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05/02/2014 | FRANCE | N°13PA00272

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 05 février 2014, 13PA00272


Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 22 janvier et 5 février 2013, présentés par le préfet de police de Paris; le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1210413/3-1 du 18 décembre 2012 en tant que le Tribunal administratif de Paris a annulé sa décision du 3 mai 2012 refusant à Mme A...D...le renouvellement de son titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination, lui a enjoint de délivrer à l'intéressée un titre de séjour portant la mention "vie privée et fa

miliale" dans un délai de trois mois et a mis à la charge de l'État le versem...

Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 22 janvier et 5 février 2013, présentés par le préfet de police de Paris; le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1210413/3-1 du 18 décembre 2012 en tant que le Tribunal administratif de Paris a annulé sa décision du 3 mai 2012 refusant à Mme A...D...le renouvellement de son titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination, lui a enjoint de délivrer à l'intéressée un titre de séjour portant la mention "vie privée et familiale" dans un délai de trois mois et a mis à la charge de l'État le versement de la somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme D...devant ledit tribunal ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée ;

Vu la déclaration universelle des droits de l'homme du 10 décembre 1948 ;

Vu le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 janvier 2014 le rapport de

M. Magnard, premier conseiller ;

1. Considérant que MmeD..., née le 4 janvier 1985 et de nationalité géorgienne, est entrée en France le 5 septembre 2003 sous couvert d'un visa long séjour ; qu'elle a bénéficié d'un titre de séjour portant la mention "étudiant" valable du 5 septembre 2003 au

4 septembre 2004 régulièrement renouvelé jusqu'en 2010, puis d'un titre de séjour portant la mention "salarié" valable du 26 octobre 2010 au 25 octobre 2011 ; que, le 16 janvier 2012, elle a sollicité le renouvellement de son titre de séjour sur le fondement du 1° de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par un arrêté du 3 mai 2012 dont l'intéressée demande l'annulation, le préfet de police a rejeté cette demande, a assorti sa décision de refus d'une obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination ; que le préfet de police relève appel du jugement n° 1210413/3-1 du 18 décembre 2012 en tant que le Tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté, lui a enjoint de délivrer à l'intéressée un titre de séjour portant la mention "vie privée et familiale" dans un délai de trois mois et a mis à la charge de l'État le versement de la somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Sur les conclusions du préfet de police :

2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme D...est célibataire et sans charges de famille ; qu'elle n'est pas dépourvue d'attaches dans son pays, où résident ses parents et où il n'est pas établi qu'elle n'aurait pas la possibilité de se réinsérer ; que, si elle séjourne en France depuis 2003, son statut d'étudiant ne lui donnait pas vocation à rester sur le territoire français ; que c'est seulement à la faveur de ses titres de séjour en qualité d'étudiante qu'elle a été autorisée à travailler en tant que fille au pair ; que, si elle souffre d'une infection au virus de l'immunodéficience humaine, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle ne pourrait être soignée dans son pays d'origine ; qu'ainsi, et alors même qu'elle a bénéficié en mars 2010 d'une autorisation de travailler en tant que guide interprète de conférence et dispose depuis septembre 2010 d'un contrat à durée indéterminée en qualité de vendeuse, la décision du

3 mai 2012 par laquelle le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour ne peut, en tout état de cause, être regardée comme entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de cette mesure sur la situation personnelle de l'intéressée ; qu'il suit de là que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges se sont fondés sur ce motif pour annuler l'arrêté litigieux ;

3. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme D...devant elle et devant le Tribunal administratif de Paris ;

4. Considérant, en premier lieu, que M. C...B..., adjoint au chef du 6ème bureau de la direction de la police générale de la préfecture de police, signataire de l'arrêté en litige, bénéficiait d'une délégation de signature du préfet de police aux termes d'un arrêté

n° 2012-00358 du 17 avril 2012 accordant délégation de la signature préfectorale au sein de la direction susmentionnée à l'effet de signer tous les actes dans la limite de ses attributions en cas d'absence ou d'empêchement d'autorités dont il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elles n'ont pas été absentes ou empêchées lors de la signature de l'acte litigieux ; que l'arrêté du

17 avril 2012 du préfet de police, qui a été régulièrement publié au Bulletin municipal officiel de la Ville de Paris le 24 avril 2012 est, par suite, opposable à MmeD..., sans que celle-ci puisse en tout état de cause faire utilement valoir qu'elle n'a pas été mise en mesure de vérifier l'existence de la délégation de signature en cause ;

5. Considérant, en deuxième lieu, que la décision de refus de séjour mentionne les éléments de fait et de droit sur lesquels elle se fonde, en des termes qui, contrairement à ce qui est soutenu, ne sont pas stéréotypés ; qu'elle est par suite suffisamment motivée, alors même qu'elle ne reprendrait pas l'intégralité des circonstances propres à la situation de l'intéressée ; que l'obligation de quitter le territoire français découlant du refus de titre de séjour opposé à la requérante en application du 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sa motivation se confond, en vertu des dispositions de cet article, avec celle du refus de titre de séjour dont l'intéressée a fait l'objet ; que, par suite, le moyen tiré du défaut de motivation de la décision portant obligation de quitter le territoire français ne peut qu'être également écarté ;

6. Considérant, en troisième lieu, qu'il ressort des mentions de l'arrêté en litige que le préfet de police a procédé à un examen de la situation administrative de Mme D...au regard de l'ensemble des éléments produits par celle-ci au soutien de sa demande ; que, par suite, le moyen tiré de l'absence d'examen particulier de la situation de l'intéressée ne peut qu'être écarté ;

7. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée : 1° A l'étranger titulaire d'un contrat de travail visé conformément aux dispositions de l'article L. 341-2 du code du travail. " ; qu'il est constant que Mme D...ne justifiait pas d'un contrat visé en vertu desdites dispositions ; qu'ainsi, Mme D...ne saurait en tout état de cause se prévaloir, à l'appui du moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées, des circonstances particulières ayant conduit à la rupture d'un précédent contrat ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que l'arrêté en litige serait à cet égard entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;

8. Considérant, en cinquième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; que Mme D...ne saurait se prévaloir de la méconnaissance de ces stipulations, un tel moyen étant inopérant à l'encontre d'un refus de titre de séjour portant la mention "salarié" ; qu'il résulte en tout état de cause de ce qui a été dit ci-dessus que ces stipulations n'ont pas été méconnues ; qu'enfin, il ne ressort en tout état de cause pas des pièces du dossier que l'arrêté en litige serait à cet égard entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;

9. Considérant, en sixième lieu, que Mme D...a demandé la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 1° de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que les moyens tirés de la méconnaissance des articles

L. 313-11 11° et L. 313-14 de ce code et de l'erreur manifeste d'appréciation commise au regard de ces articles sont par suite inopérants ;

10. Considérant, en septième lieu, que Mme D...ne peut utilement invoquer les stipulations de l'article 25 de la déclaration universelle des droits de l'homme, laquelle ne figure pas au nombre des textes diplomatiques ayant été ratifiés dans les conditions fixées par l'article 55 de la Constitution ;

11. Considérant, en huitième lieu, que Mme D...ne peut utilement invoquer le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 12 du pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, en vertu duquel la France s'est engagée à prendre toute mesure permettant à chacun de bénéficier du meilleur état de santé physique et mentale qu'il soit capable d'atteindre, ces stipulations ne produisant pas d'effet direct à l'égard des particuliers ;

12. Considérant, en neuvième lieu, qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ; que Mme D... n'établit pas qu'elle encourrait à titre personnel des risques de la nature de ceux mentionnés par les stipulations précitées en cas de retour dans son pays d'origine ; que le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations doit dès lors, et en tout état de cause, être écarté ;

13. Considérant, en dixième lieu, qu'il résulte de ce qui précède que le moyen soulevé à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français et de la décision fixant le pays de destination et tiré de l'illégalité de la décision de refus de séjour ne peut qu'être écarté ;

14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 3 mai 2012 refusant à Mme D...la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français et fixant son pays de destination, lui a enjoint de délivrer à l'intéressée un titre de séjour portant la mention "vie privée et familiale" dans un délai de trois mois et a mis à la charge de l'État le versement de la somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

15. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'État, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que Mme D...demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Les articles 1er, 2 et 3 du jugement n° 1210413/3-1 du 18 décembre 2012 du

Tribunal administratif de Paris sont annulés.

Article 2 : La demande présentée devant le Tribunal administratif de Paris par Mme D...et ses conclusions devant la Cour sont rejetées.

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N° 13PA00272


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 13PA00272
Date de la décision : 05/02/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme TANDONNET-TUROT
Rapporteur ?: M. Franck MAGNARD
Rapporteur public ?: M. EGLOFF
Avocat(s) : ATTALI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2014-02-05;13pa00272 ?
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