Vu la requête enregistrée le 18 juillet 2011 par fax, régularisée par la production de l'original le 19 juillet 2011, présentée pour la commune du Plessis-Trévise, représentée par son maire, par Me Piton, avocat ; la commune du Plessis Trévise demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0802133-5 du 3 mai 2011 par lequel le Tribunal administratif de Melun l'a condamnée à verser à Mme A... la somme de 16 251,17 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 29 novembre 2007, en réparation du préjudice né de son licenciement prononcé par un arrêté du maire du 28 octobre 1998 et a mis à sa charge le versement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
2°) de lui enjoindre de restituer les sommes qu'elle a perçues en exécution de ce jugement ;
3°) de mettre à la charge de la Mme A... le versement de la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
.........................................................................................................................
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code civil ;
Vu la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 octobre 2013 :
- le rapport de Mme Coiffet, président,
- les conclusions de Mme Dhiver, rapporteur public,
- et les observations de Me Costamagna, avocat de Mme A... ;
1. Considérant que Mme A..., qui exerçait depuis le 1er octobre 1987 les fonctions d'éducateur des activités physiques et sportives au sein de la commune du Plessis-Trévise, a été licenciée pour insuffisance professionnelle à compter du 1er novembre 1998 par un arrêté du maire du 28 octobre 1998 ; que cet arrêté a été annulé par un jugement du 20 juin 2000 du tribunal administratif de Melun, confirmé par un arrêt de la Cour du 11 avril 2005 ; que Mme A...a, par lettre du 29 novembre 2007, sollicité de la commune du Plessis-Trévise l'allocation de la somme totale de 86 937 euros en indemnisation des préjudices matériel et moral qu'elle avait subis du fait de son licenciement illégal ; que la commune, qui a refusé de faire droit à la demande de l'intéressée, fait appel du jugement susvisé du 3 mai 2011 par lequel le Tribunal administratif de Melun l'a condamnée à verser à Mme A..., à titre de réparation, la somme de 16 251,17 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 29 novembre 2007, et mis à sa charge le versement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que Mme A..., par la voie de l'appel incident, conclut à la réformation du jugement en tant qu'il qu'il n'a pas fait droit à la totalité de sa demande ;
Sur la prescription quadriennale opposée par le maire de la commune du Plessis-Trévise :
2. Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi susvisée du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics : " sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis (...) " ; qu'aux termes de l'article 2 de cette loi : " La prescription est interrompue par : (...) Tout recours formé devant une juridiction, relatif au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance, quel que soit l'auteur du recours et même si la juridiction saisie est incompétente pour en connaître, et si l'administration qui aura finalement la charge du règlement n'est pas partie à l'instance (...). Un nouveau délai de quatre ans court à compter du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle a eu lieu l'interruption. Toutefois, si l'interruption résulte d'un recours juridictionnel, le nouveau délai court à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle la décision est passée en force de chose jugée " ;
3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que Mme A... a reçu notification de la décision du maire de la commune du Plessis-Trévise prononçant son licenciement le 29 octobre 1998 et que cette notification a fait courir le délai de prescription de la créance dont se prévalait l'intéressée à raison des préjudices résultant de cette décision ; que, toutefois, ce délai a été interrompu par l'introduction par Mme A... le 29 décembre 1998 d'une demande devant le Tribunal administratif de Melun tendant à l'annulation de l'arrêté de licenciement, et n'a commencé à courir de nouveau qu'à compter du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle l'arrêt de la Cour du 11 avril 2005, confirmant le jugement du tribunal du 20 juin 2000 annulant l'arrêté, a été notifié aux parties en sorte que la créance de Mme A... n'était pas prescrite lorsqu'elle a présenté le 29 novembre 2007 sa demande préalable ;
Sur l'exception de chose jugée opposée par la commune du Plessis-Trévise :
4. Considérant qu'aux termes de l'article 1351 du code civil : " L'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité " ;
5. Considérant que Mme A...a, par requête du 18 mars 2008, demandé au Tribunal administratif de Melun de condamner la commune du Plessis-Trévise à lui verser la somme totale de 86 937 euros en réparation des préjudices matériel et moral qu'elle avait subis du fait de son licenciement ; que si la commune du Plessis-Trévise soutient que l'autorité de la chose jugée attachée à l'arrêt de la Cour du 11 avril 2005 s'oppose à ce qu'il soit fait droit à cette demande, il ressort des termes de cet arrêt que la Cour a rejeté les conclusions indemnitaires de Mme A... comme irrecevables sans se prononcer sur leur bien-fondé ; que, toutefois, Mme A... avait également sollicité devant le Tribunal administratif de Melun le versement d'une somme forfaitaire de 50 000 francs à titre de dommages et intérêts en faisant valoir qu'elle était, du fait de la décision du maire, privée de ressources et qu'elle ne touchait pas les indemnités de licenciement ; que le tribunal, qui a rejeté ces conclusions dans son jugement du 20 juin 2000 au motif qu'elles n'étaient pas assorties de justification, s'est ainsi prononcé sur le fond ; que cette demande, tendant à l'indemnisation du préjudice économique de Mme A...né de la faute commise par la commune en la licenciant illégalement, avait le même objet et était fondée sur la même cause juridique que la nouvelle demande de l'intéressée visant à l'indemnisation de son préjudice matériel consécutif à la perte de ses salaires ; que l'autorité de la chose jugée n'est cependant attachée au jugement du 20 juin 2000 qu'en ce qui concerne la période antérieure à son prononcé dès lors, qu'ainsi que l'ont à bon droit décidé les premiers juges, la demande d'indemnisation du préjudice matériel devait être regardée comme présentée pour la première fois par l'intimée en ce qui concerne la période du 20 juin 2000 au 24 octobre 2005, date de sa réintégration dans ses fonctions ; qu'en revanche, le préjudice économique sur lequel le Tribunal administratif de Melun a statué par son jugement du 20 juin 2000 est différent du préjudice moral invoqué pour la première fois par Mme A... dans sa demande du 18 mars 2008 ; que, par suite, Mme A... est fondée à soutenir qu'aucune autorité de la chose jugée ne fait obstacle à ce qu'elle obtienne réparation de l'intégralité de ce préjudice que les premiers juges ont à tort admis d'indemniser que pour la période postérieure au 20 juin 2000 ;
Sur la responsabilité :
6. Considérant qu'en procédant au licenciement de Mme A..., la commune du
Plessis-Trévise a commis une faute de nature à engager sa responsabilité ; que pour annuler l'arrêté du 28 octobre 1998 portant licenciement de Mme A..., le tribunal administratif de Melun a, dans son jugement du 20 juin 2000, relevé, en premier lieu, que l'arrêté avait été pris sur le fondement d'une décision de refus d'agrément du 23 septembre 1997 émise par une autorité incompétente et annulée par un précédent jugement du tribunal, en deuxième lieu, que le maire s'était à tort estimé lié par des refus d'agrément, au surplus illégaux et, enfin, qu'il n'établissait l'insuffisance professionnelle dont l'intéressée aurait fait montre lors de l'encadrement des activités d'un club sportif ; que s'il l'allègue, le maire du Plessis-Trévise n'établit pas, par la seule référence aux décisions illégales de refus d'agréments ci-dessus mentionnées, que Mme A... était incapable de coordonner sur le plan pédagogique et éducatif les activités sportives des enfants en milieu scolaire et qu'ainsi la mesure de licenciement prise à son encontre était justifiée ;
7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la commune du Plessis-Trévise n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a retenu son entière responsabilité et l'a condamnée à indemniser Mme A... en réparation du préjudice qu'elle avait subi du fait de son licenciement illégal ;
Sur l'évaluation du préjudice :
En ce qui concerne le préjudice matériel :
8. Considérant que, pour évaluer le montant du préjudice résultant pour Mme A... de la perte de ses salaires, le tribunal s'est fondé sur le montant net des traitements dont l'intéressée a été privée en raison de son licenciement dont il a déduit le montant des rémunérations provenant des activités qu'elle a exercées jusqu'au 24 octobre 2005, jour de sa réintégration ; qu'il a ainsi fixé à 73 952,51 euros le montant des rémunérations que Mme A... a perçues du 20 juin 2000 à la fin de l'année 2004 ; que si la commune fait valoir que ce montant est incompréhensible, elle n'assortit son allégation d'aucune précision permettant au juge d'en apprécier le bien-fondé ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que les premiers juges auraient procédé à la comparaison de traitements bruts avec des rémunérations pour leur montant net ; que, dès lors, la commune n'est pas fondée à soutenir que le tribunal aurait fait une évaluation excessive du préjudice économique subie par Mme A...en le fixant à la somme de 16 251,17 euros ;
En ce qui concerne le préjudice moral et les troubles dans les conditions d'existence :
9. Considérant que Mme A... soutient sans être contredite, s'être trouvée, à la suite de son licenciement, dans une situation précaire la contraignant à accepter des emplois non qualifiés pour subvenir aux besoins de sa famille ; que, dans les circonstances de l'espèce, il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en le fixant à la somme totale de 10 000 euros, réparant l'ensemble de la période au cours de laquelle Mme A...a été illégalement évincée de son emploi ; qu'il y a lieu, par suite, de porter la somme allouée par le tribunal en réparation de ce préjudice de 5 000 € à 10 000 € ;
10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la requête de la commune du Plessis-Trévise doit être rejetée et que la somme que la commune a été condamnée par le jugement attaqué du Tribunal administratif de Melun à verser à Mme A... doit être portée à la somme totale de 21 251,17 euros ;
Sur les intérêts et la capitalisation des intérêts :
11. Considérant que Mme A... a droit aux intérêts au taux légal à compter de la date de réception par la commune du Plessis-Trévise de sa demande d'indemnisation, soit le 29 novembre 2007, et à la capitalisation des intérêts à compter du 29 novembre 2008 ;
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative
12. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de Mme A..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la commune du Plessis-Trévise demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu en revanche de mettre à la charge de la commune une somme de 1 000 euros à verser à Mme A... sur le fondement des mêmes dispositions ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de la commune du Plessis-Trévise est rejetée.
Article 2 : La somme que la commune du Plessis-Trévise a été condamnée à verser à Mme A... est portée à la somme de 21 251,17 euros. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 29 novembre 2007. Les intérêts échus à la date du 29 novembre 2008, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 3 : Le jugement susvisé du 3 mai 2011 du Tribunal administratif de Melun est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 2.
Article 4 : La commune du Plessis-Trévise versera à Mme A... une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de l'appel incident de Mme A... est rejeté.
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N° 11PA03239