Vu le recours, enregistré le 6 juillet 2012, par le ministre des affaires étrangères qui demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n°1010030/5-2 du 10 mai 2012 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé, à la demande de Mme Pouget, sa décision en date du 19 avril 2010, par laquelle il a rejeté la demande de renouvellement de détachement présentée par celle-ci dans le corps des conseillers des affaires étrangères pour la période du 1er septembre 2010 au 31 août 2011 ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme Pouget devant le Tribunal administratif de Paris ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 ;
Vu la loi n°84-16 du 11 janvier 1984 ;
Vu le décret n°85-986 du 16 septembre 1985 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 mars 2014 :
- le rapport de M. Blanc, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Dhiver, rapporteur public,
- les observations de MmeA..., chargée de mission, pour le ministre des affaires étrangères ;
- et les observations de Me Sarrazin, avocat de Mme Pouget ;
1. Considérant que, par une décision en date du 19 avril 2010, le directeur général de l'administration et de la modernisation du ministère des affaires étrangères a rejeté la demande de Mme Pouget tendant à obtenir le renouvellement de son détachement dans le corps des conseillers des affaires étrangères à compter du 1er septembre 2010 ; que le ministre des affaires étrangères fait appel du jugement du 10 mai 2012 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé sa décision ;
2. Considérant, qu'aux termes de l'article 45 de la loi susvisée du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : " Le détachement est la position du fonctionnaire placé hors de son corps d'origine mais continuant à bénéficier, dans ce corps, de ses droits à l'avancement et à la retraite (...) Le fonctionnaire détaché est soumis aux règles régissant la fonction qu'il exerce par l'effet de son détachement (...) " ; qu'aux termes de l'article 21 du décret susvisé du 16 septembre 1985, dans sa rédaction alors applicable : " Le détachement de longue durée ne peut excéder cinq années. Il peut toutefois être renouvelé par périodes n'excédant pas cinq années, sous réserve des dispositions de l'article 26 ci-dessous " ;
3. Considérant qu'en application de ces dispositions, Mme Pouget, premier conseiller du corps des conseillers des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, a été placée, au titre de la mobilité statutaire, en position de détachement dans le corps des conseillers des affaires étrangères relevant du ministre des affaires étrangères pour une durée de deux ans à compter du 1er septembre 2005 et affectée au service des affaires juridiques interne de l'administration centrale de ce ministère ; que ce détachement a été renouvelé pour une durée d'un an à compter du 1er septembre 2007, dans les mêmes fonctions ; que le détachement de Mme Pouget a de nouveau été renouvelé pour une durée d'un an à compter du 1er septembre 2008 pour l'exercice des fonctions de conseiller d'ambassade de 2ème classe à l'ambassade de France au Laos, puis, à nouveau, à compter du 1er septembre 2009 pour la même durée d'un an dans les mêmes fonctions ; que, par télégramme diplomatique (TD) du 7 janvier 2010, la direction des ressources humaines du ministère des affaires étrangères a informé l'ambassadeur de France au Laos de son intention de nommer, pour remplacer Mme Pouget à partir du mois de septembre 2010, un secrétaire des affaires étrangères principal en fonction dans les services de l'administration centrale ; que, par lettre du 11 janvier 2010, Mme Pouget a sollicité le renouvellement de son détachement à compter du 1er septembre 2010 pour une troisième année dans les mêmes fonctions de conseiller d'ambassade à Vientiane ; que, par télégramme diplomatique du 12 janvier 2010, l'ambassadeur de France au Laos a apporté son soutien à cette demande de prolongation de détachement et a demandé au ministre des affaires étrangères de réexaminer la situation administrative de Mme Pouget à cet égard ; que, par décision du 19 avril 2010, le directeur général de l'administration et de la modernisation du ministère des affaires étrangères a informé Mme Pouget qu'après avis de la commission administrative paritaire compétente réunie le 15 avril 2010, il rejetait sa demande de renouvellement de détachement ;
4. Considérant que si Mme Pouget ne tenait d'aucun texte un droit au renouvellement de son détachement, il appartenait toutefois au ministre des affaires étrangères d'examiner sa demande en prenant en considération l'intérêt du service ainsi que la situation particulière de l'intéressée ;
5. Considérant que pour justifier le refus opposé à la demande de renouvellement de son détachement présentée par Mme Pouget, le ministre des affaires étrangères se prévaut, en premier lieu, des contraintes de gestion du corps des conseillers des affaires étrangères dont il devait tenir compte au titre du mouvement de mutation de l'année 2010 ; que, toutefois, s'il invoque une diminution entre 2009 et 2010 de l'ordre de 25 % du nombre de postes offerts à l'étranger, les éléments chiffrés sur lesquels le ministre se fonde ne permettent pas de caractériser un déficit de postes offerts à l'étranger pour les fonctionnaires de catégorie A du ministère, ni d'établir que le poste de conseiller d'ambassade à Vientiane occupé par Mme Pouget en 2010 aurait été indispensable pour réaliser les affectations à l'étranger des agents ayant participé au mouvement de l'année 2010 ; que si 168 postes de catégorie A seulement ont été offerts lors de la " transparence initiale " de l'année 2010, alors que 95 conseillers des affaires étrangères et 85 secrétaires des affaires étrangères se sont portés candidats à une affectation à l'étranger, il est constant qu'un mouvement complémentaire est chaque année organisé, au titre de la " transparence complémentaire ", pour proposer aux candidats des postes nécessitant la relève d'un agent pour une raison qui n'était pas connue à la date du mouvement de mutation initial ; qu'au titre de la " transparence complémentaire " organisée en 2010, 16 postes de conseiller d'ambassade, qui s'ajoutaient aux 168 postes offerts initialement, étaient toujours vacants à l'étranger pour des affectations prenant effet entre l'été 2010 et le mois de novembre 2010 ; que, par ailleurs, il n'est pas démontré par le ministre que les contraintes de gestion auxquelles il devait faire face auraient été plus importantes en 2010 qu'en 2008 ou en 2009, au regard du nombre de demandes d'affectation présentées au cours de ces années, alors qu'à ces dates, Mme Pouget a, soit été affectée, en qualité de conseiller de tribunal administratif détaché dans le corps des conseillers des affaires étrangères, au poste de conseiller spécial de l'ambassade de France au Laos en dépit de la candidature de quatorze autres agents titulaires sur le même poste, soit obtenu un premier renouvellement de son détachement sur ce poste ;
6. Considérant que le ministre des affaires étrangères fait valoir, en deuxième lieu, que les fonctionnaires appartenant aux corps diplomatique et consulaire bénéficient en principe d'une affectation prioritaire sur des postes à l'étranger par rapport aux agents qui sont en position de détachement dans le corps des conseillers des affaires étrangères ; qu'il n'est toutefois pas établi qu'une telle règle de priorité ait été appliquée lors du mouvement de l'année 2010, dès lors que les cinq agents qui étaient, comme l'intéressée, en position de détachement et en poste à l'étranger, ne se sont pas vus, pour leur part, refuser le renouvellement de leur détachement ; que la règle dont se prévaut le ministre n'a pas non plus empêché la prolongation du détachement de Mme Pouget pour exercer les fonctions de conseiller à l'ambassade de Vientiane en 2008, alors que, lors du mouvement organisé au cours de cette année, ainsi qu'il a été dit précédemment, plusieurs candidatures de fonctionnaires des corps diplomatiques et consulaires avaient déjà été présentées pour occuper ce poste ;
7. Considérant que le ministre des affaires étrangères se prévaut, en troisième et dernier lieu, de ce que, pour assurer la relève de Mme Pouget, un candidat avait été retenu, dès le 7 janvier 2010, dont le profil était en adéquation avec les besoins du poste ; qu'il ressort toutefois des règles d'organisation rappelées par le paragraphe 5 du télégramme diplomatique TD n°14995 du 16 avril 2009 que les postes occupés par des agents détachés dans le corps des conseillers des affaires étrangères sont publiés au titre de la " transparence initiale ", dans la mesure où le renouvellement du détachement de ces agents est soumis à l'avis préalable de la commission administrative paritaire, alors même que ces postes, tant que cette commission n'a pas donné son avis, ne peuvent être considérés comme " réellement vacants " ; que, contrairement à ce que soutient le ministre des affaires étrangères, ses services avaient été informés de l'intention de Mme Pouget de demander à nouveau le renouvellement de son détachement, celle-ci s'en étant ouverte, dès l'année précédente, puis à nouveau au mois de juin 2009, au directeur du personnel du ministère, dès qu'elle a eu connaissance de la publication du poste sur lequel elle était affectée au titre du mouvement de mutation de l'année 2010 ; qu'ainsi, le choix d'un successeur, avant même que la commission administrative paritaire ne se soit prononcée sur la possibilité pour Mme Pouget d'obtenir un renouvellement de son détachement, ne peut être considéré comme ayant été fait sur un poste " réellement vacant " au sens des règles d'organisation précitées, qui sont élaborées par la direction des ressources humaines du ministère ; que, par suite, la circonstance qu'une candidature ait été retenue, le 7 janvier 2010, dans le cadre de la " transparence initiale ", parmi des agents titulaires du corps des affaires étrangères qui se sont présentés pour assurer la relève de Mme Pouget n'était pas de nature à justifier le refus opposé à la demande de renouvellement présentée par l'intéressée ;
8. Considérant, par ailleurs, qu'il ressort des pièces du dossier que Mme Pouget, qui, à la date de sa demande de renouvellement, n'était en poste à l'ambassade de France au Laos que depuis deux années, avait précisé qu'elle ne sollicitait qu'un ultime renouvellement de son détachement dans le corps des conseillers des affaires étrangères pour être maintenue dans son poste actuel à compter de septembre 2010 pour une troisième et dernière année ; qu'elle indiquait, par ailleurs, pour éviter que les dispositions de l'article 13 bis de la loi du 13 juillet 1983 puissent être un obstacle au renouvellement de son détachement, qu'elle n'entendait pas solliciter son intégration dans le corps des conseillers des affaires étrangères mais seulement bénéficier de son détachement jusqu'au 31 août 2011 ; que la durée pour laquelle Mme Pouget a demandé la prolongation de son détachement était conforme à celle prévue par les télégrammes diplomatiques TD n°12237 du 5 mars 2008, n°12511 du 31 mars 2009 et n°11805 du 1er avril 2010, relatifs à la préparation des mouvements au titre respectivement des années 2009, 2010 et 2011 et définissant les principes devant présider au traitement des mouvements de personnels, qui avaient en particulier prévu que les agents détachés sur un poste à l'étranger, pour tenir compte des nécessités du service, étaient maintenus en poste pour une durée moyenne de trois ans, en précisant que les demandes de retour anticipé ne devaient être admises qu'à titre exceptionnel compte tenu du coût budgétaire qu'elles représentent ; qu'il ressort, en outre, des termes de la décision attaquée du 19 avril 2010 que la manière de servir de Mme Pouget n'a pas été en cause dans le rejet de sa demande mais qu'au contraire celle-ci avait été particulièrement appréciée tant par l'ambassadeur de France à Vientiane que par la direction de l'Asie et de l'Océanie ; que la note signée par l'ambassadeur de France au Laos en date du 13 janvier 2010, par laquelle il émet un avis très positif à la demande de renouvellement de détachement de Mme Pouget, confirme l'appréciation très favorable dont elle bénéficiait dans ses fonctions et indique qu'elle était considérée comme une collaboratrice de toute confiance ; qu'aux termes d'une lettre en date du 10 février 2010, le directeur de l'Asie et de l'Océanie a confirmé l'avis de l'ambassadeur et son appréciation très positive des qualités de Mme Pouget en estimant que l'intérêt du service justifiait que celle-ci accomplisse un séjour de trois ans à Vientiane ; qu'ainsi, eu égard non seulement à la durée pour laquelle Mme Pouget a sollicité le renouvellement de son détachement, qui était limitée à une seule et dernière année, mais aussi à sa manière de servir, qui lui avait valu des appréciations particulièrement élogieuses, et à l'intérêt du service, tel que défini par les directives élaborées par la direction des ressources humaines du ministère, qui justifiait que la durée d'affectation d'un agent à l'étranger ne soit pas inférieure à trois années, le ministre des affaires étrangères, en rejetant la demande de Mme Pouget, a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation ;
9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre des affaires étrangères n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé sa décision en date du 19 avril 2010 refusant à Mme Pouget le renouvellement de son détachement pour une durée d'un an à compter du 1er septembre 2010 ;
Sur les conclusions incidentes à fin d'injonction présentées par Mme Pouget :
10. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution " ; et qu'aux termes de l'article L. 911-2 du même code : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé " ;
11. Considérant qu'eu égard au motif d'annulation de la décision attaquée retenu précédemment, qui se substitue à celui retenu par le tribunal administratif, et qui est le seul qui apparaisse fondé, l'exécution du présent arrêt n'implique pas nécessairement que le ministre des affaires étrangères propose à Mme Pouget son intégration dans le corps des conseillers des affaires étrangères ; qu'en revanche, dès lors que l'annulation du refus opposé à la demande de Mme Pouget a pour effet de saisir à nouveau le ministre des affaires étrangères de cette demande, il y a lieu, en application de l'article L. 911-2 du code de justice administrative, d'enjoindre à celui-ci de la réexaminer, au regard toutefois de la situation actuelle de l'intéressée, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ;
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
12. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par Mme Pouget et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : Le recours du ministre des affaires étrangères est rejeté.
Article 2 : Il est enjoint au ministre des affaires étrangères de réexaminer la situation de Mme Pouget dans un délai de deux mois à compter de la notification de présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Mme Pouget une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions présentées par Mme Pouget est rejeté.
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