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07/04/2014 | FRANCE | N°13PA01566

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 07 avril 2014, 13PA01566


Vu la requête, enregistrée le 22 avril 2013, présentée par le préfet de police, qui demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1102558 du 30 octobre 2012 (jugement avant-dire-droit) et 21 février 2013 par lequel le Tribunal administratif de Paris l'a condamné à verser à

Mme B...A...une somme de 15 000 euros en réparation du préjudice résultant de l'illégalité de la décision du 3 juillet 2008 l'informant que sa carte professionnelle ne pouvant être renouvelée à son expiration le 16 février 2010, elle a été radiée de la liste des bénéficiaires d'un

e licence gratuite ;

2°) de rejeter les conclusions de première instance de MmeA... ...

Vu la requête, enregistrée le 22 avril 2013, présentée par le préfet de police, qui demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1102558 du 30 octobre 2012 (jugement avant-dire-droit) et 21 février 2013 par lequel le Tribunal administratif de Paris l'a condamné à verser à

Mme B...A...une somme de 15 000 euros en réparation du préjudice résultant de l'illégalité de la décision du 3 juillet 2008 l'informant que sa carte professionnelle ne pouvant être renouvelée à son expiration le 16 février 2010, elle a été radiée de la liste des bénéficiaires d'une licence gratuite ;

2°) de rejeter les conclusions de première instance de MmeA... ;

..................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu l'ordonnance n° 96-1174 du 31 octobre 1996 portant statut des taxis parisiens alors applicable ;

Vu l'arrêté interpréfectoral n° 01-16385 du 31 juillet 2001 relatif aux exploitants et aux conducteurs de taxis dans la zone parisienne ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 mars 2014 :

- le rapport de M. Sorin, premier conseiller :

- et les conclusions de M. Ladreyt, rapporteur public ;

1. Considérant que MmeA..., détentrice d'une carte professionnelle de conducteur de taxi depuis 1989, exerçant depuis le 5 juin 2001 les fonctions de formatrice au certificat de capacité professionnelle de conducteur de taxi, a été radiée, par une décision du préfet de police du 3 juillet 2008, de la liste d'attente pour l'attribution d'une autorisation de stationnement à titre gratuit sur laquelle sa demande avait été enregistrée le 12 juin 1990 ; que, par un jugement du

16 juin 2010 devenu définitif, le Tribunal administratif de Paris a annulé la décision du 3 juillet 2008 ; que Mme A...a alors recherché la responsabilité du préfet de police pour obtenir la réparation du préjudice résultant pour elle de l'impossibilité d'exploiter une licence de stationnement entre le 3 juillet 2008 et le 7 août 2009, date à laquelle le préfet de police a procédé à sa réinscription sur la liste en cause, lui a délivré une licence de stationnement à titre gratuit et l'a autorisée à exploiter un taxi en qualité d'artisan ; que, par un jugement avant dire droit en date du 30 octobre 2012, le Tribunal administratif de Paris a, d'une part, condamné l'Etat à verser à Mme A...une somme de 2 000 euros en réparation de son préjudice moral et, d'autre part, afin de déterminer le montant de son préjudice financier, ordonné un supplément d'instruction aux fins, pour MmeA..., de produire, dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement, tout élément justificatif de tous les revenus et indemnités perçus du

3 juillet 2008 au 7 août 2009, et notamment les déclarations d'impôts sur le revenu afférentes à cette période et tous éléments relatifs aux résultats d'exploitation de Mme A...au titre de sa période d'activité en 2009 et 2010 ; que l'intéressée ayant produit les documents demandés, le tribunal a, par un jugement du 21 février 2013, condamné l'Etat à verser à Mme A...une somme de 13 000 euros au titre de ce préjudice ; que le préfet de police interjette régulièrement appel de ce jugement ainsi que du jugement avant dire droit qui l'a précédé ;

Sur la régularité du jugement rendu le 30 octobre 2012 :

2. Considérant, d'une part, que le préfet de police soutient que le jugement avant dire droit du 30 octobre 2012 est insuffisamment motivé ; que, toutefois, il en ressort que les premiers juges ne disposaient pas des éléments suffisants permettant de déterminer le montant du préjudice financier subi par MmeA... ; qu'il est, ainsi, suffisamment explicite sur les raisons qui ont conduit le tribunal à prescrire une mesure d'instruction supplémentaire, laquelle, dans les circonstances de l'espèce, ne présentait pas un caractère frustratoire ; que, par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation du jugement doit être écarté ;

3. Considérant, d'autre part, que si le préfet de police soutient que les premiers juges auraient pu prescrire une simple mesure d'instruction sans recourir à un jugement avant dire droit, aucune norme ni aucun principe n'interdit aux juges du fond de recourir à une telle procédure pour compléter l'instruction de l'affaire dont ils sont saisis ; que, par suite, le moyen soulevé doit être écarté ;

Sur la régularité du jugement rendu le 21 février 2013 :

4. Considérant qu'il ne ressort pas du jugement attaqué que les premiers juges se seraient fondés sur les documents joints au mémoire présenté pour MmeA..., enregistré le

24 janvier 2013, pour adopter la solution retenue ; qu'il ressort au contraire de ce jugement que les premiers juges se sont fondés sur les documents joints au mémoire présenté pour

MmeA..., enregistré le 30 novembre 2012, notamment l'avis d'impôt sur le revenu pour l'exercice du 1er octobre 2009 au 31 décembre 2010, mémoire qui a été communiqué au préfet de police le 7 décembre 2012 et auquel il a répondu par son mémoire enregistré le 26 décembre 2012 ; que, dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance du caractère contradictoire de la procédure suivie devant le Tribunal administratif de Paris doit être écarté ;

Sur le bien-fondé des jugements attaqués :

En ce qui concerne la responsabilité :

5. Considérant que, pour annuler, par le jugement susmentionné du 16 octobre 2010 devenu définitif, la décision préfectorale du 3 juillet 2008, le Tribunal administratif de Paris s'est fondé sur le motif tiré de ce que Mme A...établissait que son emploi au sein de la société Taxi école Royale ne se bornait pas à des enseignements théoriques mais recouvrait également la formation pratique de conduite et que, dans ces conditions, elle était fondée à demander le maintien de son inscription sur la liste d'attente ; que Mme A...s'étant vu privée de la possibilité de se voir délivrer une licence à titre gratuit du fait d'une décision jugée illégale par un jugement définitif revêtu de l'autorité absolue de la chose jugée, l'illégalité de cette décision n'est plus susceptible d'être discutée dans le cadre de l'instance tendant à la réparation des préjudices qui en ont résulté ;

6. Considérant, toutefois, que, dans le cadre de la présente instance, le préfet de police soutient que l'illégalité fautive de cette décision résulte du comportement de MmeA..., qui ne lui aurait pas fourni les documents attestant que, conformément aux dispositions de l'article 17 de l'arrêté du 31 juillet 2001 susvisé, elle exerçait la profession de moniteur de conduite dans un centre agréé pour la formation au certificat de capacité professionnelle de conducteur de taxi ; que le préfet en déduit que sa responsabilité ne saurait par suite, nonobstant la faute qu'il a commise, être engagée à l'égard de MmeA... ; qu'il appartient au juge de la responsabilité de connaître de cette question, différente de celle ayant donné lieu, dans le cadre d'un recours pour excès de pouvoir, à l'annulation de la décision du 3 juillet 2008 ;

7. Considérant qu'aux termes de l'article 4 de l'ordonnance du 31 octobre 1996 portant statut des taxis parisiens susvisée alors applicable : " Lorsque le nombre des autorisations exploitées est inférieur au nombre maximal fixé, les autorisations disponibles sont attribuées par ordre chronologique aux conducteurs de taxi locataires ou salariés non titulaires d'une ou plusieurs autorisations, inscrits sur une liste d'attente. / Cette liste est établie par le service des taxis de la préfecture de police. Elle mentionne la date à laquelle chaque demande a été déposée et le numéro d'enregistrement de la demande. Les demandes sont valables un an. Celles qui ne sont pas renouvelées au plus tard trois mois avant l'échéance cessent de figurer sur la liste. Lors du dépôt ou du renouvellement de sa demande le conducteur devra présenter sa carte professionnelle en cours de validité. / Le conducteur, inscrit sur cette liste, appelé à bénéficier d'une autorisation de stationnement, devra présenter une carte professionnelle validée et dont la validité est susceptible d'être renouvelée (...) " ; qu'aux termes de l'article 17 de l'arrêté du

31 juillet 2001 susvisé dans sa rédaction alors applicable : " La carte professionnelle de conducteur de taxi ne peut être validée que si le conducteur prouve qu'il a exercé régulièrement pendant cinquante mois au moins au cours des cinq dernières années s'il est âgé de moins de soixante ans, vingt mois au moins au cours des deux dernières années s'il a entre soixante et soixante-seize ans et dix mois au moins au cours des douze derniers mois s'il a plus de soixante-seize ans : / - la profession de conducteur de taxi parisien ; / - la profession de moniteur de conduite dans un centre agrée par le préfet de police pour la formation au certificat de capacité professionnelle de conducteur de taxi (...) " ;

8. Considérant que le préfet de police soutient que, pour décider la radiation de

Mme A...de la liste d'attente mentionnée à l'article 4 de l'ordonnance du 31 octobre 1996 précité, il s'est fondé sur des documents, fournis par l'employeur de celle-ci, ne permettant pas d'établir qu'elle aurait exercé la profession de moniteur de conduite pour la formation au certificat de capacité professionnelle de conducteur de taxi ; que, toutefois il résulte de l'instruction que les documents en cause, produits par le préfet de police, datent, pour trois d'entre eux, des années 2000, 2001 et 2003, alors que le préfet a procédé au renouvellement de l'inscription de l'intéressée sur la liste en cause au moins jusqu'en 2007, et ce depuis 1990 ; que si un doute sur les fonctions précises exercées par Mme A...pouvait naître à la lecture des documents en cause, il appartenait au préfet de mettre l'intéressée à même de produire des documents complémentaires plus actuels permettant d'établir avec précision la nature des fonctions exercées ; que, dans ces conditions, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que Mme A...n'avait pas commis de faute de nature à exonérer totalement ou partiellement l'Etat de sa responsabilité ; que, le préfet ayant finalement délivré à Mme A...une licence à titre gratuit le 7 août 2009, la responsabilité de l'Etat est engagée à hauteur du manque à gagner résultant pour l'intéressée de l'impossibilité d'exploiter une licence entre le 3 juillet 2008, date à laquelle il n'est pas contesté qu'elle aurait été, compte-tenu de son numéro d'inscription sur la liste d'attente, titulaire d'une telle licence, et le 7 août 2009 ;

En ce qui concerne le préjudice :

9. Considérant qu'il résulte de l'instruction que Mme A...n'avait pas l'intention d'exploiter elle-même la licence gratuite finalement délivrée par le préfet de police le 7 août 2009, mais de la louer à un tiers ; que son préjudice consiste ainsi en la perte des gains qu'aurait procurés la location de sa licence entre le 3 juillet 2008 et le 7 août 2009 ; qu'il sera fait une juste appréciation du montant de cette perte en le fixant à la somme de 13 000 euros, correspondant à la moyenne annuelle des revenus de la location de sa licence par Mme A...telle qu'elle résulte des pièces du dossier, notamment de sa déclaration des bénéfices industriels et commerciaux perçus entre les mois d'octobre 2009 et de décembre 2010 ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet de police n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris l'a condamné à verser à Mme A...une somme de 2 000 euros au titre de son préjudice moral et une somme de 13 000 euros au titre de son préjudice financier résultant de l'illégalité de la décision du 3 juillet 2008 ; qu'il y a lieu, par suite, de rejeter sa requête et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme A...et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, les conclusions tendant à la condamnation de l'Etat pour recours abusif sont irrecevables, s'agissant d'un pouvoir propre du juge administratif qu'il ne peut en tout état de cause exercer à l'encontre de l'Etat ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du préfet de police est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de Mme A...tendant à la condamnation de l'Etat pour recours abusif sont rejetées.

Article 3 : Le préfet de police versera à Mme A...une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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N° 13PA01566


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 13PA01566
Date de la décision : 07/04/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme MILLE
Rapporteur ?: M. Julien SORIN
Rapporteur public ?: M. LADREYT
Avocat(s) : HUET

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2014-04-07;13pa01566 ?
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