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30/01/2014 | FRANCE | N°12PA02524

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 9ème chambre, 30 janvier 2014, 12PA02524


Vu la requête, enregistrée le 12 juin 2012, présentée pour Mme A...B..., demeurant..., par Me Fages ;

Mme B... demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 1011856, 1017803, 1017864, 1017866 du 5 avril 2012 du Tribunal administratif de Paris en tant que, par ce jugement, celui-ci a rejeté ses conclusions tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 15 000 euros en réparation du préjudice moral qu'elle estime avoir subi du fait d'agissements constitutifs de harcèlement moral ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 15 000 euro

s, en réparation du préjudice d'ordre professionnel et moral qu'elle estime avoir...

Vu la requête, enregistrée le 12 juin 2012, présentée pour Mme A...B..., demeurant..., par Me Fages ;

Mme B... demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 1011856, 1017803, 1017864, 1017866 du 5 avril 2012 du Tribunal administratif de Paris en tant que, par ce jugement, celui-ci a rejeté ses conclusions tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 15 000 euros en réparation du préjudice moral qu'elle estime avoir subi du fait d'agissements constitutifs de harcèlement moral ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 15 000 euros, en réparation du préjudice d'ordre professionnel et moral qu'elle estime avoir subi du fait d'agissements constitutifs de harcèlement moral ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et la somme de 35 euros correspondant à la contribution pour l'aide juridique prévue par l'article R. 761-1 du code de justice administrative ;

.........................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983, portant droits et obligations des fonctionnaires ;

Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984, portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat ;

Vu le décret n° 86-83 du 17 janvier 1986, relatif aux dispositions générales applicables aux agents non titulaires de l'Etat pris pour l'application de l'article 7 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 janvier 2014 :

- le rapport de Mme Bernard, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Oriol, rapporteur public,

- et les observations de Me Fages, avocat de Mme B... ;

1. Considérant que Mme B...a été recrutée par le préfet de police de Paris à compter du 1er juin 2008 par contrat d'une durée d'un an pour exercer les fonctions de " spécialiste chargée de la passation des marchés publics " au sein du bureau des affaires juridiques et des achats (BAJA) du département modernisation, moyens et méthode du service des affaires immobilières ; que, par décision du 25 septembre 2008, le chef du service des affaires immobilières l'a nommée chef du bureau des affaires juridiques et des achats à compter du 22 septembre 2008 ; que son contrat a été reconduit pour une durée de deux ans à compter du 1er juin 2009 ; que, par décision du 26 janvier 2010, le chef du service des affaires immobilières l'a nommée chargée de mission du pôle " Grands projets et expertise juridique " au sein de ce bureau ; que le préfet de police l'a suspendue de ses fonctions par décision du 6 août 2010, puis a prononcé son licenciement par décision du 30 août 2010 ; que, par un jugement du 5 avril 2012, le Tribunal administratif de Paris a annulé les décisions précitées des 26 janvier et 6 et 30 août 2010 et a condamné l'Etat à indemniser Mme B... des préjudices moral et pécuniaire subis à raison de l'illégalité desdites décisions ; que Mme B... relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 15 000 euros en réparation du préjudice moral qu'elle estime avoir subi du fait d'agissements constitutifs de harcèlement moral ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 6 quinquiès de la loi susvisée du 13 juillet 1983 : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. / (...) / Les dispositions du présent article sont applicables aux agents non titulaires de droit public. " ;

3. Considérant, d'une part, qu'il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement ; qu'il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile ;

4. Considérant, d'autre part, que, pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral ; qu'en revanche, la nature même des agissements en cause exclut, lorsque l'existence d'un harcèlement moral est établie, qu'il puisse être tenu compte du comportement de l'agent qui en a été victime pour atténuer les conséquences dommageables qui en ont résulté pour lui ; que le préjudice résultant de ces agissements pour l'agent victime doit alors être intégralement réparé ;

5. Considérant qu'il résulte de l'instruction, qu'en mars 2009, les supérieurs hiérarchiques de Mme B... ont émis un avis favorable à la reconduction de son contrat en louant notamment ses solides compétences juridiques, son efficacité et sa disponibilité ; que son contrat a effectivement été reconduit en mai 2009 ; que, toutefois, l'organisation du service que dirigeait Mme B... depuis septembre 2008 n'était pas efficiente ; qu'il ressort ainsi des propres messages électroniques de Mme B... adressés aux agents de son service au cours du premier semestre de l'année 2009, qu'elle manquait de l'autorité nécessaire pour organiser efficacement leur travail ; que ce défaut d'organisation a engendré des tensions à l'intérieur du service ; que le conflit s'est cristallisé en juin 2009 entre Mme B... et les cadres de son service au sujet de la répartition des compétences de celles-ci ; que, contrairement à ce que soutient Mme B..., il ne résulte nullement de l'instruction que ses supérieurs hiérarchiques l'auraient alors dénigrée, désavouée et tenue à l'écart de la réorganisation de son service ; qu'il résulte au contraire de l'instruction que la chef du département modernisation, moyens et méthodes, sa supérieure hiérarchique directe, a tenté, dès juin 2009, de trouver des solutions pour apaiser le conflit, notamment par l'organisation de plusieurs réunions auxquelles Mme B... a, à l'exception d'une seule, été conviée ; que ce n'est que six mois plus tard, après le constat de l'échec de ces tentatives de réorganisation et de conciliation, qu'il a été décidé de décharger Mme B... de ses fonctions de chef du bureau des affaires juridiques et des achats ; que si l'éventualité de sa démission a été évoquée par sa hiérarchie à cette occasion, il ne résulte pas de l'instruction que celle-ci aurait exercé en ce sens des pressions sur Mme B... ; que, dans ces conditions, la seule circonstance que Mme B... ait obtenu un arrêt de travail de dix jours pour " dépression " en octobre 2009 ne suffit pas à établir qu'elle aurait été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral dans l'exercice de ses fonctions de chef du bureau des affaires juridiques et des achats ;

6. Considérant que, par décision du 26 janvier 2010, le chef du service des affaires immobilières a nommé Mme B... chargée de mission du pôle " Grands projets et expertise juridique ", nouvellement créé au sein du bureau des affaires juridiques et des achats ; qu'ainsi que l'a relevé le tribunal, ce changement de poste, qui est intervenu alors que ses supérieurs ne l'avaient pas informée au préalable de l'ampleur exacte du changement envisagé, a eu pour effet, d'une part, de priver Mme B... de toute fonction hiérarchique et, d'autre part, de la placer dans une situation de dépendance par rapport aux personnes qu'elle dirigeait jusqu'alors pour obtenir les informations qui lui étaient nécessaires dans le cadre du suivi des dossiers qui lui étaient confiés ; qu'en outre, plusieurs arrêts de travail pour " dépression liée à un conflit persistant au travail " ont été délivrés à Mme B... à compter du 20 février 2010 ; que, toutefois, il résulte de l'instruction que le nouveau poste attribué à Mme B... était à la mesure de ses compétences juridiques, qui n'avaient pas été remises en cause par sa hiérarchie, et que Mme B... s'est effectivement vu confier la responsabilité d'importants dossiers ; que ce n'est que postérieurement, eu égard au nombre et à la durée de ses congés pour maladie, qu'elle a été dessaisie d'une partie des dossiers qui lui avaient été attribués aux fins d'assurer la continuité du service ; que c'est également pour cette raison que son supérieur hiérarchique a accédé à sa messagerie professionnelle afin de transmettre à l'agent à qui un dossier urgent avait été confié en son absence, les messages qui lui avaient été adressés dans le cadre de ce dossier ; que si Mme B... fait valoir que le nouveau chef du bureau des affaires juridiques et des achats lui a adressé des messages rédigés sur un ton humiliant et que celui-ci se montrait particulièrement pointilleux à son égard, les éléments versés au dossier révèlent seulement l'existence de rappels à l'ordre ponctuels, rédigés certes de manière autoritaire, mais qui ne présentaient pas de caractère totalement injustifié ; qu'ainsi que l'a jugé le tribunal administratif, la teneur de ces messages doit, en outre, être appréciée au regard de l'attitude de l'intéressée, qui faisait preuve, comme en atteste notamment le rapport de la chef du département modernisation, moyens et méthode du 18 février 2010, d'insolence vis-à-vis de son supérieur et qui, malgré sa nouvelle affectation, estimait être toujours en charge de la direction du bureau, ainsi qu'en attestent, d'une part, un message électronique du 28 juin 2010 adressé à la chef du département modernisation, moyens et méthode et, d'autre part, le maintien de la mention " chef du BAJA " dans la signature de ses messages électroniques, alors qu'elle n'établit pas s'être trouvée dans l'impossibilité de modifier elle-même ou de faire modifier cette mention ; que, par ailleurs, il ne résulte pas de l'instruction que Mme B... aurait été écartée des réunions portant sur des dossiers la concernant ; qu'enfin, il ressort des messages électroniques de Mme B... des 25 mai et 6 avril 2009 que le bureau 4109 dans lequel elle a été installée après son changement de poste était déjà en partie attribué au bureau des affaires juridiques et des achats et n'était pas éloigné des autres bureaux, numérotés 4102 à 4108, occupés par ce service, qui manquait alors de place en raison de l'arrivée de nouveaux agents ; que, dans ces conditions, les agissements des supérieurs hiérarchiques de Mme B..., qui n'ont pas excédé les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique, n'étaient pas constitutifs de harcèlement moral au sens des dispositions précitées ; que, par suite, les conclusions de Mme B... tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme à titre de dommages et intérêts à raison du préjudice moral qu'elle estime avoir subi du fait d'agissements constitutifs de harcèlement moral doivent être rejetées ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

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N° 12PA02524


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 12PA02524
Date de la décision : 30/01/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Contentieux de la fonction publique - Contentieux de l'indemnité.

Responsabilité de la puissance publique - Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité - Responsabilité régie par des textes spéciaux.


Composition du Tribunal
Président : Mme MONCHAMBERT
Rapporteur ?: Mme Aurélie BERNARD
Rapporteur public ?: Mme ORIOL
Avocat(s) : FAGES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2014-01-30;12pa02524 ?
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