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05/02/2014 | FRANCE | N°13PA00271

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 05 février 2014, 13PA00271


Vu la requête, enregistrée le 22 janvier 2013, présentée par le préfet de police de Paris ; le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1208123/5-3 du 20 décembre 2012 en tant que le Tribunal administratif de Paris, d'une part, a annulé son arrêté du 29 février 2012 par lequel il a refusé à Mme A...B...la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé la Russie comme pays de destination, d'autre part, lui a enjoint de délivrer à l'intéressée un titre de séjour portant la mention "vie privée et

familiale" valable un an dans le délai de deux mois à compter de la notification ...

Vu la requête, enregistrée le 22 janvier 2013, présentée par le préfet de police de Paris ; le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1208123/5-3 du 20 décembre 2012 en tant que le Tribunal administratif de Paris, d'une part, a annulé son arrêté du 29 février 2012 par lequel il a refusé à Mme A...B...la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé la Russie comme pays de destination, d'autre part, lui a enjoint de délivrer à l'intéressée un titre de séjour portant la mention "vie privée et familiale" valable un an dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement et, enfin, a mis à la charge de l'État la somme de

1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme B...devant ledit tribunal ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention de New York du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 janvier 2014 le rapport de

M. Magnard, premier conseiller ;

1. Considérant que MmeB..., de nationalité russe, née le 11 novembre 1980 à Tchetchen Aoul, est entrée en France le 29 juin 2009 selon ses déclarations ; qu'elle a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 8° de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par un arrêté du 29 février 2012, le préfet de police a rejeté sa demande, l'a obligée à quitter le territoire et a fixé le pays de renvoi ; que le préfet de police fait appel du jugement n° 1208123/5-3 du 20 décembre 2012 par lequel le Tribunal administratif de Paris a, d'une part, annulé cet arrêté, d'autre part, lui a enjoint de délivrer à l'intéressée un titre de séjour portant la mention "vie privée et familiale" dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement et, enfin, a mis à la charge de l'État la somme de 1 000 euros en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention de New York du

26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ; qu'il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ; que, si Mme B...vit en France avec son mari et leurs cinq enfants, dont les trois derniers, âgés de 11, 7 et 4 ans, sont scolarisés, il ressort des pièces du dossier que le mari de l'intéressée ne disposait pas d'un titre de séjour ; que, d'ailleurs, le jugement du 5 juin 2013 annulant l'arrêté du 27 décembre 2011 du préfet de police refusant l'admission au séjour de M. B...et lui enjoignant d'accorder un titre de séjour à ce dernier est annulé par un arrêt de ce jour de la Cour de céans ; que la demande de statut de réfugié politique de Mme B...a été rejetée une première fois par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 27 septembre 2010, confirmée le 21 octobre 2011 par la Cour nationale du droit d'asile, puis, une seconde fois, dans le cadre de la procédure prioritaire, par une décision de l'OFPRA du 16 janvier 2012 ; que le mari de Mme B...s'est vu également refuser le statut de réfugié politique ; que, dans ces conditions, et en l'absence de circonstance particulière, l'intéressée ne justifiant ni des liens familiaux en France avec les personnes dont elle fournit des attestations, ni des importantes relations amicales dont elle se prévaut, Mme B...n'établit l'existence d'aucun obstacle à ce qu'elle et son époux emmènent avec eux leurs enfants afin de poursuivre une vie privée et familiale normale à l'étranger ; que la circonstance que les enfants de Mme B...soient scolarisés en France ne suffit pas à établir que leur intérêt supérieur n'ait pas été pris en compte ; qu'il suit de là que c'est en tout état de cause à tort que les premiers juges ont annulé l'arrêté en cause au motif qu'il méconnaissait les stipulations de l'article 3-1 de la convention de New York du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant ;

3. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme B...devant le Tribunal administratif de Paris ;

4. Considérant, en premier lieu, que l'arrêté du 29 février 2012 comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement ; qu'il est donc suffisamment motivé, alors même qu'il n'aurait pas détaillé les risques de persécution invoqués par la requérante en cas de retour dans son pays d'origine, ni les motifs pour lesquels l'admission au séjour en qualité de réfugié lui avait été refusée dans le cadre du réexamen, selon la procédure prioritaire, de sa demande d'asile ;

5. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de résident est délivrée de plein droit, sous réserve de la régularité du séjour : ( ...) 8° A l'étranger qui a obtenu le statut de réfugié (...) " ; qu'aux termes du I de l'article L. 511-1 I du même code : " L'autorité administrative qui refuse la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour à un étranger ou qui lui retire son titre de séjour, son récépissé de demande de carte de séjour ou son autorisation provisoire de séjour, pour un motif autre que l'existence d'une menace à l'ordre public, peut assortir sa décision d'une obligation de quitter le territoire français, laquelle fixe le pays à destination duquel l'étranger sera renvoyé s'il ne respecte pas le délai de départ volontaire prévu au troisième alinéa. (...) "; que l'étranger demandeur d'asile doit être regardé comme saisissant, implicitement mais nécessairement, le préfet auprès duquel il dépose son dossier d'une demande de délivrance d'un titre de séjour en qualité de réfugié ; que, l'OFPRA et la Cour nationale du droit d'asile ayant refusé le statut de réfugié à MmeB..., le préfet de police était tenu de refuser de délivrer à l'intéressée une carte de séjour temporaire sur ce fondement et était, par suite, en mesure de prendre à l'encontre de celle-ci une mesure d'obligation de quitter le territoire français ; qu'il suit de là que

Mme B...n'est pas fondée à soutenir qu'elle avait sollicité non pas la délivrance d'une carte de séjour mais seulement son admission au séjour en application des articles L. 741-1, L. 741-2 et L. 741-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

6. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; que, pour les même motifs qu'indiqués précédemment en ce qui concerne l'article 3-1 de la convention de New York du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant, les stipulations précitées ne peuvent être regardées comme ayant été méconnues ;

7. Considérant, en quatrième lieu, que les stipulations des articles 2-2 et 22 de la convention relative aux droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990, créent seulement des obligations entre les États sans ouvrir de droits aux particuliers ; que

Mme B...ne peut donc utilement se prévaloir de la violation de ces articles pour demander l'annulation de l'arrêté du préfet de police ;

8. Considérant, en cinquième lieu, qu'aux termes de l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la présente Convention ont été violés, a droit à l'octroi d'un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l'exercice de leurs fonctions officielles " ; qu'il est constant que Mme B... a présenté sa demande d'asile devant l'OFPRA, puis devant la Cour nationale du droit d'asile, ainsi que devant le tribunal administratif et la cour administrative d'appel ; qu'il ressort en outre des pièces versées au dossier que la décision d'éloignement prise à l'encontre de Mme B...ne l'empêchait pas, après que sa demande de réexamen de sa demande d'asile a été rejetée par l'OFPRA dans le cadre de la procédure prioritaire, de saisir la cour nationale du droit d'asile ; que Mme B...disposait, par ailleurs, de la faculté de saisir le tribunal administratif d'un recours en référé liberté contre le refus d'admission provisoire au séjour, ainsi que d'un recours pour excès de pouvoir suspensif contre la décision portant obligation de quitter le territoire français et la mesure fixant le pays de renvoi prises à la suite du rejet de sa demande d'asile ; que, dans ces conditions, elle ne saurait soutenir qu'elle aurait été privée d'un recours effectif devant une instance nationale, en méconnaissance des stipulations précitées de l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le droit au recours effectif n'impliquant pas nécessairement que l'étranger puisse se maintenir sur le territoire français jusqu'à l'issue de son nouveau recours devant la Cour nationale du droit d'asile, juridiction devant laquelle, au demeurant, il dispose de la faculté de se faire représenter par un conseil ou par toute autre personne ; que le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées ne peut qu'être écarté ; que, pour les mêmes motifs, l'arrêté en cause ne saurait être regardé comme entaché à cet égard d'une erreur manifeste d'appréciation ;

9. Considérant, en sixième lieu, qu'il résulte de ce qui précède que le moyen tiré par Mme B...de ce que le préfet de police, en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour, ne pouvait légalement l'obliger à quitter le territoire français sur le fondement des dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ne peut qu'être écarté ; que, contrairement à ce qui est soutenu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet se serait estimé en situation de compétence liée pour prendre à l'encontre de Mme B...une décision d'éloignement ;

10. Considérant, en septième lieu, qu'aux termes du dernier alinéa de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 " ; que ce dernier texte énonce que " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ; qu'aux termes de l'article 3 de la convention contre les tortures et autres peines et traitements cruels, inhumains ou dégradants, adoptée à New-York le 10 décembre 1984 : " 1. Aucun État partie n'expulsera, ne refoulera, ni n'extradera une personne vers un autre Etat où il y a des motifs sérieux de croire qu'elle risque d'être soumise à la torture. / 2. Pour déterminer s'il y a de tels motifs, les autorités compétentes tiendront compte de toutes les considérations pertinentes, y compris, le cas échéant, de l'existence, dans l'État intéressé, d'un ensemble de violations systématiques des droits de l'homme, graves, flagrantes ou massives. " ; que

Mme B...fait valoir qu'elle craint pour sa vie et sa sécurité en cas de retour dans son pays, la Tchétchénie ; qu'ainsi qu'il a déjà été dit, la demande de statut de réfugié politique de

Mme B...a été rejetée une première fois, par une décision de l'OFPRA du

27 septembre 2010, confirmée le 21 octobre 2011 par la Cour nationale du droit d'asile et une seconde fois, dans le cadre de la procédure prioritaire, par une décision de l'OFPRA du

16 janvier 2012 ; que Mme B...n'apporte au dossier aucun document permettant d'établir la réalité des risques qu'elle encourrait à titre personnel en cas de retour dans son pays ; qu'en produisant des extraits de rapports publiés par divers organismes, dont l'association

Amnesty international, selon lesquels des violations systématiques des droits de l'homme, graves, flagrantes ou massives seraient commises dans la région du Caucase du Nord,

Mme B...n'établit pas la méconnaissance des stipulations précitées ;

11. Considérant, enfin, que, si Mme B...soutient que l'arrêté en cause méconnaît les droits économiques et sociaux auxquels elle pourrait prétendre, elle n'assortit pas ce moyen des précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé ; qu'il ne ressort par ailleurs, et en tout état de cause, d'aucune pièce du dossier que le préfet de police aurait, sur ce point, entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de cet arrêté sur la situation personnelle de l'intéressée ;

12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 29 février 2012, lui a enjoint de délivrer à l'intéressée un titre de séjour portant la mention "vie privée et familiale" dans un délai de deux mois et a mis à la charge de l'État la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et à demander en conséquence l'annulation de ce jugement et le rejet de la demande présentée par Mme B...devant ce tribunal ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1208123/5-3 du 20 décembre 2012 du Tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme B...devant le Tribunal administratif de Paris est rejetée.

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N° 11PA00434

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N° 13PA00271


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 13PA00271
Date de la décision : 05/02/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme TANDONNET-TUROT
Rapporteur ?: M. Franck MAGNARD
Rapporteur public ?: M. EGLOFF

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2014-02-05;13pa00271 ?
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