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03/07/2013 | FRANCE | N°11PA02477

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 03 juillet 2013, 11PA02477


Vu la requête, enregistrée le 27 mai 2011, présentée pour la Société EGS, dont le siège est 33 ter rue Lecuyer à Saint-Ouen (93400), représentée par son représentant légal en exercice, par MeB... ; la société EGS demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0704795/2 en date du 3 mars 2011, l'ordonnance n° 0704795/2 du 15 avril 2011 et l'ordonnance n° 0704795/2 du 17 mai 2011 en tant que le Tribunal administratif de Melun l'a condamnée à verser à la commune de Fontainebleau la somme de 138 148 euros, a mis à sa charge la somme de 8 077 euros à verser à la co

mmune de Fontainebleau au titre de frais d'expertise et a limité le montant de...

Vu la requête, enregistrée le 27 mai 2011, présentée pour la Société EGS, dont le siège est 33 ter rue Lecuyer à Saint-Ouen (93400), représentée par son représentant légal en exercice, par MeB... ; la société EGS demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0704795/2 en date du 3 mars 2011, l'ordonnance n° 0704795/2 du 15 avril 2011 et l'ordonnance n° 0704795/2 du 17 mai 2011 en tant que le Tribunal administratif de Melun l'a condamnée à verser à la commune de Fontainebleau la somme de 138 148 euros, a mis à sa charge la somme de 8 077 euros à verser à la commune de Fontainebleau au titre de frais d'expertise et a limité le montant de la condamnation de la commune de Fontainebleau à la somme de 90 471,02 euros ;

2°) à titre principal, de condamner la commune de Fontainebleau à lui verser les sommes de 371 592,65 euros, en réparation des préjudices subis en raison de l'inexécution des ses obligations contractuelles, et de 2 300 254 euros, en réparation du préjudice résultant de la " rupture abusive du contrat ", assorties des intérêts au taux légal et de la capitalisation des intérêts ;

3°) à titre subsidiaire, de condamner la commune de Fontainebleau à lui verser les sommes de 253 168 euros sur le fondement de la responsabilité quasi-contractuelle et de 2 418 909,55 euros sur le fondement de la responsabilité quasi-délictuelle assorties des intérêts au taux légal et de la capitalisation des intérêts ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Fontainebleau les dépens de l'instance ainsi qu'une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

..................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code civil ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques ;

Vu le décret du 17 mai 1809 relatif aux octrois municipaux et de bienfaisance, applicable aux droits de places perçus dans les halles et marchés ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 juin 2013 :

- le rapport de M. Boissy, rapporteur,

- les conclusions de M. Rousset, rapporteur public,

- et les observations de MeB..., représentant la société EGS et celles de MeA..., représentant la commune de Fontainebleau ;

1. Considérant que, par un contrat de concession du 26 juin 1970, modifié par un avenant n° 1 du 20 avril 1971, la commune de Fontainebleau a confié l'exploitation du " parking-marché Saint-Louis " à la " société Gardiennage industrie de la Seine " (ci-après SA GIS Parc) pour une durée initiale de trente ans ; que, par un avenant établi en août 1986, le terme de cette convention à été reporté en 2034 ; que, par une convention de sous-concession en date du 17 mai 1991, à laquelle la commune de Fontainebleau a donné son accord, la SA GIS Parc a confié à la SA EGS l'exploitation du marché de Saint-Louis ; que les conditions financières de cette sous-convention mentionnaient notamment les tarifs des droits de place perçus par la SA EGS et une " redevance d'exploitation ", d'un montant de 3 000 000 francs, acquittée par la SA EGS auprès de la SA GIS Parc ; que, par une délibération du 3 novembre 1994, le conseil municipal de Fontainebleau a résilié ce contrat de concession ; que cette résiliation a pris effet le 1er janvier 1995 ; que la SA EGS a toutefois continué à exploiter le marché de Saint-Louis jusqu'à la fin de l'année 2006 ; que, par un jugement n°0704795/2 en date du 3 mars 2011, corrigé par des ordonnances des 15 avril et 17 mai 2011, le Tribunal administratif de Melun, en premier lieu, a condamné la commune de Fontainebleau à verser à la SA EGS une somme de 90 471,02 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 27 avril 2007, en deuxième lieu a condamné la SA EGS à verser à la commune de Fontainebleau une somme de 138 148 euros et, en dernier lieu, a mis à la charge de la SA EGS une somme de 8 077 euros à verser à la commune de Fontainebleau au titre des frais d'expertise ; que la SA EGS fait appel de ce jugement en tant qu'il l'a condamnée à verser à la commune de Fontainebleau la somme de 138 148 euros, a mis à sa charge la somme de 8 077 euros au titre des frais d'expertise et a minoré le montant de la condamnation de la commune de Fontainebleau ; que, par la voie de l'appel incident, la commune de Fontainebleau fait appel de ce même jugement en tant qu'il a limité le montant de la condamnation prononcée à l'encontre de la SA EGS ;

Sur la qualification des liens entre la commune de Fontainebleau et la SA EGS :

2. Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des stipulations de la convention de sous-concession du 17 mars 1991 que la SA EGS devait assurer l'exploitation du marché forain Saint-Louis " dans les conditions prévues au contrat de concession " et pour une durée " égale à celle restant à courir pour le contrat de concession " ; qu'aux termes de l'article 9.2 de cette convention, concernant le cas d'une " résiliation du fait " de la commune de Fontainebleau : " Si pour quelque raison que ce soit le présent contrat venait à être résilié à la suite d'une décision de la ville de Fontainebleau (résiliation de la concession avec GIS Parcs, retrait de l'agrément d'EGS etc.), les parties se rapprocheraient en vue de conclure un accord amiable sur les modalités de leur indemnisation réciproque. / A défaut d'un tel accord, leur différend serait soumis aux autorités judiciaires compétentes " ;

3. Considérant que la convention de sous-concession constituait avec le contrat de concession un ensemble contractuel indivisible ; que si l'article 34 du contrat de concession, tel qu'il résulte de l'avenant d'août 1986, avait prévu qu'" à la fin du contrat, la collectivité est subrogée dans les droits du concessionnaire ", cette stipulation n'avait ni pour objet et n'a pu avoir pour effet, en tout état de cause, de maintenir en vigueur la convention de sous-concession liant la SA GIS Parc à la SA EGS lors de la résiliation du contrat de concession ; qu'ainsi, la résiliation du contrat de concession a nécessairement eu pour effet de mettre un terme aux droits et obligations que la SA EGS tenait de cette convention à compter du 1er janvier 1995, date d'effet de la résiliation du contrat de concession ;

4. Considérant, en deuxième lieu, que, par un courrier notifié le 27 mars 1995, le maire de Fontainebleau a expressément informé la SA EGS de la résiliation prononcée à l'égard de la société GIS Parcs et l'a invitée à prendre contact avec ses services pour convenir des " modalités d'indemnisation réciproques " conformément à l'article 9-2 de la convention de sous-concession ; qu'il est constant qu'aucune des parties n'a alors pris l'initiative de mettre un terme à l'exploitation du marché forain par la SA EGS et de proposer un mode de règlement amiable de la situation née de la résiliation du contrat de concession ; qu'au cours de l'année 1996, la commune de Fontainebleau a en revanche mis en oeuvre, vis-à-vis de la SA EGS, une " redevance spéciale d'ordures ménagères " ; qu'il ressort du courrier du 16 décembre 1996 qu'après que le responsable de la voirie de la commune eut conjointement évalué, avec la SA EGS, en juin 1996, le coût de l'entretien relatif aux ordures ménagères, le nombre de conteneurs nécessaires et le volume annuel d'ordures ménagères à traiter, cette " redevance spéciale " a été fixée à 49 920 euros ; qu'il ressort de l'analyse des courriers des 2 mars 1998, 25 juin 1999 et 11 juillet 2000 que la commune de Fontainebleau a modifié le montant de cette " redevance spéciale d'enlèvement des déchets non ménagers ", avec le consentement de la SA EGS, en la portant à 58 240 francs pour 1998, 62 400 francs pour 1999 et 62 400 francs pour l'année 2000 ; que, par un courrier du 20 janvier 1997, la commune de Fontainebleau a également consenti que, dans le cadre de l'exploitation du marché Saint-Louis par la SA EGS, les prestations de nettoyage du marché forain soient assurées par la commune (balayeuse mécanique + chauffeur), moyennant un coût annuel, pour la SA EGS, de 9 990 francs ; que, par un courrier du 1er octobre 1999, la SA EGS a demandé à la commune de Fontainebleau " en application du cahier des charges de concession ", l'autorisation d'augmenter les tarifs figurant à l'article 3 A de la convention de sous-concession relatifs à l'" emplacement couvert sous-halle ", l'emplacement au sol nu découvert ", le " droit de déchargement " et la " participation au nettoyage " ; que, par un courrier du 14 mars 2000, faisant suite à une réunion du 10 février 2000, le maire de Fontainebleau a informé la SA EGS qu'une procédure de délégation de service public devait prochainement être organisée et lui a demandé, " afin d'éviter que la ville prenne unilatéralement les mesures qui s'imposent pour prendre acte de la convention de sous-concession ", de lui indiquer les voies amiables envisagées pour " la cession " de l'exploitation du marché forain ; qu'en réponse à ce courrier, la SA EGS a, le 30 mai 2000, fait état de " plusieurs pistes afin de déboucher sur un accord amiable " et des " principes " précédemment discutés pour " repositionner " leurs " relations " et a notamment " suggéré une " solution mixte incluant une période de préavis adapté permettant un nécessaire rattrapage financier " ; que, par une délibération du 23 novembre 2000, le conseil municipal de Fontainebleau a adopté les tarifs de droits de stationnement sur le marché de Fontainebleau, à compter du 1er janvier 2000, conformément aux propositions faite par la SA EGS ; que, par un courrier du 16 novembre 2001, le directeur départemental de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes de la Seine-et-Marne a exposé au maire de Fontainebleau la situation de la commune vis-à-vis de la SA EGS, au vu des éléments communiqués par les services communaux, en indiquant que cette entreprise, qui devait être regardée comme titulaire d'une " subdélégation de fait " percevait les produits, dont les droits de place, sans que le moindre franc ne soit reversé à la ville, qu'il était " tout à fait logique qu'EGS souhaite la poursuite des relations (30 ans de " contrat " restant à courir avec conservation de la totalité des recettes) et que la commune veuille y mettre fin " et a fait état de la proposition de la SA EGS tendant à un raccourcissement de la durée du contrat moyennant une participation financière de la ville, selon des modalités restant à déterminer " avant de proposer au maire, au vue de la durée " aberrante " de la sous-concession et " si tant est qu'elle ait une existence légale ", de procéder à sa résiliation ; que, par une délibération du 11 février 2004, le conseil de municipal de Fontainebleau, afin " de mettre fin à la situation de gestionnaire de fait dans laquelle se trouve actuellement la SA EGS (...), dans " l'attente de la mise en place d'une délégation de service public " et afin de " permettre à la ville d'encaisser la partie des recettes restant après rémunération du gestionnaire ", a décidé de créer une régie de recettes au profit de la société EGS permettant à la ville de percevoir les droits de place du marché forain " ; que cette régie, qui a été instituée par un arrêté municipal du 15 novembre 2004, a été mise en oeuvre à compter du 1er décembre 2004 ; que, par une délibération du conseil municipal du 23 juin 2005, le bénéfice des produits d'exploitation de l'année 2004 a été conservé par la commune pour un montant de 33 350 euros tandis que les produits d'exploitation de l'année 2005 ont été répartis à hauteur de 75 % pour la SA EGS et de 25 % pour la commune ; qu'il résulte également de l'instruction que la SA EGS a transmis à la commune de Fontainebleau, chaque année, un compte-rendu d'exploitation détaillé et assorti de nombreuses pièces justificatives ; que dans ces comptes figurent notamment le " montant des produits perçus ", correspondant aux droits de places acquittés par les commerçants, ventilé mois par mois, et les " charges constatées d'avance " correspondant, pour l'essentiel, comme le souligne le rapport d'expertise, à la répartition pluriannuelle du montant de la redevance acquittée par la SA EGS auprès de la société GIS Parcs en 1991 ; que, par un courrier du 10 novembre 2006, le maire de Fontainebleau a demandé à la SA EGS de cesser d'exercer son service et lui a interdit, sans délai, " de gérer le marché forain " ; que, le 16 novembre 2006, la SA EGS a réclamé à la commune le versement d'une somme de 200 000 euros en lui indiquant, notamment, qu'elle s'était contentée de répondre à des missions que lui a confiées la commune ; que, le 24 novembre 2006, le maire de la commune a rejeté la demande de la SA EGS et, à nouveau, lui a demandé de cesser l'exploitation du marché forain ; qu'il résulte de l'instruction, et en particulier du rapport de l'expert, que la SA EGS a cessé d'exploiter le marché Saint-Louis le 31 décembre 2006, date à laquelle la commune de Fontainebleau a mis en place une régie municipale pour la gestion du marché forain ;

5. Considérant, d'une part, qu'il résulte de la chronologie exposée au point 4 qu'après la résiliation du contrat de concession, en janvier 1995, la SA EGS a continué à gérer totalement le marché forain de Saint-Louis pour le compte de la commune de Fontainebleau en attribuant elle-même les places de stationnement, en organisant la préparation de ce marché et en assurant le nettoyage ; que, jusqu'au 30 novembre 2004, la SA EGS, qui a seulement reversé à la commune de Fontainebleau une redevance spéciale d'enlèvement des déchets non ménagers et une somme correspondant aux moyens de nettoyage fournis par la commune, a été rémunérée de ses prestations en percevant directement les droits de place et en conservant l'intégralité du montant de ces droits ; que, compte tenu de ces éléments, des informations dont la commune de Fontainebleau disposait sur l'absence d'amortissement, lors de la résiliation du contrat de concession, de la redevance de 3 000 000 de francs HT acquittée par la SA EGS auprès de la société GIS Parcs lors de la conclusion de la convention de sous-concession, de la parfaite connaissance qu'elle avait, chaque année, notamment par la production des comptes d'exploitation, des activités de la SA EGS, eu égard également aux décisions prises tant par les services de la commune que par le conseil municipal vis-à-vis de la gestion de l'exploitation du marché Saint-Louis, de l'absence de toute mesure coercitive jusqu'à la fin de l'année 2006, la commune de Fontainebleau doit être regardée, dans les circonstances de l'espèce, comme ayant consenti à conclure avec la SA EGS, à compter du 1er janvier 1995 jusqu'au 30 novembre 2004, une délégation de service public pour l'exploitation du marché forain de Saint-Louis avec affermage des droits de place ;

6. Considérant, d'autre part, qu'à compter du 1er décembre 2004, la SA EGS a reversé à la commune l'intégralité des droits de place et sa rémunération a été directement assurée par la commune ; qu'il résulte de l'instruction, et en particulier du mode de calcul non contesté du montant du bénéfice conservé par la commune au titre de l'année 2004, des termes mêmes de la délibération du 23 juin 2005, du courrier du 6 février 2007 de la SA EGS et de l'absence de toute nouvelle délibération de la commune ou de toute autre position exprimée par les parties entre décembre 2004 et décembre 2006 sur la rémunération de la SA EGS, que les parties à cette nouvelle convention doivent être regardées comme ayant consenti à ce que la rémunération de la SA EGS, pendant la période d'exécution du contrat, soit assurée, d'une part, par le reversement, par la commune, de 75 % des produits annuels de l'exploitation et, d'autre part, le cas échéant, par le versement d'une somme correspondant à 50 % du bénéfice annuel dégagé par l'exploitation compte tenu des charges annuelles supportées par la SA EGS au titre de cette exploitation ; que, compte tenu des termes de la délibération du 11 février 2004 indiquant que la gestion du marché ne serait confiée à la société EGS que pour la durée strictement nécessaire à la mise en place d'un nouveau mode de gestion compatible avec les exigences de la législation en vigueur et de la modification substantielle du mode de rémunération de la SA EGS qui est intervenue à compter du 1er décembre 2004, la commune de Fontainebleau doit être regardée comme ayant conclu avec la SA EGS, à compter de cette dernière date, une nouvelle convention de délégation de service public pour l'exploitation du marché forain de Saint-Louis sans affermage des droits de place ;

7. Considérant, en dernier lieu, que le courrier du 16 novembre 2006 mentionné au point 4 doit être analysé comme la décision par laquelle le maire de la commune de Fontainebleau a prononcé la résiliation de la convention de délégation de service public consentie à compter du 1er décembre 2004 ;

Sur le litige opposant la commune de Fontainebleau et la SA EGS relatif à la période allant du 1er janvier 1995 au 30 novembre 2004 :

8. Considérant, d'une part, que l'article 136 du décret du 17 mai 1809 relatif aux octrois municipaux et de bienfaisance, applicable aux droits de places perçus dans les halles et marchés, attribue spécialement compétence aux tribunaux judiciaires pour statuer sur toutes les contestations qui pourraient s'élever entre les communes et les fermiers de ces taxes indirectes, sauf renvoi préjudiciel à la juridiction administrative sur le sens et la légalité des clauses contestées des baux ;

9. Considérant, d'autre part, que, si la juridiction administrative, saisie en exécution d'une décision de renvoi de l'autorité judiciaire, est compétente pour apprécier la légalité d'un contrat relatif à la perception des droits de place dans les halles, foires et marchés, il revient en revanche à la seule autorité judiciaire, lorsqu'elle est saisie par une commune et son cocontractant d'un litige relatif à l'exécution du contrat qui les lie, d'apprécier si elle doit écarter le contrat et renoncer à régler le litige sur le terrain contractuel, eu égard à l'illégalité constatée, le cas échéant, par la juridiction administrative ;

10. Considérant que le litige opposant la commune de Fontainebleau et la SA EGS pour ce qui concerne la période allant du 1er janvier 1995 au 30 novembre 2004 concerne l'exécution d'un contrat innommé, analysé au point 5, comportant une délégation de service public avec affermage des droits de place ; que, dès lors, quels que soient par ailleurs les fondements juridiques (responsabilité contractuelle, quasi-contractuelle et quasi-délictuelle) sur lesquels les parties à ce premier contrat fondent leur action, il n'appartient pas à la juridiction administrative de connaître du litige les opposant ;

11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les moyens de la requête, le jugement attaqué, en tant qu'il statue sur les demandes indemnitaires des parties concernant la période allant du 1er février 1995 au 30 novembre 2004, doit être annulé et ces demandes doivent être rejetées comme portées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître ;

Sur le litige opposant la commune de Fontainebleau et la SA EGS relatif à la période postérieure au 30 novembre 2004 :

En ce qui concerne le règlement du litige sur un fondement contractuel :

12. Considérant que lorsque les parties soumettent au juge un litige relatif à l'exécution du contrat qui les lie, il incombe en principe à celui-ci, eu égard à l'exigence de loyauté des relations contractuelles, de faire application du contrat ; que, toutefois, dans le cas seulement où il constate une irrégularité invoquée par une partie ou relevée d'office par lui, tenant au caractère illicite du contrat ou à un vice d'une particulière gravité relatif notamment aux conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement, il doit écarter le contrat et ne peut régler le litige sur le terrain contractuel ; qu'ainsi, lorsque le juge est saisi d'un litige relatif à l'exécution d'un contrat, les parties à ce contrat ne peuvent invoquer un manquement aux règles de passation, ni le juge le relever d'office, aux fins d'écarter le contrat pour le règlement du litige ; que, par exception, il en va autrement lorsque, eu égard d'une part à la gravité de l'illégalité et d'autre part aux circonstances dans lesquelles elle a été commise, le litige ne peut être réglé sur le fondement de ce contrat ;

13. Considérant qu'aux termes de l'article L. 1411-1 du code général des collectivités territoriales : " Une délégation de service public est un contrat par lequel une personne morale de droit public confie la gestion d'un service public dont elle a la responsabilité à un délégataire public ou privé, dont la rémunération est substantiellement liée aux résultats de l'exploitation du service. Le délégataire peut être chargé de construire des ouvrages ou d'acquérir des biens nécessaires au service. / Les délégations de service public des personnes morales de droit public relevant du présent code sont soumises par l'autorité délégante à une procédure de publicité permettant la présentation de plusieurs offres concurrentes, dans des conditions prévues par un décret en Conseil d'Etat. (...) / La commission mentionnée à l'article L. 1411-5 dresse la liste des candidats admis à présenter une offre après examen de leurs garanties professionnelles et financières (...) et de leur aptitude à assurer la continuité du service public et l'égalité des usagers devant le service public. / La collectivité adresse à chacun des candidats un document définissant les caractéristiques quantitatives et qualitatives des prestations ainsi que, s'il y a lieu, les conditions de tarification du service rendu à l'usager. / Les offres ainsi présentées sont librement négociées par l'autorité responsable de la personne publique délégante qui, au terme de ces négociations, choisit le délégataire " ; qu'aux termes de l'article L. 1411-2 du même code : " Les conventions de délégation de service public doivent être limitées dans leur durée. Celle-ci est déterminée par la collectivité en fonction des prestations demandées au délégataire. Lorsque les installations sont à la charge du délégataire, la convention de délégation tient compte, pour la détermination de sa durée, de la nature et du montant de l'investissement à réaliser et ne peut dans ce cas dépasser la durée normale d'amortissement des installations mises en oeuvre " ; qu'aux termes de l'article L. 1411-3 de ce code : " Les assemblées délibérantes des collectivités territoriales, de leurs groupements et de leurs établissements publics se prononcent sur le principe de toute délégation de service public local après avoir recueilli l'avis de la commission consultative des services publics locaux (...). Elles statuent au vu d'un rapport présentant le document contenant les caractéristiques des prestations que doit assurer le délégataire " ;

14. Considérant, d'une part, qu'il ne résulte pas de l'instruction, compte tenu de ce qui a été dit aux points 4 et 6, que l'une ou l'autre des parties au contrat informel analysé au point 6, liant la SA EGS à la commune de Fontainebleau entre le 1er décembre 2004 et le 31 décembre 2006, aurait pratiqué des manoeuvres dolosives de nature à vicier, en l'espèce, le consentement de l'autre partie ;

15. Considérant, d'autre part, que si ce contrat a été conclu, en méconnaissance des règles et des principes gouvernant le régime juridique des délégations de service public, sans que le conseil municipal de Fontainebleau se prononce expressément sur le principe de la délégation du service public du marché Saint-Louis, sans qu'aucune procédure de publicité ou de mise en concurrence ne soit organisée, sans que la commission chargée d'examiner les offres ne s'assure préalablement des garanties professionnelles et financières de la SA EGS et de son aptitude à assurer la continuité du service public et l'égalité des usagers devant le service public et sans que la commune puisse choisir le délégataire au terme de négociations, il résulte toutefois de l'instruction, et en particulier des délibérations des 11 février 2004 et 23 juin 2005 et de ce qui a été dit aux points 4 et 6, que le conseil municipal a expressément consenti à ce que la SA EGS poursuive l'exploitation du marché Saint-Louis, dans des conditions financières déterminées, et pour une durée limitée au temps nécessaire à la mise en oeuvre d'une procédure de délégation de service public ; que, dans ces circonstances, eu égard à l'exigence de loyauté des relations contractuelles, la commune de Fontainebleau ne peut pas se prévaloir de la méconnaissance des règles de passation des conventions de délégation de service public pour demander que ce contrat soit écarté pour régler le litige l'opposant à la SA EGS ; qu'elle n'est pas davantage fondée à soutenir que la convention de délégation de service public aurait en l'espèce été conclue pour une durée indéterminée ;

En ce qui concerne les sommes réclamées par la SA EGS :

S'agissant des créances contractuelles au titre des années 2005 et 2006 :

16. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et en particulier du rapport de l'expert, que les produits d'exploitation de l'année 2005 se sont élevés à 263 160,85 euros tandis que les charges de l'exploitation se sont élevées à 199 349 euros et que les produits d'exploitation de l'année 2006 se sont élevés à 296 477 euros tandis que les charges de l'exploitation se sont élevées à 241 734 euros ; que le bénéfice de l'exploitation du marché Saint-Louis a donc été de 63 811,85 euros en 2005 et de 54 743 euros en 2006 ; que, compte tenu des clauses contractuelles analysées au point 6, la SA EGS devait ainsi percevoir, au titre de la rémunération de l'année 2005, une somme de 197 370,98 euros au titre des produits d'exploitation ainsi qu'une somme de 31 905,93 euros au titre du bénéfice et, au titre de la rémunération de l'année 2006, une somme de 222 357,75 euros au titre des produits d'exploitation ainsi qu'une somme de 27 371,50 euros au titre du bénéfice ; qu'il résulte de l'instruction et n'est pas contesté qu'au titre des années 2005 et 2006, la SA EGS n'a perçu qu'une somme de 197 370,98 euros ; qu'elle a donc droit à une rémunération contractuelle supplémentaire de 281 635,18 euros (31 905,93 + 222 357,75 + 27 371,50) ;

17. Considérant, en revanche, que la SA EGS n'établit nullement que la somme de 11 434,32 euros, correspondant à une partie de la redevance d'enlèvement des déchets non ménagers qu'elle a versée au Smictom de la région de Fontainebleau dans le cadre de l'exploitation du marché forain, devait contractuellement être mise à la charge de la commune de Fontainebleau ;

S'agissant des préjudices consécutifs à la résiliation du contrat :

18. Considérant que la commune de Fontainebleau était tenue de mettre fin aux irrégularités entachant la convention de délégation de service public conclue le 1er décembre 2004 ; qu'elle n'a ainsi commis aucune faute en mettant un terme, à la fin de l'année 2006, à l'exploitation du marché forain par la SA EGS, pour ce motif d'intérêt général ; que la SA EGS n'est pas fondée à se prévaloir à ce titre de la stipulation de l'article 9-2 de la convention de sous-concession qui, comme il a été dit au point 2, était devenue caduque à compter du 1er janvier 1995 ; que, compte tenu de ce motif d'intérêt général, de la durée très limitée dans le temps de cette délégation de service public, de ce que la SA EGS n'a pas réalisé d'investissements au cours de la période d'exécution du contrat et de l'amortissement complet, dans les comptes de l'exploitation, de la " redevance d'exploitation " acquittée en 1991, la SA EGS n'est pas fondée à demander la réparation d'un éventuel préjudice moral et des préjudices résultant, pour elle, du coût du licenciement de certains de ses agents et d'un manque à gagner ; que la SA EGS n'a dès lors pas droit à la réparation des préjudices qu'elle allègue avoir subi en raison de la résiliation de ce contrat ;

En ce qui concerne les intérêts au taux légal et la capitalisation des intérêts :

19. Considérant, d'une part, que lorsqu'ils ont été demandés, et quelle que soit la date de cette demande, les intérêts moratoires dus en application de l'article 1153 du code civil courent à compter du jour où la demande de paiement du principal est parvenue au débiteur ou, en l'absence d'une telle demande préalablement à la saisine du juge, à compter du jour de cette saisine ; que, par suite, la SA EGS a droit aux intérêts au taux légal afférents à la somme de 281 635,18 euros à compter du 27 avril 2007, jour de la réception de sa demande préalable adressée à la commune de Fontainebleau ;

20. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 1154 du code civil : " Les intérêts échus des capitaux peuvent produire des intérêts, ou par une demande judiciaire, ou par une convention spéciale, pourvu que, soit dans la demande, soit dans la convention, il s'agisse d'intérêts dus au moins pour une année entière " ; que la capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond, même si, à cette date, les intérêts sont dus depuis moins d'une année ; qu'en ce cas, cette demande ne prend toutefois effet qu'à la date à laquelle, pour la première fois, les intérêts sont dus pour une année entière ; que, le cas échéant, la capitalisation s'accomplit à nouveau à l'expiration de chaque échéance annuelle ultérieure sans qu'il soit besoin de formuler une nouvelle demande ; que la SA EGS a demandé la capitalisation des intérêts dans sa requête d'appel enregistrée le 27 mai 2011 ; qu'à cette date, une année d'intérêts était due ; que, dès lors, cette demande prend effet à compter 27 mai 2011 ;

En ce qui concerne les sommes réclamées par la commune de Fontainebleau à titre reconventionnel :

21. Considérant que le Tribunal administratif a statué sur la demande reconventionnelle de la commune de Fontainebleau sur un fondement quasi-contractuel et quasi-délictuel, alors qu'il ressort très clairement des écritures de première instance de la commune que celle-ci n'a exercé son action reconventionnelle qu'en se fondant sur le seul fondement quasi-contractuel ; que la SA EGS est dès lors fondée à soutenir que les premiers juges ont, sur ce point, statué ultra petita et à demander l'annulation de cette partie du jugement pour ce motif ;

22. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande reconventionnelle présentée par la commune de Fontainebleau au titre de la période allant du 1er décembre 2004 au 31 décembre 2006 ;

23. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit au point 15, le litige opposant la commune de Fontainebleau à la SA EGS est réglé, non pas sur un fondement quasi-contractuel, mais sur un fondement contractuel ; que la commune de Fontainebleau ayant fondé son action reconventionnelle, tant dans ses écritures de première instance que d'appel, que sur le seul fondement quasi-contractuel, sa demande reconventionnelle au titre de la période allant du 1er décembre 2004 au 31 décembre 2006 doit être rejetée ;

Sur les dépens de première instance :

24. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article R. 741-11 du code de justice administrative : " Lorsque le président du tribunal administratif, de la cour administrative d'appel ou, au Conseil d'Etat, le président de la section du contentieux constate que la minute d'une décision est entachée d'une erreur ou d'une omission matérielle non susceptible d'avoir exercé une influence sur le jugement de l'affaire, il peut y apporter, par ordonnance rendue dans le délai d'un mois à compter de la notification aux parties, les corrections que la raison commande " ;

25. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. / Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties (....) " ;

26. Considérant que, par une ordonnance du 15 avril 2011, le président du Tribunal administratif de Melun a corrigé le jugement n°0704795 du 3 mars 2011, sur le fondement de l'article R. 741-11 du code de justice administrative, en mettant les frais de l'expertise, ordonnée le 11 avril 2008 à la demande de la commune de Fontainebleau puis taxée et liquidée à la somme de 24 230,96 euros, à la charge définitive de la commune de Fontainebleau et de la SA EGS, respectivement à hauteur des deux tiers et du tiers, et en insérant un nouvel article, dans le dispositif du jugement, précisant que " la société EGS versera à la commune de Fontainebleau une somme de 8 077 euros au titre des frais de l'expertise " ;

27. Considérant qu'il n'appartient qu'à la formation de jugement ayant eu à connaître de l'affaire de statuer sur les frais prévus par l'article R. 761-1 du code de justice administrative et, en particulier, sur la répartition, entre les parties, de la charge définitive de ces frais ; que, dès lors, en corrigeant, comme il l'a fait, le jugement attaqué, le président du Tribunal administratif de Melun a fait une inexacte application des dispositions de l'article R. 741-11 du code de justice administrative ; que la SA EGS est dès lors fondée à demander l'annulation de cette partie du jugement ainsi corrigée ;

28. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les dépens de l'instance ;

29. Considérant que, compte tenu des motifs du présent arrêt, et du montant de la condamnation prononcée à l'encontre de la commune de Fontainebleau, cette dernière doit être regardée comme partie perdante sans qu'aucune circonstance particulière, au sens et pour l'application de l'article R. 761-1, ne justifie de procéder à un partage des dépens ; que, dès lors, il y a lieu de mettre les frais de l'expertise, d'un montant de 24 230,96 euros, à la charge définitive de la commune de Fontainebleau ;

30. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la SA EGS est fondée à demander la condamnation de la commune de Fontainebleau à lui verser une somme de 281 635,18 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 27 avril 2007 et la capitalisation des intérêts à compter du 27 mai 2011 et à demander l'annulation du jugement et des ordonnances attaqués ; que l'appel incident de la commune de Fontainebleau doit en revanche être rejeté ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

31. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Fontainebleau une somme de 4 000 euros au titre des frais exposés par la SA EGS en première instance et en appel et non compris dans les dépens ;

32. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la SA EGS, qui n'est pas la partie perdante dans la présence instance, le versement d'une quelconque somme au titre des frais exposés par la commune de Fontainebleau et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n°0704795/2 en date du 3 mars 2011, l'ordonnance n°0704795/2 du 15 avril 2011 et l'ordonnance n°0704795/2 du 17 mai 2011 sont annulés.

Article 2 : La commune de Fontainebleau est condamnée à verser à la SA EGS une somme de 281 635,18 euros. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 27 avril 2007. Les intérêts échus à la date du 27 mai 2011, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date, seront capitalisés pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 3 : Les dépens, d'un montant de 24 230,96 euros, sont mis à la charge définitive de la commune de Fontainebleau.

Article 4 : La commune de Fontainebleau versera à la SA EGS une somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions et des demandes présentées par les parties est rejeté.

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N° 11PA02477


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 11PA02477
Date de la décision : 03/07/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-01-01 Marchés et contrats administratifs. Notion de contrat administratif. Existence d'un contrat.


Composition du Tribunal
Président : M. PERRIER
Rapporteur ?: M. Laurent BOISSY
Rapporteur public ?: M. ROUSSET
Avocat(s) : ISRAEL

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2013-07-03;11pa02477 ?
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