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20/12/2013 | FRANCE | N°10PA03916

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 20 décembre 2013, 10PA03916


Vu la requête, enregistrée le 2 août 2010, présentée pour la société Beuralia, dont le siège est au 13 bis rue de l'Aubrac à Paris (75012), par Me Plottin ; la société Beuralia demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0801170/7-1 du 24 juin 2010 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cinq décisions des

31 octobre et 21 novembre 2007 de l'Office national interprofessionnel de l'élevage et de ses productions (ONIEP) lui réclamant la somme totale de 63 430,85 euros au titre de la " garantie de transforma

tion " ;

2°) d'annuler lesdites décisions ;

3°) de mettre à la charge de l'E...

Vu la requête, enregistrée le 2 août 2010, présentée pour la société Beuralia, dont le siège est au 13 bis rue de l'Aubrac à Paris (75012), par Me Plottin ; la société Beuralia demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0801170/7-1 du 24 juin 2010 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cinq décisions des

31 octobre et 21 novembre 2007 de l'Office national interprofessionnel de l'élevage et de ses productions (ONIEP) lui réclamant la somme totale de 63 430,85 euros au titre de la " garantie de transformation " ;

2°) d'annuler lesdites décisions ;

3°) de mettre à la charge de l'Etablissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer), venant aux droits de l'ONIEP, une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le règlement (CEE) n° 2988/95 du Conseil du 18 décembre 1995 relatif à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes ;

Vu le règlement (CEE) n° 2220/85 de la Commission du 22 juillet 1985 fixant les modalités communes d'application du régime des garanties pour les produits agricoles, remplacé dans ses dispositions essentielles par le règlement (CE) n° 1898/2005 de la Commission du 9 novembre 2005 ;

Vu le règlement (CE) n° 2571/97 de la Commission du 15 décembre 1997 relatif à la vente à prix réduit de beurre et à l'octroi d'une aide à la crème, au beurre et au beurre concentré destinés à la fabrication de produits de pâtisserie, de glaces alimentaires et autres produits alimentaires ;

Vu le code civil ;

Vu le code rural ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 novembre 2013 :

- le rapport de M. Sorin, premier conseiller,

- les conclusions de M. Ladreyt, rapporteur public,

- les observations de Me Plottin, avocat de la société Beuralia et de Me Alibert, avocat de FranceAgrimer ;

1. Considérant que l'Office national interprofessionnel de l'élevage et de ses productions (ONIEP), devenu l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer) a, par des décisions en date des 31 octobre et 21 novembre 2007, demandé à la société Sodial Industrie, aux droits de laquelle intervient la société Beuralia, le reversement de la somme de 63 430,85 euros, au titre des garanties de transformation qui avaient été constituées par la société, dans le cadre d'offres de beurre tracé en raison de la non-conformité des offres ; que la société Beuralia relève régulièrement appel du jugement du 10 juin 2010 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande d'annulation desdites décisions ;

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne les décisions n° 9825 et 9826 du 31 octobre 2007 :

2. Considérant, en premier lieu, que le règlement (CE) n° 2571/97 du 15 décembre 1997 a institué une aide financière à la crème, au beurre et au beurre concentré destinés à la fabrication de produits de pâtisserie, de glaces alimentaires et autres produits alimentaires ; qu'aux termes de l'article premier, paragraphe 2 de ce règlement CE : " Ne peuvent bénéficier de l'aide que : a) le beurre produit directement et exclusivement à partir de crème pasteurisée et répondant aux conditions visées à l'article 6 paragraphe 2 du règlement (CEE) n° 804/68 et aux exigences de la classe nationale de qualité figurant à l'annexe II du règlement (CE) n° 454/95 de la Commission dans l'État membre de fabrication et dont l'emballage est marqué en conséquence " ; que le paragraphe 2 de l'article 6 du règlement (CEE) n° 804/68 du Conseil du 27 juin 1968, repris par le règlement (CE) n° 1255/1999, alors applicable, dispose que " des aides pour le stockage privé sont octroyées pour : (...) le beurre non salé produit, à partir de crème ou de lait, dans une entreprise agréée de la Communauté, d'une teneur minimale en poids de matière grasse butyrique de 82 p. 100 et d'une teneur maximale en poids d'eau de 16 p. 100 " ; qu'aux termes de l'article 23 : " 2. Lors de la fabrication du beurre concentré, additionné ou non des traceurs, ou lors de l'addition des traceurs à la crème ou au beurre, ou lors du reconditionnement visé à l'article 7 paragraphe 1 deuxième alinéa, l'organisme compétent assure des contrôles sur place en fonction du programme de fabrication de l'établissement, visé à l'article 10 paragraphe 2 point d), de sorte que chaque offre, telle que décrite à l'article 16, fasse l'objet d'un contrôle au moins. .. Les contrôles comportent la prise d'échantillons et portent notamment sur les conditions de fabrication, la quantité, la composition du produit obtenu en fonction du beurre ou de la crème mis en oeuvre " ;

3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 1er du règlement

(CEE) n° 2988/95 du Conseil du 18 décembre 1995 relatif à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes : " 1. Aux fins de la protection des intérêts financiers des Communautés européennes, est adoptée une réglementation générale relative à des contrôles homogènes et à des mesures et des sanctions administratives portant sur des irrégularités au regard du droit communautaire. / 2. Est constitutive d'une irrégularité toute violation d'une disposition du droit communautaire résultant d'un acte ou d'une omission d'un opérateur économique qui a ou aurait pour effet de porter préjudice au budget général des Communautés ou à des budgets gérés par celles-ci, soit par la diminution ou la suppression de recettes provenant des ressources propres perçues directement pour le compte des Communautés, soit par une dépense indue. " ; qu'aux termes de l'article 3 de ce règlement : " 1. Le délai de prescription des poursuites est de quatre ans à partir de la réalisation de l'irrégularité visée à l'article 1er paragraphe 1. Toutefois, les réglementations sectorielles peuvent prévoir un délai inférieur qui ne saurait aller en deçà de trois ans. / Pour les irrégularités continues ou répétées, le délai de prescription court à compter du jour où l'irrégularité a pris fin. Pour les programmes pluriannuels, le délai de prescription s'étend en tout cas jusqu'à la clôture définitive du programme. / La prescription des poursuites est interrompue par tout acte, porté à la connaissance de la personne en cause, émanant de l'autorité compétente et visant à l'instruction ou à la poursuite de l'irrégularité. Le délai de prescription court à nouveau à partir de chaque acte interruptif. / Toutefois, la prescription est acquise au plus tard le jour où un délai égal au double du délai de prescription arrive à expiration sans que l'autorité compétente ait prononcé une sanction, sauf dans les cas où la procédure administrative a été suspendue conformément à l'article 6 paragraphe 1. Les cas d'interruption et de suspension sont réglés par les dispositions pertinentes du droit national (...) 3. Les États membres conservent la possibilité d'appliquer un délai plus long que celui prévu respectivement au paragraphe 1 et au paragraphe 2. " ; qu'en vertu de l'article 4 de ce règlement : " 1. Toute irrégularité entraîne, en règle générale, le retrait de l'avantage indûment obtenu: - par l'obligation de verser les montants dus ou de rembourser les montants indûment perçus, / - par la perte totale ou partielle de la garantie constituée à l'appui de la demande d'un avantage octroyé ou lors de la perception d'une avance. / 2. L'application des mesures visées au paragraphe 1 est limitée au retrait de l'avantage obtenu augmenté, si cela est prévu, d'intérêts qui peuvent être déterminés de façon forfaitaire. / 3. Les actes pour lesquels il est établi qu'ils ont pour but d'obtenir un avantage contraire aux objectifs du droit communautaire applicable en l'espèce, en créant artificiellement les conditions requises pour l'obtention de cet avantage, ont pour conséquence, selon le cas, soit la non-obtention de l'avantage, soit son retrait. / 4. Les mesures prévues par le présent article ne sont pas considérées comme des sanctions. " ; qu'enfin aux termes de l'article 2262 du code civil dans sa rédaction alors en vigueur : " Toutes les actions, tant réelles que personnelles, sont prescrites par trente ans " ;

4. Considérant, qu'en application des dispositions précitées, l'irrégularité constituée par la révélation, lors d'un contrôle opéré par l'ONIEP, d'une teneur en poids d'eau non conforme aux quantités prescrites par la réglementation précitée s'analyse comme une violation de l'article 3 du règlement (CE) n° 2571/97 susvisé qui, en application de l'article 6 du même règlement, est de nature à justifier l'appréhension de la garantie de transformation constituée par la société adjudicatrice ; que le délai de prescription des poursuites court à compter de la réalisation de cette irrégularité ;

5. Considérant que, pour écarter le moyen tiré de la prescription de l'action de l'ONIEP, le Tribunal administratif de Paris a jugé que, d'une part, s'appliquait le délai de prescription trentenaire de droit commun et, d'autre part, que l'Office n'avait pas méconnu les principes communautaires de sécurité juridique, de non-discrimination et de proportionnalité en ayant demandé le reversement des sommes indûment versées alors qu'un délai d'un peu plus de

cinq ans, s'était écoulé depuis les irrégularités constatées ;

6. Considérant, cependant, que, ainsi que l'a jugé la Cour de justice de l'Union européenne dans son arrêt du 5 mai 2011 Ze Fu Fleischhandel GmbH et Vion Trading GmbH contre Hauptzollamt Hamburg-Jonas (affaires jointes C-201/10 et C-202/10), s'agissant des restitutions à l'exportation, si les Etats membres ont la possibilité, en application de l'article 3, paragraphe 3, du règlement (CE) n° 2988/95 précité, de fixer un délai de prescription plus long que le délai communautaire de quatre ans, le principe de proportionnalité s'oppose à une prescription d'une durée de trente ans s'agissant des procédures relatives aux remboursements de fonds indûment perçus ; que la Cour a dit pour droit dans le même arrêt que le principe de sécurité juridique s'oppose à ce qu'un délai de prescription " plus long " au sens de l'article 3, paragraphe 3, du règlement (CE) n° 2988/95 puisse résulter d'un délai de prescription de droit commun trentenaire réduit par la voie jurisprudentielle pour que ce dernier satisfasse dans son application au principe de proportionnalité ; que dans ces conditions, à défaut d'une réglementation nationale spécifique légalement applicable aux faits de la cause et prévoyant un délai de prescription plus long, l'article 3, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 2988/95, qui prévoit un délai de prescription de quatre ans et demeure directement applicable dans les Etats membres, a vocation à s'appliquer aux actions des organismes d'intervention agricole lorsqu'ils appréhendent une garantie, compte tenu du non-respect de ses obligations par un opérateur économique ;

7. Considérant que les décisions n° 9825 et 9826 du 31 octobre 2007 sont relatives à des déclarations de fabrication de juin 2001 ; que l'ONIEP ne rapporte pas la preuve d'un acte visant à l'instruction ou la poursuite de l'irrégularité constatée qui aurait été porté à la connaissance de la société Sodiaal industrie, interruptif de la prescription quadriennale ; qu'il est constant que ces décisions ont été adressées à la société alors que s'était écoulé un délai de plus de quatre ans à compter de la réalisation de l'irrégularité, constituée, ainsi qu'il a été dit, lors des opérations de contrôle des offres ayant permis de détecter la non-conformité du produit s'agissant de la teneur en eau ; que, par suite, la prescription était acquise lorsque l'Office a pris les décisions contestées n° 9825 et 9826, le 31 octobre 2007 lui réclamant les sommes de 8 470 euros et 9 237,20 euros ;

En ce qui concerne les décisions n° 9823 et 9824 du 31 octobre 2007 et la décision n° 10392 du 21 novembre 2007 :

8. Considérant, d'une part, qu'ainsi que l'a jugé la Cour de justice des Communautés européennes dans son arrêt du 30 novembre 2000 HMIL Ltd (C-436/98), les autorités compétentes des Etats membres peuvent, pour assurer le respect des dispositions d'un règlement de l'Union européenne instituant un régime d'aides en matière agricole, procéder à des contrôles par sondages et à une extrapolation appropriée des résultats de ces contrôles, en conformité avec la loi des probabilités ; que le recours à une telle extrapolation est a fortiori justifié lorsque les contrôles révèlent une politique délibérée et suivie d'infractions à la réglementation communautaire ; qu'enfin, il appartient aux juridictions compétentes des Etats membres, lorsqu'elles sont saisies d'un litige sur ce point, de vérifier en l'espèce, d'une part, si les contrôles étaient suffisants et fiables et, d'autre part, si la méthode d'extrapolation était fondée ;

9. Considérant, d'autre part, que l'organisme national d'intervention est en principe fondé, lorsqu'un contrôle par sondage réalisé conformément à l'article 23 du règlement (CE) n° 2571/97 a révélé la non-conformité d'un échantillon de beurre, de beurre concentré ou de crème prélevé sur un lot de matière grasse tracée correspondant à une offre donnée, à demander à l'adjudicataire concerné la restitution de l'intégralité de l'aide communautaire qui lui a été versée au titre de cette offre de fabrication, alors même que le processus de fabrication aurait été scindé en plusieurs " déclarations de fabrication " ; que, toutefois, dans l'hypothèse où une offre a fait l'objet de plusieurs " déclarations de fabrication ", l'extrapolation des résultats d'un contrôle sur un échantillon à l'ensemble de l'offre doit être jugée irrégulière si l'adjudicataire apporte tous éléments de nature à établir que les résultats des analyses effectuées sur un échantillon de matière grasse prélevé sur la première " déclaration de fabrication " ne pouvaient être appliqués aux autres déclarations de fabrication de la même offre et que l'organisme d'intervention n'apporte pas, aux éléments ainsi fournis par l'adjudicataire, une réponse suffisante, permettant de justifier du bien-fondé de sa méthode ;

10. Considérant que, contrairement à ce que fait valoir la société Beuralia, la circonstance que deux déclarations de fabrication aient été faites à des dates différentes et sur le fondement de processus de fabrication eux-mêmes différents et indépendants l'un de l'autre ne suffit pas à établir que les résultats des analyses effectuées sur un échantillon prélevé sur une déclaration de fabrication d'une offre donnée ne pouvaient être appliqués aux autres déclarations de fabrication de la même offre, l'étalement dans le temps et la modification du processus de fabrication n'étant pas, à eux seuls, de nature à présumer un retour à un meilleur respect des dispositions applicables de la part de l'entreprise adjudicataire ; que la société indique par ailleurs qu'elle n'est plus à même, compte tenu de l'ancienneté des opérations en cause, de retrouver des documents concernant les opérations de fabrication litigieuses ; que dans ces conditions, la société Beuralia n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Paris a jugé l'extrapolation régulière ;

11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Beuralia est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions n°9825 et 9826 du 31 octobre 2007 de l'Office national interprofessionnel de l'élevage et de ses productions (ONIEP) ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Beuralia, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par FranceAgriMer, venant aux droits de l'ONIEP, et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, en application de ces dispositions, de mettre à la charge de FranceAgriMer une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par la société Beuralia et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Les décisions n° 9825 et n° 9826 du 31 octobre 2007 sont annulées.

Article 2 : Le jugement n° 0801170/7-1 du Tribunal administratif de Paris du 24 juin 2010 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : L'Etablissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer) versera à la société Beuralia une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions de l'Etablissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer) tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

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N° 10PA03916


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 10PA03916
Date de la décision : 20/12/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme MILLE
Rapporteur ?: M. Julien SORIN
Rapporteur public ?: M. LADREYT
Avocat(s) : PLOTTIN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2013-12-20;10pa03916 ?
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