pas en mesure de chiffrer précisément à savoir l'absence de congés, l'absence d'indemnité de résidence, la minoration des droits à retraite au régime général de la sécurité sociale et au régime complémentaire des agents contractuels du fait d'une moindre rémunération ;

4°) de mettre à la charge du ministre chargé de l'économie et des finances la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat ;

Vu le décret n° 85-1148 du 24 octobre 1985 modifié relatif à la rémunération des personnels civils et militaires de l'Etat, des personnels des collectivités territoriales et des personnels des établissements publics d'hospitalisation ;

Vu le décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 relatif aux dispositions générales applicables aux agents non titulaires de l'Etat pris pour l'application de l'article 7 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 avril 2014 :

- le rapport de Mme Terrasse, président assesseur,

- et les conclusions de Mme Bonneau-Mathelot, rapporteur public ;

1. Considérant que Mme B...a été recrutée à compter du 10 avril 1980 pour exercer les fonctions de médecin de prévention au profit des services déconcentrés des ministères économiques et financiers à raison d'un certain nombre de vacations hebdomadaires rémunérées selon un taux horaire ; qu'en décembre 2009, Mme B...a signé un contrat à durée indéterminée prenant effet au 15 octobre 2008 ; que, par lettre du 15 mai 2012, elle a demandé au secrétaire général de ces ministères la réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis en raison de son maintien, depuis son recrutement et jusqu'à la date d'entrée en vigueur de son contrat, en situation de vacataire alors qu'elle aurait du bénéficier du statut de contractuel de l'Etat et des avantages de toutes natures en découlant ; que, par lettre du 14 juin 2012, le secrétaire général des ministères économiques et financiers a rejeté cette demande ; que Mme B... fait appel du jugement n° 1215673/5-4 du 25 juin 2013 du Tribunal administratif de Paris en tant que, après avoir reconnu que la responsabilité de l'Etat était engagée en raison de la faute consistant à l'avoir maintenue en situation de vacataire jusqu'au 15 octobre 2008, il a rejeté l'ensemble de ses conclusions indemnitaires ; que, devant la Cour, la requérante demande, au titre des préjudices matériels, la réparation de la perte de rémunération découlant de l'absence de versement du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence, de la perte en résultant pour ses droits à retraite du régime général et du régime complémentaire " Ircantec ", et de l'absence de droits à congés annuels ; qu'au titre du préjudice moral, elle invoque l'absence de statut et la privation de certains droits s'y rapportant ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant que la requérante soutient que le jugement attaqué est insuffisamment motivé s'agissant de l'admission de la prescription quadriennale opposée par le ministre à sa demande de réparation de son préjudice moral ; que les premiers juges se sont bornés à indiquer sans autre précision que la requérante avait eu connaissance de ce préjudice dans toute son étendue plus de quatre ans avant la date de sa réclamation préalable du 15 mai 2012 " eu égard à la date à laquelle elle a été recrutée " ; que, dans ces conditions, Mme B...est fondée à invoquer l'insuffisante motivation sur ce point du jugement attaqué, qui doit donc être annulé dans cette seule mesure ;

3. Considérant qu'il y a lieu pour la Cour de statuer par la voie de l'évocation sur l'opposition de la prescription quadriennale à la demande de réparation du préjudice moral invoqué, et de se prononcer par la voie de l'effet dévolutif sur les autres conclusions de la requête ;

Au fond :

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité des conclusions indemnitaires ;

Sur l'exception de prescription quadriennale :

4. Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics : " Sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis. " ; que l'article 2 prévoit : " La prescription est interrompue par : / Toute demande de paiement ou toute réclamation écrite adressée par un créancier à l'autorité administrative, dès lors que la demande ou la réclamation a trait au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance, alors même que l'administration saisie n'est pas celle qui aura finalement la charge du règlement. (...). Toute communication écrite d'une administration intéressée, même si cette communication n'a pas été faite directement au créancier qui s'en prévaut, dès lors que cette communication a trait au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance " ; qu'enfin l'article 3 dispose : " La prescription ne court ni contre le créancier qui ne peut agir, soit par lui-même ou par l'intermédiaire de son représentant légal, soit pour une cause de force majeure, ni contre celui qui peut être légitimement regardé comme ignorant l'existence de sa créance (...) " ;

En ce qui concerne les préjudices matériels invoqués par la requérante dans sa requête d'appel :

5. Considérant que, jusqu'au moment où chacun des médecins concernés a signé son contrat soit en 2009, il ne pouvait en connaître la date d'effet, fixée au 15 octobre 2008 ; que c'est donc seulement à cette date que chacun d'entre eux a pu apprécier l'étendue exacte des préjudices qu'il estimait avoir subis entre la date de publication du décret du 17 janvier 1986 susvisé et la date d'entrée en vigueur de ce contrat ; qu'ainsi le fait générateur de la créance dont se prévaut la requérante qui, du fait du retard de l'administration a été privée du bénéfice de la qualité de contractuel de l'Etat de la date de publication du décret du 17 janvier 1986 au 15 octobre 2008, est constitué par la date de signature de son contrat ; que, par suite, le ministre n'est pas fondé à soutenir que la créance de Mme B...était prescrite à la date à laquelle elle a présenté sa demande préalable d'indemnisation, le 15 mai 2012 ;

En ce qui concerne les différents chefs de préjudice moral invoqués par la requérante dans sa requête d'appel et sa demande de première instance :

6. Considérant que la requérante soutient qu'elle a été maintenue dans une situation précaire, sans statut, et n'a bénéficié que de droits limités par rapport à ceux dont bénéficient les agents contractuels de l'Etat ; que toutefois elle ne peut sérieusement soutenir avoir ignoré qu'elle était en situation de vacataire alors qu'elle aurait dû, comme ses confrères exerçant dans l'ensemble des administrations de l'Etat, bénéficier d'un contrat régi par le décret du 17 janvier 1986 susvisé, et ce notamment depuis l'arrêt du Conseil d'Etat du 8 mars 2006 statuant sur la requête du Syndicat national professionnel des médecins du travail à la suite duquel l'association représentant les médecins de prévention des ministères économiques et financiers a engagé, après un mouvement de grève administrative en 2006, des échanges avec le gestionnaire au cours de l'année 2007 pour obtenir la régularisation de leur situation administrative par la signature de contrats ; que Mme B...ne peut donc être légitimement regardée comme ayant ignoré, à compter de l'année 2007, l'existence de sa créance au sens des dispositions précitées de l'article 3 de la loi de la loi du 31 décembre 1968 précité ; qu'aucun de ces échanges, toutefois, n'a conduit l'administration à se prononcer sur le fait générateur, l'existence, le montant ou le paiement de la créance ; qu'ainsi la requérante n'est pas fondée à soutenir que la prescription, acquise au plus tard le 31 décembre 2011, a été interrompue ; que, par suite, s'agissant du préjudice moral invoqué, plus de quatre années s'étaient écoulées à la date de la réclamation préalable de la requérante le 15 mai 2012 et c'est à bon droit que la prescription quadriennale a été opposée par l'administration ;

Sur la réparation des préjudices matériels invoqués :

En ce qui concerne le supplément familial de traitement :

7. Considérant qu'aux termes de l'article 10 du décret du 24 octobre 1985 susvisé : " Le droit au supplément familial de traitement, au titre des enfants dont ils assument la charge effective et permanente à raison d'un seul droit par enfant, est ouvert (...) aux agents de la fonction publique de l'Etat (...) dont la rémunération est fixée par référence aux traitements des fonctionnaires ou évolue en fonction des variations de ces traitements, à l'exclusion des agents rétribués sur un taux horaire ou à la vacation (...) " ; qu'il résulte des stipulations du contrat dont ont finalement bénéficié les médecins de prévention que leur rémunération est déterminée par référence à une grille spécifique établie par le ministère qui les emploie, qui n'est pas celle applicable aux fonctionnaires, et est " revalorisée dans les mêmes conditions que les taux planchers prévus par la convention collective nationale pour le personnel des services inter-entreprises de médecine du travail du 26 juillet 1976 (...) et augmentée des indemnités à caractère familial " ; que, par suite les médecins contractuels ne remplissent pas les conditions pour pouvoir percevoir le supplément familial de traitement ; que s'ils font valoir qu'une décision ministérielle du 22 février 1991 avait prévu que leur rémunération serait, à compter du 1er janvier de cette même année, réévaluée dans les mêmes conditions que la valeur du point dans la fonction publique, cette disposition est en tout état de cause sans incidence sur leur droit à percevoir le supplément familial de traitement dès lors qu'ils étaient à cette période rémunérés sur la base d'un taux horaire ainsi que cela résulte de cette même note ; que, dès lors, les conclusions de la requérante tendant au versement du supplément familial de traitement depuis sa date de recrutement ne peuvent qu'être rejetées ;

En ce qui concerne l'indemnité de résidence :

8. Considérant qu'aux termes de l'article 10 du même décret : " L'indemnité de résidence est allouée aux agents mentionnés à l'article 1er du présent décret titulaires d'un grade ou occupant un emploi auquel est directement attaché un indice de la fonction publique (...). " ; que les médecins de prévention contractuels ne sont pas titulaires d'un grade de la fonction publique, et, ainsi qu'il a été dit, n'occupent pas non plus un emploi auquel un indice de la fonction publique serait attaché ; que si Mme B...invoque une rupture d'égalité avec les autres agents non titulaires, aucune disposition législative ou règlementaire n'impose au ministre de traiter de façon équivalente des contractuels relevant tous de son autorité mais régis par des régimes différents ; qu'ainsi la requérante n'est pas fondée à soutenir qu'elle aurait été illégalement privée de cet avantage pendant toute la période où elle est restée en situation de vacataire ;

En ce qui concerne les pertes de retraite :

9. Considérant que Mme B...fait valoir que ses droits à la retraite, tant au régime général qu'au régime complémentaire " Ircantec " ont été minorés dans la mesure où sa rémunération, sur laquelle sont assises les cotisations, ne comprenait pas le supplément familial de traitement et l'indemnité de résidence ; qu'ainsi qu'il a été dit, elle ne pouvait, compte tenu des caractéristiques de son contrat, bénéficier de ces avantages ; qu'elle ne peut donc, en tout état de cause, invoquer aucun préjudice à ce titre ;

En ce qui concerne les congés :

10. Considérant, enfin, que si la requérante invoque l'absence de droit à congés annuels équivalant à ceux des contractuels, ce moyen est dépourvu de précisions de nature à permettre d'en apprécier le bien fondé ;

11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise, que Mme B...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que Mme B...demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1215673/5-4 du 25 juin 2013 du Tribunal administratif de Paris est annulé en tant qu'il statue sur l'exception de prescription quadriennale opposée aux conclusions de Mme B...tendant à l'indemnisation de son préjudice moral.

Article 2 : Les conclusions de la demande de Mme B...tendant à l'indemnisation de son préjudice moral sont rejetées.

Article 3 : Le surplus de la requête de Mme B...est rejeté.

''

''

''

''

2

N° 13PA03384


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 13PA03384
Date de la décision : 22/04/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme VETTRAINO
Rapporteur ?: Mme Marianne TERRASSE
Rapporteur public ?: Mme BONNEAU-MATHELOT
Avocat(s) : CABINET WANSANGA-ALLEGRET

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2014-04-22;13pa03384 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award