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03/12/2013 | FRANCE | N°10PA04562

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 03 décembre 2013, 10PA04562


Vu la requête, enregistrée le 8 septembre 2010, présentée pour Melle Amira Marie Elissa A...C..., demeurant..., par MeB... ; Melle A...C...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0812365/7-3 du 8 juillet 2010 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'université

Paris V-René Descartes à lui verser la somme de 127 600 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 27 mai 2008 en réparation du préjudice que lui a causé la discrimination dont elle a fait l'objet ;

2°) de condamner

l'université Paris V-René Descartes à lui verser la somme de 242 360 euros, augmentée ...

Vu la requête, enregistrée le 8 septembre 2010, présentée pour Melle Amira Marie Elissa A...C..., demeurant..., par MeB... ; Melle A...C...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0812365/7-3 du 8 juillet 2010 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'université

Paris V-René Descartes à lui verser la somme de 127 600 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 27 mai 2008 en réparation du préjudice que lui a causé la discrimination dont elle a fait l'objet ;

2°) de condamner l'université Paris V-René Descartes à lui verser la somme de 242 360 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 27 mai 2008 ;

3°) de mettre à la charge de l'université Paris V-René Descartes le versement de la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la recherche ;

Vu le code de l'éducation ;

Vu la loi n° 2004-1486 du 30 décembre 2004 ;

Vu la loi n° 2008-496 du 2 mai 2008 ;

Vu le décret n° 85-402 du 3 avril 1985 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 novembre 2013 :

- le rapport de Mme Petit, premier conseiller,

- les conclusions de M. Rousset, rapporteur public,

- les observations de Me Jaillant, avocat de l'université Paris V-René Descartes ;

1. Considérant que Melle A...C...a obtenu, à l'issue de l'année universitaire 2003-2004, un diplôme d'études approfondies (DEA) de droit de l'économie internationale et du développement à l'université Paris V-René Descartes ; que le jury de l'école doctorale, réuni le

8 juillet 2004, n'a pas proposé de lui attribuer l'allocation de recherche qu'elle avait sollicitée pour la préparation d'une thèse de doctorat, et a préféré retenir une autre candidate ; qu'elle n'a pas été chargée, au titre de l'année universitaire suivante, de travaux dirigés ; qu'elle estime avoir été victime, tant à raison de ces faits qu'à raison d'une remise tardive du prix du major de sa promotion, de discriminations liées à ses origines libanaises, constitutives de fautes de nature à engager la responsabilité de l'université Paris V-René Descartes ; que par un jugement du

8 juillet 2010, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'université à réparer son préjudice matériel et son préjudice moral ; que Melle A...C...fait appel de ce jugement ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant que, contrairement à ce que soutient la requérante, les premiers juges n'ont pas omis de statuer sur le moyen tiré de la discrimination qui entacherait la délibération du jury de l'école doctorale du 8 juillet 2004 ; que, par ailleurs, ils ont visé les observations présentées par la Haute autorité de lutte contre les discriminations ;

Sur la dévolution de la charge de la preuve :

3. Considérant qu'aux termes de l'article 4 de la loi du 27 mai 2008 visée ci-dessus : " Toute personne qui s'estime victime d'une discrimination directe ou indirecte présente devant la juridiction compétente les faits qui permettent d'en présumer l'existence. Au vu de ces éléments, il appartient à la partie défenderesse de prouver que la mesure en cause est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. " ; qu'il résulte de ces dispositions qu'il appartient à la requérante de présenter les faits permettant de présumer l'existence d'une discrimination ; que la délibération du 3 septembre 2007 par laquelle la Haute autorité de lutte contre les discriminations, en application de la loi du 30 décembre 2004 alors en vigueur, a recommandé à l'université Paris V-René Descartes de réparer le préjudice invoqué par

Melle A...C..., n'établit pas à elle seule cette discrimination ;

Sur le refus de confier à Mlle A...C...des fonctions de chargé de travaux dirigés au titre de l'année universitaire 2004-2005 :

4. Considérant que, comme l'a d'ailleurs relevé la Haute autorité de lutte contre les discriminations, la requérante ne justifie pas avoir, comme elle l'affirme, présenté à l'université, au plus tard au mois de septembre 2004, une demande de poste de chargé de travaux dirigés ; qu'elle ne peut dès lors utilement soutenir que l'université aurait favorisé, de manière discriminatoire, un autre étudiant et qu'elle aurait, en conséquence, commis de ce fait une faute de nature à engager sa responsabilité ;

Sur la remise tardive d'une distinction en tant que major de la promotion :

5. Considérant que l'université Paris V-René Descartes a conclu avec une université de Tunis une convention de partenariat qui prévoit notamment que les enseignements s'effectuent sur les deux sites, les cours étant partiellement assurés à Tunis par des enseignants parisiens ; que le diplôme de DEA en cause est commun aux deux groupes d'étudiants ; que, la meilleure moyenne, soit 16,27/20, a été obtenue par un étudiant tunisien ; que Melle A...C...a obtenu une moyenne de 15,95/20, ce qui lui a permis d'être la première ex-aequo du groupe de Paris ; que le titre de major de la promotion a été délivré à l'étudiant tunisien lors d'une cérémonie officielle, le 7 décembre 2004 ; que si la requérante soutient que les étudiants tunisiens et les étudiants parisiens se trouvaient placés dans des situations différentes et que la détermination du major devait être réalisée au sein du seul groupe parisien, il résulte de l'instruction que l'université ne procédait pas, depuis plusieurs années, à une telle distinction ; que le choix ainsi effectué n'est contraire à aucune disposition législative ou réglementaire, ni à aucun principe ; que l'université ne peut dès lors être regardée comme ayant commis une discrimination à l'encontre de Melle A...C... ; qu'au demeurant, elle a ensuite, le 10 mai 2005, remis à la requérante le titre de major ex aequo du groupe parisien ; que la circonstance que cette remise de prix n'ait pas présenté le même caractère solennel que la remise de prix du 7 décembre 2004 ne révèle pas, en elle-même, l'existence d'une discrimination à l'égard de la requérante ; que, de même si l'erreur commise dans l'orthographe de son nom sur le document qui lui a été remis pour attester de sa distinction, l'erreur de date contenue dans ce même document, ou certains propos maladroits tenus par le doyen de la faculté de droit (directeur de l'unité de formation et de recherche (UFR) de droit) ont pu être ressentis par Melle A...C...comme vexatoires, ces éléments ne permettent pas, alors d'ailleurs qu'ils ont été relevés à l'occasion d'une procédure ne présentant pour l'université aucun caractère obligatoire, de présumer l'existence d'une discrimination dont la requérante aurait été la victime ; que, dans ces conditions, l'université ne peut être regardée comme ayant, à raison des faits évoqués ci-dessus, commis une faute de nature à engager sa responsabilité ;

Sur le refus d'accorder à la requérante une allocation de recherche :

6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 412-2 du code de la recherche, dans sa rédaction alors applicable : " Afin de faciliter l'accès à la formation par la recherche, des allocations individuelles spécifiques sont attribuées, sur des critères de qualité scientifique ou technique, par l'Etat ou les organismes de recherche... " ; que selon l'article 7 du décret du 3 avril 1985, dans sa rédaction alors applicable : " Le ministre chargé de la recherche et de la technologie, après avis de la commission consultative des allocations de recherche prévue à l'article 5, décide de l'attribution des allocations de recherche selon les deux procédures suivantes : 1° Soit il choisit les établissements et les groupes de formation doctorale dans lesquels les allocataires seront inscrits pour la préparation de leur thèse, il fixe pour chacun d'entre eux le nombre d'allocations et le cas échéant, la répartition de celles- ci entre les différents thèmes ou les différents laboratoires publics ou privés dans lesquels les allocataires poursuivront leurs travaux. L'attribution individuelle des allocations de recherche est ensuite effectuée par le responsable du groupe de formation doctorale en accord avec le responsable des recherches de l'allocataire et la personne morale publique, ou privée dans les laboratoires de laquelle l'allocataire poursuivra ses travaux de recherche. 2° Soit, il choisit les étudiants, le thème, le laboratoire et l'établissement de rattachement. / La répartition entre chacune des deux procédures du nombre d'allocations de recherche est décidée chaque année par le ministre chargé de la recherche et de la technologie après avis de la commission consultative des allocations de recherche. " ; que l'article 18 de l'arrêté du 25 avril 2002 relatif aux études doctorales alors en vigueur prévoyait que : " Le directeur de l'école doctorale ... après consultation des directeurs de thèse concernés et des responsables de laboratoires dans lesquels les étudiants poursuivent leurs travaux de recherche, fait au chef d'établissement des propositions relatives à l'attribution ... des allocations et bourses de recherche... " ; que l'article 19 de cet arrêté disposait que : " Le conseil de l'école doctorale se prononce sur ... l'attribution des allocations de recherche ainsi que les modalités de choix des bénéficiaires des allocations ... " ;

7. Considérant qu'il résulte de l'instruction que Melle A...C...a sollicité, à l'issue de l'année universitaire 2003-2004, une allocation de recherche pour préparer une thèse de doctorat consacrée au droit humanitaire ; que le 8 juillet 2004, le jury de l'école doctorale a proposé au président de l'université Paris V-René Descartes de retenir, pour l'attribution de cette allocation, une autre étudiante, classée quatrième de la promotion, pour une thèse consacrée aux systèmes constitutionnels des Etats musulmans ; que la requérante fait valoir que ce choix du jury de l'école doctorale caractérise une discrimination à son égard, qu'elle estime liée à ses origines libanaises ; qu'elle relève à cet égard qu'un responsable du troisième cycle lui aurait donné en début d'année des assurances quant au bénéfice de l'allocation de recherche en cas de classement à la première place, que les allocations de recherche sont habituellement accordées aux majors, que l'étudiante sélectionnée avait présenté sa demande après la date limite fixée par l'université elle-même, et que, pour justifier le choix effectué par le jury de l'école doctorale, le doyen de la faculté de droit (directeur de l'UFR de droit) aurait lui-même avoué avoir entendu privilégier une étudiante de nationalité française dans une lettre adressée le 26 avril 2005 à la Haute autorité de lutte contre les discriminations ; qu'elle soutient également que le sujet de thèse proposé par l'étudiante sélectionnée est très proche de celui qu'elle avait elle-même suggéré, dans un premier temps, au directeur de l'UFR, qui l'aurait récusé ; qu'enfin, elle fait valoir que l'université a reconnu sa responsabilité en signant une transaction avec l'étudiant classé major ex aequo du groupe parisien, lui aussi privé du bénéfice d'une allocation de recherche et d'un poste de chargé de travaux dirigés ;

8. Considérant toutefois qu'il résulte des éléments produits en réponse par l'administration que l'école doctorale attribuait, depuis plusieurs années, les allocations de recherche en fonction, d'une part, du rang de classement des étudiants qui y étaient candidats, d'autre part, de l'intérêt présenté par les sujets de thèse proposés par ceux-ci ; que des étudiants classés au troisième ou au quatrième rang avaient ainsi déjà obtenu, dans le passé, des allocations de recherche ; qu'il ressort du procès-verbal versé au dossier que les membres du jury de l'école doctorale, qui comprenait, outre des membres de l'université, des personnalités du monde judiciaire, ont désigné à l'unanimité l'étudiante classée quatrième, qu'à supposer même que l'étudiante ayant bénéficié de l'allocation de recherche ait déposé sa demande postérieurement à la date limite de dépôt fixée par l'université, cette date n'avait pas été prescrite à peine d'irrecevabilité de la demande ; que, dès lors, l'université n'a pas commis de faute en acceptant d'instruire la demande de cette étudiante ; que les affirmations de la requérante selon lesquelles le sujet de thèse de cette bénéficiaire de l'allocation de recherche aurait été très voisin de celui qu'elle avait elle-même initialement envisagé et que le doyen, directeur de l'UFR lui aurait fermement déconseillé de proposer, ne sont pas corroborées par les pièces du dossier ; que le jury pouvait légalement se prononcer en fonction, non seulement du rang de classement des candidats, mais également des sujets de thèse proposés par ceux-ci ; qu'il n'appartient pas au juge administratif d'apprécier l'intérêt des sujets de thèse proposés par les candidats ; qu'en utilisant, dans le courrier du 26 avril 2005 précité, l'expression " étudiante française ", le doyen, directeur de l'UFR, dont les propos n'engagent d'ailleurs que lui-même et non les autres membres du jury, ne peut être regardé comme ayant clairement entendu faire de la nationalité des étudiants un critère de sélection ; que, compte tenu de l'ensemble de ces éléments, la discrimination alléguée ne peut être tenue comme établie ; qu'enfin, la transaction conclue avec un autre étudiant ne saurait, en tout état de cause, être opposée à l'université ; que, compte tenu de l'ensemble de ces éléments, le choix effectué par le jury de l'école doctorale ne peut être regardé comme ayant méconnu le principe d'égalité ou comme révélant une discrimination à l'encontre de MelleA..., liée aux origines libanaises de celle-ci ; que la délibération du 8 juillet 2004 du jury de l'école doctorale ne présente pas, dès lors, un caractère fautif ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Melle A...C...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ;

10. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une quelconque somme soit mise à la charge de l'université Paris V-René Descartes au bénéfice de Melle A...C...au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il n'ya pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Melle A...C...une quelconque somme au bénéfice de l'université Paris V-René Descartes ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Melle A...C...est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par l'université Paris V-René Descartes sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

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N° 10PA04562


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 10PA04562
Date de la décision : 03/12/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. PERRIER
Rapporteur ?: Mme Valérie PETIT
Rapporteur public ?: M. ROUSSET
Avocat(s) : STARK

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2013-12-03;10pa04562 ?
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