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24/03/2014 | FRANCE | N°13PA04191

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 24 mars 2014, 13PA04191


Vu la requête, enregistrée par télécopie le 18 novembre 2013, régularisée le

21 novembre 2013 par la production de l'original, présentée par le préfet de police ; le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1309133/3-3 du 15 octobre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Paris, à la demande de Mme C...B..., ressortissante de nationalité japonaise, d'une part, a annulé son arrêté du 29 mai 2013 rejetant la demande de délivrance d'un titre de séjour " vie privée et familiale " présentée par MmeB..., l'obligeant à quitter le te

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Vu la requête, enregistrée par télécopie le 18 novembre 2013, régularisée le

21 novembre 2013 par la production de l'original, présentée par le préfet de police ; le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1309133/3-3 du 15 octobre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Paris, à la demande de Mme C...B..., ressortissante de nationalité japonaise, d'une part, a annulé son arrêté du 29 mai 2013 rejetant la demande de délivrance d'un titre de séjour " vie privée et familiale " présentée par MmeB..., l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination, d'autre part, lui a enjoint de délivrer à Mme B...un titre de séjour "carte de séjour de membre de la famille d'un citoyen de l'Union", d'une durée de validité correspondant à la durée de séjour envisagée par son compagnon, M.E..., dans la limite de cinq années, dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement attaqué ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme B...devant le Tribunal administratif de Paris ;

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le

26 janvier 1990 ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée;

Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience publique ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 mars 2014 :

- le rapport de M. Romnicianu, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Ladreyt, rapporteur public ;

1. Considérant que MmeB..., née au Japon le 22 juillet 1987, de nationalité japonaise, entrée, selon ses déclarations, pour la dernière fois en France, le 12 juin 2012, a sollicité, le 22 avril 2013, la délivrance d'un titre de séjour " vie privée et familiale " ; que, par un arrêté en date du 29 mai 2013, le préfet de police, estimant que l'intéressée ne remplissait pas les conditions posées par l'article L. 313-11-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a opposé un refus à sa demande et a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français ainsi que d'une décision fixant le pays de destination ; que le préfet de police relève régulièrement appel du jugement du 15 octobre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté susmentionné au motif qu'il avait été pris en méconnaissance des dispositions des articles L. 121-1 et L. 121-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, tout citoyen de l'Union européenne, tout ressortissant d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse a le droit de séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois s'il satisfait à l'une des conditions suivantes : 1° S'il exerce une activité professionnelle en France ; 2° S'il dispose pour lui et pour les membres de sa famille tels que visés au 4° de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale, ainsi que d'une assurance maladie ; (...) ; 4° S'il est un descendant direct âgé de moins de vingt et un ans ou à charge, ascendant direct à charge, conjoint, ascendant ou descendant direct à charge du conjoint, accompagnant ou rejoignant un ressortissant qui satisfait aux conditions énoncées aux 1° ou 2° ; (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 121-3 du même code en vigueur à la date de l'arrêté en litige : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le membre de famille visé aux 4° ou 5° de l'article L. 121-1 selon la situation de la personne qu'il accompagne ou rejoint, ressortissant d'un Etat tiers, a le droit de séjourner sur l'ensemble du territoire français pour une durée supérieure à trois mois./ S'il est âgé de plus de dix-huit ans ou d'au moins seize ans lorsqu'il veut exercer une activité professionnelle, il doit être muni d'une carte de séjour. Cette carte, dont la durée de validité correspond à la durée de séjour envisagée du citoyen de l'Union dans la limite de cinq années, porte la mention : "carte de séjour de membre de la famille d'un citoyen de l'Union". Sauf application des mesures transitoires prévues par le traité d'adhésion à l'Union européenne de l'Etat dont il est ressortissant, cette carte donne à son titulaire le droit d'exercer une activité professionnelle " ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 de ce code : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République " ;

3. Considérant que, lorsqu'il est saisi d'une demande de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'une des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet n'est pas tenu, en l'absence de dispositions expresses en ce sens, d'examiner d'office si l'intéressé peut prétendre à une autorisation de séjour sur le fondement d'une autre disposition de ce code ou de tout autre texte ;

4. Considérant qu'il est constant que Mme B...a sollicité le 22 avril 2013 la délivrance d'un titre de séjour " vie privée et familiale " ; que, dans ces conditions, elle devait être regardée comme invoquant le bénéfice des seules dispositions de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile régissant la délivrance de plein droit des cartes de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ; qu'ainsi, nonobstant la circonstance que l'intéressée faisait également état dans sa demande de son union avec un ressortissant portugais, c'est sans commettre d'erreur de droit que le préfet de police a examiné celle-ci au regard des seules dispositions invoquées, sans rechercher si Mme B...pouvait prétendre à un titre de séjour sur le fondement des dispositions des articles L. 121-1 et L. 121-3 du même code ; que, partant, Mme B...ne pouvait utilement se prévaloir desdites dispositions à l'appui de sa contestation de l'arrêté en litige ; que le préfet de police est donc fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Paris s'est fondé sur la violation des articles

L. 121-1 et L. 121-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour annuler son arrêté ;

5. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme B...devant le Tribunal administratif de Paris et devant la Cour ;

Sur la légalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :

6. Considérant, en premier lieu, que par un arrêté n° 2012-00493 du 8 juin 2012, régulièrement publié au bulletin municipal officiel de la ville de Paris du 12 juin 2012, le préfet de police a donné à Mme A...D...délégation pour signer notamment les décisions en matière de délivrance de titres de séjour ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le signataire de la décision litigieuse n'aurait pas été titulaire d'une délégation régulière, manque en fait ;

7. Considérant, en deuxième lieu, que si la requérante soutient que le préfet a insuffisamment motivé sa décision en ne visant que l'article L. 511-1, sans préciser de quel cas relevait sa situation particulière, il résulte toutefois de l'examen de la décision litigieuse, prise sur le fondement du 7 de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que celle-ci mentionne notamment que la communauté de vie de Mme B...avec son compagnon sur le territoire français est récente et qu'elle vise les articles 3 et 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que cette décision comporte ainsi les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement ; que par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'acte manque en fait et doit être écarté ;

8. Considérant, en troisième lieu, que Mme B...qui, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, a sollicité la délivrance d'un titre de séjour " vie privée et familiale " sur le fondement des seules dispositions de l'article L. 313-11, 7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ne saurait utilement soutenir par voie d'exception que les dispositions de l'article

L. 121-1 du même code auraient méconnu les objectifs de la directive 2004/38/CE du Conseil du 29 avril 2004 ; qu'ainsi, et sans qu'il soit besoin de poser une question préjudicielle à la cour de justice de l'Union européenne, le moyen qu'elle tire d'une telle incompatibilité ne peut qu'être écarté ;

9. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° II ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

10. Considérant que, pour établir que l'arrêté attaqué a porté une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale, Mme B...fait valoir qu'elle a rencontré son compagnon en 2011, qu'ils ont conclu un pacte civil de solidarité le 16 novembre 2012, que de leur union est né un enfant en 2012 et qu'étant d'origine japonaise, elle est bien intégrée à la société française ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que, compte tenu de la relative brièveté de son séjour en France et de la communauté de vie dont elle fait état à la date de l'arrêté en litige et alors qu'elle n'est par ailleurs pas dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine, l'arrêté contesté n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit à une vie privée et familiale, en méconnaissance des stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

11. Considérant, en cinquième lieu, qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent des enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ; qu'il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ; que toutefois la décision litigieuse, qui n'a pas pour effet, par elle-même, de séparer

Mme B...de son enfant, n'a pas méconnu les stipulations précitées ;

12. Considérant, en sixième lieu, que si Mme B...fait valoir que, compte tenu de la durée de son séjour en France et des liens qui l'y attachent, le préfet de police a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision attaquée sur sa situation personnelle, les circonstances qu'elle invoque ne suffisent pas à établir que, dans les circonstances de l'espèce et eu égard aux effets de cette décision, le refus de lui délivrer le titre de séjour sollicité entraîne pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité ;

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

13. Considérant que, compte tenu de ce qui a été dit ci-dessus, Mme B...n'est pas fondée à soutenir que la mesure d'obligation de quitter le territoire français que comporte l'arrêté attaqué serait intervenue en conséquence d'une décision de refus de titre de séjour illégale ou en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

14. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français ou d'une mesure de reconduite à la frontière en application du présent chapitre : [...]

11° Le ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse, ainsi que les membres de sa famille, qui bénéficient du droit au séjour permanent prévu par l'article L. 122-1 " ; que ledit article L. 122-1 dispose que " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le ressortissant visé à l'article L. 121-1 qui a résidé de manière légale et ininterrompue en France pendant les cinq années précédentes acquiert un droit au séjour permanent sur l'ensemble du territoire français. Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le membre de sa famille mentionné à l'article L. 121-3 acquiert également un droit au séjour permanent sur l'ensemble du territoire français à condition qu'il ait résidé en France de manière légale et ininterrompue avec le ressortissant visé à l'article L. 121-1 pendant les cinq années précédentes. Une carte de séjour d'une durée de validité de dix ans renouvelable de plein droit lui est délivrée " ;

15. Considérant qu'à la date d'intervention de l'arrêté contesté, soit le 29 mai 2013, Mme B...ne justifiait pas résider en France de manière légale et ininterrompue avec son compagnon pendant les cinq années précédentes, étant entrée en France le 12 juin 2012, ayant conclu un PACS le 16 novembre 2012, et ne se prévalant que d'une durée de vie commune de deux ans ; que, Mme B...ne remplissant pas les conditions posées par l'article L. 122-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, elle ne saurait valablement se prévaloir des dispositions précitées de l'article L. 511-4 11 dudit code pour soutenir qu'elle ne pourrait faire l'objet d'un arrêté de reconduite en tant qu'elle est l'épouse d'un ressortissant d'un Etat membre de la communauté européenne ;

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

16. Considérant que les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions du 7 de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que de l'article 8 CEDH, sont inopérants à l'encontre de la décision fixant le pays de destination ;

17. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 29 mai 2013 ; que la demande de Mme B...devant le Tribunal administratif de Paris doit, par suite, être rejetée, de même que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à ce que la Cour condamne l'Etat au versement d'une astreinte en vue de l'exécution de ce jugement, ainsi que ses conclusions à fin d'injonction et ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Paris n° 1309133/3-3 en date du

15 octobre 2013 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme B...devant le Tribunal administratif de Paris est rejetée.

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N° 13PA04191


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 13PA04191
Date de la décision : 24/03/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme MILLE
Rapporteur ?: M. Michel ROMNICIANU
Rapporteur public ?: M. LADREYT
Avocat(s) : CERF

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2014-03-24;13pa04191 ?
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