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14/11/2013 | FRANCE | N°13PA00122

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 14 novembre 2013, 13PA00122


Vu la requête, enregistrée par télécopie le 12 janvier 2013 et régularisée le 5 février 2013 par la production de l'original, présentée pour M. B...A..., demeurant..., par Me Ben Yahmed, avocat ; M. A... demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1220540/8 du 3 décembre 2012 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 29 novembre 2012 par lequel le préfet de police lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination

, lui a interdit de retourner sur le territoire pour une durée de deux ans et...

Vu la requête, enregistrée par télécopie le 12 janvier 2013 et régularisée le 5 février 2013 par la production de l'original, présentée pour M. B...A..., demeurant..., par Me Ben Yahmed, avocat ; M. A... demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1220540/8 du 3 décembre 2012 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 29 novembre 2012 par lequel le préfet de police lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination, lui a interdit de retourner sur le territoire pour une durée de deux ans et a décidé de le placer en rétention administrative ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les décisions portant obligation de quitter le territoire français, refusant de lui accorder un délai de départ volontaire et s'opposant à son retour sur le territoire pendant une durée de deux ans ;

3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour en cas d'annulation de la mesure d'obligation de quitter le territoire français et de réexaminer sa situation au regard du droit au séjour, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du trentième jour suivant la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

...................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

Vu la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 du Parlement européen et du Conseil ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience, en application de l'article R. 732-1-1 du code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 octobre 2013 le rapport de M. Vincelet, premier conseiller ;

1. Considérant que, par un arrêté du 29 novembre 2012, le préfet de police a fait obligation à M. B...A..., ressortissant algérien, de quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de destination, lui a interdit de retourner en France pendant une durée de deux ans et l'a placé en rétention administrative ; que M. A... fait appel du jugement du 3 décembre 2012 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (...) " ;

3. Considérant que M. A...ne justifie pas davantage en appel que devant les premiers juges, être, ainsi qu'il le soutient, régulièrement entré sur le territoire français en 2009 ; que, n'étant pas titulaire d'un titre de séjour en cours de validité, il pouvait, dès lors, faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français ;

4. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : " [...] Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : [...]5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) " ; et qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;

5. Considérant que M. A..., né en 1978, est entré en France, selon ses déclarations, au cours de l'année 2009 ; qu'il ressort des pièces du dossier qu'il s'est soustrait en 2011 à l'exécution d'une mesure d'éloignement ; qu'il n'est, par ailleurs, pas dépourvu d'attaches en Algérie, où il a vécu jusqu'à l'âge de 31 ans ; que, dans ces conditions, compte-tenu également du caractère récent de son séjour et de son concubinage avec une ressortissante française, et en dépit de ses efforts d'intégration, l'obligation de quitter le territoire français en litige n'a pas porté une atteinte excessive au droit de M. A... au respect de sa vie privée et familiale, et n'a en conséquence pas méconnu les stipulations précitées ; que, pour le même motif, elle n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation de l'intéressé ;

Sur la légalité du refus d'accorder un délai de départ volontaire :

6. Considérant qu'aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification et peut solliciter, à cet effet, un dispositif d'aide au retour dans son pays d'origine. Eu égard à la situation personnelle de l'étranger, l'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours. / Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : 1° Si le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public 2° Si l'étranger s'est vu refuser la délivrance ou le renouvellement de son titre de séjour, de son récépissé de demande de carte de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour au motif que sa demande était ou manifestement infondée ou frauduleuse ; 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque est regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; (...) f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, ou qu'il a dissimulé des éléments de son identité, ou qu'il n'a pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente, ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues par les articles L. 513-4, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2 (...) " ;

7. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la directive 2008/115/CE susvisée : " Aux fins de la présente directive, on entend par : (...) 7) " risque de fuite " : le fait qu'il existe des raisons, dans un cas particulier et sur la base de critères objectifs définis par la loi, de penser qu'un ressortissant d'un pays tiers faisant l'objet de procédures de retour peut prendre la fuite

(...) " ; qu'aux termes de l'article 7 de ladite directive : " 1. La décision de retour prévoit un délai approprié allant de sept à trente jours pour le départ volontaire, sans préjudice des exceptions visées aux paragraphes 2 à 4. (...) / 4. S'il existe un risque de fuite, (...) les Etats membres peuvent s'abstenir d 'accorder un délai de départ volontaire ou peuvent accorder un délai inférieur à sept jours " ; qu'il résulte des dispositions précitées du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que l'existence d'un risque que l'étranger se soustraie à l'obligation qui lui est faite de quitter le territoire français résulte d'un ensemble de critères objectifs et doit être appréciée par l'autorité compétente en fonction des circonstances particulières de l'espèce ;

8. Considérant que, pour refuser à M. A...un délai de départ volontaire, le préfet de police s'est fondé sur ce que ce dernier n'avait pas exécuté une précédente mesure d'éloignement et qu'il existait en conséquence un risque qu'il se soustraie à l'obligation de quitter le territoire français en litige ; que, dans ces conditions, en dépit des deux ans de présence en France de M. A..., des activités bénévoles auxquelles il se livrerait et de son projet de mariage, le préfet de police n'a pas méconnu les dispositions précitées et n'a pas davantage commis d'erreur manifeste d'appréciation de la situation de l'intéressé ;

Sur la légalité de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français :

9. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " III. L'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. / L'étranger à l'encontre duquel a été prise une interdiction de retour est informé qu'il fait l'objet d'un signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen, conformément à l'article 96 de la convention signée à Schengen le 19 juin 1990. Les modalités de suppression du signalement de l'étranger en cas d'annulation ou d'abrogation de l'interdiction de retour sont fixées par voie réglementaire. (...) Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger obligé de quitter le territoire français, l'autorité administrative peut prononcer l'interdiction de retour pour une durée maximale de trois ans à compter de sa notification. (...) L'interdiction de retour et sa durée sont décidées par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) " ; qu'il ressort des termes mêmes de ces dispositions que l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux ; que la décision d'interdiction de retour doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que son destinataire puisse à sa seule lecture en connaître les motifs ; que sa motivation doit attester de la prise en compte par l'autorité compétente, au vu de la situation de l'intéressé, de l'ensemble des critères prévus par la loi ;

10. Considérant qu'il ressort des termes de l'arrêté attaqué que l'interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans prononcée par le préfet de police est uniquement fondée sur la menace pour l'ordre public que représente la présence de M. A...en France et sur le fait que l'intéressé ne s'était pas conformé à une précédente mesure d'éloignement du 23 août 2011 ; que cette décision, qui ne fait notamment pas état de la nature et de l'ancienneté des liens de M. A... avec la France, n'est dès lors pas motivée au regard de l'ensemble des critères légaux précités ; que, dans ces conditions, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, M. A...est fondé à soutenir que la mesure d'interdiction de retour sur le territoire français en litige est insuffisamment motivée et doit être, pour ce motif, annulée ;

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté la totalité de sa demande ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

12. Considérant que l'annulation prononcée par le présent arrêt de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français n'implique pas le réexamen de la situation de M. A... au regard de son droit de séjour ;

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Considérant que les dispositions de cet article font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas pour l'essentiel la partie perdante dans cette instance, le versement de la somme que M. A... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement susvisé du 3 décembre 2012 du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de la demande de M. A... tendant à l'annulation de la décision du préfet de police du 29 novembre 2012 portant interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.

Article 2 : L'arrêté du préfet de police du 29 novembre 2012 est annulé en tant qu'il prononce à l'encontre de M. A...une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A...est rejeté.

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N° 13PA00122

Classement CNIJ :

C


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 13PA00122
Date de la décision : 14/11/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme COIFFET
Rapporteur ?: M. Alain VINCELET
Rapporteur public ?: Mme DHIVER
Avocat(s) : BEN YAHMED

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2013-11-14;13pa00122 ?
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