Vu la requête, enregistrée le 8 juillet 2013, présentée pour M. A... B..., demeurant ...Nouvelle-Calédonie, par le cabinet Benech Plaisant ; M. B... demande à la Cour :
1°) de réformer le jugement n° 1200319 du 28 mars 2013 du Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie en tant qu'il a limité à la somme de 5 028 euros l'indemnité au versement de laquelle il a condamné la province Nord de Nouvelle-Calédonie en réparation des préjudices subis en raison des conditions d'instruction de son dossier de demande de subvention ;
2°) d'enjoindre à la province Nord de Nouvelle-Calédonie de produire les avis de la commission du développement économique et de l'environnement en date des 1er avril et 5 août 2010 ;
3°) de condamner la province Nord de Nouvelle-Calédonie à lui verser la somme totale de 46 204,81 euros en réparation de son préjudice moral et la somme de 22 062,61 euros en réparation de son préjudice matériel ;
4°) de mettre à la charge de la province Nord de Nouvelle-Calédonie la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les dépens ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de développement de la province Nord ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 mars 2014 :
- le rapport de M. Roussel, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Macaud, rapporteur public,
- et les observations de Me Bras, avocat de la province Nord de Nouvelle-Calédonie ;
1. Considérant que M. B...a élaboré un projet de construction d'une station-service sur un terrain lui appartenant, situé à Poum, en province Nord de Nouvelle-Calédonie ; que le plan de financement de l'opération impliquait le versement par la province Nord de Nouvelle-Calédonie d'une subvention et d'une participation de la province au capital de la société chargée de porter le projet ; qu'une première demande de subvention auprès de la province a été présentée le 8 août 2008 ; qu'en dépit d'un premier avis favorable en avril 2010, cette demande a finalement été classée sans suite par la commission de développement économique de la province, le 8 septembre 2011 ; que par lettre en date du 25 mai 2012, M. B...a demandé à la province Nord l'indemnisation de son préjudice consécutif au rejet de sa demande ; qu'une décision implicite de rejet lui ayant été opposée, il a introduit une requête devant le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie ;
2. Considérant que par jugement du 28 mars 2013, le tribunal a estimé qu'en procédant au classement sans suite du dossier alors qu'il avait préalablement reçu un avis favorable, la commission avait commis une illégalité fautive de nature à engager la responsabilité de la province Nord et a condamné celle-ci à verser au requérant une somme de 600 000 euros CFP en réparation de son préjudice moral ;
Sur la demande de M. B...tendant à ce qu'il soit fait injonction à la province Nord de Nouvelle-Calédonie de communiquer les avis de la commission du développement économique et de l'environnement des 1er avril 2010 et 5 août 2010 :
3. Considérant qu'il n'appartient pas au juge administratif d'adresser des injonctions à l'administration en dehors des hypothèses prévues à l'article L. 911-1 du code de justice administratif ; que par suite, les conclusions susvisées sont irrecevables et ne peuvent donc qu'être rejetées ;
Sur la responsabilité de la province Nord de Nouvelle-Calédonie :
4. Considérant qu'aux termes de l'article 38 du code de développement de la province Nord : " Le respect des obligations réglementaires relatives à l'activité projetée et liées aux règles sur les permis de construire, aux divisions foncières, aux droits nécessaires d'occupation du domaine public maritime, aux installations classées pour la protection de l'environnement, aux documents d'urbanisme opposables aux tiers (Plan d'Urbanisme Directeur), à la profession exercée est implicite. Les documents prouvant le respect de ces obligations devront être produits pour obtenir le versement de l'aide, même si la délibération d'agrément ne le mentionne pas expressément (...) " ; qu'aux termes de l'article 51 de ce code : " La Commission du Développement économique émet un avis sur toutes les demandes et dossiers sollicitant l'intervention et le soutien, notamment financier, de la Province. (...) La Commission transmet son avis à l'exécutif provincial pour l'inscription à l'ordre du jour du Bureau ou de l'Assemblée de Province. " ; qu'aux termes de l'article 52 de ce même code : " L'agrément d'un projet fait l'objet d'une délibération de l'Assemblée de la Province Nord ou de son bureau. (...) " ;
5. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment des termes de la note de la direction du développement économique et de l'environnement du 14 avril 2010, que la commission du développement économique a émis un avis favorable, le 1er avril 2010, à la demande de subvention présentée par M.B... ; qu'en application des dispositions précitées, cet avis devait impérativement être transmis à l'exécutif de la province ; que la demande n'a cependant jamais été inscrite par ce dernier à l'ordre du jour de l'assemblée de province, en méconnaissance des dispositions précitées ; que si la province Nord fait valoir que le dossier présenté par l'intéressé aurait été incomplet, compte tenu de l'existence d'un différend au sujet du clan détenteur du droit coutumier sur le terrain appartenant à M.B..., et de difficultés liées à l'obtention du permis de construire en raison de l'implantation du projet sur le domaine public maritime, elle n'établit ni même n'allègue avoir demandé des éléments complémentaires à l'intéressé postérieurement à l'avis favorable de la commission ; qu'il résulte en outre des dispositions précitées que le demandeur n'avait pas à produire à l'appui de son dossier les autorisations d'urbanisme et autorisations d'occupation du domaine public maritime, même s'il était loisible à la province de prendre en compte, dans le cadre de l'examen de la demande, les différents obstacles administratifs susceptibles de faire obstacle à la réalisation du projet ; que M. B... pouvait se prévaloir de l'accord d'autorités coutumières pour la réalisation de son projet ; que la contestation émise tardivement par un autre clan, postérieurement à l'avis émis par la commission du développement économique, n'était pas de nature, dans les circonstances de l'espèce, à faire regarder son dossier comme incomplet ;
6. Considérant que par suite, le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a considéré à bon droit que la province Nord de Nouvelle-Calédonie avait méconnu les dispositions précitées, en s'abstenant d'inscrire la demande de M. B...à l'ordre du jour du bureau ou de l'assemblée de province ;
7. Considérant que M. B...est également fondé à soutenir, ainsi qu'il l'avait déjà fait dans sa demande initiale devant le tribunal administratif, qu'en s'abstenant de se prononcer sur sa demande dans le délai de trois mois, majoré éventuellement d'un mois supplémentaire, qui lui était imparti par l'article 49 du code de développement de la province Nord, la province Nord a méconnu les dispositions de ce texte ; que ce délai a en l'espèce commencé à courir au plus tard à la date du 1er avril 2010 à laquelle la commission du développement économique a émis un avis favorable sur le projet, ce qui implique que le service instructeur avait au préalable regardé le dossier comme complet ; qu'en n'informant l'intéressé que le 4 avril 2011 de son choix de soutenir financièrement un projet concurrent et en n'opposant une décision expresse à sa propre demande que le 8 septembre suivant, la province Nord a ainsi commis une autre faute de nature à engager sa responsabilité à l'égard de M.B... ;
8. Considérant en revanche que le défaut de motivation de la décision de classement sans suite ainsi que l'absence de mention des voies et délais de recours sont sans lien avec les préjudices dont le requérant demande à être indemnisé ; que le moyen tiré de l'absence de communication à M. B...d'éléments d'information sur le projet concurrent de la société SONAREP est également, en tout état de cause, sans lien avec les préjudices dont le requérant fait état ;
Sur les conclusions indemnitaires de M. B...:
9. Considérant, en premier lieu, qu'en dépit de l'avis favorable émis par la commission de développement économique à la demande de M. B...le 1er avril 2010, l'assemblée de province disposait d'un large pouvoir d'appréciation ; qu'il lui appartenait en particulier de prendre en compte les différents obstacles administratifs susceptibles de compromettre la réalisation du projet, et en particulier les difficultés liées à l'implantation de la majeure partie du terrain où la réalisation de la station-service était projetée sur le domaine public maritime ; qu'ainsi que M. B...l'a indiqué lui-même dans ses écritures devant le tribunal, sa demande d'occupation du domaine public maritime avait fait l'objet d'une décision de rejet par le service du domaine le 17 mars 2010 ; que M. B...ne fait état d'aucun élément de nature à remettre en cause les fortes réserves mentionnées par la direction du développement économique et de l'environnement dans sa lettre du 14 avril 2010 en ce qui concerne la possibilité d'obtenir un permis de construire compte tenu de l'emplacement de son terrain ; qu'ainsi, à supposer même que la province Nord ait, nonobstant ces obstacles administratifs, décidé de lui allouer la subvention sollicitée, le versement effectif de l'aide, conditionné notamment, en application des dispositions précitées de l'article 38 du code de développement de la province Nord, par le respect des obligations réglementaires en matière de permis de construire et d'autorisation du domaine public maritime, n'en aurait pas moins été rendu extrêmement hypothétique ; qu'en outre, à la suite des difficultés administratives rencontrées par M.B..., un projet concurrent, bénéficiant d'une assise financière plus solide, avait été présenté à la province par la société SONAREP le 17 mars 2010 ; que le moyen tiré de ce que cette société n'aurait pas respecté la procédure de demande de subvention est dépourvu de toute précision ; que M. B...n'établit ni même n'allègue que son projet était de meilleure qualité que celui de la société SONAREP ; que la circonstance que la SONAREP ne justifiait pas à la date du dépôt de sa demande du respect des obligations réglementaires en matière d'installations classées et d'urbanisme, qu'elle a d'ailleurs satisfaites quelques jours plus tard, est en elle-même, ainsi qu'il a été dit, sans incidence ; que le retard de plusieurs mois dans la réalisation de ce projet après le versement de la subvention est également sans incidence dans le présent litige ; que dans ces conditions, il ne résulte pas de l'instruction que les vices entachant la procédure d'instruction de sa demande aient fait perdre à M. B...une chance réelle d'obtenir le versement de la subvention sollicitée, préalable nécessaire à la réalisation de son projet ; qu'il n'est dès lors pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande tendant à l'indemnisation des honoraires versés à la société ACSP-BTP pour l'élaboration de son projet ;
10. Considérant, en second lieu, que M. B...n'établit nullement que les fautes commises par la province dans le cadre de l'instruction de sa demande lui ont causé un quelconque préjudice moral ; qu'ainsi qu'il a été dit, il n'est pas fondé à demander à être indemnisé des frais et du temps qu'il a consacrés au montage de son projet ; que le requérant ne fait état d'aucun autre élément quant à la nature et à l'étendue de ce préjudice ; que la province Nord de Nouvelle-Calédonie est dès lors fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif l'a condamnée à lui verser une somme à ce titre ; que ce jugement doit dès lors être annulé ;
Sur les conclusions présentées sur le fondement des l'article L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative :
11 Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B...une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par la province Nord de Nouvelle-Calédonie et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, la province Nord ne justifie pas avoir exposé des dépens dans la présente instance ; que ses conclusions présentées à ce titre doivent dès lors être rejetées ;
12 Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la province Nord, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. B...demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; que pour la même raison, les conclusions présentées par le requérant au titre de l'article R. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie du 28 mars 2013 est annulé.
Article 2 : La requête de M. B... est rejetée.
Article 3 : M. B...versera à la province Nord de Nouvelle-Calédonie une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions présentées par la province Nord de Nouvelle-Calédonie au titre de l'article R. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
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N° 13PA02635