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31/12/2013 | FRANCE | N°10PA00464

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 31 décembre 2013, 10PA00464


Vu la requête, enregistrée le 25 janvier 2010, présentée pour M. A... D..., demeurant, ..., par MeB... ; M. D...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0712926/5-1 en date du 26 novembre 2009 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 11 000 euros en réparation des préjudices résultant des refus d'inscription aux tableaux d'avancement au grade de brigadier-major de police au titre des années 2002 à 2006, ainsi qu'à l'annulation de la décision implicite rejetant sa réclamation p

réalable ;

2°) d'annuler la décision implicite par laquelle le ministr...

Vu la requête, enregistrée le 25 janvier 2010, présentée pour M. A... D..., demeurant, ..., par MeB... ; M. D...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0712926/5-1 en date du 26 novembre 2009 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 11 000 euros en réparation des préjudices résultant des refus d'inscription aux tableaux d'avancement au grade de brigadier-major de police au titre des années 2002 à 2006, ainsi qu'à l'annulation de la décision implicite rejetant sa réclamation préalable ;

2°) d'annuler la décision implicite par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté sa réclamation préalable ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser les sommes de 6 000 euros, en réparation de son préjudice matériel, et de 5 000 euros, en réparation de son préjudice moral ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le décret n° 95-654 du 9 mai 1995 ;

Vu le décret n° 2004-1439 du 23 décembre 2004 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 septembre 2013 :

- le rapport de M. Dellevedove, premier conseiller,

- les conclusions de M. Rousset, rapporteur public,

- et les observations de M.D... ;

1. Considérant que M.D..., titularisé dans le grade de gardien de la paix de la police nationale le 1er mars 1977 et reclassé au grade de brigadier de police le 1er avril 1992, a été promu au grade de brigadier-major à compter du 9 janvier 2007 ; que le ministre de l'intérieur a décidé implicitement de rejeter sa réclamation en date du 15 mars 2007 tendant à l'indemnisation des préjudices résultant des refus de le promouvoir au grade de brigadier-major au titre des années 2002 à 2006 ; que M. D... fait appel du jugement en date du 26 novembre 2009 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la réparation de ces préjudices et à l'annulation de cette décision ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 611-1 du code de justice administrative : " La requête et les mémoires, ainsi que les pièces produites par les parties, sont déposés ou adressés au greffe. / La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes dans les conditions prévues aux articles R. 611-3, R. 611-5 et R. 611-6. / Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux " ; que le respect de ces dispositions impose aux juridictions de communiquer de leur propre initiative à la partie adverse les pièces que produit l'une d'entre elles et qui sont de nature à influer sur le sens de leur décision ; qu'il n'en va autrement que dans le cas où il ressort des pièces du dossier que, dans les circonstances de l'espèce, cette méconnaissance n'a pas pu préjudicier aux droits des parties ;

3. Considérant que, à la suite d'une mesure d'instruction prescrite par le tribunal administratif sept jours avant l'audience, alors que l'instruction était close, le ministre de l'intérieur a produit les fiches individuelles de neuf agents promus au grade de brigadier-major au titre des années 2002 à 2006, comportant leurs notes chiffrées, agents que M. D... avait mentionnés dans ses écritures ; que M. D... faisait valoir notamment l'erreur manifeste d'appréciation qu'aurait commise le ministre de l'intérieur en préférant ses collègues, moins méritants, au regard de l'excellence de ses états de service et notamment de ses notations ; qu'il résulte de l'instruction que ces pièces nouvelles n'ont pas été communiquées à M. D... qui n'en a eu connaissance que lors de l'audience devant le tribunal administratif alors même que les premiers juges se sont appuyés sur ces pièces, notamment sur les notes chiffrées, pour rejeter sa demande ; que, dès lors, M. D... est fondé à soutenir que le caractère contradictoire de la procédure n'a pas été respecté et à demander, pour ce motif, l'annulation du jugement attaqué ; qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. D... devant le Tribunal administratif de Paris ;

Sur la responsabilité :

4. Considérant qu'aux termes de l'article 17 du décret susvisé du 9 mai 1995 fixant les dispositions communes applicables aux fonctionnaires actifs des services de la police nationale : " Pour l'établissement du tableau d'avancement de grade qui est soumis à l'avis des commissions administratives paritaires, il est procédé à un examen approfondi de la valeur professionnelle des agents susceptibles d'être promus compte tenu des notes obtenues par les intéressés, des propositions motivées formulées par les chefs de service et de l'appréciation portée sur leur manière de servir. Cette appréciation prend en compte les difficultés des emplois occupés et les responsabilités particulières qui s'y attachent ainsi que, le cas échéant, les actions de formation continue suivies ou dispensées par le fonctionnaire et l'ancienneté " ; qu'aux termes de l'article 18 du décret susvisé du 23 décembre 2004 portant statut particulier du corps d'encadrement et d'application de la police nationale : " Peuvent être inscrits au tableau d'avancement pour l'accès au grade de brigadier-major de police : / 1. Les brigadiers-chefs de police qui, au 1er janvier de l'année pour laquelle le tableau d'avancement a été arrêté, comptent dix-sept ans de services effectifs depuis leur titularisation dans le corps, dont quatre ans dans le grade de brigadier-chef de police, et ont satisfait aux obligations d'un examen des capacités professionnelles dont le contenu et les modalités sont fixés par arrêté du ministre de l'intérieur et du ministre de la fonction publique ; / 2. Dans la limite du douzième de l'ensemble des promotions de grade de l'année à réaliser au titre du présent article, les brigadiers-chefs de police qui, au 1er janvier de l'année pour laquelle le tableau d'avancement a été arrêté, comptent vingt ans de services effectifs depuis leur titularisation dans le corps, dont huit ans dans le grade de brigadier-chef ; / 3. Les brigadiers-chefs de police âgés de cinquante-quatre ans au moins au cours de l'année considérée qui comptent deux ans au moins de services effectifs dans l'échelon terminal du grade de brigadier-chef " ; que, si le juge administratif doit vérifier que les mérites de tous les postulants à l'avancement de grade ont fait l'objet d'un examen individuel et ont été effectivement comparés lors de l'établissement du tableau d'avancement, il ne lui appartient pas de contrôler le choix effectué par l'administration des agents qu'elle choisit d'inscrire ou de ne pas inscrire au tableau, dès lors que ce choix n'est pas fondé sur des faits matériellement inexacts et n'est entaché ni d'une erreur de droit ni d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Sur la légalité des tableaux d'avancement au grade de brigadier-major au titre des années 2002 à 2004 :

5. Considérant que l'inscription au tableau d'avancement ne constitue jamais un droit pour le fonctionnaire ; que, si, par lettre en date du 7 septembre 2007, l'administration a confirmé à M. D...qu'il remplissait les conditions de promotion au grade de brigadier-major pour les années en cause, cette circonstance ne saurait suffire à lui ouvrir droit à être inscrit à l'un des tableaux d'avancement contestés ;

6. Considérant que M. D...fait valoir que cinq agents promus au grade postulé entre 2002 et 2004 avaient des notes (cotées 6 ou 7 sur 7) inférieures ou égales aux siennes (cotées 7 sur 7), qu'il avait fait l'objet d'appréciations élogieuses de la part de sa hiérarchie, que son ancienneté était supérieure et que l'un de ces agents avait fait l'objet d'une mutation disciplinaire ; que, toutefois, d'une part, les dispositions réglementaires précitées n'accordent aucune priorité, pour l'avancement de grade, aux fonctionnaires qui, indépendamment de leur valeur professionnelle, auraient la plus grande ancienneté de services ; que, d'autre part, il ne résulte pas de l'instruction que les agents cités auraient eu une valeur professionnelle moindre que celle du requérant ; qu'enfin, en tout état de cause, contrairement à ce que soutient l'intéressé, il n'est nullement établi que l'un de ces agents aurait fait l'objet d'une mutation disciplinaire avant son inscription au tableau d'avancement, de nature à avoir pu affecter la pertinence de la comparaison de leur valeurs professionnelles respectives ; qu'il ne résulte pas davantage de l'instruction que la situation de M. D...n'a pas fait l'objet d'un examen approfondi au regard de son droit à l'avancement ; que, dans ces conditions et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, le ministre de l'intérieur n'a commis ni erreur de fait, ni erreur de droit, ni erreur manifeste d'appréciation en refusant d'inscrire M. D...aux tableaux d'avancement au grade de brigadier-major établis au titre des années 2002, 2003 et 2004 ; que, dès lors, sans qu'il soit besoin de statuer sur l'exception de prescription quadriennale opposée par l'administration au titre de l'année 2002, la responsabilité de l'État ne saurait être engagée à l'égard de M. D...du fait du refus de l'inscrire au tableau d'avancement au titre de l'une des années 2002 à 2004 ;

Sur la légalité du tableau d'avancement au grade de brigadier-major au titre de l'année 2005 :

7. Considérant que M. D...soutient qu'il possède une valeur professionnelle au moins égale à celle des autres agents inscrits sur le tableau d'avancement au grade de brigadier-major pour l'année 2005 et une ancienneté supérieure ; qu'il se prévaut de l'excellence de ses états de service et notamment des responsabilités de brigadier-major qu'il a déjà assumées ;

8. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, au titre de l'année 2005, d'une part, les appréciations portées par la hiérarchie sur la manière de servir de M. D...avaient été particulièrement élogieuses ; qu'en particulier, si, dans ses trois précédentes notations, qui comportaient déjà la note chiffrée maximale, les cotations de rang " supérieur " et " très bon " étaient également réparties entre les différentes rubriques d'appréciation, sa notation pour l'année 2005, où était maintenue sa note chiffrée au niveau maximal, comportait 12 rubriques cotées " supérieur ", les deux autres étant cotées " très bon " ; que, d'autre part, M. D...a occupé effectivement pendant la période de notation les fonctions de brigadier-major, sa hiérarchie le proposant à l'avancement en précisant notamment que " ce gradé, qui est nettement au-dessus de la norme de son grade, assume les fonctions de major chef de la brigade J2, avec un haut degré de compétence " ; qu'enfin, un autre agent, M.C..., a été inscrit au tableau d'avancement au titre de l'année 2005 alors qu'il était moins bien noté que lui ; que le ministre de l'intérieur, qui se borne à invoquer le contrôle limité du juge sur l'appréciation à laquelle se livre l'administration lors de l'inscription d'un agent à un tableau d'avancement, n'établit pas ni même n'allègue que la valeur professionnelle de cet agent aurait été supérieure à celle de M. D...et qu'il devait, en conséquence, être promu de préférence à lui, alors même qu'il incombait, dans ces conditions, à l'administration, si elle s'y croyait fondée, de démontrer l'inexactitude des critiques formulées par le requérant sur la valeur et l'ancienneté des agents inscrits au tableau d'avancement par rapport aux siennes en apportant au besoin aux débats des éléments comparatifs qu'elle était au demeurant seule à détenir ; que, dans ces conditions, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, le ministre de l'intérieur a commis une erreur manifeste d'appréciation en n'inscrivant pas le requérant sur le tableau d'avancement au grade de brigadier-major de police pour l'année 2005 ; que cette illégalité fautive est de nature à engager la responsabilité de l'État à l'égard de M. D...;

Sur le préjudice :

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, dans les circonstances de l'espèce, d'une part, la faute susmentionnée de l'État a privé M. D...d'une chance sérieuse d'être promu brigadier-major au titre de l'année 2005 ; qu'il s'ensuit que l'intéressé est fondé à réclamer le versement d'une indemnité égale à la différence entre le traitement qu'il a perçu au cours des années 2005 et 2006 en qualité de brigadier-chef, cinquième échelon, et le traitement qu'il aurait perçu en qualité de brigadier-major, premier échelon, au titre de ces deux années ; que, d'autre part, il y a lieu également de réparer le préjudice moral que lui a causé ce retard illégal de promotion ; que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, il sera fait une juste appréciation de la réparation due à M. D...par l'État à ces différents titres en en fixant le montant total à 2000 euros ;

Sur les intérêts :

10. Considérant que, lorsqu'ils ont été demandés et qu'elle que soit la date de cette demande, les intérêts moratoires dus en application de l'article 1153 du code civil courent à compter du jour où la sommation de payer le principal est parvenue au débiteur ou, en l'absence d'une telle demande préalablement à la saisine du juge, à compter du jour de cette saisine ; que M. D...demande à ce que la somme qui lui est due porte intérêts au taux légal à compter du 15 mars 2007, date de sa réclamation préalable ; que, toutefois, il résulte de l'instruction que cette réclamation, valant sommation de payer le principal, est parvenue aux services du ministre de l'intérieur le 20 mars 2007 ; qu'il y a lieu, dès lors, de fixer le point de départ des intérêts sur la somme susmentionnée de 2 000 euros au 20 mars 2007 ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M.D..., qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, une quelconque somme au titre des frais exposés par l'État et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. D...et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement susvisé du Tribunal administratif de Paris du 26 novembre 2009 est annulé.

Article 2 : L'État est condamné à verser à M. D...la somme de 2 000 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 20 mars 2007.

Article 3 : L'État versera à M. D...la somme de 1 500 euros, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête et les conclusions de l'État tendant à l'allocation de frais irrépétibles sont rejetés.

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N° 10PA00464


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 10PA00464
Date de la décision : 31/12/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. PERRIER
Rapporteur ?: M. Ermès DELLEVEDOVE
Rapporteur public ?: M. ROUSSET
Avocat(s) : JORION

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2013-12-31;10pa00464 ?
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